3. Le coût global des soins dispensés aux immigrés clandestins est supérieur à 30 millions d'euros par an
Comme dans le cas de l'Education nationale, il n'est pas aisé d'identifier précisément le coût hospitalier de la présence des immigrés clandestins sur le territoire mahorais . S'il est possible d'évaluer le coût des soins dispensés aux non-assurés sociaux, il est plus difficile, au sein de la population des non-assurés sociaux, d'identifier la population clandestine.
a) Le coût des soins dispensés aux non-assurés sociaux
D'après l'étude précitée de l'INSERM, les étrangers en situation irrégulière auraient un recours aux soins moins fréquent que les affiliés sociaux pour diverses raisons : la crainte d'être arrêtés par la police, l'éloignement par rapport aux dispensaires, l'absence de moyens de transport et, dans une certaine mesure, l'obstacle financier.
Selon les données recueillies par le CHM, la part des non-affiliés sur le nombre total d'entrées est de 38,5 % . Ce taux varie en fonction des soins dispensés. Ainsi, il est particulièrement élevé pour les consultations de maternité, pour lesquelles il atteint 63,5 %. Le tableau ci-dessous indique la part du nombre de naissances opérées pour des patientes non assurées.
Evolution du nombre de naissances
2005 |
2006 |
2007 |
|
Nombre total d'accouchements |
7.489 |
7.486 |
7.658 |
Nombre d'accouchements de femmes non assurées sociales |
5.092 |
5.098 |
4.305 |
Pourcentage des accouchements de femmes non assurées sociales |
68 % |
68 % |
56,2 % |
Source : rapport d'activité du CHM
La diminution du taux de naissances constatées chez des non-assurés sociaux semble s'expliquer, d'une part, par la régularisation progressive des Mahorais vis-à-vis de leur affiliation à la sécurité sociale et, d'autre part, par la diminution du nombre d'accouchements de femmes en situation irrégulière.
Au total, le directeur du CHM estime le coût des soins dispensés aux non-assurés sociaux entre 27 et 30 millions d'euros, ce qui est cohérent avec le coût de 23 millions d'euros en 2005 estimé par le rapport de l'IGAS précité 37 ( * ) .
b) La difficulté d'évaluer la part des clandestins dans la population des non-assurés sociaux
Selon le directeur du CHM, la « quasi-totalité » des non-assurés sociaux à Mayotte seraient des clandestins , compte tenu de l'ouverture très large du régime d'assurance maladie. La directrice de la DASS convient « qu'une forte majorité des non-assurés sociaux sont des clandestins » mais estime entre 20.000 et 30.000 le nombre de non-assurés dont le statut devrait leur permettre de s'affilier à la sécurité sociale, réduisant d'autant la part des immigrés clandestins au sein des non-assurés sociaux.
Au total, il semble que, sans risque de surestimation, le taux de 60 % d'immigrés clandestins dans la population des non-assurés sociaux peut-être retenu. Par conséquent, si l'on retient le « bas de la fourchette » évoquée par le directeur du CHM pour le coût des soins dispensés à l'ensemble des non-assurés sociaux, on peut estimer que l'immigration clandestine à Mayotte génère au minimum 16 millions d'euros de coûts de fonctionnement pour le CHM .
En termes d'équipement hospitalier et de dépenses d'investissement, il est difficile de considérer que les soins dispensés à la population clandestine ont un coût particulier, en raison du sous-équipement global de Mayotte en services de santé. Les dépenses d'investissement sont rendues nécessaires par l'accroissement démographique et la nécessité d'améliorer la qualité des soins dispensés à la population mahoraise, indépendamment de l'enjeu de l'immigration clandestine . A cet égard, votre rapporteur spécial salue la construction du nouvel hôpital de Mamoudzou, en cours lors de son déplacement à Mayotte, qui devrait permettre d'améliorer la qualité des soins dispensés à la population mahoraise.
c) Le coût des évacuations sanitaires
Le CHM n'étant pas spécialisé, il fournit essentiellement des soins généraux. De nombreuses spécialités ne sont couvertes que par intermittence 38 ( * ) ou ne sont jamais offertes 39 ( * ) sur le territoire mahorais et nécessitent donc des évacuations sanitaires. Selon l'audit de modernisation précité sur l'aide médicale d'Etat 40 ( * ) , 83 % de ces évacuations se font vers La Réunion, seuls les cas les plus graves pouvant nécessiter une évacuation vers la métropole.
Evolution du nombre d'évacuation sanitaires
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
429 |
543 |
602 |
595 |
612 |
595 |
531 |
617 |
Source : CHM
Comme l'indique le tableau ci-avant, le nombre d'évacuations sanitaires est stable depuis 2002.
Le coût total moyen du transport lors d'une évacuation sanitaire est, selon les informations recueillies auprès du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, de 3.800 euros .
Il convient d'ajouter à ce montant celui de la prise en charge, au titre de l'aide médicale d'Etat (AME), des non-assurés sociaux évacués puisque ceux-ci peuvent avoir droit à l'AME une fois présents à La Réunion ou en métropole. Par ailleurs, outre le financement des soins, l'enveloppe de l'AME est utilisée pour financer l'accueil dans des familles des patients évacués les plus jeunes, qui sont nombreux. En effet, selon le rapport d'audit de modernisation précité, près de la moitié des évacuations sanitaires concerne des jeunes de moins de 20 ans. Selon les informations fournies par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer, le montant de l'AME ainsi mobilisée s'est élevé, en 2006, à 20 millions d'euros .
Au sein de la population des évacués sanitaires, il est difficile, comme pour l'ensemble de la population hospitalisée, de distinguer la part des immigrés clandestins au sein de la population des non-assurés sociaux. Le rapport d'audit de modernisation précité évalue à 187 le nombre d'étrangers évacués de Mayotte en 2005, sans qu'il soit possible de faire la part entre les étrangers en situation régulière et irrégulière. En appliquant le ratio précédemment évoqué de 85 % de population clandestine au sein de la population étrangère présente à Mayotte, on parvient à une estimation proche de 150 immigrés clandestins bénéficiant d'une évacuation sanitaire de Mayotte .
Le coût du transport de ces évacuations peut donc être estimé à 570.000 euros et la part des immigrés clandestins dans le montant de l'AME mobilisée pour les soins des évacués à La Réunion ou en métropole à 17 millions d'euros.
Au total, en agrégeant le coût des évacuations sanitaires à celui de l'accueil dans les structures hospitalières des immigrés clandestins à Mayotte, on obtient un coût total des soins dispensés aux immigrés clandestins présents à Mayotte supérieur à 30 millions d'euros par an .
* 37 Rapport IGAS n° 2005-167 de novembre 2005 sur « La prise en charge des patients non-assurés sociaux par le centre hospitalier de Mayotte », présenté par Jean Debeaupuis.
* 38 Notamment la gastroentérologie, la cardiologie, la pneumologie, la neurologie et la rééducation fonctionnelle.
* 39 Notamment la neurochirurgie, l'anesthésie et la réanimation des enfants de moins de 1 an, la radiothérapie, les chirurgies invasives lourdes, la mammographie et les IRM.
* 40 Rapport sur la gestion de l'aide médicale d'Etat, audit de modernisation, IGF et IGAS, mai 2007.