II. L'ENJEU DU DÉVELOPPEMENT ÉQUILIBRÉ DES ARCHIPELS FACE A L'ATTRACTION DE TAHITI

A. LA PLACE PRÉPONDERANTE DE TAHITI, DANS UN CONTEXTE DE RALENTISSEMENT DE LA CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE

Les trois-quarts de la population polynésienne habitent dans les 13 communes des Iles du Vent alors que le quart restant habite dans les quatre autres archipels (Iles sous le Vent, Iles Australes, Iles Marquises et Iles Tuamotu-Gambier).

1. Une population jeune, malgré le ralentissement du taux de croissance naturel

Au recensement général de la population du 20 août 2007, 259.596 habitants résident en Polynésie française, soit 14.766 personnes de plus qu'en 2002. Selon les données publiées par l'Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF) 27 ( * ) , cette progression est exclusivement due à l'accroissement naturel, l'excédent naturel 28 ( * ) ayant atteint 16.031 personnes entre 2002 et 2007, tandis que le solde migratoire apparent 29 ( * ) se révèle légèrement négatif (- 1.265 personnes).

Le taux d'accroissement naturel s'est élevé à 13,4 %o en 2006, contre 12,6 %o en 2005 (contre 4,5 %o en 2006, en métropole). En 2007, le taux de natalité a atteint 17,1 %o, soit 2,4 points de moins qu'en 2002.

Cependant, entre 2002 et 2007, la croissance de la population a ralentit en Polynésie française , puisqu'elle a atteint 1,2 % par an, contre 3 % par an entre 1977 et 1988 et 1,7 % par an entre 1996 et 2002. Le taux de croissance de la population diminue d'ailleurs régulièrement depuis trente ans, comme l'illustre le graphique ci-après.

Si la croissance de la population reste supérieure à celles d'Hawaï (+ 0,4 %) et de la Nouvelle-Zélande (+ 0,9 %), elle est inférieure à celle des territoires de Micronésie (+ 1,6 %) et de Mélanésie (+2,1 %). Au sein de cette évolution, le solde migratoire a eu un impact négatif entre 2002 et 2007. Toutefois, son évolution depuis 1971 apparaît fluctuante.

Enfin, si le taux de croissance naturel de la population a été divisé par 2,5 en 30 ans, la population demeure très jeune, puisque près de la moitié des habitants ont moins de 25 ans . Un habitant de Polynésie sur quatre a moins de 15 ans , contre plus d'un sur trois (36 %) en 1988.

2. Un solde migratoire négatif dans trois des cinq archipels

M. Oscar Temaru, président de l'assemblée de la Polynésie française et maire de Faa'a, a indiqué à vos rapporteurs que de nombreux jeunes Polynésiens quittaient les archipels pour s'installer à Tahiti, dans l'espoir d'y trouver un emploi et de meilleures conditions de vie. Il a précisé que les personnes arrivant à Tahiti étaient confrontées à de graves difficultés de logement, le manque de place dans les lotissements sociaux conduisant à une véritable « incarcération sociale ».

M. Gaston Tong Sang, président de la Polynésie française, maire de Bora Bora et alors président du Syndicat pour la promotion des communes, a également déploré l'exode des îles vers Tahiti, expliquant que près de 15.000 Marquisiens y étaient établis, alors que les Marquises comptent moins de 9.000 habitants.

Toutefois, si Tahiti garde un poids démographique prédominant, son attraction semble s'atténuer au cours des dernières années.

En effet, entre 2002 et 2007, seule la subdivision des Iles sous le Vent a connu un solde migratoire positif . La population des Iles sous le Vent, où vivent 13 % des habitants de la collectivité, a d'ailleurs doublé au cours des trente dernières années, notamment en raison du développement de Bora Bora, qui compte une quinzaine d'hôtels de luxe.

La population de Bora Bora, qui atteint 8.927 habitants, s'est accrue de 1.532 personnes, soit 4 % par an. Selon l'ISPF, elle contribue pour moitié à l'augmentation globale de la population des Iles sous le Vent.

Le solde migratoire apparaît en revanche négatif dans trois des cinq archipels de la collectivité entre 2002 et 2007 : les Iles du Vent, les Australes et les Marquises.

