ANNEXE N° 5 - LE « COIN FISCALO-SOCIAL »

Le « coin fiscalo-social » mesure le poids des prélèvements obligatoires assis sur un revenu donné, en général le salaire. Cet indicateur est suffisamment utilisé dans certains argumentaires visant à souligner l'impact négatif des prélèvements obligatoires sur les salaires par leurs effets inflationnistes sur le coût du travail et, au contraire, déprimant sur le pouvoir d'achat, pour que quelques précisions soient ici apportées.

Il apparaît nettement différencié dans les pays de l'OCDE, tant du point de vue de ses évolutions que de celui de son niveau.

LE COIN FISCAL SUR LES SALAIRES

Source : OCDE - Panorama de la société - 2006

La somme de l'impôt sur le revenu et les cotisations sociales s'élève, en moyenne , au niveau du salaire moyen, à 37,3 % des coûts salariaux en 2005 . Les écarts à cette moyenne dans un sens ou dans un autre atteignent des niveaux élevés . Le Japon, la Corée, les États-Unis et, en Europe, le Royaume-Uni sont au-dessous de cette moyenne. Inversement, la France (+ 12,8 points), l'Allemagne (+ 14,5 points) et l'Italie (+ 8,1 points) sont au-dessus.

On peut observer incidemment que la composition du « coin » est variable.

GRANDES DIFFÉRENCES ENTRE LES PAYS
DANS LA COMPOSITION DU COIN FISCAL SUR LES SALAIRES

Source : OCDE (2006), Les impôts sur les salaires 2004-2005, OCDE, Paris

En moyenne, les cotisations sociales-employeur totalisent 41 % du coin, l'impôt sur le revenu 38 % et les cotisations-salarié 21 %.

Mais les parts respectives de ces différents prélèvements obligatoires varient considérablement, la France se distinguant par le haut niveau relatif des cotisations sociales employeur et salarié.

On induit des niveaux disparates du « coin fiscalo-social » deux conclusions qui, dans leur généralité, sont erronées : l'existence d'un lien direct entre le niveau des prélèvements obligatoires sur les salaires et le niveau du coût du travail (plus les premiers sont élevés plus le second le serait aussi) ; le constat d'une influence négative des prélèvements sur les salaires sur le pouvoir d'achat des ménages.

I. LE NIVEAU DES PRÉLÈVEMENTS ASSIS SUR LES SALAIRES N'EST PAS PRÉDICTIF DU NIVEAU DU COÛT DU TRAVAIL

- On prétend parfois que plus les prélèvements directs sur les salaires sont élevés, plus le coût du travail le serait aussi (et, finalement, moins la compétitivité-coût du pays serait bonne).

- Le graphique ci-après n'accrédite pas entièrement cette corrélation .

COÛT HORAIRE DE LA MAIN D'oeUVRE, ENSEMBLE DE L'ÉCONOMIE
HORS SECTEUR NON MARCHAND, 2005

Source : Rapport sur la TVA sociale de M. Eric Besson, secrétaire d'État chargé de la Prospective et de l'évaluation des politiques publiques.

Ainsi, lorsqu'on observe le coût horaire brut , le coût horaire de la main d'oeuvre semble relativement élevé en France et en Belgique, tout comme l'est le « coin fiscalo-social ».

Mais, le Luxembourg et les Pays-Bas où le « coin » est relativement faible sont dans le même cas, tandis que l'Allemagne, qui a le deuxième « coin socialo-fiscal » le plus élevé, n'est que le septième pays en termes de coût salarial horaire, à quasi-égalité avec la Finlande pour laquelle les prélèvements fiscaux sur les salaires sont 10,4 points plus bas.

- Au constat de cette déconnexion relative entre le coût horaire du travail et les prélèvements obligatoires pesant sur les salaires, il faut ajouter que l'approche du coût du travail doit tenir compte de son efficacité. Le poids du « coin fiscalo-social », ainsi que le coût salarial brut ne peuvent être considérés sans adjoindre au raisonnement l'efficacité économique du travail lorsqu'on souhaite apprécier la compétitivité-coût des pays et son évolution.

Le coût horaire brut du travail n'est pas un indicateur de compétitivité usuellement admis .

Il présente l'inconvénient majeur de négliger l'efficacité du travail, mesurée par la productivité par heure travaillée.

Un exemple simple permet d'illustrer cette insuffisance. Soit deux entreprises fabriquant un même produit : dans l'une, l'entreprise A, il faut 1 heure pour finir la fabrication du produit ; dans l'autre, l'entreprise B, 2 heures sont nécessaires. Le coût du travail horaire et de 15 euros dans l'entreprise A et de 10 euros dans l'entreprise B. Le coût du travail horaire est supérieur dans l'entreprise A. Cependant, la compétitivité-coût y est meilleure, puisque le produit est fabriqué moyennant 15 euros (correspondant au coût d'une heure de travail) tandis que pour l'entreprise B, 20 euros doivent être engagés (10 euros x 2 heures).

