B. LE DÉFI DE LA RÉFORME COMMUNALE ET DE LA MISE EN oeUVRE DES COMPÉTENCES

1. La modernisation progressive du régime des communes

* La mise en place de la nouvelle fonction publique communale, suspendue à la publication de textes d'application

La première étape de la modernisation du régime des communes a été engagée par l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2004 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs.

Cette ordonnance dote d'un statut général les 4.700 fonctionnaires des communes et des groupements de communes de Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs.

En effet, jusqu'à l'entrée en vigueur de ce texte, la plupart des personnels de ces collectivités et établissements publics étaient recrutés sur des contrats de droit privé, bien que l'article 6 de la loi n° 94-99 du 5 février 1994 d'orientation pour le développement économique, social et culturel de la Polynésie française ait déjà disposé qu'un statut des fonctionnaires communaux de Polynésie française devrait être instauré. Ce texte a été ratifié par la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer 46 ( * ) .

Les cadres d'emplois de fonctionnaires sont répartis en quatre catégories : conception et encadrement, maîtrise, application et exécution.

L'article 30 de l'ordonnance crée un centre de gestion et de formation , chargé d'assurer, pour l'ensemble des fonctionnaires, le fonctionnement des commissions administratives paritaires et des conseils de discipline, d'organiser les concours et les examens professionnels, de veiller à la publicité des créations et vacances d'emplois, et de programmer les actions de formation des agents.

Toutefois, comme l'ont indiqué à vos rapporteurs les représentants de la CGT, les décrets d'application de l'ordonnance de 2005, nécessaires à la mise en place de la fonction publique communale, ne sont pas encore publiés.

Ces décrets conditionnent la publication par le haut commissaire de la République des arrêtés relatifs au statut particulier de chaque cadre d'emplois. Un décret doit en outre définir la composition et l'organisation du conseil supérieur de la fonction publique des communes de la Polynésie française, la durée du mandat de ses membres, ainsi que ses règles de convocation et de fonctionnement. Les arrêtés du haut commissaire portant statut particulier de chaque cadre d'emploi doivent être soumis à ce conseil.

Les conditions dans lesquelles l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement peut créer des emplois à temps non complet, et le régime de ces emplois, doivent également être fixés par décret.

Vos rapporteurs estiment que la publication de ces décrets doit intervenir rapidement, afin de ne pas retarder la mise en place de la fonction publique communale en Polynésie française.

* L'actualisation du droit applicable aux communes

Deuxième étape de la réforme communale, l'ordonnance n° 2007-1434 du 5 octobre 2007 portant extension des première, deuxième et cinquième parties du code général des collectivités territoriales aux communes de la Polynésie française, à leurs groupements et à leurs établissements publics 47 ( * ) actualise le droit en vigueur, non seulement pour le mettre en conformité avec les dispositions de la loi organique statutaire de 2004, mais aussi pour rendre applicables les modifications intervenues dans les différents domaines du droit commun des collectivités territoriales, en particulier les avancées en matière de démocratie locale, de gestion des services publics locaux et de règles budgétaires et comptables.

L'extension des dispositions du code général des collectivités territoriales aux communes de la Polynésie française nécessite de nombreuses adaptations afin de respecter la répartition des compétences entre l'Etat, la Polynésie française et les communes définie par la loi organique du 27 février 2004 et de prendre en compte les spécificités des communes polynésiennes, telles que leur éloignement et leur dispersion géographique.

Cette réforme très attendue localement fera des communes de Polynésie française des collectivités territoriales de plein exercice, avec le passage à un contrôle de légalité et à un contrôle budgétaire a posteriori de leurs actes, au plus tard le 1 er janvier 2012 .

Toutefois, les communes qui le souhaitent peuvent bénéficier de ce nouveau régime par anticipation. Leur conseil municipal doit adopter à cette fin une délibération. Un arrêté du haut commissaire constate la date d'entrée en vigueur des nouvelles modalités de contrôle, qui intervient pour l'exercice de l'année suivant l'adoption de la délibération, si celle-ci a été transmise au plus tard le 30 septembre de l'année de son adoption, ou pour l'exercice de la deuxième année qui suit son adoption lorsqu'elle a été transmise après cette date.

Les communes des Marquises ont ainsi voté à l'unanimité, après les élections municipales de mars 2008, pour demander l'application du contrôle a posteriori dès le 1 er janvier 2009.

Les communes devraient par ailleurs avoir la possibilité de créer des centres communaux et intercommunaux d'action sociale . Or, les dispositions relatives aux CCAS et CIAS sont définies par le code de l'action sociale et des familles qui ne s'applique que partiellement en Polynésie française. Le nouveau code des communes applicable en Polynésie française prévoit qu'un arrêté du haut commissaire de la République fixera les conditions dans lesquelles ces centres peuvent être créés. Les communes pourront ainsi rationaliser leur intervention dans le domaine de l'action sociale, dans le respect des compétences en matière d'aide sociale de la Polynésie française.

