3. Le défi de la mise en oeuvre des compétences en matière d'électricité et de gestion des déchets

* La fourniture d'électricité

En Polynésie française, la production et la distribution d'électricité relèvent de la compétence des communes, qui assurent ce service en régie ou en concèdent la gestion à une entreprise. Aussi la production d'électricité, principalement d'origine thermique 51 ( * ) est-elle en général confiée à Electricité de Tahiti (EDT).

L'augmentation du prix des hydrocarbures rend la production d'électricité à partir de l'énergie thermique de plus en plus coûteuse. Or, les îles éloignées, dont les besoins en électricité sont par ailleurs moins importants en raison d'une population moins nombreuse, pourraient développer l'électricité d'origine solaire. Cette technique, certes plus onéreuse, permettrait également aux hôteliers de faire du respect de l'environnement un atout supplémentaire.

Certaines communes, comme Makemo (Tuamotu-Gambier), ont choisi de recourir à des éoliennes .

Des économies d'énergie considérables peuvent en outre être réalisées en utilisant, pour la climatisation des grandes structures, les eaux profondes, selon le système mis en place par l'hôtel Intercontinental de Bora Bora (Sea Water Air Conditionning). Ce système consiste à capter à 800 mètres de profondeur une eau à 5°C.

Mme Béatrice Vernaudon, maire de Pirae, a indiqué à vos rapporteurs que la climatisation du nouveau centre hospitalier de Tahiti (Taaone) devrait utiliser cette technologie qui permettra de réduire sensiblement les frais de fonctionnement de cet établissement.

* La gestion et le traitement des déchets

Des programmes de gestion des déchets définis sur chaque île à partir de 1997 doivent aboutir à la création de centres d'enfouissement techniques (CET) pour les déchets non recyclables et à la valorisation des déchets recyclables.

Ainsi, le CET de Paihoro a été mis en service en 2000 afin de traiter les déchets ultimes des communes de Tahiti, à l'exception de Mahina et de Faa'a. Les communes rattachées à ce centre ont en outre mis en oeuvre le tri sélectif des ordures. Les déchets recyclables sont acheminés jusqu'au centre de recyclage et de transfert créé en 2000 à Motu Uta.

Selon l'Institut d'émission d'outre-mer, 25 % des déchets ménagers font aujourd'hui l'objet d'un tri en Polynésie française 52 ( * ) . Le recyclage ne concerne cependant que 3,5 % des déchets produits dans la collectivité.

Pour les archipels autres que les Iles du Vent, la création de huit unités de traitement est envisagée, sous la forme de CET pour les îles hautes (Marquises, Iles sous le Vent, Australes) et d'incinérateurs pour les atolls (Tuamotu-Gambier). Six de ces projets ont fait l'objet d'une convention avec les communes, mais tous se heurtent à des problèmes fonciers, à la perspective de dépenses de fonctionnement trop élevées pour les communes, ou à des réticences de la part de la population. L'investissement nécessaire à la réalisation de ces projets s'élève à près de 800 millions de francs CFP, soit 6,7 Millions d'euros.

M. Gaston Tong Sang, président de la Polynésie française, maire de Bora Bora et alors président du Syndicat pour la promotion des communes a estimé que le coût très élevé pour chaque commune du traitement des déchets rendait indispensable le partage de cette compétence au sein d'établissements publics de coopération intercommunale.

La difficulté pour chaque commune d'assumer seule la gestion des déchets apparaît de façon aiguë dans les atolls des Tuamotu-Gambier , qui sont en général faiblement peuplés, éloignés les uns des autres et dont le relief ne permet pas le recours à l'enfouissement.

Vos rapporteurs ont ainsi visité les deux décharges à ciel ouvert de Rangiroa. L'une de ces décharges, située près du rivage, défigure gravement le littoral et nuit à l'image de cet atoll, dont les sites de plongée sous-marine jouissent d'une réputation mondiale.

Aucune des deux décharges ne présente les exigences minimales de clôture du site, si bien que les déchets sont dispersés par le vent. La commune comprend les atolls de Rangirao, chef-lieu lui-même composé de deux villages (Avatoru et Tiputa) séparés par des passes, Tikehau, situé à 80 km, Mataiva et Makatea.

Les élus municipaux ont indiqué à vos rapporteurs que si l'État avait fait part de son accord pour financer la construction d'un incinérateur à Rangiroa, le projet avait été abandonné en raison d'un coût de fonctionnement exorbitant par rapport à la population réduite des communes intéressées. Cet incinérateur aurait en effet permis le traitement des ordures de Rangiroa et de Manihi, soit environ 8.000 habitants au total.

Population et situation des communes associées de Rangiroa (Tuamotu)

Communes associées

Population

Situation

Atoll de Rangiroa (chef lieu)

2.438

355 km au Nord-Ouest de Tahiti

Atoll de Tikehau

507

300 km au Nord de Tahiti (14°52' Sud ; 148°15'15" Ouest)

Atoll de Mataiva

204

(14°53' 30" Sud ; 148°43'30" Ouest)

Atoll de Makatea

61

230 km au Nord-Est de Tahiti (15°49'35" Sud ; 148°13'15" Ouest)

Total commune de Rangiroa

3.210

Source : recensement de la population, 2007

Les élus de Rangiroa ont en outre exprimé leurs réticences quant à l'installation d'un incinérateur dont les rejets pourraient contaminer les eaux pluviales, qui constituent la principale source d'eau dans les Tuamotu. Le recours à un dispositif de pyrolyse, évitant le rejet de fumées - mais produisant des résidus ultimes très toxiques - leur paraît préférable. Mais son utilisation à petite échelle à Rangiroa ne serait accessible financièrement que si Tahiti utilisait également cette technique au sein d'une plus grande structure.

Les élus de Rangiroa ont précisé que le tri sélectif avait été mis en place dans leur commune, avant d'être rapidement abandonné car la collectivité ne souhaitait pas prendre en charge le coût du transport des déchets recyclables jusqu'à Tahiti. Le coût annuel du ramassage des déchets atteint 6.000 francs CFP (50,2 euros) par famille.

Les élus de Tubuaï ont également expliqué que la commune utilisait une décharge publique « sauvage ».

M. Laurent Fontaine, directeur de l'Agence française de développement en Polynésie française, a expliqué à vos rapporteurs que plusieurs CET construits par le territoire n'étaient pas en service, les communes refusant d'en assumer le fonctionnement.

La faiblesse des ressources des communes, notamment dans les Tuamotu-Gambier et les Australes, constitue par conséquent un obstacle majeur au développement des équipements nécessaires au bien-être des habitants et au respect de l'environnement . L'absence de recettes fiscales dont elles pourraient disposer librement les empêcherait en effet d'assurer le fonctionnement des installations qui seraient financées par l'État ou par la collectivité d'outre-mer.

* 51 L'électricité provient à 77 % de centrales thermiques et à 23 % de centrales hydrauliques.

* 52 Institut d'émission d'outre-mer, Rapport annuel sur la Polynésie française en 2007, p. 117-118.

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