C'est pourquoi l'appréciation de la compétitivité-coût est systématiquement conduite à l'aide d'un concept différent du coût horaire de travail : le coût salarial unitaire . Celui-ci tient compte des différences de productivité horaire du travail ce qui en fait le seul indicateur vraiment rigoureux de compétitivité salariale d'une économie.

Or, le diagnostic sur la compétitivité salariale change nettement quand on utilise ce dernier indicateur (voir tableau suivant) par rapport à ce que suggèrent les coûts salariaux pris indépendamment de l'efficacité du travail .

COÛTS UNITAIRE DE MAIN D'oeUVRE POUR L'ENSEMBLE DE L'ÉCONOMIE
POURCENTAGE DE VARIATION

Moyenne
1984-1993

Moyenne
1994-2003

2004

2005

2006

2007

Australie

4,2

2,0

3,0

4,5

3,7

2,3

Autriche

3,3

0,3

-0,1

1,4

1,2

0,8

Belgique

3,0

1,6

0,5

1,9

0,7

0,8

Canada

3,5

1,4

1,3

2,4

3,0

3,0

Danemark

3,5

2,3

1,5

0,1

0,8

2,3

Finlande

4,3

1,6

1,0

2,3

1,0

1,5

France

2,8

1,5

0,8

1,8

1,4

1,2

Allemagne

1,4

0,4

-0,8

-1,5

-0,9

-0,3

Grèce

16,2

5,8

7,8

3,5

3,6

3,7

Islande

18,0

5,9

-0,6

4,5

5,7

6,1

Irlande

2,8

1,8

2,3

5,4

3,0

2,5

Italie

6,1

2,4

2,5

4,2

0,8

1,7

Japon

1,4

-1,2

-3,4

-1,4

-0,8

0,3

Corée

8,8

3,1

3,6

2,6

1,4

1,3

Luxembourg

2,5

2,3

1,0

2,2

2,0

1,7

Pays-Bas

1,6

2,8

-0,2

0,5

-0,6

0,5

Nouvelle-Zélande

1,6

1,9

2,7

5,8

4,3

1,9

Norvège

3,7

3,3

1,6

2,3

3,7

3,6

Pologne

-

9,9

-0,1

3,9

3,4

2,4

Portugal

13,0

3,7

3,8

4,0

2,6

2,2

Espagne

7,9

3,3

2,9

2,6

3,1

2,9

Suède

5,7

2,1

-0,2

1,4

0,8

1,7

Suisse

3,7

1,0

0,9

0,7

0,9

1,5

Royaume-Uni

5,4

2,9

1,9

3,6

2,7

2,5

États-Unis

2,9

2,1

1,5

2,9

2,3

2,6

Zone euro

2,2

1,6

0,8

1,3

0,7

1,1

Total de l'OCDE

5,5

3,1

1,1

2,1

1,6

1,8

Source : OCDE. Perspectives économiques. Juin 2006.

Appréciée sur longue période, l'évolution du coût unitaire de la main d'oeuvre 136 ( * ) ressort comme moins dynamique en France qu'en moyenne dans la zone euro au-delà de 1994 .

L'écart avec la moyenne de l'OCDE est encore plus important . Pour l'ensemble de l'économie, les coûts unitaires de main d'oeuvre ont augmenté en France de 2,8 % entre 1984 et 1993, contre 5,5 % dans l'OCDE, et de 1,5 % entre 1994 et 2003, contre 3,1 % dans l'OCDE .

Au cours des plus récentes années, l'évolution des coûts unitaires de main d'oeuvre est restée plus modérée en France que dans l'OCDE et dans la zone euro hors Allemagne .

COÛT HORAIRE DE LA MAIN-D'oeUVRE

Note : le coût unitaire est le coût par unité produite ; il peut être exprimé comme le ratio entre le coût salarial par heure de production et de la production par heure de travail (productivité horaire).

Source : OCDE. Rapport Besson sur la TVA sociale.

L'ensemble des données disponibles montrent d'ailleurs que l'Allemagne constitue ainsi une exception dans le concert européen, et même dans le monde développé . Avec le Japon, c'est le seul pays à connaître une variation négative continue de ses coûts salariaux unitaires dans les années récentes.

Au demeurant, il est sans doute anecdotique mais significatif d'observer que la Commission européenne, quand elle rend compte des évolutions salariales dans la zone euro, est désormais contrainte d'isoler l'Allemagne.

Dans ces conditions, il est difficile de se rallier à l'idée qu'il existerait une anomalie française au regard du coût du travail .

Il faut insister sur les singularités de la situation observée en Allemagne , pays dont les équilibres économiques et sociaux paraissent manifester le choix d'une politique de désinflation compétitive plutôt que sur le soi-disant « cas » français.

En toute hypothèse, on doit relever que le différentiel des coûts salariaux unitaires à la faveur de la France a été acquis alors même que le « coin fiscalo-social » augmentait dans notre pays et qu'il diminuait dans l'OCDE .

- Ainsi, dans leur diversité, les « coins fiscalo-sociaux » n'ont pas les effets qu'on leur prête en termes de coût du travail .

* 136 Rapport des coûts de main d'oeuvre par unités produites.

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