Rapport d'information n° 206 (2008-2009) de Mme Christiane DEMONTÈS et M. André LARDEUX , fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la commission des affaires sociales, déposé le 10 février 2009

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N° 206

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 10 février 2009

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (1) de la commission des Affaires sociales (2) sur l' amélioration des dispositifs de contrôle et d' audit internes du réseau des caisses d' allocations familiales et la mise en place du répertoire national des bénéficiaires ,

Par Mme Christiane DEMONTÈS et M. André LARDEUX,

Sénateurs.

(1) Cette mission est composée de : M. Alain Vasselle, président ; M. Bernard Cazeau, vice-président ; MM. Gilbert Barbier, Guy Fischer, secrétaires ; Mme Christiane Demontès, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. André Lardeux, Jacky Le Menn, Dominique Leclerc, Jean-Marie Vanlerenberghe.

(2) Cette commission est composée de : M. Nicolas About , président ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mme Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, M. Jean-Marie Vanlerenberghe , vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Mme Muguette Dini, M. Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, M. Jean Boyer, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mme Jacqueline Chevé, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Jean Desessard, Mmes Sylvie Desmarescaux, Bernadette Dupont, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Jean-François Mayet, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, Alain Vasselle, François Vendasi, René Vestri.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Dans le cadre de sa mission d'assistance au Parlement et au Gouvernement 1 ( * ) , la Cour des comptes doit produire, depuis 2007, un rapport annuel de certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes des organismes nationaux du régime général de sécurité sociale ainsi que des comptes combinés de chaque branche et de l'activité recouvrement du régime général relatifs au dernier exercice clos.

Dans ses deux premiers rapports, établis successivement en juin 2007 (relatif à l'exercice 2006) et juin 2008 (pour l'exercice 2007), la Cour a conclu qu'elle n'était pas en mesure d'exprimer une opinion sur les comptes combinés de la branche famille et de la caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf), en raison de l'ensemble des limitations, désaccords et incertitudes affectant ces comptes.

La Cour a souligné en premier lieu et principalement les déficiences du contrôle interne, dues notamment à l'absence de fichier national des bénéficiaires de prestations .

Elle a critiqué également (dans le rapport de juin 2008) :

- le caractère insuffisant des travaux menés sous l'autorité de l'agent comptable national en vue de la validation des comptes des organismes de base ;

- la sous-estimation (à hauteur de 330 millions d'euros) des charges à payer, des provisions pour charges de gestion technique et des provisions pour risque de non-recouvrement des indus ;

- le trop versé par la Cnaf à la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), à hauteur de 770 millions d'euros, au titre des cotisations d'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) pour les années antérieures à 2005.

Sur ce dernier point, la Cour a pris acte cependant que le choix de ne pas procéder à l'apurement de cette somme a été fait en opportunité afin d'éviter de dégrader davantage le résultat déjà déficitaire de la branche retraite.

Enfin, elle a considéré qu'il existe une incertitude globale, au regard de l'exhaustivité, de l'exactitude et de la séparation des exercices, sur l'ensemble des charges de l'action sociale (3,5 milliards d'euros en 2007) : d'une part, on constate un écart de coût important entre l'estimation et la réalisation au cours de l'exercice suivant sur certains postes de dépenses (prestations de service ordinaire, contrats enfance et contrats temps libre) ; d'autre part, l'audit informatique a révélé l'insuffisante fiabilité du système d'information de l'action sociale (Sias).

Certes, l'impossibilité de certifier ne doit pas être confondue avec le refus de certification : dans le premier cas, le certificateur ne s'estime pas en situation de prendre position sur les comptes du fait de l'accumulation des limitations qui rendent lacunaires les informations collectées et entraînent un doute sur leur fiabilité et leur exhaustivité ; dans le second, il s'agit de désaccords significatifs avec le producteur des comptes, dont l'incidence et la multiplicité sont telles qu'il est impossible de valider les états financiers, même en émettant une ou plusieurs réserves 2 ( * ) .

Pour autant, le Parlement ne peut se satisfaire d'une situation dans laquelle il existe des doutes récurrents sur la fiabilité des comptes d'une des branches de la sécurité sociale dont les dépenses atteignent près de 60 milliards d'euros.

La certification concourt à la transparence et à la sincérité des résultats et de la situation financière du régime général. Elle a pour objectif d'apporter au Parlement une assurance raisonnable que les comptes ne comportent pas d'anomalies significatives, susceptibles de fausser son jugement sur la situation et le résultat financier de la sécurité sociale. Ce souci prend d'autant plus d'acuité au moment où le système de protection sociale, y compris la branche famille, traverse une crise grave, marquée par des déficits élevés.

La Cnaf a pris des engagements importants, dès la première campagne de certification de 2006. Comme l'a reconnu la Cour, ceux-ci ne pouvaient pas produire leurs effets sur les comptes 2007 en raison de leur ampleur et du temps nécessaire à leur mise en oeuvre. L'absence de certification deux années de suite ne reflète donc pas une aggravation de la situation, ni ne manifeste une quelconque mauvaise volonté de la part du réseau des caisses d'allocations familiales (Caf). Il reste toutefois à s'assurer que les efforts promis se poursuivent, qu'ils commencent à porter leurs fruits et que la Cnaf se donne effectivement les moyens d'obtenir la certification des comptes de la branche famille dans les délais les plus rapides.

Tel est l'objectif que s'est fixé la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), avec l'ambition d'appréhender de manière très concrète les processus déployés pour satisfaire aux exigences de la Cour. L'accent a été mis en particulier, dans le présent rapport, sur l'instauration du répertoire national des bénéficiaires (RNB) , désigné par la Cour elle-même comme l'instrument indispensable et déterminant pour garantir un contrôle interne efficace, susceptible de lever les principaux doutes pesant sur la fiabilité des données comptables.

Les progrès réalisés en ce domaine par le réseau des caisses d'allocations familiales apparaissent tout à fait remarquables. L'analyse des évolutions imprimées aux autres composantes de la maîtrise des risques révèle que la Cnaf a manifesté, là aussi, une réelle volonté de se doter des moyens nécessaires à un pilotage plus efficace.

La Mecss a, par ailleurs, obtenu des informations précises sur le suivi par la caisse des crédits affectés à l'action sociale.

Pour mener à bien son étude, elle a adressé à la Cnaf un questionnaire dont les réponses sont reproduites en annexe au présent rapport. Elle a effectué deux déplacements, à la Caf de Rouen et à celle de Haute-Garonne, et auditionné Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration, et Hervé Drouet, directeur, de la Cnaf 3 ( * ) , ainsi que Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale 1 .

I. LA CONSTRUCTION MINUTIEUSE D'UN RÉPERTOIRE NATIONAL DES BÉNÉFICIAIRES

Le RNB est un registre informatique commun aux cent vingt-trois Caf de France, qui répertorie l'ensemble des personnes bénéficiant des prestations versées par les caisses .

A chaque bénéficiaire est attribué un numéro unique qui permet à toutes les Caf d'avoir accès, en temps réel, à l'intégralité des informations le concernant. Cet identifiant personnalisé est affecté aussi bien aux ayants droit directs d'une prestation qu'à ses bénéficiaires indirects, par exemple les enfants d'une famille disposant des allocations familiales.

Le RNB couvre les prestations familiales et les autres allocations distribuées par la branche famille pour le compte de l'Etat 4 ( * ) .

A. DES OBJECTIFS AMBITIEUX

Alors que la convention d'objectifs et de gestion (Cog) 2001-2004 incitait simplement les Caf à développer leurs échanges informatisés de données grâce à un identifiant national 5 ( * ) , la Cog 2005-2008 a prévu explicitement que « la Cnaf s'engage à mettre en place un identifiant national et un répertoire national des allocataires destinés à faciliter le développement de l'administration électronique, les actions de contrôle et l'accès à une information sur leur dossier en tout point du territoire 6 ( * ) ».

Ce projet répondait à deux objectifs principaux .

1. La lutte contre la fraude et la prévention des indus

a) Une lacune dénoncée par la Cour des comptes

Au mois de juin 2007, à l'occasion de son premier exercice de certification des comptes de la sécurité sociale, la Cour des comptes a regretté qu'« il n'existe pas de fichier national des allocataires, chacun d'entre eux disposant d'un identifiant délivré par la Caf d'appartenance, sans consolidation nationale des données » 7 ( * ) . La Cour a considéré que cette absence participait des « insuffisances du contrôle interne portant sur la liquidation et la comptabilisation des droits » entraînant « une forte incertitude sur le versement à bon droit des prestations légales et sur l'estimation des indus et provisions associés ». Ces insuffisances ont elles-mêmes été qualifiées de « limitations substantielles » affectant l'audit des comptes et conduisant la Cour à se déclarer ne pas être en mesure d'exprimer une opinion sur les comptes combinés de la branche famille.

S'agissant des comptes 2007, la Cour a maintenu sa position, précisant que les déficiences générales du contrôle interne sont « dues notamment à l'absence de fichier national des bénéficiaires de prestations 8 ( * ) ».

b) Un outil efficace

L'appréciation de la Cour des comptes s'explique par le fait que l'absence de fichier national des bénéficiaires gêne considérablement la prévention et la lutte contre au moins deux types de fraudes et d'indus 9 ( * ) :

- d'une part, elle rend difficilement détectables les cas de ménages s'inscrivant dans différentes caisses pour bénéficier plusieurs fois des mêmes prestations . En matière d'allocations familiales par exemple, une déclaration de situation sur l'honneur, accompagnée d'une photocopie des pièces d'identité correspondantes, suffit à déclencher l'ouverture du droit 10 ( * ) . En l'absence de RNB, une caisse se trouve donc dans l'impossibilité de savoir, sauf à consulter les cent vingt-deux autres, si un ménage ou une personne bénéficie déjà de la prestation demandée ;

- d'autre part, elle fait obstacle au repérage automatique des fraudes ou indus liés à l'inscription dans plusieurs caisses sous des rôles différents . Par exemple, une jeune personne de dix-huit ans peut être affiliée à une caisse en tant qu'enfant à la charge de ses parents, ce qui leur permet de bénéficier des allocations familiales correspondantes, et à une autre comme adulte constituant un foyer fiscal propre et pouvant à ce titre prétendre à l'aide personnalisée au logement (APL). Cette double inscription peut aussi bien résulter d'une volonté frauduleuse que d'une méconnaissance de la réglementation. Quoi qu'il en soit, la détection de ces cas nécessite de la part des Caf une vérification systématique, auprès de la direction générale des finances publiques (DGFiP), de la véracité des informations fournies, ce qui n'est pas envisageable, sauf à allonger excessivement le délai de traitement des dossiers.

