ANNEXE N° 4 - LES DÉPENSES DE PROTECTION SOCIALE : PROBLÈMES DE MESURE

- Les dépenses publiques consacrées à la protection sociale sont loin de rendre compte de la totalité des revenus alloués à cet objectif .

Il faut se féliciter que le système statistique européen, et les travaux de l'OCDE, aient tenté l' effort de mesurer plus exactement que les comptables nationaux ne le font habituellement (ils s'en tiennent aux dépenses publiques des administrations de sécurité sociale), l'ensemble des flux de revenu consacré à la protection sociale .

Ces efforts sont malheureusement insuffisants et inachevés . Précieux, ils ne permettent pas de combler entièrement les insuffisances des données recueillies pour mesurer le revenu consacré à la protection sociale dans les différents pays concernés.

On doit le regretter puisque l'objectif de tout système statistique devrait être de répondre aux exigences d'une analyse politique et sociale rigoureuse .

A. LE SYSTÈME EUROPÉEN DES STATISTIQUES INTÉGRÉES DE LA PROTECTION SOCIALE

Développé à la fin des années 70, le « Système européen de statistiques intégrées de la protection sociale (SESPROS) vise à répondre au besoin d'un instrument spécifique d'observation statistique de la protection sociale des États membres de la Communauté .

Mais, le système SESPROS ne remplit qu'imparfaitement cet objectif .

- Il repose, certes, sur une définition des ressources consacrées à la protection sociale plus satisfaisante que celle que donne la seule considération des dépenses des administrations de sécurité sociale .

En particulier , les dépenses privées de protection sociale ne sont pas systématiquement exclues du champ statistique de SESPROS , qui, au contraire, s'efforce de les mesurer.

C'est un ajout considérable mais qui n'est pas complet puisque la définition de la protection sociale retenue par les statisticiens conduit à exclure de son champ une partie importante des revenus privés alloués par les agents économiques à cette fin .

En effet, la protection sociale y est définie comme toute intervention d' organismes publics ou privés destinée à alléger la charge que représente la survenance de certains risques ou besoins pour les ménages et les particuliers, à condition qu'elle n'ait pas de contrepartie, et ne relève pas de dispositions personnelles .

Du fait de cette définition, les données recensées dans le champ couvert par SESPROS sont incomplètes, ce qui conduit, en outre, à biaiser les comparaisons internationales.

- Tout d'abord, le champ des opérations prises en compte en incomplet. Les interventions recensées sont limitées aux :

- transferts en espèces aux personnes protégées,

- remboursements des dépenses à la charge des personnes protégées ;

- biens et services fournis directement aux personnes protégées.

Ces restrictions ne doivent s'appliquer qu'au système central puisque, les taux d'imposition préférentiels ou les réductions d'impôts destinés au secteur de la production, mais qui protègent indirectement les ménages étaient censés pouvoir donner lieu à des modules complémentaires . Dans les faits, ceux-ci semblent loin de les recenser de façon exhaustive.

Ainsi, les réductions de prélèvements obligatoires (les dépenses fiscales sociales ) qui sont parfois de grande ampleur , dans des domaines comme la politique du marché du travail (les exonérations de charges sociales, par exemple), de la protection sociale complémentaire (santé et pensions) ou de la politique familiale (quotient familial en France) ne sont pas systématiquement couvertes par le système statistique .

Deux conséquences découlent de cette lacune :

- les revenus alloués à la protection sociale sont minorés dans le système statistique par rapport à leur ampleur réelle ;

- comme les mécanismes de dépenses fiscales et sociales sont inégalement développés selon les pays, les comparaisons internationales fondées sur SESPROS ne sont pas pleinement significatives .

- Par ailleurs, le champ institutionnel couvert par le système statistique européen est lui-même trop réduit pour que l'ensemble des ressources économiques allouées à la protection sociale puisse être considéré comme décrit de façon satisfaisante par lui :

- La condition selon laquelle l'intervention doit provenir d'organismes publics ou privés exclut de la définition de la protection sociale tous les types de transferts directs de ressources entre ménages ou particuliers sous forme de dons, d'entraide familiale, etc., même si ces transferts sont destinés à protéger les bénéficiaires contre les risques ou besoins sociaux.

