2. Les perspectives de modération de la dépense

a) Les gisements d'économie en matière d'assurance maladie

Dans son rapport annuel du 13 juillet 2007, le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) indique que « face à la tendance haussière [des dépenses d'assurance maladie], (...) il existe des marges d'économies importantes. Encore faut-il être capable de les cerner et de déployer les politiques permettant de les lever ».

Au regard des masses financières en jeu et des scénarios d'évolution de dépenses retenus, les deux principaux postes qui nécessitent des réformes rigoureuses sont, d'une part, les dépenses de soins de ville , et au sein de ces dernières, plus particulièrement les dépenses de médicaments, les honoraires privés et les indemnités journalières ; d'autre part, les dépenses hospitalières.

Economies nécessaires pour atteindre l'objectif d'une croissance des dépenses d'assurance maladie de 2 % par an


• Dans son rapport préparatoire au débat d'orientation budgétaire pour 2008, l'objectif fixé par le gouvernement à l'assurance maladie est un taux de croissance des dépenses d'au plus 2 % en volume en moyenne sur la période .

Or la prévision pour 2007 est une croissance de 4 % des dépenses d'assurance maladie (estimation de la commission des comptes de la sécurité sociale). Si l'on retient un montant de dépenses de santé de 150 milliards d'euros, diminuer le taux de croissance de ces dépenses de 2 points signifie donc d'élaborer un plan de redressement de 3 milliards d'euros .


• Les mesures répertoriées par votre rapporteur général permettraient, si elles étaient intégralement mises en oeuvre, de dégager environ 3,6 milliards d'euros d'économies sur un an , auxquels viendraient s'ajouter 1,15 milliard d'euros d'économies issues du plan de redressement proposé par le gouvernement dans le cadre de la procédure d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie.

(1) Les dépenses de soins de ville

§ Les dépenses de médicaments

Des gisements importants d'économies sont à rechercher dans le domaine du médicament : d'une part, parce qu'il s'agit d'un poste élevé et dynamique de dépenses (33 % des dépenses de soins de ville du régime général en 2006 ; + 3,7 % sur la période janvier-mai 2007 par rapport à la période correspondante de 2006 39 ( * ) ) ; d'autre part, parce que comme le souligne le HCAAM, c'est également le secteur dans lequel les mesures, mises en oeuvre en application de la loi du 13 août 2004 portant réforme de l'assurance maladie, ont eu le rendement « le plus net ».

Pour ce secteur, le HCAAM préconise :

- de mobiliser les marges existantes sur le générique : la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) les évalue à 250 millions d'euros sur les prochaines années ;

- de diminuer le nombre d'actes médicaux s'achevant par la prescription d'une ordonnance . Selon le HCAAM, une baisse de dix points du ratio actes avec ordonnances / total des actes engendrerait une économie de 1,5 milliard d'euros ;

- de supprimer ou limiter la prise en charge des médicaments à service médical rendu (SMR) insuffisant , aujourd'hui remboursés à 35 % (médicaments à « vignette bleue »), pour un gain estimé à 0,8 milliard d'euros ;

- de revoir les marges de distribution des grossistes-répartiteurs et des officines , qui représentent, selon le HCAAM, 28 % des dépenses totales sur le marché des médicaments en ville. Le potentiel d'économies est évalué à 500 millions d'euros sur cinq ans.

§ Les honoraires privés

Les honoraires privés (généralistes, spécialistes, sages femmes, dentistes) constituent le second poste de dépenses de soins de ville (28 % des dépenses de soins de ville du régime général en 2006). Il s'agit d'un secteur là aussi très dynamique , en raison d'un effet volume (la forte progression du nombre de recours au médecin par habitant, qui est passé de 5,4 en 1980 à plus de 9 en 2005 40 ( * ) ) et d'un effet prix (la revalorisation des honoraires médicaux a engendré une augmentation de 29 % de la rémunération des généralistes entre le 1 er juillet 2002 et le 1 er juin 2008 41 ( * ) ).

Dans ce secteur, les principales voies d'économies sont donc à rechercher dans la stabilisation du nombre de recours au médecin par habitant grâce à une meilleure organisation du système de soins (développement de la prévention, réduction du nombre d'actes inutiles, délégation à d'autres professionnels), mais aussi dans une réflexion approfondie à mener sur les modes de rémunération des professionnels de santé, afin de réorienter leur pratique vers la recherche du meilleur rapport qualité/prix.

§ Les indemnités journalières

Le renforcement des contrôles des indemnités journalières (IJ) engagées par la CNAMTS depuis 2003 a eu un impact non négligeable sur l'évolution de ce poste de dépenses : après une progression de l'ordre de 8 % par an en moyenne entre 1997 et 2000, les indemnités ont reculé de 1,2 % en 2005 et 0,8 % en 2006. Cependant, comme le souligne la Commission des comptes de la sécurité sociale, les IJ connaîtraient une nette accélération en 2007 (en date de soins, l'acquis de croissance à la fin du mois de mars 2007 était de l'ordre de 2,9 %).

