I. LA MISE EN CONFORMITÉ AVEC LES RÈGLES EUROPÉENNES EN MATIÈRE DE TVA

1. La spécificité française de la TVA à taux réduit (5,5 %) pour l'aide juridictionnelle

Les prestations fournies par les avocats au titre de l'AJ sont soumises à la TVA, comme toute prestation de service. Cependant, le taux appliqué est le taux réduit à 5,5 % .

L'impact de cette disposition est différent selon le type de bénéficiaire de l'AJ .

Dans le cas de l'AJ totale, l'application d'un taux de TVA réduit est sans incidence sur le bénéficiaire de l'AJ, celui-ci se voyant pris totalement en charge la dépense de son avocat et ne percevant donc pas l'effort consenti par l'Etat en termes de réduction du taux de TVA. Ainsi, pour résumer la situation, la TVA est indolore et invisible pour le bénéficiaire de l'AJ totale .

Tel n'est pas le cas pour le bénéficiaire de l'AJ partielle. En effet, dans cette configuration, le bénéficiaire de l'AJ s'acquitte d'un honoraire complémentaire librement consenti auprès de son avocat. Aussi, l'application d'un taux de TVA réduit n'est pas sans incidence sur le bénéficiaire de l'AJ partielle, qui profite d'un « coup de pouce fiscal » supplémentaire .

Du point de vue de l'avocat , l'application de la TVA donne lieu à collecte, cette TVA pouvant par ailleurs être déduite. Les missions à l'AJ sont les seules prestations de l'avocat soumises au taux réduit de TVA, toutes les autres étant soumises au taux normal de 19,6 %.

Depuis plusieurs années, la profession d'avocat réclame la généralisation du taux de TVA réduit à l'ensemble des prestations de l'avocat, c'est-à-dire y compris aux prestations ne relevant pas de l'AJ. Outre le coût fiscal élevé d'une telle mesure, cette généralisation ne pourrait relever d'une décision strictement nationale et supposerait une décision prise au niveau de la Communauté européenne. La revendication de la profession d'avocat va, par ailleurs, à rebours d'une récente décision de la Commission européenne, ainsi que va l'exposer votre rapporteur spécial dans la partie suivante.

2. La saisine de la Cour de justice des Communautés européennes par la Commission européenne

En vertu de la législation communautaire, les fournitures de biens et de services soumis à la TVA sont normalement soumises à un taux normal d'au moins 15 %. Cependant, les Etats membres de la Communauté européenne peuvent choisir d'appliquer un ou deux taux réduits, supérieurs ou égaux à 5 %, à une liste restreinte de biens et de services 93 ( * ) .

Or, les services des avocats ne figurent pas dans cette liste .

Aussi, étant donnée la situation existante caractérisée par l'application du taux réduit à 5,5 % aux prestations de l'avocat dans le cadre de l'AJ et parce que la France n'a pas modifié sa législation malgré la demande officielle de la Commission européenne sous forme d'un avis motivé 94 ( * ) , la Commission européenne a décidé de saisir la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) 95 ( * ) .

A l'occasion de sa saisine, la Commission européenne a souligné que « l'application du taux normal de TVA n'aura pas d'incidence sur la situation financière des bénéficiaires lorsque l'aide juridictionnelle est entièrement prise en charge par l'Etat ». Elle a, en effet, rappelé que « lorsque cette prise en charge n'est que partielle, (...) la France est libre d'utiliser les recettes supplémentaires provenant de l'application du taux normal à ces services pour relever le niveau de l'aide et donc compenser l'augmentation des coûts ».

La Commission européenne a, enfin, considéré que « le respect par la France des principes régissant la TVA, conformément auxquels les services en cause doivent être soumis au taux normal, n'est donc en rien incompatible avec la décision (de la France) d'apporter une aide juridictionnelle aux citoyens les plus modestes et de leur faciliter l'accès aux conseils juridiques ».

Votre rapporteur spécial estime que la réforme désormais nécessaire et urgente du système de l'AJ doit également être l'occasion de mettre en conformité la France avec les règles qui s'imposent à tous les Etats membres de la Communauté européenne .

Il rappelle, toutefois, que l'alternative à cette option consisterait à modifier la liste des biens et des services figurant à l'annexe H de la sixième directive. Mais la procédure de modification de cette liste est relativement longue 96 ( * ) .

* 93 Les Etats-membres ont la possibilité d'appliquer un ou deux taux réduits de TVA, à une liste limitative de cas, figurant au sein de l'annexe H de la sixième directive du Conseil des Communautés européennes n° 77 / 388 CEE du 17 mai 1977, relative à l'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, dite « sixième directive TVA de 1977 ». Cette annexe recense dix sept catégories de biens et de prestations de services éligibles aux taux réduits.

* 94 Le 21 décembre 2006.

* 95 Le 6 juillet 2007.

* 96 Tous les deux ans, le champ d'application du taux réduit de la TVA doit être revu. La Commission européenne remet un rapport sur la base duquel le Conseil des Communautés européennes réexamine le champ d'application des taux réduits. Le Conseil peut, sur proposition de la Commission européenne, et en statuant à l'unanimité, décider de modifier la liste des biens et services figurant à l'annexe H de la directive. L'histoire récente a toutefois montré une certaine réticence de la Commission à modifier l'annexe H de la directive de façon pérenne. Elle lui préfère fréquemment l'ouverture de dérogations ponctuelles, souvent sectorielles.

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