4. Enrichir les assurances et prestations sociales d'une dimension qualitative

Ainsi qu'on le constate dans la dernière partie du présent rapport, une partie importante des prestations sociales est concentrée sur les populations les plus défavorisées, même si notre pays a adopté un régime de protection sociale dont une des caractéristiques majeures est l'universalité.

Derrière ce principe, on peut cependant nuancer pour tenir compte des réalités socioéconomiques. Qualitativement, certaines dépenses publiques relèvent plutôt de l'assistance que de l'assurance, soit par leur nature même, soit à raison des conditions d'existence que connaissent leurs bénéficiaires.

La portée d'une même dépense publique ne peut être la même dans l'un et l'autre cas. Et pourtant, il semble que la protection sociale ignore souvent ces différenciations qualitatives dont la prise en compte semble conditionner l'efficacité de la couverture sociale.

Tout se passe trop souvent comme si le versement d'un revenu de remplacement ou de complément pouvait tenir lieu, à soi seul, d'une politique sociale.

C'est dans le domaine des politiques sociales portant sur le fonctionnement du marché du travail que les doutes sur une pareille façon de voir ont jusqu'à présent connu leur expression la plus achevée.

Les dépenses publiques directement liées au fonctionnement du marché du travail s'élevaient à 2,3 % du PIB de l'Union européenne en 2003 . Cette moyenne s'accompagne d'une dispersion assez nette. En outre, la répartition des dépenses entre les différents types de dépenses pour le marché du travail varie sensiblement.

DÉPENSES PUBLIQUES EN FAVEUR DES POLITIQUES DU MARCHÉ DU TRAVAIL
EN POURCENTAGE DU PIB - 2003

Source : EUROSTAT, Base de données des politiques du marché du travail, Juin 2005

MÉTHODES
_____

- Les interventions recensées par Eurostat relèvent de plusieurs rubriques .

Les dépenses liées au marché du travail sont ventilées en trois groupes principaux :

- Services PMT : il s'agit des services généralement rendus par les organismes publics de l'emploi, auxquels les participants s'adressent pour rechercher un emploi, principalement des services de placement.

- Mesures actives : les mesures actives comprennent les dispositifs qui ne sont pas dans le champ de la simple indemnisation. Elles incluent notamment les dispositifs de formation.

- Mesures passives : ce sont des mesures fournissant des aides
- essentiellement, allocations de chômage et prestations de préretraite -.

- Les statistiques réunies par Eurostat pour rendre compte des dépenses consacrées au marché du travail reposent sur une conception plutôt restrictive des actions dont il s'agit .

- Les dépenses retracées sont des dépenses publiques, ce qui exclut les dépenses privées . Celles-ci ne sont pourtant pas négligeables. Les dépenses de solidarité familiale peuvent se substituer ou compléter les systèmes d'indemnisation. C'est une des explications usuellement avancées pour expliquer la faiblesse relative de leur niveau dans les pays du Sud de l'Europe.

De la même manière, les dépenses privées de recherche d'emploi ne sont pas retracées : elles peuvent être importantes qu'il s'agisse de dépenses de formation ou de dépenses d'information sur les emplois disponibles. Pourtant, le niveau des dépenses privées ne semble recensé nulle part. Cette lacune réduit la capacité à évaluer les dépenses publiques et à comparer les pays entre eux.

- Par ailleurs, les dépenses publiques recensées par Eurostat comme liées directement au fonctionnement du marché du travail excluent un très grand nombre d'interventions pouvant influencer le marché du travail. Tel est le cas des mesures recensées dans le cadre de la politique de l'emploi.

La frontière entre les deux politiques est pourtant ténue même si la politique de l'emploi mobilise des moyens plus diversifiés et plus importants.

Les dépenses consacrées au marché du travail comportent des rubriques dédiées aux politiques d'incitations à l'embauche ou au partage de l'emploi lorsque les dépenses d'exonération de charges sociales sont ciblées. Les exonérations autour du SMIC ne sont pas prises en compte.

De la même manière, les mesures d'incitation à la reprise d'un emploi, comme la prime pour l'emploi (PPE) française ou le dispositif anglais de Working Families Tax Credit (WFTC) sont exclues des politiques publiques du marché du travail.

Les dépenses publiques liées au fonctionnement du marché du travail représentent une proportion relativement minime des dépenses de protection sociale.

Cependant, le niveau d'intervention publique est très variable dans ce domaine et les différences observées rendent compte d'une partie non négligeable des écarts de dépenses publiques sociales dans l'Union européenne.