C'est pourquoi, de nouvelles mesures semblent nécessaires. L'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l'inspection générale des finances (IGF) dans leur rapport d'octobre 2003 42 ( * ) avaient, à cet égard, suggéré plusieurs pistes de mesures qui pourraient être étudiées :

- la fiscalisation des IJ perçues par les patients victimes d'affection de longue durée (ALD) , qui permettrait de dégager 200 millions d'euros par an ;

- la suppression de la majoration du taux d'IJ au bout de six mois , soit 15 millions d'euros de potentiel d'économies;

- le passage à un calcul des IJ sur 365 jours et non plus 360 , pour un montant d'économies évalué à 70 millions d'euros par an.

(2) Les dépenses hospitalières

Si les dépenses de soins de ville expliquent en grande partie le dérapage des dépenses de santé et constituent donc un chantier d'économies important, votre rapporteur général tient néanmoins à souligner la nécessité de prendre également en compte les dépenses hospitalières. Car, si leur rythme de croissance s'est ralenti depuis 2002, il reste encore très soutenu et est aujourd'hui plus rapide que celui des soins de ville :

Evolution des dépenses d'assurance maladie du champ ONDAM

(en %)

2002

2003

2004

2005

2006

2007

Etablissements de santé

6,3

5,5

4,5

4,4

3,1

3,8

Etablissements médico-sociaux

7,9

9,0

9,0

7,8

6,1

7,0

Soins de ville

8,0

6,2

4,3

3,1

2,4

3,6

Total ONDAM

7,1

6,4

4,9

4,0

3,1

4,0

Source : rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, juin 2007

Dans ce secteur, les chantiers d'économies sont de plusieurs ordres. Le HCAAM, dans son rapport annuel précité, en liste quatre principaux :

- la poursuite de la restructuration du réseau hospitalier , par le développement des alternatives à l'hospitalisation et la meilleure coordination entre l'activité hospitalière, la médecine ambulatoire et les établissements médico-sociaux. A cet égard, il est à noter que la CNAMTS évalue à 100 millions d'euros par an, les économies potentielles d'une prise en charge ambulatoire plus systématique de cinq interventions chirurgicales identifiées comme fréquentes pratiquées en établissement de santé ;

- la recherche de gains d'efficience dans l'organisation interne des établissements. A cet égard, la mise en oeuvre de la tarification à l'activité (T2A) gagnerait à être complétée par diverses mesures : la tenue de tableaux de bord sur les performances des établissements, l'intégration systématique d'engagements de performance dans les contrats d'objectifs et de moyens passés entre les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) et les établissements ou encore la constitution d'équipes dédiées à la recherche des gains de productivité ;

- le redéploiement du personnel hospitalier, afin de permettre des rééquilibrages régionaux. Le HCAAM indique que les importants départs à la retraite que devrait connaître le secteur hospitalier est, de ce point de vue, un levier d'action essentiel ;

- la maîtrise des dépenses de médicaments et de dispositifs médicaux, enfin, par un contrôle plus rigoureux des prescriptions. Ces dépenses représentaient, en 2005, 30 % des dépenses des centres hospitaliers universitaires (CHU) 43 ( * ) .

(3) Une réflexion de fond : le réaménagement du système de prise en charge

Les marges d'économies sur les principaux postes de dépenses de l'assurance maladie sont ainsi importantes. Cependant, la soutenabilité du système actuel impose de compléter ces mesures par une réflexion de fond et sans a priori sur ce que doivent être aujourd'hui les modalités de prise en charge des dépenses de santé et le champ de l'assurance maladie obligatoire .

Le contexte de forte augmentation des dépenses d'assurance maladie nécessite en effet de réfléchir à de nouveaux mécanismes qui « soulagent les comptes publics 44 ( * ) », ainsi qu'à un nouveau partage du financement de la sécurité sociale entre le contribuable, l'assuré social et le consommateur de soins.

Comme le rappelait le HCAAM dans un document de travail daté du 20 novembre 2003, « les pays étrangers sont tous engagés dans une politique d'ajustements qui resserrent les conditions de remboursement et soulagent les régimes obligatoires ». Or ils présentent, pour la plupart, des systèmes de paiement qui ne diffèrent pas radicalement du nôtre en niveau global de prise en charge.

A cet égard, il est important de rappeler les principales caractéristiques du système de prise en charge en vigueur en France , à savoir : un taux de remboursement élevé (plus de 80 %) qui tend à augmenter en raison de la croissance des dépenses exonérées ; un reste à payer moyen d'un montant modéré (400 euros par personne), le plus souvent indépendant du revenu des assurés, ainsi qu'une importante diffusion des couvertures complémentaires .