Depuis le 1 er janvier 2008 cependant, la suppression de la déclaration de ressources, devenue inutile avec le transfert des avis d'imposition de la DGFiP vers les Caf, rend plus difficile ce dernier type de fraude, car le rattachement à deux foyers fiscaux est normalement repéré en amont par les services de l'Etat.

2. Des gains de productivité et un meilleur service aux usagers

En plus de renforcer la lutte contre la fraude et de rendre la recherche des indus plus efficace, le RNB devrait faciliter le travail des agents et simplifier les démarches des usagers .

La possibilité de consulter, à partir d'un fichier unique, la totalité des informations concernant tous les allocataires représentera un gain de temps considérable pour les agents, qui ne devront plus, pour trouver les renseignements dont ils ont besoin, effectuer une recherche dans plusieurs dossiers ou solliciter les fichiers d'autres caisses. De même, le temps passé à répondre aux questions des autres Caf sera fortement diminué, puisque toutes les informations seront disponibles en temps réel.

Le RNB permettra également d'alléger les démarches administratives pour les allocataires : la centralisation des données limitera par exemple le nombre de documents à fournir en cas de changement de caisse. En outre, toujours en cas de déménagement, tout agent de la nouvelle Caf pourra immédiatement et précisément renseigner un allocataire sur sa situation et ses droits, sans attendre que celui-ci lui transmette les documents qu'il avait déjà communiqués à la caisse d'origine.

B. UNE MISE EN PLACE EXIGEANTE

Contrairement à ce que l'on a tendance à croire spontanément, la construction d'un répertoire national des bénéficiaires nécessite un long et minutieux travail qui sollicite obligatoirement le concours d'autres services que ceux de la branche concernée.

1. Une gestion traditionnelle par numéro de dossier

Jusqu'à la mise en oeuvre du RNB, les Caf n'attribuaient pas de numéro d'identifiant à chacun des bénéficiaires. L'entité de gestion était le dossier qui coïncidait avec le foyer : à chaque ménage était affecté un numéro de dossier auquel était rattaché l'ensemble des prestations versées. A une famille composée de quatre personnes se rapportait ainsi un seul numéro de dossier 11 ( * ) , auquel étaient raccordées toutes les prestations dont la famille bénéficiait : aussi bien par exemple les allocations familiales que l'allocation de base de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) ou l'allocation de logement familiale (ALF).

Au départ donc, non seulement chaque Caf gérait son propre fichier d'allocataires, mais ce fichier était en outre constitué de numéros de dossiers et non de numéros de personnes .

2. Un numéro unique pour chaque bénéficiaire

Par rapport à la situation d'origine, la construction du RNB a nécessité une double opération : attribuer à chaque bénéficiaire un numéro propre et alimenter un fichier national commun aux cent vingt-trois Caf.

Dans un souci de simplicité, c'est le numéro unique d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques (Nir) qui a été choisi comme numéro unique d'identifiant. En effet, un Nir est créé et accordé à chaque personne, au moment de sa naissance, par l'institut national de la statistique et des études économiques 12 ( * ) (Insee). Depuis 1988, pour les personnes nées à l'étranger, la conception du Nir est confiée à la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav). La gestion informatique de l'ensemble est assurée grâce au système national de gestion des identifiants (SNGI), qui inclut le service administratif national d'identification des assurés de la Cnav (Sandia) recensant les Nir des personnes nées à l'étranger.

3. La certification et ses problèmes

a) Le processus normal de certification

Créer un RNB ne consiste pas à attribuer simplement à chaque allocataire son Nir élaboré par l'Insee.

Il faut, pour que le répertoire soit fiable, s'assurer que le Nir renvoie bien à la même personne que celle connue des caisses, en l'occurrence des Caf. Celles-ci doivent donc vérifier, pour chacun de leurs bénéficiaires, que les informations liées au Nir d'une personne (nom, prénoms, sexe, date et lieu de naissance, et filiation pour les personnes étrangères) sont exactement les mêmes que celles fournies par l'allocataire au moment de son affiliation.

Si tel est le cas, le Nir est dit « certifié » et il peut être inséré dans le RNB.

S'il existe des différences , qui peuvent être plus ou moins importantes, il s'agit d'en trouver l'origine et de les corriger.

b) Les discordances mineures

Une première série de difficultés provient des petites divergences qu'une caisse peut constater entre ses informations et celles du SNGI. La pièce d'identité fournie par l'allocataire peut par exemple présenter de légers écarts avec les données du Nir : orthographe d'un prénom, ordre des deuxième et troisième prénoms, existence d'un tiret entre deux prénoms...

La caisse demande alors à son allocataire un extrait d'acte de naissance, car cette pièce, premier acte d'état civil identifiant un nouveau-né, est considérée comme étant la plus fiable.

Deux situations sont alors possibles : soit l'acte confirme les informations du Nir, la Caf corrige alors les siennes et indique à l'allocataire que la pièce d'identité présentée comporte une erreur ; soit l'acte infirme les données du Nir et la caisse signale au SNGI le problème et lui demande de rectifier l'identité correspondant au Nir.

Il peut également arriver, lors des naissances gémellaires, que l'Insee ait attribué le même numéro aux deux jumeaux. Dans ce cas, la certification est un peu plus longue car la Caf doit faire une demande d'immatriculation auprès de l'Insee pour celui qui n'avait pas été jusqu'alors identifié.

c) Les difficultés substantielles

Une seconde série de problèmes, plus délicats, découlent de l'impossibilité, relative ou absolue, d'établir l'identité d'un allocataire de façon incontestable . Ils concernent tous des ressortissants étrangers et peuvent être présentés en trois sous-catégories.


• D'abord, dans la quasi-totalité des cas, lorsqu'une personne étrangère souhaite s'installer et travailler sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois, elle doit solliciter, auprès de l'ambassade de France dans son pays d'origine, un visa de long séjour. Une fois entrée dans l'espace national, ce visa, accompagné des documents d'état civil nécessaires, lui permet de demander un titre de séjour, pour une durée déterminée, auprès de la préfecture du département du lieu où elle est domiciliée.

La présentation de ce titre ouvre droit aux prestations sociales, tout comme le fait un document d'état civil pour un citoyen français. Sur présentation du titre de séjour et de l'imprimé Cerfa dûment rempli et signé, une personne étrangère peut se voir accorder, par exemple, le droit aux allocations familiales.

Ceci étant, s'il revient à la préfecture de délivrer le titre de séjour, c'est aux organismes de protection sociale qu'il incombe de demander l'inscription d'une personne étrangère au SNGI. C'est donc le plus souvent les Caf ou les caisses primaires ou régionales d'assurance maladie (Cpam et Cram), c'est-à-dire les caisses le plus rapidement sollicitées une fois par la personne présente sur le territoire national, qui effectuent cette demande. Celle-ci ne peut être satisfaite que sur présentation d'un document officiel permettant d'établir la filiation, ce qui n'est pas exigé pour le titre de séjour .

Or, il peut arriver, notamment pour les réfugiés, que les extraits d'acte de naissance aient été perdus, détruits et que la situation ou les relations avec le pays d'origine ne permettent pas d'en expédier un nouvel exemplaire. Dans ces conditions, la délivrance d'un Nir certifié n'est juridiquement pas possible, et les Caf devront donc attribuer un Nir provisoire ou pseudo-Nir 13 ( * ) .


• Se posent, en second lieu, des problèmes de traduction des documents : lorsque l'extrait d'acte de naissance est rédigé dans une langue étrangère, il arrive que plusieurs traductions soient possibles et que les services de traduction auxquels recourt la Caf ne choisissent pas la même que celle qui figure sur le titre de séjour. Faut-il alors retenir la version du titre de séjour ou celle de l'extrait d'acte de naissance ? Là encore, en attendant la résolution définitive du problème, la Caf ne pourra éviter d'accorder un pseudo-Nir.


• Enfin, les étudiants étrangers , dont la majorité est composée de ressortissants communautaires, constituent une catégorie particulière dans la mesure où la difficulté d'immatriculation provient de la brièveté de leur séjour. Inscrits la plupart du temps à l'université pour un semestre, ils ne prennent pas le temps de faire venir de leur pays d'origine les extraits d'acte de naissance nécessaires à leur enregistrement au SNGI. Ils sont d'autant moins enclins à le faire que l'ouverture des droits est totalement indépendante de leur référencement dans le RNB.

4. L'état actuel d'avancement

a) Une progression satisfaisante

Les opérations de certification ont commencé en décembre 2007 . Au 31 décembre 2008, alors que la branche famille servait des prestations à 30,5 millions de personnes, 29 millions de Nir avaient été certifiés et 1,5 million, soit 5 % du total, posait un problème en cours de résolution .

Pour obtenir le nombre total des allocataires actuellement recensés dans le RNB, il faut y ajouter ceux qui, tout en étant connus des Caf pour avoir bénéficié des prestations pendant une période donnée, ne sont plus des récipiendaires actifs car leur dossier a été clos. Puisqu'elles sont enregistrées dans le RNB, ces personnes, estimées à quatre millions, disposent par définition d'un Nir certifié.

Globalement donc, au 1 er janvier 2009, le RNB répertoriait 33 millions de personnes sur les 34,5 millions de bénéficiaires actifs ou anciens.

b) Des limites indépendantes de la volonté des caisses

Selon les dernières estimations de la Cnaf, on peut considérer que parmi les 1 520 113 personnes sans Nir certifié, 994 676 posent un problème compliqué, alors que les 524 437 autres représentent simplement le flux , c'est-à-dire les nouveaux allocataires pour lesquels le processus normal de certification est en cours.

Au sein des 995 000 bénéficiaires dont l'immatriculation est délicate, environ 445 000, soit 45 %, ont présenté des informations aux caisses qui ne correspondent pas exactement à celles détenues par l'Insee : il s'agit par exemple d'une différence dans l'ordre des prénoms ou de l'existence d'un tiret entre deux prénoms. La présentation de l'extrait d'acte de naissance permettra de résoudre le problème et le nombre de ces cas devrait diminuer au fur et à mesure que le SNGI procédera aux rectifications nécessaires.

