2. Une répartition plus équitable de la charge entre les avocats : le système « participation temps » / « participation financière »

Face aux difficultés auxquelles est aujourd'hui confronté le système de l'AJ, une piste de réflexion est parfois évoquée qui consisterait à réserver purement et simplement les missions à l'AJ à des avocats rémunérés à cet effet. La solution ici proposée est couramment appelée, par la profession, « l'internat pénal » et aurait pour conséquence pratique de créer, en quelque sorte, un sous-groupe d'avocats spécialistes de l'AJ.

Votre rapporteur spécial n'est pas favorable à cette perspective , dès lors qu'elle n'apporterait aucune réponse significative à la question financière posée actuellement par l'AJ. L'internat pénal ne ferait, en effet, que déplacer le problème sur un sous-groupe clairement identifié, mais confronté aux mêmes difficultés...

Par ailleurs, l'internat pénal pourrait présenter, à terme, le risque d'une « fonctionnarisation » de certains avocats , ce qui ne paraît conforme ni à l'esprit de cette profession, ni aux attentes exprimées par le plus grand nombre des avocats aujourd'hui.

Enfin, la création de ce « corps » d'avocats concentrerait encore un peu plus la charge de l'AJ sur certains , avec la crainte de la constitution d'un sous-groupe d'avocats dévalorisé aux yeux du reste de la profession, alors que l'enjeu apparaît au contraire de répartir plus équitablement la cette charge.

Votre rapporteur spécial juge préférable de privilégier un système permettant l'implication de l'ensemble de la profession autour du bon fonctionnement de l'AJ. Un tel système doit naturellement viser à la responsabilisation de chacun dans la plus grande transparence .

Dans cette perspective, le dispositif proposé par votre rapporteur spécial repose sur une participation des avocats soit en temps, « participation temps », soit par le biais d'une contribution financière, « participation financière » .

Ce dispositif repose sur une idée simple : dans la mesure où l'ensemble de la profession participe au bon fonctionnement de l'AJ, les avocats peuvent choisir d'apporter leur contribution à ce fonctionnement soit en acceptant les missions d'AJ (« participation temps »), soit en contribuant financièrement à la bonne marche du système (« participation financière »). Le principe de ce dispositif correspond à un objectif de plus grande équité au sein de la profession . En outre, il convient de souligner que le libre choix entre la « participation temps » et la « participation financière » est laissé à l'avocat.

Ce dispositif requiert une estimation suffisamment précise du temps moyen consacré à l'AJ par un avocat , de manière à établir une norme qui soit la pierre angulaire du système. Une fois cette norme établie (en concertation avec la profession), l'avocat peut alors « fixer le curseur » où il le souhaite entre le nombre de missions d'AJ qu'il décide d'accomplir et la contrepartie financière qu'il préfère reverser au financement de l'AJ.

Lorsque l'avocat n'atteint pas l'objectif cible en termes de « participation temps », sa « participation financière » est calculée, dans le dispositif proposé, en appliquant au chiffre d'affaires réalisé par l'avocat le différentiel entre la « participation temps » (fixée comme cible en concertation avec la profession) et le temps qu'il a effectivement consacré à l'AJ.

Le calcul de la « participation financière » de l'avocat au bon fonctionnement de l'AJ

Dans le cas où le temps effectivement consacré à l'AJ par l'avocat est inférieur à la « participation temps » cible, la formule permettant de calculer sa « participation financière » au bon fonctionnement de l'AJ est la suivante :

PF = CA * (PTC  - TEAJ)

Avec :

- PF = « participation financière »

- CA = chiffre d'affaires

- PTC = « participation temps cible »

- TEAJ = temps effectivement consacré à l'AJ par l'avocat

Afin d'illustrer ce raisonnement, votre rapporteur spécial a travaillé sur un exemple chiffré. Les hypothèses de départ sont certes à prendre sous toutes les réserves qui s'imposent à un tel exercice de simulation , mais cet exemple a le mérite non seulement de mettre en application la logique du dispositif proposé mais aussi de fournir quelques ordres de grandeur.

La « participation temps » et la « participation financière » des avocats au bon fonctionnement de l'AJ - Un exemple de simulation

Hypothèses de travail :

- un avocat consacre en moyenne 10 % de son temps par mois à l'AJ (soit environ deux missions par mois) ; cette proportion correspond à la « participation temps » cible retenue ;

- un avocat A a un revenu de 1.700 euros par mois et consacre 50 % de son temps à l'AJ ;

- un avocat B a un revenu de 3.000 euros par mois et consacre 7 % de son temps à l'AJ ;

- un avocat C a un revenu de 6.000 euros par mois et ne fait jamais d'AJ ;

- il y a 47.798 avocats en France ;

- au sein de la profession d'avocat, il y a 30 % d'avocats A, 60 % d'avocats B et 10 % d'avocats C.

Application du dispositif « participation temps / participation financière » :

- l'avocat A dépasse la cible « participation temps », sa « participation financière » est donc égale à 0 euro ;

- l'avocat B doit s'acquitter d'une « participation financière » de 90 euros, en effet :

Participation financière de B = 3.000 * (10 % - 7 %) = 90

- l'avocat C doit s'acquitter d'une « participation financière » de 600 euros, en effet :

Participation financière de C = 6.000 * (10 % - 0 %) = 600

- le montant total de la « participation financière » versée sur le mois est de 5.448.972 euros ;

- le montant total de la « participation financière » versée sur l'année est de 65.387.644 euros.

La simulation effectuée est assurément très au-delà de l'envisageable , dans la mesure où il en ressort une « participation financière » à hauteur de 65,3 millions d'euros en année pleine, soit 19,9 % du budget de l'AJ pour 2007.

Elle permet toutefois de mettre en lumière la mécanique du système et le déséquilibre choquant qui existe aujourd'hui au sein de la profession d'avocat .

En laissant le libre choix entre la « participation temps » et la « participation financière », le dispositif proposé permet, par ailleurs, de lever l'hypothèque concernant les différentes spécialisations des avocats : aujourd'hui certains d'entre eux ne mènent en effet jamais de mission d'AJ dans la mesure où ils estiment ne pas disposer des compétences requises (spécialisation en droit pénal, en droit de la famille...) pour assurer une défense de qualité sur ces dossiers . Par exemple, avec le dispositif envisagé, un avocat d'affaires ne pouvant être sollicité pour un dossier de défense pénale d'urgence peut, en revanche, apporter sa participation financière au fonctionnement de l'AJ.

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