B. DES DÉLAIS DE DÉCISION DISSUASIFS POUR LES AUTORISATIONS DE TRAVAIL

La complexité de la procédure d'introduction de travailleurs étrangers explique la longueur des délais, qui se révèle particulièrement dissuasive. Ces délais mettent à l'épreuve la motivation des employeurs à recruter à l'étranger , ou même un ressortissant étranger déjà présent en France, et diminuent l'attractivité de notre pays pour l'immigration professionnelle. Or la réussite d'une politique d'immigration de travail réside pour l'essentiel dans la capacité de l'administration de l'immigration à faire preuve de réactivité face aux besoins des entreprises.

1. Des délais qui peuvent se compter en mois

Selon les témoignages des entreprises, la durée de la procédure peut se compter en mois selon la qualité du dialogue que la direction du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle entretient avec la société concernée, et la réactivité de l'inspection du travail. De tels délais sont évidemment excessifs et doivent faire l'objet de tableaux de bord réguliers transmis à l'administration centrale du ministère de l'immigration, de l'identité nationale, de l'intégration et du développement solidaire. Ils s'expliquent par un travers administratif, qui consiste souvent à refuser d'abord l'autorisation de travail, puis, après recours gracieux, à ouvrir le dialogue avec l'entreprise, pour finalement, après explications, accepter le dossier. Cette phase de dialogue aurait vocation à s'ouvrir avant la décision administrative.

2. Rendre le délai de traitement des demandes d'autorisations de travail opposable à l'administration

Votre rapporteur spécial propose de rendre le délai de traitement des demandes d'autorisations de travail opposable à l'administration : faute de réponse de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle dans un délai de deux mois , l'autorisation serait accordée.

C. UNE FISCALITÉ DE L'IMMIGRATION ÉCONOMIQUE INADAPTÉE

1. La fiscalité applicable aux flux migratoires

Selon les chiffres de la loi de finances initiale pour 2008, les taxes et redevances applicables aux flux de ressortissants étrangers, hors frais applicables aux visas, représenteraient en 2008 de l'ordre de 72 millions d'euros, dont seulement 3 millions d'euros au titre de la contribution spéciale versée par les employeurs de main d'oeuvre en situation irrégulière. Ces taxes et redevances sont acquittées auprès de l'ANAEM par l'achat d'un timbre spécifique. Elles correspondent à un principe encore inabouti d'un autofinancement de l'immigration, et du paiement par les immigrants des services - bien réels - qui leur sont rendus par l'agence.

Les taxes et redevances applicables aux flux réguliers et irréguliers de ressortissants étrangers (hors frais applicables aux visas) en 2008

(en millions d'euros)

Redevance employeur main d'oeuvre étrangère et permanente

7

Taxe applicable lors de renouvellement des autorisations de travail aux travailleurs étrangers

22

Redevance perçue à l'occasion de l'introduction des familles étrangères en France

3

Taxe perçue à l'occasion de la délivrance du premier titre de séjour

22

Taxe applicable aux demandes de validation d'une attestation d'accueil

15

Contribution spéciale versée par les employeurs de main d'oeuvre en situation irrégulière

3

Total

72

Source : annexe « voies et moyens » au projet de loi de finances pour 2008

2. Alors que l'immigration professionnelle représente 9,4 % des titres de séjour délivrés, celle-ci supporte 40 % de la pression fiscale

L'immigration professionnelle fait l'objet d'une double taxation :

D'une part, des redevances représentatives de frais ou des contributions forfaitaires sont dues par les employeurs de main d'oeuvre étrangère. Celles-ci sont au nombre de deux :

- une redevance forfaitaire, dite encore « remboursement forfaitaire », prévue par la loi de finances pour 1975, et l'article R. 341-22 du code du travail, est due pour toutes les autorisations de travail portant sur des durées supérieures à 3 mois, sauf en ce qui concerne les saisonniers agricoles, pour lesquels la redevance est due dès le premier jour. Les montants en sont fixés actuellement par trois arrêtés du 2 juin 2004 fixant le montant des redevances. Le montant de droit commun est de 168 euros ;

- une « contribution forfaitaire », taxe créée par la loi de finances pour 1975, est due de surcroît pour l'emploi de travailleurs dont l'activité salariée en France a une durée supérieure ou égale à 12 mois. Son montant est aujourd'hui fixé par le décret du 25 août 2004. Si le salaire brut est inférieur à 1.525 euros, la taxe est de 893 euros, et de 1.612 euros au-delà ;

D'autre part, une taxe s'applique aux travailleurs pour chaque renouvellement d'autorisation de travail . Elle est fixée à 55 euros.