Pour les 55 % restants, soit 545 000 allocataires, la difficulté provient du fait que les personnes ne sont pas identifiées par le SNGI. Parmi elles, on dénombre 61 % de citoyens français, 30 % d'étrangers non communautaires et 9 % de ressortissants de l'Union européenne .

S'agissant des nationaux, le problème est en réalité aisément surmontable. Certaines caisses avaient pour habitude de n'enregistrer dans le logiciel Cristal que le premier prénom d'un bénéficiaire. Lorsque ces Caf effectuent la demande de certification auprès du SNGI, il arrive donc que celui-ci ne reconnaisse pas l'allocataire concerné. Là aussi, l'appel des extraits d'acte de naissance ou un enregistrement complet des prénoms à partir des pièces d'état civil déjà détenues devraient permettre de trouver une solution.

En revanche, les difficultés rencontrées pour la certification du Nir des 39 % d'étrangers, soit 212 550 personnes, s'expliquent par les trois types d'obstacles précédemment exposés : impossibilité d'établir officiellement la filiation, discordances dans les traductions, brièveté des séjours sur le territoire national.

Les caisses n'ont aucune prise sur ces trois catégories de problèmes et leur résolution est indépendante de leur volonté.

Dès lors, il convient de souligner qu'en raison de la disjonction entre les règles d'ouverture des droits et les normes de certification du Nir, il subsistera toujours un décalage entre le nombre de personnes bénéficiaires de prestations et le nombre de personnes disposant d'un Nir certifié référencées dans le RNB. Autrement dit, le RNB ne pourra jamais couvrir, en temps réel et sans risque d'erreur, la totalité des bénéficiaires .

c) Un dispositif opérationnel en 2010 ?

Le RNB sera achevé lorsque chaque agent habilité dans chacune des Caf de France aura automatiquement accès, au moment de réaliser une opération pour un allocataire, à l'ensemble des données le concernant.

Le couplage entre le RNB et le logiciel « Cristal », qui permet la gestion et la liquidation des prestations, existe mais, depuis novembre 2008, il n'est pas encore systématisé. Les agents doivent encore d'eux-mêmes, avant de traiter un dossier dans Cristal et d'autoriser un paiement, consulter le RNB pour vérifier manuellement qu'il n'existe pas d'incompatibilités entre la demande de l'allocataire et les prestations qu'il reçoit déjà et qui sont recensées dans le répertoire national. Des contrôles a posteriori sont réalisés pour s'assurer que la démarche a bien été effectuée par le technicien.

Trois étapes sont encore à franchir avant que la jonction entre Cristal et le RNB soit automatisée :

- d'abord, la construction du RNB a permis de détecter un certain nombre d'anomalies qui doivent être traitées manuellement. Chaque enregistrement dans le RNB est susceptible d'entraîner un signalement, c'est-à-dire une irrégularité concernant un allocataire : celui-ci peut par exemple bénéficier deux fois des mêmes prestations dans deux caisses différentes ou être connu sous deux rôles différents dans plusieurs caisses distinctes. Il s'agit alors d'analyser la situation du bénéficiaire pour le rétablir dans ses droits et réclamer éventuellement les indus ;

- ensuite, les personnes disposant d'un Nir provisoire doivent être chargées dans le RNB afin que celui-ci inventorie la totalité des bénéficiaires. Cette phase devrait être achevée au mois de juin 2009 ;

- enfin, dans le courant de l'année 2010, le RNB devrait être parfaitement opérationnel grâce à l'articulation automatisée avec Cristal. Dès lors, il ne sera plus possible d'enregistrer et de valider une nouvelle demande de prestation sans que l'application informatique du RNB vérifie automatiquement que cette demande est compatible avec les informations recensées sur l'allocataire . Si elle ne l'est pas, elle sera mécaniquement refusée.

La lutte contre la fraude et la prévention des indus devraient s'en trouver considérablement renforcées.

C. VERS UN RÉPERTOIRE NATIONAL COMMUN DE LA PROTECTION SOCIALE

S'il est essentiel à une maîtrise des risques efficace et à l'amélioration du service rendu aux allocataires par la branche famille, le RNB constitue également une étape indispensable de la construction d'un répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS).

L'article 138 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 14 ( * ) a en effet prévu la création d'un fichier unique des assurés, commun aux organismes chargés d'un régime obligatoire de la sécurité sociale (maladie, vieillesse, famille, accidents du travail-maladies professionnelles), aux organismes de recouvrement, à Pôle emploi et aux caisses assurant le service des congés payés 15 ( * ) . Selon la direction de la sécurité sociale (DSS), une soixantaine d'organismes sont impliqués.

Le RNCPS devra recenser l'ensemble des bénéficiaires des prestations et avantages de toute nature servis par ces organismes. Pour chaque personne concernée, l'identifiant utilisé sera le Nir.

Le contenu et les modalités de gestion et d'utilisation de ce répertoire doivent être fixés par décret en Conseil d'Etat, après avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) 16 ( * ) . Celle-ci devrait se prononcer prochainement. Le décret est donc toujours en attente de publication.

A l'échelle de la protection sociale tout entière, le RNCPS reprend les trois objectifs du RNB : une meilleure qualité de service grâce à une simplification des procédures, un accroissement de la productivité des branches et une efficacité renforcée dans la lutte contre la fraude.

Le RNCPS requiert la mise en commun des répertoires nationaux de chaque organisme concerné. Des structures de taille importante, comme la Cnav qui gère elle-même le SNGI, ou la Cnam qui a construit depuis 1996 17 ( * ) , en collaboration avec la Cnav, un répertoire national interrégimes des bénéficiaires de l'assurance maladie (Rniam), disposent déjà d'un tel répertoire appuyé sur le Nir.

En revanche, plusieurs autres organismes, dont la DSS ne possède pas encore la liste précise mais parmi lesquels figurent les régimes spéciaux de sécurité sociale, n'ont pas encore commencé la construction d'un référentiel de leurs bénéficiaires identifiés grâce aux Nir.

La construction du RNB par la branche famille, qui n'utilisait pas au départ le Nir comme identifiant des allocataires et qui a dû concevoir entièrement ce nouveau répertoire, constitue donc une expérience précieuse pour les structures qui doivent encore se lancer dans l'élaboration d'un référentiel national.

1. Consacrer les ressources humaines nécessaires

L'élaboration du RNB a contraint les caisses d'allocations familiales à se doter d'une nouvelle compétence : savoir certifier les Nir.

Cette qualification requiert une formation importante, qui permet d'apprendre à repérer les divergences entre les données des Caf et celles de l'Insee ou de la Cnav, et à déclencher les procédures adéquates en fonction du type de problème rencontré.

Pour faire face à cette mission, la totalité des Caf a choisi de former des techniciens déjà en poste, qui ont donc appris ce nouveau métier auquel, la plupart du temps, ils se sont consacrés à plein temps. Certaines caisses, comme celles de Rouen ou de Haute-Garonne, ont monté des « cellules RNB » dotées de plusieurs techniciens. Cette option semble être payante, puisque ces deux caisses bénéficient d'un taux de certification des Nir bien supérieur à la moyenne nationale 18 ( * ) .

Ceci étant, la formation et le recrutement en interne de techniciens dédiés au RNB sont sans doute, pour toutes les caisses qui ne sont pas de petite taille, insuffisants pour être en mesure de traiter, dans un délai raisonnable, la masse des dossiers. Même dans une caisse de taille moyenne comme celle de Rouen, il a été jugé nécessaire non seulement de former quatre techniciens conseils confirmés mais également de recruter six agents supplémentaires en contrat à durée déterminée (CDD) afin de réaliser les opérations de certification de masse. Pour traiter en une année les Nir des 108 000 allocataires de la caisse, une force de travail de huit équivalents temps plein (ETP), soit 2,7 % du total des effectifs, a donc été mobilisée. Une fois le stock traité, la gestion du flux requiert encore six ETP, soit les quatre techniciens formés et deux des agents recrutés en CDD aujourd'hui titularisés.

La première leçon qu'il faut donc tirer de l'expérience de la branche famille est que la construction d'un RNB fiable passe par un effort d'investissement humain important, aussi bien en qualité, pour former les agents à un nouveau métier, qu'en quantité, pour faire face à l'ampleur du travail de certification des Nir .

2. Engager le travail de certification le plus tôt possible

L'expérience de la branche famille révèle que la construction d'un répertoire national, même en s'appuyant sur des ressources humaines volontaires, correctement formées et raisonnablement renforcées, requiert un délai d'environ deux années .

La DSS n'est pas actuellement en mesure de chiffrer le nombre de Nir restant à certifier par les organismes impliqués dans le RNCPS.

Ceci étant, il ne fait pas de doute qu'ils se heurteront aux mêmes types d'obstacles que les Caf.

Afin d'éviter que le RNCPS soit indéfiniment repoussé dans le temps, il est donc souhaitable que les services concernés engagent dès à présent leur effort de certification des Nir et de construction de leur RNB, qui pourra ensuite alimenter le répertoire commun à toute la protection sociale.

La DSS estime que le RNCPS pourrait être mis en chantier au cours de l'année 2009 et achevé en 2010. La Mecss juge cette prévision très optimiste et considère plutôt que l'ampleur du travail de certification repousse au moins à 2010 la mise en place d'un RNCPS fiable et opérationnel . Si tel devait bien être le cas, la disposition législative votée en 2006 prendrait effet quatre ans après son adoption par le Parlement.

3. Répartir rationnellement les compétences et harmoniser les règles

Plusieurs changements dans la réglementation en vigueur pourraient faciliter la constitution des différents répertoires nationaux et du RNCPS.

D'abord, il serait judicieux que la demande de Nir auprès de la Cnav pour les personnes étrangères soit faite par les préfectures, qui disposent déjà de toutes les pièces justificatives, et non plus par les organismes de sécurité sociale. La requête d'immatriculation se ferait ainsi en même temps que la création du titre de séjour. Il en résulterait deux avantages :

- un gain de temps dans la construction du RNB , puisque l'immatriculation serait effectuée dès l'autorisation obtenue de séjourner sur le territoire et non à l'occasion d'une demande ultérieure de prestations ;

- un gain de productivité pour les administrations publiques , puisque la demande d'inscription au SNGI serait déléguée non plus à plusieurs organismes mais à une seule structure, que ses missions traditionnelles préparent à la prise en charge de ce type de dossier.