Cette exclusion n'est nullement négligeable . Les familles interviennent certainement de façon massive pour couvrir des besoins sociaux comme le logement, la baisse des ressources consécutive à des périodes de chômage, les soins de santé et... les besoins liés à la famille. S'agissant de cette dernière catégorie, n'explique-t-on pas les scores relativement bas d'activité féminine dans plusieurs pays européens par l'absence d'infrastructures de gardes d'enfants ou de prestations destinées à cet objet ? Cette approche implique que des ressources non monétaires sont allouées à des besoins qui, ailleurs, sont satisfaits par l'allocation de ressources monétaires.

Les difficultés statistiques de repérage et de quantification des transferts privés - qui, au surplus, n'ont pas toujours de traduction monétaire directe - sont considérables. Cependant, il conviendrait que le système statistique les affronte, et les surmonte, pour qu'il puisse prétendre rendre compte de façon fidèle du niveau des ressources allouées dans chaque pays à la protection sociale.

- Les données recensées par le système statistique excluent encore les dépenses réalisées dans le cadre de dispositions personnelles , même si leur objet, total ou partiel, est d'assurer une protection sociale à ceux qu'elles impliquent.

Cette conception de la protection sociale exclut du recensement statistique toute assurance prise à l'initiative de particuliers ou de ménages dans leur seul intérêt personnel. Par exemple, le transfert d'un capital ou d'une rente au titulaire d'une police d'assurance-vie privée n'est pas considéré comme une prestation de protection sociale.

Ces choix sont très discutables .

Il semble, en premier lieu, que cette règle soit d'application délicate. Dans le système SESPROS, des polices individuelles peuvent être considérées comme relevant de la protection sociale tandis que des polices collectives ne le sont pas.

Le critère de solidarité sociale permet, en théorie, de faire le tri. Une police d'assurance est incluse dans le champ d'application de SESPROS si elle est basée sur le principe de la solidarité sociale , qu'elle soit ou non souscrite à l'initiative de l'assuré. Une police d'assurance est fondée sur le principe de la solidarité sociale lorsque les cotisations à payer ne sont pas proportionnelles à l'exposition individuelle au risque des personnes protégées .

Sont des exemples d'assurances souvent basés sur le principe de la solidarité sociale :

- les régimes établis spécifiquement pour des personnes appartenant à la même profession ou branche ;

- l'assurance offerte par les mutuelles.

Mais, l'application de cette condition reposant sur un critère de solidarité est loin d'être absolue . Ainsi, il ne trouve pas à s'appliquer :

- lorsque les dispositions législatives ou réglementaires obligent certains groupes de la population à s'affilier à un régime d'assurance désigné , ou ;

- lorsque les travailleurs et les personnes à leur charge sont assurés au titre de conventions collectives salariales.

Dans ces deux cas, solidarité ou non, l'assurance est incluse dans le champ d'application de SESPROS .

En revanche, lorsque l'organisme d'assurance n'est pas organisé par la loi, le simple fait que la couverture soit rendue obligatoire par la loi (sans qu'un régime particulier ne soit précisé), ou qu'une police d'assurance remplace un régime public, ne suffit pas pour le classer comme protection sociale.

En bref, il existe une certaine confusion, d'autant plus regrettable que le recours à des assurances privées en complément de régimes de base tend à gagner du terrain faisant, en outre, l'objet parfois de dispositions fiscales favorables.

C'est ainsi, sur le fond, que les conventions de la base SESPROS apparaissent contestables . En choisissant de ne répertorier comme dépenses de protection sociale que les dépenses réalisées dans le cadre de système solidaires, les statisticiens ignorent l'ampleur des ressources allouées par les individus à la protection contre les risques que couvrent les organismes de protection sociale dont ils recensent les seules dépenses comme telles. Or, il y a tout lieu de penser que, moins celles-ci sont importantes , plus les premières le sont , du moins pour des pays de développement comparable.

Imaginer que cette relation - que le présent rapport ambitionne de vérifier - ne soit pas établie, c'est supposer que des individus appartenant à des ensembles économiques et sociaux analogues pourraient avoir une aversion différente pour les risques sociaux en fonction de l'existence d'organismes plus ou moins publics de protection sociale.

Le choix des statisticiens européens préjuge du dénouement de cette question en ne retraçant pas comme dépenses de protection sociale l'ensemble des assurances que les individus consacrent réellement à celle-ci, soit sous forme de contrats d'assurance individuels, soit sous forme d'épargne de précaution.

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