Les Iles du Vent (Tahiti et Moorea) concentrent 75 % de la population de la Polynésie française, 75 % des logements et 194.623 habitants. Le taux d'accroissement naturel y est descendu de 1,9 % par an entre 1988 et 2002, à 1,2 % par an au cours des cinq dernières années.

Aussi le solde migratoire est-il devenu légèrement négatif, avec une diminution de 1.543 habitants entre 2002 et 2007. Faa'a est la commune la plus peuplée (29.851 habitants). Papeete est la deuxième ville en nombre d'habitants (26.017), suivie de Punaauia (25.441). Les communes de Papeete, Arue et Pirae connaissent un déficit migratoire significatif, si bien que leur population se stabilise.

La population des communes situées au sud de Tahiti connaît en revanche une croissance de 10 à 15 %, de même que la commune de Moorea-Maiao, dont le nombre d'habitants a progressé de 14 % entre 2002 et 2007.

Les Iles Marquises comptent 8.632 habitants, soit 3,3 % des Polynésiens. La population y augmente faiblement (0,2 % par an), en raison d'un déficit migratoire élevé , que l'accroissement naturel compense à peine. Les communes les plus peuplées de l'archipel restent Nuku-Hiva (2660 habitants), Ua-Pou (2.157 habitants) et Hiva-Oa (1.986 habitants).

Archipel le moins peuplé, les Iles Australes rassemblent 6.310 habitants, soit 2,4 % des Polynésiens. Après avoir baissé entre 1996 et 2002, la population se stabilise. Le déficit migratoire reste en effet important, alors que l'accroissement naturel est plus faible que dans les autres archipels. Entre 2002 et 2007, la population de Tubuaï (2.050 habitants) a augmenté de 3,6 %, tandis que celle de Raivavae (905 habitants) a diminué de 8,7 %.

Evolution démographique entre novembre 2002 et août 2007

Subdivisions administratives

Population

Solde naturel

Nais-sances

Décès

Solde migra-toire appa-rent

Taux de crois-sance annuel

Contribution

22007

22002

Evolu-tion

du solde natu-rel

du solde migra-toire

(1)

(2)

(3)=
(1)-(2)

(4)=
(5)-(6)

(5)

(6)

(7)=
(3)-(4)

Iles du vent

194.623

183.804

10.819

12.362

16.492

4.130

-1.543

1,2

1,4

-0,2

Iles sous-le-Vent

33.184

30.303

2.881

1.840

2.586

746

1.041

1,9

1,2

0,7

Iles Marquises

8.632

5.548

84

586

739

153

-502

0,2

1,4

-1,2

Iles Australes

6.310

6.329

- 19

239

402

163

-258

-0,1

0,8

-0,8

Iles Tuamotu-Gambier

16.847

15.846

1.001

1.004

1.297

293

-3

1,3

1,3

-

Polynésie française

259.596

244.830

14.766

116.031

21.516

5.485

-1.265

1,2

1,3

-0,1

Sources : INSEE, ISPF (Recensements de la population et Etat civil)

Aux Iles Tuamotu et Gambier , le solde migratoire s'est stabilisé, la population ayant augmenté d'1,3 % par an entre 2002 et 2007, contre seulement 0,4 % par an entre 1996 et 2002. Cet archipel compte 16.847 habitants, soit 6,5 % des Polynésiens. La moitié de la croissance démographique observée au cours des cinq dernières années est due à l'augmentation de 20 % de la population des communes de Gambier (1.337 habitants) et d'Arutua (1.759 habitants).

En termes d'activité, les Iles de la Société bénéficient du taux de chômage le plus faible, qui atteint respectivement 11,3 % et 11,4 % aux Iles du Vent et aux Iles sous le Vent. Le taux de chômage s'élève à 14,8 % aux Marquises, à 22,7 % aux Australes et à 12,1 % aux Tuamotu-Gambier.

3. L'investissement inégal de la collectivité en matière d'éducation et de formation

M. Jean-Pierre Meullenet, vice-recteur de la Polynésie française, a expliqué à vos rapporteurs que près de 3.600 jeunes arrivaient chaque année sur le marché du travail dans cette collectivité. Il a souligné que si la plupart des jeunes voulaient rester dans leur « Fenua » (pays), les meilleurs étaient parfois amenés à quitter le territoire pour poursuivre leurs études et trouver des débouchés intéressants.