Ensuite, il est souhaitable que les différents organismes appliquent les mêmes règles de certification des Nir. L'absence d'harmonisation conduirait en effet à transférer entièrement sur la structure la plus rigoureuse le travail de certification. Par exemple, si une caisse certifie un Nir malgré une petite divergence entre ses informations et celles de l'Insee et que l'allocataire s'adresse ensuite à une caisse d'une autre branche plus attentive, celle-ci lui demandera, en vertu de sa politique de certification, un extrait d'acte de naissance permettant d'établir son identité de manière incontestable. En fonction des données fournies par le document, il reviendra ensuite et encore à cette caisse d'inviter, soit l'allocataire si la carte d'identité comporte une erreur, soit l'Insee si ses données sont inexactes, à procéder aux corrections adéquates. L'harmonisation des degrés d'exigence dans la certification est donc indispensable pour que les caisses les plus rigoureuses, et donc les plus utiles à la construction du RNCPS, ne soient pas injustement pénalisées .

Il semble que la méthodologie de certification récemment élaborée par la direction de la sécurité sociale et distribuée aux organismes concernés réponde à cet impératif 19 ( * ) .

Enfin, pour régler les problèmes de certification issus des divergences de traduction, un système de recours auprès d'un traducteur assermenté, ayant autorité pour trancher les différends , pourrait être instauré.

II. LES AUTRES CHANTIERS PRÉALABLES À LA CERTIFICATION DES COMPTES

A. LA RÉORGANISATION DE LA MAÎTRISE DES RISQUES

1. Les mutations du référentiel national des risques à l'horizon 2010

La politique de maîtrise des risques est fondée, depuis 2004, sur un référentiel national qui constitue un répertoire organisé autour de la notion de « risque générique ». L'approche utilisée est celle de risque lié à la situation des allocataires et de leurs ayants droit, dans la mesure où cette situation est susceptible d'avoir un impact sur la ou les différentes prestations versées à ces personnes. La notion de risque générique conduit à définir comme cible de recherche, par exemple, les ressources des ménages allocataires, lesquelles conditionnent, en effet, l'accès à toute une série de prestations. La démarche permet de couvrir des risques portant sur plusieurs prestations à la fois.

Dans le cadre de son audit, la Cour des comptes a révélé les insuffisances liées à ce mode d'approche. D'une part, les cibles désignées, au nombre de cent trente-cinq, sont trop nombreuses et n'apparaissent pas toutes justifiées ; en outre, elles ne font pas, de la part de la Cnaf, l'objet d'un examen critique systématique quant à leur degré de pertinence. D'autre part, il existe des lacunes importantes dans le constat des indus et des fraudes, comme le révèlent les contrôles et les tests de reliquidation effectués a posteriori . Certains risques sont ainsi ignorés et ne peuvent pas être traités.

La Cour a donc demandé à la Cnaf de modifier sa démarche et de lui substituer une analyse des risques détaillée au niveau de chaque prestation .

Pour répondre à cette injonction, il a été décidé de procéder en deux temps.


• Dans un premier temps
(2008 et 2009), une cible spécifique de contrôle a été définie dans le plan de maîtrise des risques pour chacune des prestations ayant fait l'objet d'une observation de la Cour des comptes dans ses rapports de certification. Une attention particulière est ainsi accordée aux situations et domaines suivants :

- versement d'allocations familiales seules (sans versement d'autres prestations) et cas de garde alternée ;

- présence d'enfants de six à seize ans ;

- isolement (dont la réalité doit être plus étroitement contrôlée) ;

- versement d'un complément de libre choix d'activité et salaire des assistantes maternelles ;

- déclaration d'un logement et de son adresse (dont la réalité doit, là aussi, être plus étroitement contrôlée) ;

- versement de la prestation Aline (allocation d'installation étudiante) pour les étudiants qui s'installent dans un nouveau logement ;

- cumul de l'allocation pour adulte handicapé (AAH) avec une pension ou une rente.

Ces cibles, dont il faut certes saluer la définition, ont cependant été livrées très tard aux caisses locales (en octobre 2008). Les premières remontées laissent penser que les nouvelles cibles ont été bien choisies, mais l'impact de leur mise en oeuvre sur les comptes 2008 devrait s'avérer très faible, voire quasi nul. Sans doute peut-on en attendre un peu plus d'effet pour les comptes de 2009.


• Dans un second temps
(à partir de 2010 au plus tôt), la Cnaf disposera d'un nouveau référentiel des risques, réorganisé selon les préconisations de la Cour des comptes, c'est-à-dire à partir d'une analyse des risques effectuée prestation par prestation et à chaque stade de la gestion de toutes les allocations versées.

La Cnaf a ainsi recruté un prestataire avec lequel elle a commencé à élaborer le nouveau système 20 ( * ) qui devrait être opérationnel au début de l'année prochaine. Le cahier des charges prévoit un changement complet de conception :

- une nouvelle cartographie des risques va être dressée, dans le respect de la procédure définie par la Cour ;

- les règles de mise en oeuvre du contrôle interne seront harmonisées sur l'ensemble du territoire alors que la pratique actuelle apparaît très variable d'une caisse à l'autre ; il s'agit en fait de rendre effectivement applicables à la branche famille les dispositions de l'article D. 122-7 du code de la sécurité sociale qui précise que les organismes locaux de sécurité sociale mettent en place un dispositif interne de maîtrise des risques « respectant les préconisations de l'organisme national » 21 ( * ) ;

- une méthodologie sera parallèlement conçue et mise à disposition des caisses locales pour leur permettre d'analyser les données qu'elles ont elles-mêmes collectées dans le cadre de leur activité de maîtrise des risques, car, actuellement, cet effort d'analyse n'est pas systématiquement fait par les Caf ; grâce à ce travail préalable, et en s'appuyant sur les données géographiques et économiques locales, il sera possible d'obtenir une déclinaison fine des objectifs définis nationalement ; en pratique, les caisses locales ne feront pas une application exhaustive du nouveau référentiel mais devront sélectionner et mettre en oeuvre les cibles pertinentes au regard du profil socio-économique du rayon d'action de leur circonscription ;

- enfin, des mécanismes seront élaborés pour permettre aux Caf de prouver qu'elles ont effectivement procédé aux contrôles requis et qu'elles ont, à cette occasion, suivi les protocoles d'intervention prévus par le nouveau référentiel de risques ; des preuves de matérialité des contrôles et, lorsque cela n'est pas possible, des notes de procédure devront être ainsi mises à la disposition des auditeurs de la Cnaf par les Caf.

L'horizon fixé par le cahier des charges est ambitieux et correspond très exactement aux préconisations émises par la Cour des comptes dans ses rapports de certification. Il y a donc lieu de s'en réjouir, tout en faisant observer que les nouvelles modalités du contrôle interne pourront au mieux ne produire d'effets que sur les comptes de 2010 qui seront examinés par la Cour en juin 2011. Ce constat impose qu'à tout le moins, aucun retard ne soit admis dans la mise en place du référentiel de risques rénové.

2. Un instrument indispensable : l'accès aux fichiers de tiers

L'accès de la Cnaf aux informations détenues par d'autres administrations est l'une des clés de la politique de maîtrise des risques. Des avancées significatives ont été enregistrées dans l'usage de cet instrument, même s'il existe encore des marges de progrès. L'une des principales difficultés n'est d'ailleurs pas imputable à la Cnaf mais à la Cnam qui paraît réticente à transmettre certaines des données qu'elle détient .

Quatre domaines sont plus particulièrement concernés :


• La
procédure de transmission des données fiscales (TDF)

Les caisses d'allocations familiales reçoivent transmission des données personnelles relatives aux revenus détenues par la direction générale des finances publiques (DGFiP). Cette procédure a prouvé son efficacité dans l'effort de résorption des indus et dans la lutte contre la fraude, tout particulièrement en ce qui concerne le versement des minima sociaux.

La proportion d'allocataires qui ne font pas de déclaration au fisc est faible et tourne autour de 10 %, car un avis de non-imposition reste de toute façon nécessaire pour obtenir certaines exonérations (redevance télévisuelle, taxe d'habitation...). En tout état de cause, les personnes pour lesquelles la DGFiP ne dispose d'aucune donnée doivent fournir une déclaration de ressources aux Caf. Elles constituent une cible d'enquête dans le cadre de la maîtrise des risques et sont fortement incitées par les caisses à souscrire une déclaration d'impôt sur le revenu.

La Cour a vigoureusement reproché à la branche famille de ne pas exploiter les impositions correctives émises par le fisc.

Ce problème a été résolu en 2008 avec la décision prise par la Cnaf de traiter les impositions correctives se rapportant aux ressources 2005 et 2006 (le traitement des impositions correctives concernant l'année 2004 étant frappé de prescription biennale). Cette procédure est dorénavant automatisée puisque le traitement des impositions correctives est complètement intégré dans le nouveau système d'acquisition des ressources effectif depuis la fin de 2008.

La Cnaf étudie la possibilité, pour 2009, d'enrichir le contenu de ses échanges avec la DGFiP et d'y intégrer des informations sur le foyer fiscal, les personnes à charge et sur le logement. Il s'agit de recouper les données concernant l'isolement, le nombre d'enfants à charge et la résidence alternée, qui figurent dans la déclaration fiscale.


• Les données transmises par la Cnam

La Cnaf (comme d'ailleurs la Cnav) est demandeuse de données relatives aux ressources non fiscalisées des allocataires des Caf (rentes d'accident du travail et d'invalidité, indemnités journalières), afin de compléter les informations recueillies auprès de la DGFiP. Ces ressources sont en effet et par nature inconnues de la DGFip, mais elles rentrent en ligne de compte pour le calcul des prestations, et notamment de l'AAH, de l'API, du RMI et du futur RSA.

La Cnam a cependant été jusqu'à présent peu coopérative sur ce terrain . Ce n'est qu'en novembre 2008 qu'elle a transmis les montants des prestations versées en 2007, ce qui a entraîné dans certains cas un redressement très lourd, et parfois une impossibilité pratique pour les allocataires d'y faire face. Seule la caisse régionale d'Ile-de-France communique ses informations en temps réel.

