2. Développer le lectorat
a) En France
(1) Conforter le goût des jeunes pour la lecture et pour l'écrit
Comme l'illustre un livre récemment paru : « Qui lit petit lit toute la vie ». Aussi, préparer l'avenir passe bien entendu par le fait de susciter le goût des jeunes pour la lecture et pour l'écrit. Tout en étant les « lecteurs de demain », ils sont cependant les plus immergés dans les nouvelles technologies, celles-là même qui les distraient du livre...
Mobiliser le système éducatif
Cette forme de « reconquête » du jeune lectorat passe par la mobilisation du système éducatif. A cet égard, votre commission insistera notamment sur :
- l'utilité des listes de livres conseillés aux élèves en début d'année scolaire et, pourquoi pas, en fin d'année, les vacances offrant des plages de liberté plus importantes ;
- la remise à l'honneur de la « distribution des prix » à l'école , tradition qui s'est perdue alors qu'elle permettait aux livres de pénétrer dans les familles et qu'elle constituait souvent pour les jeunes l'amorce d'une bibliothèque ;
- la nécessaire sensibilisation des enseignants aux effets pervers de l'usage parfois excessif de photocopies et polycopiés , au détriment des oeuvres ou des ouvrages eux-mêmes.
Adapter la politique en faveur des manuels scolaires
Cette pratique renvoie aussi à la politique conduite en matière de livres scolaires.
Auditionnée par votre commission, Mme Catherine Lucet, directeur général des éditions Nathan, présidente de l'association « Savoir Livre » a indiqué que la fourniture gratuite de livres scolaires, instituée à partir de 2004 par de nombreuses régions, avait un impact variable sur le secteur de la librairie, suivant ses modalités : les achats directs et centralisés la pénalisent, alors que le système des cartes à puces ou des crédits attribués aux parents pour effectuer eux-mêmes l'achat des ouvrages est, en revanche, neutre.
Dans ces conditions, votre commission incite les collectivités territoriales souhaitant conduire des actions dans ce domaine à opter pour ces dernières modalités , qui entraînent la fréquentation des librairies par les élèves et leurs familles.
Par ailleurs, elle émet le voeu que le ministère de l'éducation nationale informe mieux les municipalités des modifications des programmes et adapte davantage encore le rythme de ces dernières aux besoins réels. Votre commission a, en effet, été frappée d'apprendre que 400 000 écoliers n'utilisent pas de manuels et qu'un million d'entre eux disposent, dans certaines matières, de manuels qui ne sont plus conformes aux programmes...
En outre, votre commission veillera, dans le cadre de l'examen des projets de loi de finances et de règlement, à ce que la globalisation des crédits opérée par la LOLF n'ôte rien au caractère prioritaire des subventions destinées à l'achat des livres.
Enfin, priorité devrait également être donnée au développement des technologies numériques à l'école et à la formation des enseignants dans ce domaine . Des contenus numériques pourraient ainsi accompagner les manuels scolaires. Des actions volontaristes devraient être conduites en ce sens. En effet, l'évolution de notre société ne rend-elle pas de plus en plus périlleux le grand écart exigé des enfants entre les activités numériques ludiques et interactives exercées à leur domicile et un mode de transmission des connaissances et des usages pédagogiques souvent d'un autre temps, employés à l'école ?
(2) Mobiliser les chaînes publiques de télévision et de radio
Le rôle prescripteur des critiques, animateurs et participants aux émissions littéraires est essentiel, que ce soit à la télévision ou à la radio. Tel est également le cas des articles que les critiques littéraires signent dans la presse écrite.
C'est pourquoi votre commission continuera à défendre, au titre des missions de service public de France Télévisions et de Radio France, le renforcement de ce type d'émission . De même, pour ce qui concerne la presse écrite, est-elle un fervent défenseur de la diversité culturelle.
(3) Multiplier les « évènements » autour du livre
Outre les actions structurelles en faveur du livre et en évitant le risque de disperser les moyens dans l'évènementiel, force est de constater que l'évolution de la société - avec la profusion de l'offre de loisirs culturels qui l'accompagne - incite à encourager l'organisation de manifestations en faveur du livre et de la lecture.
Dans cette perspective, après les initiatives « Livre en fête », « Le Printemps des poètes » ou « Le Mai du livre d'art », votre commission salue la nouvelle opération : « L'été des libraires » . Soutenue par le Centre national du livre (CNL), celle-ci a donné à douze livres de qualité une « seconde chance ». Ainsi, choisis par un jury de libraires, douze livres parus entre septembre 2006 et février 2007, non récompensés par des prix et dont les ventes ont semblé faibles au regard de leurs qualités, ont été proposés aux lecteurs dans près de 130 librairies, réparties dans toute la France.
b) A l'étranger
Votre commission est préoccupée par l'état critique de nombreuses librairies françaises à l'étranger et elle souhaite que notre pays renforce ses efforts pour les redynamiser . Outre d'éventuels soutiens financiers pour l'achat de livres, il serait souhaitable que les centres culturels français à l'étranger prennent encore davantage en compte le secteur du livre dans leurs priorités.
De même, la crise du secteur de la traduction , évoquée précédemment, doit trouver des réponses.
A cet égard, l'audition par votre commission de Mme Emma Archer, directrice de la « French-American Foundation » (FAF), et de M. Fabrice Rozié, alors attaché du livre et des échanges intellectuels à l'ambassade de France aux Etats-Unis, sur les relations franco-américaines dans le secteur de l'édition, a apporté un éclairage intéressant. Ils ont évoqué deux programmes, le premier d'aide à la traduction et le second, plus récent, destiné à sensibiliser les professionnels américains à l'importance du développement de la traduction, en écho au festival littéraire créé il y a deux ans.
Ce type de politique de long terme mérite d'être développé.
La participation aux salons professionnels à l'étranger doit être aussi encouragée. De ce point de vue, le bilan positif de la participation française à la récente Foire du livre de Pékin (du 30 août au 3 septembre), où une quinzaine d'éditeurs français s'étaient déplacés, montre la nécessité et l'enjeu d'un investissement dans la durée.
A cet égard, les réflexions du Bureau international de l'édition française (Bief) en vue de conforter la présence collective de l'édition française doivent être encouragées.
En guise de conclusion, votre commission est tentée de rendre hommage à Sophie Barluet qui, dans son émouvante introduction au rapport de la mission « Livre 2010 », nous immergeait ainsi dans le sujet qui nous préoccupe : « La salle est plongée dans le noir, éclairée par la seule lumière d'un halo luminescent. Elle est habitée par une voix, celle d'un acteur, Sami Frey, qui lit un long monologue de Samuel Beckett. Mais cette voix n'est pas ce soir accompagnée par le bruit des pages que l'on tourne, du papier qui se froisse. A peine entend-on parfois un petit clic qui ponctue la lecture. Car c'est devant un ordinateur et non un livre que se tient le lecteur. C'est la lumière de l'écran qui éclaire son visage. S'agit-il d'un simple choix de mise en scène ou d'un changement plus profond qui augurerait de la révolution dont tout le monde parle mais qui ne se dessine encore que dans le flou ? »
Ceci ne doit pas nous faire oublier que le livre n'est vraiment pas un produit comme un autre. Témoin majeur des civilisations et de leur génie littéraire et scientifique, principal moyen d'accès au savoir, à la culture et à l'éducation malgré la concurrence des moyens modernes de communication, objet de loisir, il est aussi le bien culturel le plus exporté et donc un instrument essentiel du rayonnement de la langue française dans le monde.
Votre commission forme le voeu que les propositions et actions mises en oeuvre permettront de défendre la diversité des écritures et des talents.