Par exemple, l'écart entre la France et le Royaume-Uni de 6,6 points de PIB tombe à 4,6 points de PIB quand on « néglige » ces dépenses, dont le niveau est directement fonction du taux d'indemnisation mais aussi, et principalement, du taux de chômage.

L'écart à la moyenne s'étage entre + 2,1 points de PIB pour le pays dépensant le plus (le Danemark) et - 1,8 point de PIB pour le pays le plus économe en la matière (la Grèce). Le ratio des dépenses publiques consacrées à ce domaine entre le Danemark et la Grèce s'élève à 7,3 (pour un écart en points de PIB de 3,9), ce qui est considérable.

La valeur de ce ratio est encore plus importante lorsqu'on l'applique aux différentes catégories d'intervention. Les 2/3 des dépenses relèvent de la catégorie des dépenses passives qui représentent partout (sauf en Italie) la majorité des dépenses totales.

RÉPARTITION DES DÉPENSES DE POLITIQUE DU MARCHÉ DU TRAVAIL
ENTRE LES MESURES ACTIVES ET PASSIVES
1998 ET 2003

Il s'agit, pour l'essentiel, de dépenses de prestations de chômage , le reliquat étant des dépenses de préretraite.

Au vu des données ici réunies, les dépenses passives d'indemnisation semblent n'avoir pas rétrogradé entre 1998 et 2003, en dépit des recommandations visant à l'activation des dépenses de l'emploi et malgré la baisse du taux de chômage intervenue dans l'Union européenne entre 1998 et 2003 (-1,3 point soit de 9,3 % à 8 %).

STRUCTURE DES DÉPENSES PUBLIQUES
CONSACRÉES AUX POLITIQUES DU MARCHÉ DU TRAVAIL
EN POURCENTAGE DU PIB, 2003

Lorsque les dépenses publiques consacrées au marché du travail sont faibles, l'essentiel peut être consacré aux indemnisations comme au Royaume-Uni ou en Grèce .

Cependant, des pays font un effort particulier pour que les dépenses d'indemnisation soient accompagnées de dépenses plus qualitatives .

Il s'agit souvent de pays dans lesquels les indemnités sont comparativement élevées .

Les dépenses actives ne se substituent pas aux indemnités ; elles les complètent et il semble donc un peu illusoire d'imaginer qu'elles puissent se traduire, à court terme, par une économie de dépenses publiques .

Mais, au regard de l'efficacité de l'intervention publique, le résultat est sans doute plus encourageant, même si la corrélation négative entre dépenses actives du marché du travail et taux de chômage - v. les données infra - n'est pas systématique et ne doit pas être considérée comme explicative.

TAUX DE CHÔMAGE DANS L'UNION EUROPÉENNE EN 2006

Nombre total de chômeurs
(en milliers)

Taux de chômage (en %)

Ensemble

Hommes

Femmes

Allemagne

3 431,8

8,4

7,7

9,2

Autriche

196,3

4,8

4,4

5,2

Belgique

383,2

8,2

7,4

9,3

Chypre

17,6

4,7

4,1

5,5

Danemark

113,8

3,9

3,3

4,5

Espagne

1 837,1

8,5

6,3

11,6

Estonie

40,5

5,9

6,2

5,6

Finlande

204,3

7,7

7,4

8,1

France métropolitaine

2 629,3

9,4

8,6

10,4

Grèce

434,5

8,9

5,6

13,6

Hongrie

316,7

7,5

7,2

7,8

Irlande

93,4

4,4

4,6

4,1

Italie

1 673,4

6,8

5,4

8,8

Lettonie

79,5

6,8

7,4

6,2

Lituanie

89,4

5,6

5,8

5,4

Luxembourg

9,7

4,7

3,5

6,2

Malte

12,0

7,3

6,5

9,1

Pays-Bas

335,7

3,9

3,5

4,4

Pologne

2 344,3

13,8

13,0

14,9

Portugal

427,8

7,7

6,5

9,0

République tchèque

371,7

7,1

5,8

8,8

Royaume-Uni

1 595,7

5,3

5,7

4,9

Slovaquie

355,4

13,4

12,3

14,7

Slovénie

60,8

6,0

4,9

7,2

Suède

325,9

7,0

6,9

7,1

UE à 25

17 379,9

7,9

7,1

9,0

Bulgarie

305,7

9,0

8,6

9,3

Roumanie

728,4

7,3

8,2

6,1

UE à 27

18 414,0

7,9

7,1

8,8

Champ : données non désaisonnalisées et harmonisées, en moyenne annuelle.

Source : Eurostat, base de données (extraction en juin 2007).

En toute hypothèse, on pourrait s'inspirer dans d'autres secteurs de la couverture sociale de la démarche qualitative suivie dans le domaine des politiques du marché du travail .

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