En outre, les communes peuvent désormais développer leur propre politique économique, en octroyant des aides économiques, des garanties d'emprunts, et en participant au capital de certaines sociétés d'économie mixte locales (art. L. 2251-2 et suivants, L. 2252-1 et suivants et L. 2253-1 et suivants).

Elles doivent effectuer ces interventions sans empiéter sur la compétence de la Polynésie française dans le domaine économique. Toutefois, très peu de communes ont aujourd'hui les moyens de mettre en oeuvre une politique économique locale.

La plupart des dispositions de l'ordonnance sont entrées en vigueur le 1 er mars 2008. Le décret d'application de ce texte a été publié le 5 octobre 2008 48 ( * ) .

Mise en oeuvre parallèlement à la réforme de la fonction publique communale de la Polynésie française, cette extension du droit commun avec des adaptations tend à offrir aux communes le cadre juridique nécessaire et approprié au plein exercice de leurs compétences .

Cette évolution positive rend encore plus indispensables l'augmentation des ressources budgétaires des communes et la clarification des conditions d'octroi des concours financiers de la Polynésie française aux communes, compte tenu de leurs implications sur la vie politique locale.

* Les échéances fixées par l'ordonnance du 5 octobre 2007

L'ordonnance du 5 octobre 2007 tend à prendre en compte les spécificités des communes polynésiennes dans la programmation des échéances relatives à l'exercice obligatoire de leurs compétences. Les délais de mise en oeuvre sont donc les suivants :

- pour le traitement des déchets , les communes doivent avoir organisé le service au plus tard le 31 décembre 2011 ;

- le service de la distribution d'eau potable devra être assuré par les communes au plus tard le 31 décembre 2015 , ce qui, selon le rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance, devrait leur laisser le temps d'organiser ce service public avec les financements et les investissements nécessaires ;

- pour l'assainissement , le délai de mise en oeuvre est fixé au 31 décembre 2020 au plus tard.

L'ordonnance comporte des mesures d'adaptation visant à faciliter le financement de ces services par les communes. En effet, l'article L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales interdit aux communes métropolitaines de prendre en charge sur leur budget principal les dépenses effectuées au titre des services publics à caractère industriel ou commercial sauf, notamment, pour les services d'eau et d'assainissement des communes de moins de 3 000 habitants.

En Polynésie française, compte tenu des contraintes géographiques et de la nécessaire progressivité pour la tarification des services publics, la dérogation concerne les communes de moins de 10 000 habitants. Elle est par ailleurs étendue aux services du traitement des déchets et au service de distribution d'électricité.

L'ordonnance fixant des délais de mise en oeuvre pour l'exercice des compétences relatives à l'eau , à l'assainissement et au traitement des déchets, l'appréciation des diligences normales, au sens du code pénal, pour d'éventuelles carences en matière environnementale , devra intervenir au regard de ces délais.

Les règles de mise en cause de la responsabilité pénale des élus ne se trouvent pas modifiées d'autant plus que les dispositions relatives à la responsabilité pénale des élus en matière de délits non intentionnels sont, d'ores et déjà, applicables en Polynésie française 49 ( * ) .

* L'évaluation des charges des communes

L'article 5 de l'ordonnance du 5 octobre 2007 crée une commission consultative d'évaluation des charges transférées aux communes, dont la composition s'inspire du comité des finances locales de la Polynésie française.

Cette commission, présidée par un magistrat de la chambre territoriale des comptes, est composée de représentants de l'État, du gouvernement de la Polynésie française, de l'assemblée de la Polynésie française et des maires siégeant au comité des finances locales de la collectivité.

Elle doit examiner l'ensemble des charges des communes afin d'apprécier si le niveau des recettes dont elles bénéficient est suffisant pour y faire face. Cette commission devrait donc jouer un rôle primordial étant donné l'ampleur des investissements que les communes auront à réaliser au cours des prochaines années.

* 46 Voir le rapport fait au nom de la commission des lois sur ce projet de loi par M. Christian Cointat, n° 25 (2006-2007), p. 490-498. http://www.senat.fr/rap/l06-025-1/l06-025-1.html

* 47 Prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution.

* 48 Il s'agit du décret n° 2008-1020 du 22 septembre 2008 portant extension des première, deuxième et cinquième parties du code général des collectivités territoriales aux communes de la Polynésie française, à leurs groupements et à leurs établissements publics.

* 49 Ainsi, aux termes de l'article 121-3 du code pénal, étendu à la Polynésie française par l'article 14 de la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la notion de délits non intentionnels, « il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ».

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