B. LE VOLONTARISME ASIATIQUE : TROIS EXEMPLES

Lorsque votre rapporteur s'est rendu en Asie, il a été frappé de constater qu'au-delà des diversités économiques, démographiques et politiques de ces pays, il existe un « modèle » asiatique caractérisé par une politique industrielle volontariste assortie de moyens financiers considérables.

1. Singapour

a) Les chiffres clés

En 2007, la croissance économique de Singapour s'est élevée à 7,5 %.

L'industrie représente 27 % du produit intérieur brut, l'électronique 29,5 % de la production industrielle globale et les semiconducteurs 48 % de la production électronique.

Le secteur des semiconducteurs compte 14 usines de production, 20 usines de test et d'assemblage et 40 centres de design regroupant 1.000 designers. Il emploie 40.000 personnes.

Avec 10 % des parts de marché mondiales pour la production de semiconducteurs, la ville-Etat de Singapour (4,5 millions d'habitants) est le 6ème pays producteur de composants électroniques .

b) La stratégie de Singapour

Si Singapour est une place financière et portuaire de premier plan, l'industrie reste un pilier important de l'économie. D'une industrie « low-cost » dans les années 60, le gouvernement singapourien a su faire évoluer Singapour vers une industrie à forte valeur ajoutée pour que le pays reste compétitif par rapport à ses voisins du Sud-Est asiatique.

En 2005, le gouvernement a lancé un programme visant à doubler le chiffre d'affaires et la valeur ajoutée de son secteur industriel d'ici 2018.

Pour atteindre cet objectif, le gouvernement a pris des mesures concrètes visant à optimiser ses infrastructures, à augmenter la présence locale de multinationales, à promouvoir le savoir-faire et l'innovation, à porter les dépenses de R&D de 2 à 3 % du PIB et à mettre l'accent sur des secteurs niches à fort potentiel.

- Augmenter la présence locale des multinationales

L'économie singapourienne est largement dominée par la présence de multinationales. En effet, Singapour s'est très tôt positionné comme porte d'entrée sur l'Asie du Sud-Est et la Chine pour l'Occident grâce à la langue anglaise largement utilisée.

En outre, la ville-Etat a mis en place une politique très attractive pour l'implantation de compagnies étrangères fondée sur :

- une protection très stricte de la propriété intellectuelle ;

- des infrastructures et des services de logistiques de grande qualité ;

- une politique efficace d'incitation aux investissements gérée par le conseil du développement économique (Economic Development Board). Ainsi, le dirigeant de SOITEC a souligné l'absence de lourdeurs administratives, la disponibilité de terrains viabilisés et la rapidité avec laquelle le projet d'implantation peut être finalisé.

En outre, la qualification de l'entreprise susceptible de s'implanter comme « entreprise pionnière » 30 ( * ) s'accompagne d'incitations et de subventions importantes.

D'abord, le terrain est loué pour une somme symbolique.

Ensuite, les entreprises ne sont pas soumises à l'imposition sur les bénéfices pendant une longue période 31 ( * ) .

Enfin, le projet d'investissement est financé pour une partie non négligeable par le conseil du développement économique à travers une aide correspondant à 30 % des investissements et 50 % des frais liés à la formation de la main-d'oeuvre (notion très large qui recouvre tous les coûts de salaires, les voyages etc).

- Promouvoir le savoir-faire et l'innovation

Depuis une quinzaine d'années, Singapour axe sa stratégie de développement économique sur des dépenses toujours plus grandes en matière de recherche scientifique et de formation. Le nombre de chercheurs pour 10.000 habitants est passé de 55 en 1990 à 79 en 2003 32 ( * ) .

Le dernier plan gouvernemental en matière de recherche, qui s'étend jusqu'en 2010, établit une relation claire entre la croissance économique et l'innovation d'une part et les dépenses de R&D d'autre part. Il définit cinq priorités :

- augmenter les moyens consacrés à la recherche. Ainsi, Singapour a prévu de doubler son budget de la recherche entre 2006 et 2012 (soit un budget de 7,5 milliards d'euros en 2012) ;

- donner la priorité aux secteurs économiques où Singapour peut être compétitif au niveau international. Les cinq principaux secteurs de l'industrie singapourienne sont l'électronique, la chimie/pétrochimie, les biotechnologies, l'ingénierie de transport et l'ingénierie de précision. La fondation nationale pour la recherche (National Research Foundation) a été créée en 2006 pour identifier les domaines stratégiques et établir de grands programmes de recherche. A ce jour, elle a identifié trois secteurs prioritaires pour Singapour : les sciences biomédicales, la technologie de l'environnement et de l'eau et les médias numériques interactifs ;

- dans les secteurs stratégiques, établir un équilibre entre la recherche finalisée et la recherche conduite à l'initiative des chercheurs ;

- encourager davantage la R&D du secteur privé ;

- renforcer les liens et interactions entre la R&D et l'industrie . Dans ce but, elle s'appuie sur l'agence pour la science, la technologie et la recherche (A*STAR) qui rassemble 13 instituts de recherche plutôt tournés vers les applications industrielles, soit 2.000 chercheurs et ingénieurs.

* 30 Il semblerait que toutes les entreprises dans les secteurs de haute technologie puissent bénéficier de cette qualification.

* 31 Si les dirigeants d'entreprise interrogés n'ont pas voulu donner de réponse précise, il semblerait que la période d'exonération atteigne au moins 15 ans, sinon plus. Ensuite, le taux d'imposition resterait très inférieur au taux d'imposition « officiel » présenté par les autorités, soit 18 %. Il s'agit de règles non écrites, qui sont fixées entre le conseil du développement économique et l'entreprise désireuse de s'implanter à Singapour.

* 32 En France, le ratio est de 75 chercheurs pour 10.000 habitants.

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