Il est donc nécessaire de mettre en place au plus vite une procédure de transfert des données automatisé avec toutes les CPAM.


• Les échanges avec Pôle emploi

Au titre du RMI, la branche famille a d'ores et déjà accès à l'application Aïda, qui effectue des recherches à l'échelon national et permet ainsi de détecter les indus.

Dans le cadre de la lutte contre la fraude et de l'accès aux droits, Pôle emploi devrait disposer, dès 2009 - le dossier est en cours d'examen à la Cnil - d'un fichier retraçant l'ensemble des déclarations mensuelles d'emploi et des rémunérations versées aux salariés relevant du secteur privé (dit fichier des « DNA » : « déclarations nominatives assurés »). Le projet de Pôle emploi s'inscrit dans le cadre plus général du dispositif « déclarations nominatives de salaires mensuelles », porté par la Cnav, qui doit aboutir à l'échéance 2010.

Il est prévu de mettre en place, à cette même échéance, un échange avec Pôle emploi (fichier d'appel Caf/fichier de réponse Pôle emploi) afin de contrôler les déclarations de revenus faites par les futurs bénéficiaires du RSA en activité dans le secteur privé . La vérification devrait pouvoir être effectuée dans des délais très rapides, dans le mois de la demande émanant de la caisse locale d'allocations familiales.

Dans l'attente de la mise en place de cette solution, les Caf devraient procéder à des contrôles ciblés, en demandant la production des bulletins de salaire et les coordonnées de l'employeur pour les bénéficiaires considérés comme pouvant être « à risque ». La possibilité qu'il existe des faux bulletins de salaire est toutefois considérée comme faible.


• Les contrôles relatifs au domicile des allocataires

La Cnaf s'est efforcée d'apporter des réponses aux manquements dénoncés par la Cour dans le contrôle de la résidence des allocataires, on l'a vu, en définissant une cible spécifique et en recourant aux fichiers fiscaux.

En complément de ces actions, les Caf ont été appelées à porter une attention particulière aux courriers dits « NPAI » 22 ( * ) et à procéder à des vérifications simples auprès d' EDF et de la Poste , particulièrement en l'absence de Nir certifié sur le dossier de l'allocataire.

Afin de conforter ce travail sur les NPAI, la mission « maîtrise des risques et lutte contre la fraude » a rencontré les instances de la Poste afin que celle-ci lui présente son offre de service sur le sujet. Il s'avère que la Poste est en mesure de fournir à la branche un fichier des NPAI mis à jour régulièrement ainsi qu'un fichier des personnes qui ont expressément demandé à ne pas faire suivre leur courrier.

Après ce contact, la mission s'est rapprochée de plusieurs caisses qui ont déjà déployé cette solution afin d'en étudier la pertinence et l'efficacité. Un groupe de travail partenarial a été instauré le 15 janvier 2009.

3. Pour une diffusion plus large de la culture de lutte contre la fraude au sein de la branche famille

Les cas de fraudes recensés augmentent continûment depuis 2004, date à partir de laquelle ils ont commencé à faire l'objet d'un recensement national exhaustif.

Résultats de la lutte contre la fraude dans le réseau des Caf

Année

Nombre de cas

Progression

(en % arrondi)

Montants correspondants

(en millions d'euros)

2004

1 654

-

18

2005

2 295

+ 39 %

21

2006

3 654

+ 59 %

35

2007

6 314

+ 73 %

58

Source : Cnaf

Cette forte croissance ne reflète pas une aggravation de la situation mais est en réalité l'indice d'une montée en puissance de la lutte contre les fraudes, qui sont aujourd'hui de plus en plus détectées, répertoriées et traitées. On peut ainsi penser que des rythmes de progression marqués continueront d'être constatés au cours des prochaines années.

Pour autant, avec un montant légèrement supérieur à 58 millions d'euros en 2007, les fraudes constatées ne représentent que 0,1 % du total des prestations versées .

En ce qui concerne la typologie des fraudes, on recensait, en 2007, 62 % d'actes d'omission et de fausses déclarations, 24 % de fraudes à l'isolement, 9 % de faux et usages de faux et 5 % d'escroqueries.

La répartition par type de prestations laisse apparaître une forte prédominance des fraudes liées aux minima sociaux alors que les prestations familiales semblent peu touchées.

Répartition de la fraude par prestations

(en %)

Type de prestations

Répartition des 6 314 cas
de fraudes

Répartition du montant
des fraudes
(58 millions d'euros)

Minima sociaux

43

71

Aides au logement

47

22

Prestations familiales

10

7

Source : Cnaf

L'ensemble des Caf disposent de 610 contrôleurs de terrain et de 240 correspondants « Fraude », ces derniers ayant notamment pour mission de donner suite aux signalements transmis par les autres organismes et de recenser les cas présentant un profil atypique afin d'en diffuser les caractéristiques auprès des autres caisses locales. Ces deux catégories de personnels ne sont pas elles-mêmes affectées à temps plein à ces tâches de contrôle.

Au niveau national, il existe une mission « Fraude » composée de trois personnes.

La lutte contre la fraude est l'un des aspects de la maîtrise des risques. A ce titre, elle est tributaire des progrès que permettront ou permettent déjà les mises en place du RNB et du nouveau référentiel des risques. L'exploitation systématique des données fiscales transmises par l'administration des impôts joue également un rôle considérable, notamment dans la détection des cas de fraude portant sur les minima sociaux.

La Cnaf souhaite cependant renforcer son action sur ce terrain en mettant en oeuvre deux nouveaux instruments :

- une base nationale « Fraudes » qui remplira trois missions principales : assurer une remontée plus rapide des cas signalés dans les caisses locales ; envoyer les signalements aux autres caisses et aux autres branches, en souhaitant une action réciproque de celles-ci lorsqu'elles auront eu elles-mêmes connaissance de cas de fraudes dans leur propre réseau ; offrir à l'ensemble des Caf une typologie des fraudes. La création de cette base fait actuellement l'objet d'une demande d'autorisation auprès de la Cnil qui tarde à répondre ;

- un indicateur de mesure de la fraude qui permettrait de disposer d'une estimation nationale des types d'actes commis, prestation par prestation, et de constituer un tableau de bord indiquant les grandes tendances et leurs évolutions. L'indicateur sera construit à partir d'un contrôle sur place, lancé en février 2009, chez 10 000 allocataires sélectionnés de manière aléatoire.

La Mecss salue la diffusion de ces deux instruments qui revêtent un objectif pédagogique incontestable et qui contribueront à installer un savoir-faire dans le domaine de la lutte contre la fraude qui a été trop laissé de côté par le réseau des Caf. Il ne faudrait pas, bien sûr, que ces nouvelles pratiques introduisent pour autant une rupture dans la culture des Caf, qui sont particulièrement appréciées des allocataires pour leur écoute et leur disponibilité.

B. UN SUIVI RENFORCÉ DES CRÉDITS D'ACTION SOCIALE

Les charges d'action sociale ont représenté 3,3 milliards d'euros en 2006 et 3,5 milliards en 2007 23 ( * ) .

Dans ses rapports de certification, la Cour des comptes prononce un jugement clairement négatif sur le suivi des crédits correspondants, déclarant que « l'ensemble des insuffisances relevées conduit à estimer qu'il existe une incertitude globale au regard de l'exhaustivité, de l'exactitude et de la séparation des exercices sur l'ensemble des charges de l'action sociale » 24 ( * ) .

Dans le détail, les trois principales critiques sont :

- le recours à un logiciel informatique (Sias 25 ( * ) ) insuffisamment fiable ; en particulier, l'audit informatique révélait que les montants calculés par le logiciel sont modifiables sans trace et que le calcul et la comptabilisation des charges à payer présentent un risque d'erreur élevé ;

- l'existence d'un écart important entre l'estimation et la réalisation au cours de l'exercice suivant en matière de charges à payer sur certains postes (prestations de service ordinaire, contrats « enfance », contrats « temps libre », contrats « enfance et jeunesse » 26 ( * ) ) ;

- l'absence de cadre méthodologique commun pour la réalisation, par les Caf, des contrôles sur pièces et sur place et le caractère lacunaire des remontées statistiques se rapportant à ces contrôles, lesquelles n'apparaissent « ni exhaustives, ni exactes ».


En ce qui concerne le Sias , les réponses écrites apportées par la Cnaf 27 ( * ) révèlent une volonté de mettre un terme aux deux séries d'anomalies soulevées par la Cour :

- une version rénovée du système sera mise en place en mars 2009, permettant de bloquer toute possibilité de modifier les taux de financement des structures d'accueil collectives ;

- un processus d'uniformisation des modes de calcul et de comptabilisation des charges à payer a été conçu pour les principales prestations d'action sociale (« contrats enfance jeunesse » et ensemble des prestations de service ordinaire, à l'exception de l'aide à domicile) ; ce processus, qui intègre des phases obligatoires de contrôle et de validation par les agences comptables, a été inclus dans l'application Sias au cours du dernier trimestre de 2008.

Des interrogations subsistent cependant sur la qualité de Sias, dont les performances sont apparues d'emblée médiocres. Initialement conçue dans un contexte d'action sociale des Caf fortement décentralisée et dans une simple optique de paiement, cette application informatique n'est pas prévue pour piloter une action sociale qui représente aujourd'hui 4 milliards d'euros, ni une réponse aux exigences de la certification des comptes. Un projet « Sias 2 » est donc en cours de définition et a pour objectif de bâtir une nouvelle application prenant mieux en compte les attentes de la Cnaf et des directions de Caf, tout en facilitant les échanges de données avec les partenaires.

Il est indispensable que cette deuxième version permette d'assurer un suivi et un contrôle précis des dépenses d'action sociale.


• En ce qui concerne les problèmes d'estimation prévisionnelle des charges à payer
, il convient de souligner, à titre liminaire, la difficulté réelle de l'exercice.

En effet, 90 % des crédits versés dans le cadre de l'action sociale correspondent à des aides collectives attribuées à des municipalités ou à des structures d'accueil. Or, celles-ci ne comptabilisent les recettes à recevoir au titre de l'année N qu'en N+1. Par conséquent, les Caf versent des acomptes en cours d'année N et procèdent, en fin d'année, à une évaluation des charges définitives à payer l'année suivante. Une régularisation intervient en N+1.

