J. LA SYSTÉMATISATION DE L'ÉVALUATION DE L'IMPACT SUR LES CRÉDITS DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE DE TOUTE NOUVELLE LOI

1. Les incidences mal maîtrisées sur l'évolution des admissions de l'extension mécanique du bénéfice de l'aide juridictionnelle par la loi

Depuis l'entrée en vigueur de la loi précitée du 10 juillet 1991, un certain nombre de textes de loi ont eu pour effet direct d'élargir le champ de l'AJ. Ces extensions, qui répondaient au souci de mieux garantir l'accès à la justice de certaines catégories de justiciables, ont toutefois contribué à alimenter mécaniquement la dynamique à la hausse des admissions à l'AJ .

Parmi les exemples les plus symptomatiques, votre rapporteur spécial relève, notamment, la loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, dite « loi Borloo » , qui a institué, en particulier, une procédure nouvelle de rétablissement personnel . Dans leur avis rendu au nom de la commission des Lois sur les crédits de la mission « Accès au droit et à la justice » lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006 97 ( * ) , nos collègues Yves Détraigne et Simon Sutour estimaient que cette nouvelle procédure avait entraîné « une augmentation de 19 % des admissions à l'AJ introduites devant le juge de l'exécution ».

Dans le même rapport, nos collègues considéraient également que la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile , en unifiant la procédure d'instruction des demandes d'asile 98 ( * ) , avait entraîné une hausse des recours juridictionnels de + 10 % et une augmentation concomitante des admissions à l'AJ.

Enfin, et sans que cette énumération ait une quelconque prétention à l'exhaustivité, il convient de rappeler que la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice a, d'une part, ouvert, sans condition de ressources, le bénéfice de l'AJ aux victimes des crimes les plus graves (atteintes volontaires à la vie, viols) ainsi qu'à leurs ayants droit, et, d'autre part, créé une possibilité pour les victimes d'infractions pénales souhaitant se constituer partie civile de demander la désignation d'un avocat dès le début de la procédure judiciaire.

2. Le gonflement des admissions à l'aide juridictionnelle résultant aussi de la présence de l'avocat rendue obligatoire par de nombreux textes de loi

L'accroissement considérable des admissions à l'AJ au cours des dernières s'explique aussi, pour une part importante, par la multiplication des textes rendant le recours à l'avocat obligatoire .

Sans chercher à être exhaustif, votre rapporteur spécial souhaite à cet égard illustrer son propos par deux exemples particulièrement éclairants en matière pénale : la défense des mineurs et le « plaider coupable ».

Dans le domaine de la défense pénale des mineurs , les années 1990 ont marqué une rupture. Sous le régime de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, la place de l'avocat était relativement limitée, l'intérêt de l'enfant étant d'abord entre les mains du juge, secondé par les acteurs du champ socio-éducatif.

En phase avec l'application de la convention internationale des droits de l'enfant 99 ( * ) , le législateur a progressivement élargi les droits de l'enfant en justice et les prérogatives de son avocat dans la procédure pénale . Alors que l'avocat n'était obligatoire qu'au moment du jugement du mineur, la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale a rendu sa présence obligatoire tout au long de la procédure pénale , dès la première comparution devant le juge, dès lors qu'une infraction pénale est susceptible d'être retenue contre le mineur. Cette réforme a aussi étendu les droits de la défense lors de la garde à vue du mineur avec la présence de l'avocat.

Enfin, la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes a permis aux majeurs comme aux mineurs de s'entretenir avec un avocat dès la première heure de garde à vue , pour un délai d'une demi-heure 100 ( * ) .

De même, dans le domaine pénal, la diversification des poursuites pénales et l'alternative au procès correctionnel offertes par l'instauration du « plaider coupable » ont contribué à alimenter les admissions à l'AJ. La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité , plus connue sous le nom de « plaider coupable » ou de CRPC , a été introduite par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Elle s'applique, sur décision du procureur de la République, lorsque que la personne poursuivie a reconnu dès les premiers interrogatoires les faits qu'on lui reproche et qu'il s'agit de faits simples. Elle s'accompagne, notamment, de la présence obligatoire de l'avocat.

* 97 Sénat, rapport pour avis n° 104 (2005-2006).

* 98 Cette loi a unifié l'instruction des demandes d'asile quel que soit le statut demandé (réfugié ou protection subsidiaire). Ce changement s'est traduit par la généralisation de la compétence de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) et par un transfert de compétences, en cas de contestation, à la commission des recours des réfugiés.

* 99 La convention internationale des droits de l'enfant (ou convention relatives aux droits de l'enfant) a été adoptée par l' Assemblée générale des Nations unies en novembre 1989 . En France, elle est entrée en vigueur le 2 septembre 1990 .

* 100 Parallèlement à ces évolutions législatives, des groupes d'avocats spécialisés dans la défense des mineurs se sont d'ailleurs progressivement implantés dans les tribunaux pour enfants.

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