La jeunesse de la population doit conduire la collectivité à faire de l'éducation une priorité.

En effet, les compétences en matière d'éducation sont partagées entre la collectivité d'outre-mer et l'État, la première assurant les enseignements primaire et secondaire, tandis que le second gère l'enseignement supérieur.

Au cours de l'année scolaire 2007-2008, 75.375 enfants ont été scolarisés, dont 55 % dans le premier cycle et 45 % dans le second.

Le taux de scolarisation des enfants de 3 à 5 ans atteint 94 %, contre 100 % en métropole. Des centres de jeunes adolescents accueillent les élèves confrontés à des problèmes scolaires graves et leur donnent une formation dans un domaine d'activité défini (bâtiment et industrie, bois, tourisme et artisanat, activités liées à la terre, activités liées à la mer).

L'enseignement secondaire comprend des collèges, ainsi que des centre d'éducation aux technologies appropriées au développement (CETAD), les groupements d'observation dispersés (GOD) et les sections d'éducation spécialisées (SES).

M. Didier Meunier, directeur du GOD de Manihi (Tuamotu), a expliqué à vos rapporteurs que ce type d'établissement avait pour objet d'accueillir les élèves des îles peu peuplées pour les classes du collège, afin de leur éviter de partir trop jeunes pour un établissement beaucoup plus éloigné, les distances atteignant très vite plusieurs centaines de kilomètres en Polynésie française.

Le GOD de Manihi dispense par conséquent un enseignement secondaire à des élèves venant de cette île et des îles voisines. Aussi dispose-t-il d'un internat dont la visite illustre la carence du suivi de certains établissements secondaires .

En effet, vos rapporteurs ont pu observer que les enfants dormaient dans deux grandes pièces, dotées de matelas posés à même le sol, dans des conditions d'insalubrité et de sécurité qui ne seraient pas tolérées en métropole . A l'absence de lits proprement dits, s'ajoutent notamment l'état de dégradation avancé des équipements sanitaires.

Cette situation apparaît d'autant plus inacceptable que, selon les informations recueillies par vos rapporteurs auprès du vice-rectorat, la collectivité dispose de ressources suffisantes pour améliorer les conditions d'hébergement et la sécurité des enfants.

Vos rapporteurs ont d'ailleurs pu observer que si certains établissements des îles peu peuplées des Tuamotu étaient délaissés, en dépit de demandes répétées des élus et des chefs d'établissement, d'autres écoles bénéficiaient d'équipements exemplaires. Ils ont ainsi visité la nouvelle école maternelle de Taiarapu Est (Taravao, presqu'île de Tahiti), ouverte en 2007, qui fait à juste de titre la fierté des élus de cette commune. Mme Beatrix Lucas a indiqué à vos rapporteurs que la construction de cet établissement novateur, pour un montant de 470 millions de francs CFP, avait été assurée par le Fonds intercommunal de péréquation.

Les inégalités de traitement des établissements d'enseignement secondaire et l'absence de gestion patrimoniale des équipements ne permettent pas de porter l'éducation de la jeunesse polynésienne à la hauteur des enjeux pour l'avenir de la collectivité.

S'agissant de l'enseignement supérieur, le haut commissaire et le vice-recteur de la Polynésie française participent sans voix délibérative au conseil d'administration de l'université. La collectivité est en outre compétente en matière de bourses et de logement des étudiants. Elle a d'ailleurs mis en place en 2008 un dispositif d'aide au logement étudiant, afin d'inciter à la poursuite d'études au-delà du baccalauréat.

A la rentrée 2007-2008, les effectifs de l'université de la Polynésie française (UPF) ont atteint 2.542 étudiants.

Mme Louise Peltzer, présidente de l'université de la Polynésie française, a indiqué à vos rapporteurs que beaucoup d'étudiants gagnaient la métropole après leur licence. Elle a souligné que l'apprentissage de la langue française était à l'origine d'un taux élevé d'échec scolaire.

* 27 Les études statistiques relèvent de la compétence de la collectivité, aux termes de l'article 91 de la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française.

* 28 Différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès.

* 29 Différence entre la croissance de la population et l'excédent naturel.

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