Au total, alors que l'immigration professionnelle représente 9,4 % des titres de séjour délivrés, celle-ci finance l'ANAEM à hauteur de 40 %. Il y a une disproportion entre son poids relatif dans les flux migratoires et la part de financement public qu'elle représente. Cette répartition de l'effort fiscale ne paraît pas conforme à la politique du gouvernement visant à faciliter l'immigration professionnelle, ce qui devrait conduire en toute logique à moins la taxer.

Répartition des taxes et droits dus lors de l'admission au séjour et au travail des étrangers non communautaires

(en millions d'euros et en %)

Source : annexe « voies et moyens » au projet de loi de finances pour 2008

3. Baisser la fiscalité applicable à l'immigration économique

Pour les administrations interrogées, le montant des redevances et taxes dues par les entreprises a un impact très variable sur leur décision de recourir à de la main d'oeuvre étrangère. Il paraît marginal dans le cas de l'embauche de travailleurs qualifiés, mais assez dissuasif dans le cas de l'embauche de travailleurs peu qualifiés, pour lesquels le total des taxes et redevances représente de l'ordre d'un mois de salaire .

Certaines fédérations professionnelles ont souligné que le paiement des taxes dues à l'ANAEM représentait un vrai risque économique, puisqu'elles ne sont pas, par définition, remboursées si le salarié ne convient pas au terme de sa période d'essai. Selon les consulats français présents dans les nouveaux États membres soumis à dispositions transitoires, de nombreux employeurs préfèrent faire appel à la prestation de service internationale 10 ( * ) afin d'éluder les taxes et redevances correspondant aux introductions de travailleurs. Des effets pervers, d'encouragement indirect à l'embauche de travailleurs en situation irrégulière, mais « opportunément » dotés de faux papiers, ne sont pas non plus à exclure.

En conséquence, votre rapporteur spécial propose de diviser par deux le montant des redevances et taxes dues par les employeurs de main d'oeuvre étrangère. Pour un salaire inférieur à 1.525 euros, la taxe passerait à 447 euros au lieu de 893 euros. La perte de recettes correspondante par l'ANAEM pourrait être compensée par trois ressources :

- un relèvement limité des droits applicables à l'immigration familiale ;

- une affectation de la fraction des frais de visa non affectée aujourd'hui aux consulats, conformément au rôle que doit jouer l'ANAEM à l'étranger en matière d'immigration économique, rôle que les consulats ne souhaitent pas jouer. Le ministère des affaires étrangères et européennes bénéficie aujourd'hui d'un retour de 50 % sur les frais de visas (60 euros). La fusion à venir du visa et du premier titre de séjour conforte cette nécessaire évolution ;

- sinon un relèvement, du moins une amélioration du taux de recouvrement de la contribution spéciale versée par les employeurs de main d'oeuvre en situation irrégulière, dont le montant est égal à 1.000 fois le taux horaire du minimum garanti et, en cas de réitération, à 5.000 fois ce même taux. Seuls 3 millions d'euros sont recouvrés chaque année. Il paraît peu équitable que les employeurs indélicats soient moins taxés que les entreprises faisant appel à une immigration professionnelle régulière.

1993-2006 : contribution spéciale versée par les employeurs de main d'oeuvre en situation irrégulière et infractions signalées

(en nombre)

Source : rapport d'activité de l'ANAEM

* 10 Procédure de détachement de travailleurs par une entreprise étrangère dans le cadre d'une prestation de services.

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