Les critiques de la Cour portent sur le caractère insuffisamment rigoureux de l'évaluation effectuée en fin d'année N. Selon le cas, les sommes provisionnées s'avèrent excessives ou, au contraire, insuffisantes.

On a ainsi constaté sur les comptes 2006 une surévaluation des charges de 27 millions d'euros répartie comme suit :

- une sous-évaluation de 14 millions d'euros sur les prestations de service ordinaire ;

- une surévaluation de 14 millions d'euros sur les contrats « enfance » ;

- une surévaluation de 27 millions d'euros sur les contrats « temps libre ».

La Cnaf a pris des engagements très concrets pour répondre aux observations de la Cour. Elle a notamment mis en place une procédure nationale prévoyant que des relevés réguliers d'activité doivent être transmis par les municipalités et les structures d'accueil aux Caf, afin que celles-ci disposent des informations indispensables à un arrêté des comptes exact.

En pratique, depuis 2008 :

- les versements d'acomptes et du solde aux partenaires (municipalités, associations, structures d'accueil) sont dorénavant conditionnés à la transmission préalable obligatoire aux Caf de leurs relevés d'activité ;

- les informations contenues dans ces relevés sont recueillies via un site Web spécifiquement dédié ;

- le système informatique oblige les Caf, lors de leurs opérations de fin d'exercice, à suivre une méthodologie commune et rigoureuse d'évaluation des charges à payer, censées garantir, conformément aux préconisations de la Cour des comptes, l'exhaustivité, l'exactitude des données comptables et la séparation des exercices.

La Cnaf a, par ailleurs, déclaré avoir effectué huit missions d'audit comptable et de contrôle budgétaire dans les Caf, en 2008, afin de vérifier la bonne application des consignes nationales.

Des espoirs raisonnables peuvent donc être placés dans l'utilisation des instruments mis en place par la caisse nationale. Il reviendra à la Cour d'en évaluer la pertinence et l'efficacité.


• Enfin, en ce qui concerne l'absence de cadre méthodologique commun pour la réalisation, par les Caf, des contrôles sur pièces et sur place 28 ( * ) et le caractère lacunaire des remontées statistiques se rapportant à ces contrôles , la Cnaf a décidé de rénover son protocole de travail. Celui-ci a été amélioré et, surtout, s'applique dorénavant de façon homogène sur l'ensemble du territoire.

Un premier test est en cours de réalisation avec l'utilisation de ce protocole dans le cadre d'un contrôle portant sur trois cents crèches, dont les résultats devraient être connus dans le courant du mois de février 2009.

Là encore, la mobilisation de la Cnaf est incontestable et les engagements pris ont été suivis d'effet. Il restera à vérifier concrètement les progrès réalisés au vu des résultats produits.

Enfin, au-delà des réponses aux exigences fixées par la Cour des comptes, la Cnaf a apporté à la Mecss des précisions sur les contrôles mis en place pour assurer le respect des objectifs financiers définis dans la Cog 29 ( * ) :

- les masses financières font tout d'abord l'objet d' un suivi dans leur globalité ; les caisses locales sont interrogées tous les mois sur leurs prévisions de dépenses à la fin de l'exercice, compte tenu du niveau atteint depuis le début de l'année ;

- les dépenses dites « de flux », c'est-à-dire correspondant aux nouveaux investissements, sont inscrites dans des enveloppes limitatives identifiées au sein de la masse globale des crédits ; des « verrous » sont placés sur ces enveloppes afin d'empêcher qu'elles ne progressent dans les faits plus rapidement que ne l'a prévu la Cog ; en pratique, le système informatique de l'action sociale (Sias) comporte des mécanismes régulateurs qui bloquent les progressions de crédits au-delà du seuil fixé par la Cog ; par ailleurs, les budgets des caisses locales « remontent » au niveau central et doivent être approuvés par la Cnaf qui peut ainsi procéder aux contrôles nécessaires ;

- en phase d'exécution, la Cnaf dispose d'instruments informatiques lui permettant de suivre en temps réel l'évolution des réalisations physiques ; par exemple, il existe une « base crèches » qui enregistre le contenu des projets d'investissement et les inflexions qu'ils reçoivent, le cas échéant, en cours de réalisation ; la caisse a ainsi le moyen de vérifier, pratiquement à tout moment, que les objectifs quantitatifs fixés dans la Cog sont respectés.

C. VERS LA MISE EN PLACE D'UN AUDIT INTERNE STRUCTURÉ ET FIABLE

La mission des auditeurs financiers et comptables de la Cnaf consiste à examiner les états financiers des caisses locales afin de vérifier leur sincérité, leur régularité et leur conformité aux normes comptables.

Suivant les préconisations formulées par la Cour dans ses rapports de certification, leur rôle est également d'évaluer le dispositif de maîtrise des risques de la branche famille. A ce titre, ils doivent porter une appréciation sur la fiabilité du contrôle interne de gestion des prestations. En pratique, il leur revient de vérifier que les droits accordés aux allocataires ont été correctement déterminés par les caisses, notamment en procédant, de façon aléatoire, à des reliquidations de dossiers.

Les auditeurs constituent donc une pièce maîtresse du dispositif de certification, puisque de la qualité de leurs contrôles dépend le degré de confiance que la Cour peut accorder aux données qui lui sont fournies.

Or, dans son dernier rapport, la Cour des comptes a souligné le fait qu'elle ne pouvait, en l'état, s'appuyer sur les travaux de l'audit interne pour formuler son opinion sur les comptes 30 ( * ) . Pour justifier cette importante limitation, elle a mis en exergue, au premier chef, l'insuffisance des moyens humains accordés à l'unité spécialisée : quatre auditeurs seulement, au cours de l'année 2007, alors que l'objectif, défini par la Cour, est d'en disposer de dix.

De nets progrès ont cependant été enregistrés au cours de l'exercice écoulé, puisque la Cnaf bénéficie désormais des services de huit auditeurs (le dernier ayant été recruté en octobre 2008) et se rapproche ainsi très sensiblement de la cible fixée à dix unités.

Pour expliquer ses difficultés à recruter de bons professionnels, la caisse nationale met en avant, en particulier, la volatilité des candidats pressentis : ainsi, lors des trois sessions de recrutement successives, cinq postulants se sont désistés à un stade très avancé du processus, dont un le jour même de sa prise de fonctions.

Le motif du niveau de salaire offert n'est certainement pas étranger à cette situation. La Cnaf ne peut pas faire appel à des personnes n'ayant pas ou peu d'expérience professionnelle ; elle ne peut pas non plus recourir à des comptables disposant d'une certaine ancienneté, car ils lui reviendraient trop cher. La cible est donc étroite (un bon professionnel, mais encore relativement jeune) et même là, la concurrence est rude avec d'autres structures désireuses de recruter ce type de profil.

Le renforcement des effectifs s'est accompagné en 2007 d'un changement de personne à la tête de l'agence comptable de la Cnaf, ce qui constitue un indice favorable supplémentaire attestant de la volonté de la caisse de réaliser les adaptations et les évolutions demandées par la Cour dans les procédures mises en oeuvre en matière d'audit interne. Par ailleurs, le logiciel comptable Magic 31 ( * ) a été rendu plus fiable et est dorénavant partiellement interfacé avec Sias.

En 2008, les tests de reliquidation ont porté sur un échantillon de trois mille dossiers et quinze Caf ont fait l'objet d'un audit sur pièces et sur place (contre cinq seulement en 2007). Pour 2009, l'objectif est de vingt audits.

Les progrès sur ce terrain apparaissent ainsi indéniables , même s'il reste à parachever la montée en charge des effectifs de l'audit jusqu'au nombre cible de dix et si la Cour doit encore s'assurer que l'ensemble des éléments favorables relevés plus haut débouchent bien sur une amélioration décisive du degré de fiabilité du contrôle interne.

Pour conclure sur ce point, la Mecss n'a pas retenu dans son champ d'étude les désaccords exprimés par la Cour des comptes sur le niveau de provisionnement établi par les services de l'agence comptable (portant sur 330 millions d'euros dans les comptes de 2007). Comme pour l'AVPF 32 ( * ) , ces désaccords ne reflètent, en effet, en aucune façon, un quelconque manquement ou une défaillance imputables à la Cnaf, mais semblent plutôt traduire l'opposition de la Cour à des choix faits très largement en opportunité par les autorités de tutelle de la caisse, lesquelles peuvent être désireuses de minorer optiquement des déficits qui peinent à se résorber. Il s'agit là d'un autre sujet...

III. LES CONCLUSIONS DE LA MECSS

Au terme de ses investigations, la Mecss formule les observations suivantes :

- en réponse au constat d'incertitude pesant sur les états financiers, formulé d'emblée par la Cour des comptes, la Cnaf et le réseau des Caf ont pris clairement la mesure du défi qui leur était adressé ; des engagements précis et adaptés ont été pris ; la mobilisation des dirigeants et des personnels a été incontestable et à la hauteur de l'enjeu ;

- la mise en place du répertoire national des bénéficiaires, principal instrument de fiabilisation des comptes de la branche famille, a certes démarré avec retard mais est aujourd'hui largement avancée avec la création de l'interface entre le RNB et l'application Cristal ; cette interface devrait acquérir un caractère automatique en juin prochain ;

- la branche famille semble en conséquence bénéficier d'une relative avance par rapport aux autres branches dans le processus de mise en place du répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) 33 ( * ) , dont le déploiement progressif est prévu en 2009-2010 ;

- pour autant, la constitution du RNB a révélé l'existence d'un « matelas » incompressible d'allocataires et d'ayants droit pour lesquels il n'est pas possible d'établir un numéro d'identification au répertoire ; il s'agit d'une limite qui ne remet pas en cause l'intérêt et la fiabilité de l'instrument mis en oeuvre ;

- par ailleurs, les aller et retour entre le réseau des Caf et les administrations, dans le cadre du processus de certification des Nir, ont révélé des insuffisances manifestes dans la tenue de l'état-civil dont la responsabilité n'incombe en aucun cas aux caisses, s'agissant d'une compétence de l'Etat ; il est regrettable que les Caf aient dû déployer des moyens considérables pour rectifier des erreurs et lacunes ou faire établir des Nir, alors que ces tâches incombaient de jure aux administrations de l'Etat et aux communes agissant pour le compte de celui-ci ;

