IV. L'INDUSTRIE DE LA MICROÉLECTRONIQUE EUROPÉENNE : UNE INDUSTRIE EN PÉRIL ?

L'année 2007 a été relativement maussade pour une grande partie de la microélectronique en Europe puisque les résultats financiers de nombreuses entreprises européennes ou fortement implantées en Europe ont été décevants .

La société allemande Qimonda a ainsi enregistré une perte de 249 millions d'euros pour l'exercice 2007, entraînant dans sa chute Infineon qui détient 77 % des actions de Qimonda. Quant à AMD, société américaine fortement implantée à Dresde, elle a subi une perte record de 1,77 milliard de dollars pour l'exercice 2007 après une perte de 574 millions de dollars en 2006. STMicroelectronics et NXP ont également essuyé une perte respectivement de 477 millions de dollars et de 495 millions de dollars.

Par ailleurs, l'industrie de la microélectronique en Europe a connu de profonds bouleversements en 2007 et au début de l'année 2008.

D'abord, l'alliance entre STMicroelectronics, NXP et Freescale n'a pas été renouvelée, ce qui a soulevé de nombreuses interrogations sur la pérennité du site de Crolles et a obligé STMicroelectronics et le LETI (Laboratoire d'Electronique et de Technologies de l'Information), également très engagé dans l'alliance, à complètement se repositionner en orientant davantage leur stratégie vers les applications tout en gardant une certaine maîtrise de la technologie.

Par ailleurs, des rumeurs circulent sur l'avenir d'AMD à Dresde. D'une part, cette entreprise rencontre d'importantes difficultés financières. D'autre part, le choix de l'implantation de sa nouvelle usine soulève des interrogations : alors que la région de Saxe ne peut plus offrir un taux de subvention de 33 % de l'investissement (comme cela avait été le cas lors de l'implantation d'AMD à Dresde en 1996), l'Etat de New-York offre une aide d'un milliard de dollars pour la construction de la nouvelle unité de production d'AMD sur son territoire.

Enfin, NXP est devenu fabless sous la pression de ses actionnaires tandis que de nombreuses rumeurs courent sur le rachat d'Infineon par Intel ou Samsung. Récemment, le président du conseil d'administration d'Infineon a démissionné.

Il serait abusif de chercher un lien de cause à effet entre ces différents événements. Néanmoins, ils affaiblissent concomitamment deux sites emblématiques de la microélectronique européenne : Crolles avec le départ de NXP et de Freescale ainsi que Dresde au travers des difficultés que rencontrent AMD et Qimonda, deux entreprises fondamentales dans l'écosystème saxon.

Afin de pouvoir porter un regard pertinent sur la situation de la microélectronique en Europe, il convient de s'arrêter sur les données du marché mondial de la microélectronique. Par ailleurs, il semble indispensable d'analyser en profondeur les modèles asiatique et américain afin de pouvoir les comparer au modèle européen.

A. LES DONNÉES DU MARCHÉ MONDIAL

1. Une demande tirée par les pays asiatiques

Selon les informations obtenues du SITELESC (Syndicat des Industries de Tubes ELectroniques et SemiConducteurs), les ventes de semiconducteurs aux Etats de l'Asie Pacifique en 2007 se sont élevées à 123,5 milliards de dollars, ce qui correspond à 48,3 % des ventes globales et à une croissance de 6 % par rapport à 2006.

Le reste des ventes se partagent relativement équitablement entre le Japon (19 % des ventes globales), l'Amérique (16,5 %) et l'Europe (16 %).

La prépondérance de l'Asie dans l'achat de semiconducteurs s'explique par le fait qu'elle est la région principalement productrice de produits électroniques.

L'exemple de la Chine illustre ce phénomène.

Les schémas suivants représentant d'une part la part de la production d'équipements électroniques de la Chine dans la production mondiale et, d'autre part, la part de la demande chinoise en semiconducteurs dans la demande mondiale sont révélateurs.

Production globale et chinoise des principaux produits électroniques en 2007

(en millions d'unités)

Source : iSuppli Corporation, Roth Capital Partners

Prévisions de consommation de produits semiconducteurs en Chine et au niveau mondial

(en millions d'unités)

Source : iSuppli Corporation

En 2007, la Chine a produit 80 % des lecteurs de DVD, 60 % des caméras numériques, 55 % des ordinateurs portables et des lecteurs MP3 de la planète.

Parallèlement, la demande chinoise en semiconducteurs a représenté 26,4 % de la demande mondiale, en croissance de 6,9 % par rapport à 2006. Elle devrait atteindre 27,7 % en 2011.

En 2012, la Chine devrait représenter 30 % de la production en équipement électronique.

Structure de la production des équipements électroniques en 2012

Source : STMicroelectronics

Le fait qu'une grande partie des semiconducteurs soit destinée à la production de produits électroniques destinés au marché global pose néanmoins la question de la demande finale de semiconducteurs.

Selon une étude que le CEA a faite réaliser en 2007 sur le secteur des semiconducteurs en Chine, 64 % des semiconducteurs consommés en Chine y sont assemblés et revendus en produits finis à l'export . Pour mieux appréhender la demande finale de semiconducteurs, il serait donc intéressant de disposer de statistiques sur les ventes de produits électroniques par région. Malheureusement, il semblerait que ce genre de statistique n'existe pas.

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