Afin de stabiliser voire diminuer le taux de prise en charge des dépenses de santé, quatre pistes de réformes sont proposées par le HCAAM :

- l'instauration d'un régime unifié de prise en charge avec suppression de toutes les exonérations, l'instauration d'un ticket modérateur unique et le plafonnement des restes à payer : cette réforme présenterait, selon le HCAAM, de réels avantages de rationalité, d'équité et de maîtrise ;

- un encadrement plus strict des exonérations , ce qui suppose notamment de revoir les critères et les modalités de prise en charge des affections de longue durée (ALD), en particulier des soins dispensés sans rapport avec l'affection ouvrant droit à une prise en charge intégrale. A cet égard, il est à noter que la CNAMTS chiffrait le potentiel d'économies d'un respect plus strict du principe consistant à ne prendre en charge à 100 % que les soins en rapport avec l'ALD à 2 milliards d'euros par an ;

- la mise en place de systèmes de franchises ou forfaits, aujourd'hui étudiés par le gouvernement et dont les effets sont décrits dans l'encadré suivant :

Les systèmes de forfaits et de franchises


Forfaits ou franchises ?

S'ils se différencient par leur technique ( le forfait porte sur toutes les consommations de soins, alors que la franchise ne s'applique que sur les premières dépenses ), le système de forfait et de franchise ont la même finalité : prélever une petite somme sur un très grand nombre d'assurés.

Dans le cas du forfait , le reste à payer étant proportionnel à la consommation, les grands consommateurs de soins sont fortement sollicités . Au contraire, dans le système des franchises , ces derniers sont relativement épargnés puisque leur contribution est plafonnée au montant de la franchise. En revanche, les assurés, dont les remboursements sont actuellement inférieurs à la franchise envisagée, ne devraient rien recevoir de la sécurité sociale .

Aujourd'hui, trois mécanismes de forfaits sont en vigueur en France : le forfait de un euro avec plafonnement à 50 forfaits pour les recours aux médecins et les analyses de biologie ; le forfait de 18 euros sur les actes techniques de plus de 91 euros ; le forfait journalier de 17 euros en établissement de santé.


Les modalités d'application

Ainsi que l'indique le HCAAM, la mise en place de systèmes de forfait ou de franchise soulève la question du choix de leurs modalités d'application : faut-il retenir une contribution par personne ou par ménage ? Faut-il instaurer des systèmes de franchise globaux ou par segments de soins ? Doivent-ils être pris en charge par les assurances complémentaires ? Faut-il tenir compte du niveau de revenu des ménages ?


Les économies attendues

Dans un rapport datant du mois d'avril 2004 sur la responsabilisation des assurés sociaux dans l'utilisation du système de soins, l'inspection générale des affaires sociales avait étudié l'impact économique de deux systèmes de forfait et de franchise :

- l'introduction d'un forfait de 50 centimes d'euros par boîte de médicament , généralisé à tous les assurés sans plafonnement : cette mesure aurait un rendement minimum de 1,2 milliard d'euros par an ;

- l'instauration d'une franchise annuelle de 50 euros sur l'ensemble des premiers remboursements , avec maintien, à taux inchangé, des actuels dispositifs de tickets modérateurs : ce dispositif aurait un rendement annuel de 2,8 milliards d'euros si elle était appliquée par bénéficiaire et sans cas d'exonération.

Source : d'après l'étude réalisée par le HCAAM dans son rapport annuel de 2007 précité

- le développement, enfin, de mécanismes permettant de lier le taux de prise en charge et le comportement des assurés . Aujourd'hui, celui-ci est en effet trop peu pris en compte, en dépit de quelques mesures récentes, comme la pénalisation en cas de non respect du parcours de soins, la suppression du tiers payant en cas de refus d'un générique ou les consultations gratuites de prévention dentaire pour certaines classes d'âge.

Plus globalement, votre rapporteur général estime que cette réflexion sur l'introduction de mécanismes régulateurs et de responsabilisation des assurés sociaux doit être complétée par la question de la répartition des interventions entre l'assurance maladie obligatoire et les assurances complémentaires en matière de dépenses de santé.

Certes, comme le soulignait le rapport du groupe de travail de la Commission des comptes de la sécurité sociale, présidé par M. Jean-François Chadelat, du mois d'avril 2003, il est illusoire de penser, compte tenu des masses financières en jeu, qu'une réforme de la répartition des interventions entre assurance maladie obligatoire et d'assurances complémentaires puisse résoudre les difficultés financières de l'assurance maladie. Cependant, il serait regrettable de se priver de la contribution que cette réforme pourrait apporter.

Parmi les pistes de réformes proposées, le rapport préconisait notamment la création d'une « couverture maladie généralisée » et l'instauration d'une coopération nouvelle et approfondie entre les organismes d'assurance maladie obligatoire et d'assurance maladie complémentaire fondée sur le copaiement (définition commune par les organismes obligatoires et complémentaires du panier de soins sous l'arbitrage de l'Etat) et la corégulation (association des assurances complémentaires à la gestion du risque).

* 39 Rapport précité de la Commission des comptes de la sécurité sociale.

* 40 Rapport annuel précité du HCAAM, 13 juillet 2007.

* 41 Avis du HCAAM du 24 mai 2007 sur les conditions d'exercice et de revenu des médecins libéraux.

* 42 Les dépenses d'indemnités journalières, rapport IGF n° 2003-M-049-01, rapport IGAS n° 2003-130, octobre 2003.

* 43 DREES, note n° 564, « Les médicaments dans les établissements de santé en 2005 », mars 2007.

* 44 Rapport annuel du HCAAM, 13 juillet 2007.

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