- si l'on peut considérer que le travail volumineux de certification du stock de Nir existant est, pour la plus grande part, aujourd'hui achevé et qu'il n'appelle pas d'effectifs supplémentaires, il serait judicieux, en revanche, pour les flux d'entrants dans le système, de confier aux préfectures la demande de Nir auprès du SNGI pour les personnes étrangères ; les administrations préfectorales pourraient procéder à cette opération à l'occasion de l'instruction de la demande de titre de séjour ;

- le comité de pilotage du RNCPS, présidé par la DSS, devra, en partenariat avec les ministères de l'intérieur et de la justice, élaborer des règles de certification spécifiques pour les personnes étrangères qui ne disposent pas des documents d'état civil habituellement nécessaires ; en attendant, la Mecss recommande que la Cnav fournisse le plus rapidement possible aux organismes de sécurité sociale concernés un logiciel commun permettant d'attribuer un numéro d'identifiant d'attente, afin d'éviter que certains bénéficiaires se voient accorder plusieurs pseudo-Nir délivrés chacun par un organisme différent ;

- en ce qui concerne la maîtrise des risques en général, ainsi que la gestion des crédits d'action sociale, il convient de se féliciter des nouveaux instruments mis en place et des démarches engagées à la demande de la Cour des comptes (conception d'un nouveau référentiel national des risques, échanges de fichiers pour lesquels les progrès sont surtout à attendre de la Cnam, sensibilisation renforcée aux phénomènes de fraude, méthodologie plus resserrée de calcul des charges d'action sociale...) ; sur tous ces sujets, le processus doit encore aller jusqu'à son terme et les mesures prises seront évaluées à l'aune de leur efficacité ; toutefois, si nous sommes dans une phase d'attente , il est incontestable que le renforcement des moyens (notamment humains) de l'audit interne devrait exercer un impact positif dès l'établissement des comptes de l'exercice 2008, qui seront examinés par la Cour en juin 2009 ;

- enfin, la charge de gérer le revenu de solidarité active , confiée à la Cnaf, va multiplier les risques d'indus et de fraudes et se traduire par un accroissement sensible des missions de contrôle sur pièces et sur place à partir du milieu de cette année ; à l'évidence, cette charge nouvelle ne pourra pas être exercée dans les conditions actuelles et à moyens courants .

A ce sujet, la Mecss prend acte des conclusions divergentes exprimées par le Gouvernement et la Cnaf sur l'importance des effectifs complémentaires nécessaires dans le réseau des Caf pour assurer une gestion du RSA dans des conditions satisfaisantes :

- l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'inspection générale des finances (IGF) ont reçu mission du Gouvernement de quantifier les besoins et les ont évalués à 807 agents supplémentaires ;

- la Cnaf a initialement demandé près de deux mille postes complémentaires en équivalents temps plein, en s'appuyant sur les conclusions de l'observatoire des charges, organisme bipartite géré conjointement par l'Etat et la caisse et présidé par un magistrat de la Cour des comptes ; en intégrant les gains de productivité rendus possibles, notamment grâce à la transmission automatisée des déclarations fiscales, la Cnaf a révisé sa position et demandé un renfort de 1 320 techniciens ;

- en définitive, le Gouvernement a autorisé la Cnaf à recruter mille agents supplémentaires pour l'année 2009, chiffre jugé d'emblée très nettement insuffisant par le président du conseil d'administration, Jean-Louis Deroussen 34 ( * ) , qui fait valoir l'accroissement imprévu du nombre d'allocataires potentiels du RSA dû à la crise économique, le surcroît d'efforts déjà demandé par la mise en place du RNB, ainsi que l'augmentation du nombre d'actes de gestion requis pour traiter les dossiers. La conjugaison de ces facteurs a conduit dès la fin 2008 à un retard accumulé dans l'examen des demandes de 6,6 jours en moyenne dans l'ensemble du réseau, chiffre record encore jamais atteint à ce jour.

Une inadéquation des effectifs aurait nécessairement des conséquences, non seulement sur la qualité du service rendu aux allocataires mais aussi sur la régularité des opérations de versement et sur la fiabilité des comptes de la branche famille. Elle pourrait remettre en cause l'intense effort de maîtrise des risques entrepris jusqu'à présent.

La Mecss se montrera donc d'une vigilance toute particulière sur ce point.

*

* *

Au cours de sa réunion du 10 février 2009, la commission a approuvé les conclusions des rapporteurs de la Mecss et autorisé la publication du présent rapport d'information.

TRAVAUX DE LA MISSION

I. AUDITIONS

Audition de MM. Jean-Louis DEROUSSEN, président du conseil d'administration, Hervé DROUET, directeur, Olivier MAGNETTE, sous-directeur, Mme Marie-Noëlle SEHABIAGUE, chargée de mission, et M. Michel EYMERI, chargé de mission, de la caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) (mercredi 17 décembre 2008)

La mission a procédé à l'audition de MM. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration, Hervé Drouet, directeur, Olivier Magnette, sous-directeur, Mme Marie-Noëlle Sehabiague, chargée de mission, et M. Michel Eymeri, chargé de mission, de la caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf), sur les suites données au refus de certification des comptes de la branche famille par la Cour des comptes.

M. Alain Vasselle, président , a souhaité connaître l'état d'avancement du répertoire national des bénéficiaires (RNB) et du répertoire national commun de protection sociale (RNCPS), ainsi que les délais nécessaires à l'établissement d'une connexion en temps réel entre le RNB et les applications informatiques des caisses d'allocations familiales (Caf).

M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration de la Cnaf, a rappelé que l'absence de RNB est l'une des principales raisons qui ont conduit la Cour des comptes à se déclarer dans l'impossibilité de certifier les comptes de la branche famille pour les exercices 2006 et 2007. Vu l'ampleur du travail requis, la mise en place du RNB a exigé deux années d'efforts intensifs depuis le mois de janvier 2007.

M. Hervé Drouet, directeur de la Cnaf , a indiqué que la connexion en temps réel entre les fichiers Caf et le RNB est déjà opérationnelle pour 32,4 millions des 33,8 millions d'allocataires de la branche. Ceci étant, la connexion nécessite toujours une manipulation informatique par les agents et ne sera pleinement automatisée qu'à partir de juin 2009.

M. Alain Vasselle, président , a souhaité savoir pourquoi 1,4 million de personnes ne sont pas encore intégrées dans le RNB et quelle est la proportion de personnes étrangères parmi elles.

M. Jean-Louis Deroussen a répondu que cette proportion s'élève à 30 % environ puisque 400 000 personnes sur les 1,4 million concernées n'ont pas la nationalité française (100 000 ressortissants européens et 300 000 non européens).

M. Hervé Drouet a précisé que le chiffre de 1,4 million amalgame le stock avec le flux de personnes à intégrer dans le RNB. En ce qui concerne le stock, la proportion de personnes étrangères est sans doute supérieure à 30 %.

Mme Marie-Noëlle Sehabiague, chargée de mission à la Cnaf , a ensuite détaillé la procédure de mise en place du RNB. Chaque personne résidant sur le territoire français se voit attribuer, à sa naissance ou à son arrivée en France, un numéro d'inscription au répertoire d'identification des personnes physiques (Nir). Celui-ci est délivré par l'institut national de la statistique et des études économiques (Insee) pour les naissances sur le territoire français et par la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) pour les naissances dans un autre pays. Incorporer une personne dans le RNB consiste alors à la référencer dans le fichier unique à partir de son Nir, après avoir vérifié que les informations détenues par la Caf sont similaires à celles de l'Insee ou de la Cnav. Pour la grande majorité des cas, cette démarche ne pose pas de problème particulier. En revanche, la procédure est plus longue lorsque la Caf constate une divergence entre ses informations et celles des deux autres organismes. Il peut s'agir par exemple de l'ordre des seconds prénoms, de l'existence d'un tiret entre deux prénoms ou plus rarement de naissances gémellaires qui n'ont donné lieu qu'à un seul Nir. La Caf demande alors à l'allocataire de lui fournir un extrait d'acte de naissance afin d'établir son identité de façon incontestable. En fonction des informations fournies par la pièce d'état civil, la Caf, l'Insee ou la Cnav corrigent leurs données et le Nir est ainsi certifié. Les demandes de correction auprès de la Cnav ou de l'Insee sont effectuées chaque mois mais elles deviendront hebdomadaires à partir de l'année prochaine. Ce changement devrait permettre d'accélérer le rythme des certifications, même si celui-ci dépend également du délai de réponse des autres organismes. Enfin, la procédure se complique encore davantage lorsque des personnes étrangères ou d'origine étrangère se trouvent dans l'impossibilité pratique de fournir un extrait d'acte de naissance. Ces cas constituent le noyau dur du stock et sont particulièrement difficiles à traiter, car les informations contenues sur le titre de séjour sont insuffisantes pour certifier un Nir.

Les ressortissants communautaires posent également un problème particulier d'incorporation dans le RNB car ils séjournent souvent trop peu de temps sur le territoire national, quelques mois en ce qui concerne les étudiants par exemple, pour que la Caf ait le temps nécessaire pour demander et obtenir les pièces exigées par la certification. De plus, l'authentification du Nir étant totalement indépendante de l'ouverture des droits, les personnes non certifiées sont faiblement motivées pour faire l'effort de réclamer auprès du service d'état civil de leur pays les documents nécessaires.

Mme Sylvie Desmarescaux a souhaité connaître la démarche suivie lorsque la pièce d'état civil présentée est rédigée en langue étrangère.

Mme Marie-Noëlle Sehabiague a précisé qu'une telle pièce est envoyée vers un service de traduction, ce qui n'est pas sans poser de problème, dans la mesure où plusieurs traductions sont souvent possibles et que les différents organismes ne disposent pas toujours de la même. La certification du Nir est alors particulièrement problématique car il n'existe aucune pièce d'état civil rédigée en langue française qui puisse faire office de preuve incontestable.

M. Guy Fischer a demandé si les Caf ont récemment modifié leurs règles d'ouverture des droits pour les personnes étrangères.

M. Hervé Drouet a souligné qu'aucun changement n'est intervenu et que les Caf appliquent simplement la loi : pour les personnes étrangères hors Union européenne, l'ouverture des droits est conditionnée à la présentation d'un titre de séjour. Dans certains cas de regroupement familial, lorsqu'il subsiste un doute sur le lien de filiation avec la famille d'accueil, l'ouverture des droits dépend de la décision de la préfecture qui doit se prononcer sur la nature des liens familiaux entre les personnes concernées. Si l'autorité préfectorale considère qu'il n'existe pas de lien de filiation, la Caf doit refuser l'octroi des prestations. Plusieurs cours administratives d'appel ont cependant jugé que cette règle est contraire à la convention européenne des droits de l'homme (CEDH). La Cour de cassation doit encore statuer sur cette question et il sera peut-être nécessaire à l'avenir d'adapter la législation nationale en conséquence.

M. Alain Vasselle, président , a fait observer que la mise en place du RNB confère au réseau des Caf une mission de vérification de l'état civil. Celle-ci relève-t-elle de la liste des fonctions qui leur incombent naturellement ? Son développement conduit-il à concevoir la mise en place de nouveaux métiers et à envisager des recrutements de personnels supplémentaires ?

M. Hervé Drouet a indiqué que le travail volumineux de certification des Nir existants est achevé en grande partie et n'appelle donc pas d'effectifs supplémentaires. En revanche, il serait judicieux de confier la mission d'attribution et de certification des Nir des personnes étrangères aux préfectures, qui pourraient procéder à cette opération à l'occasion de l'instruction de la demande de titre de séjour.

M. André Lardeux a souhaité connaître la démarche suivie par les Caf pour les personnes dont le Nir n'a pas pu être certifié. Il a également regretté qu'une part importante des problèmes relatifs à l'état civil soit imputable aux erreurs de transcription des services municipaux, tout en reconnaissant que la perfection en cette matière est impossible.

Mme Anne-Marie Payet a fait observer que les problèmes d'état civil sont particulièrement importants en Guyane et à Mayotte.

Mme Marie-Noëlle Sehabiague a indiqué qu'en cas d'impossibilité pratique de certifier un Nir, la Caf attribue un « pseudo-Nir », c'est-à-dire un numéro d'identification provisoire afin de pouvoir immatriculer la personne dans le RNB. Cependant, cette démarche n'est pas satisfaisante dans la perspective de la création d'un numéro unique de sécurité sociale, puisque la Cnav ou la Cnam peuvent de leur côté procéder à la même opération pour la même personne, qui se verrait alors attribuer plusieurs Nir provisoires. Un renforcement de la coopération entre les caisses est donc nécessaire sur ce point.

Puis M. Alain Vasselle, président , a souhaité connaître le bilan de la politique de gestion des risques menée dans le réseau des Caf, ainsi que les effectifs utilisés pour sa mise en oeuvre.

M. Hervé Drouet a précisé que les Caf n'emploient pas de personnels spécifiquement et uniquement dédiés à la lutte contre la fraude. En pratique, 850 agents y contribuent au titre d'une de leurs missions : 610 contrôleurs vérifient au domicile des allocataires l'exactitude du contenu de leurs déclarations et peuvent dans ce cadre repérer certaines fraudes et 240 « correspondants-fraudes » sont chargés de veiller à l'application des directives de lutte contre la fraude élaborées par la mission « fraude » de la Cnaf. Celle-ci est composée de trois personnes.

M. Michel Emery, chargé de mission à la Cnaf , a indiqué que la détection des fraudes est en forte progression : alors que 1 654 cas avaient été identifiés en 2004, 6 314 infractions ont été constatées en 2007. En outre, un indicateur de mesures de la fraude sera déployé en 2009 dans l'ensemble du réseau des Caf.

M. Alain Vasselle, président , s'est interrogé sur les avantages et les inconvénients de la méthode « ABC » (activity based costing) que la Cnaf a décidé de mettre en oeuvre par rapport à la comptabilité analytique.

M. Hervé Drouet a fait remarquer que si la méthode ABC et la comptabilité analytique consistent chacune à calculer un prix de revient, la première permet d'évaluer le coût de production d'un bien, alors que la seconde est destinée à estimer le prix d'un service. La méthode ABC correspond donc mieux à l'activité de la Cnaf et sera ainsi étendue en quatre ans à l'ensemble des prestations, conformément aux objectifs fixés dans la prochaine convention d'objectifs et de gestion.

M. Alain Vasselle, président , a ensuite fait observer que la Cour des comptes, dans son rapport relatif à la certification des comptes 2007 de la sécurité sociale, a dénoncé l'absence d'une approche des risques par prestations.

M. Michel Emery a rappelé que la Cnaf a développé, dans un premier temps, une approche transversale des risques, fondée sur le niveau de ressources des allocataires, et non sur la nature des prestations. Ceci étant, afin de répondre aux reproches formulés par la Cour, la Cnaf vient d'engager un prestataire de services pour établir une cartographie des risques par prestation. Celle-ci devrait permettre, pour chaque allocation, d'identifier l'ensemble des risques à toutes les étapes du processus, de l'instruction de la demande jusqu'au paiement. L'outil devrait être opérationnel au début de l'année 2010. Sa mise en place sera facilitée par le recrutement par la Cnaf d'auditeurs comptables supplémentaires, qui est néanmoins freiné par un marché du travail très tendu dans ce secteur. Huit des dix auditeurs nécessaires ont cependant déjà été embauchés.

M. Alain Vasselle, président , a fait remarquer que certaines caisses locales paraissent plus impliquées que d'autres dans la politique de lutte contre la fraude. Existe-t-il une remontée d'information sur les bonnes pratiques et une diffusion de celle-ci au niveau national ? Par ailleurs, quelles sont les limites posées par la commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) en ce qui concerne les croisements de fichiers d'allocataires ?

M. Michel Emery a fait valoir que les 240 « correspondants-fraudes » ont notamment pour mission de diffuser les bonnes pratiques. Sous réserve d'autorisation de la Cnil, la Cnaf prévoit par ailleurs de déployer prochainement, dans l'ensemble des Caf, une base de données nationale relative à la fraude permettant à chaque caisse de connaître les principales fraudes pour chaque prestation et de signaler les falsifications qu'elle a elle-même repérées. Le croisement des fichiers est une méthode très efficace de lutte contre la fraude : le risque de fausses déclarations a par exemple déjà diminué grâce à la transmission automatique aux Caf des déclarations de revenus par le fisc. De même, l'accès aux fichiers de l'Unedic à partir de 2010 permettra de mieux contrôler l'évolution des ressources des allocataires du revenu de solidarité active (RSA). Il serait utile de développer ces pratiques avec d'autres organismes, et notamment avec l'assurance maladie qui est apparue jusqu'à présent assez réticente.

M. Alain Vasselle, président, a fait observer que la transmission des données du fisc n'est d'aucune utilité pour les allocataires qui ne paient pas l'impôt sur le revenu.

M. André Lardeux a souhaité connaître le coût de la lutte contre la fraude et a demandé s'il existe une géographie des fraudes.

M. Michel Emery a répondu qu'en l'absence provisoire d'une base nationale de données relatives à la fraude, il est encore impossible de dessiner une carte nationale dédiée au sujet. Ceci étant, on sait déjà que les minima sociaux représentent 71 % des irrégularités et que le montant total de celles-ci, toutes prestations confondues, s'est élevé à 58 millions d'euros en 2007.

Mme Sylvie Desmarescaux a salué le travail de la Caf du Mans en matière de lutte contre la fraude. Elle a souhaité savoir si le croisement de fichiers sera possible pour le RSA et le calcul des droits connexes, dans la mesure où cette prestation mobilisera à la fois les conseils généraux, les Caf et les centres communaux d'action sociale.

M. Guy Fischer s'est inquiété des effets de la crise économique sur le nombre d'allocataires du RSA.

M. Hervé Drouet a confirmé qu'il sera difficile d'établir, pour le RSA, une base de données unique rassemblant tous les organismes instructeurs.

M. Alain Vasselle, président , a constaté qu'un récent communiqué de presse de la Cnaf dénonce l'insuffisance des mille créations de postes envisagées pour faire face aux nouvelles missions imparties aux Caf dans le cadre de la mise en place du RSA.

M. Jean-Louis Deroussen a rappelé que l'observatoire des charges, organisme bipartite géré conjointement par l'Etat et la Cnaf, et présidé par un magistrat de la Cour des comptes, a initialement évalué à 1 900 le nombre d'équivalents temps plein (ETP) nécessaire à la mise en place du RSA par les Caf. Une mission commune de l'inspection générale des finances (IGF) et de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) a ramené ce nombre à 800 ETP, ce qui est largement insuffisant, surtout si l'on anticipe l'accroissement du nombre d'allocataires potentiels dû à la crise économique.

M. Jacky Le Menn a souhaité savoir si les Caf seront en mesure de gérer un contrôle mensuel du niveau de ressources des allocataires du RSA et quelles leçons peuvent être tirées en ce domaine de l'expérimentation menée actuellement en Ille-et-Vilaine.

M. Jean-Louis Deroussen a fait observer qu'une telle intensification du contrôle - qui est actuellement effectué sur une base trimestrielle pour le RMI - conduirait à tripler les effectifs nécessaires.

M. Alain Vasselle, président , s'est enfin interrogé sur la précision du suivi de l'utilisation par les Caf des crédits du fonds national d'action sociale (Fnas).

M. Olivier Magnette, sous-directeur , a indiqué que l'évolution des dépenses du Fnas fait l'objet d'un suivi mensuel. La progression des dépenses est limitée grâce à un mécanisme de « verrous » : plusieurs postes de dépenses, parmi les plus importants, sont plafonnés annuellement sans possibilité de dérogation. Par ailleurs, l'outil informatique développé par la Cnaf permet de connaître en temps réel l'évolution du financement et de la réalisation des programmes subventionnés au titre du Fnas.

Audition de M. Dominique LIBAULT, directeur de la sécurité sociale (mardi 27 janvier 2009)

La mission a procédé à l'audition de M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale.

M. Alain Vasselle, président , a souhaité connaître le sentiment général de la direction de la sécurité sociale (DSS) sur les efforts entrepris par la caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) pour répondre aux critiques de la Cour des comptes qui ont conduit la juridiction à se déclarer, à deux reprises, dans l'impossibilité d'exprimer une opinion sur les comptes combinés de la branche famille.

M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale , a déclaré comprendre la démarche de la Cour des comptes, même s'il juge sa décision particulièrement sévère à l'égard de la branche famille : d'autres organismes privés comme publics, par exemple l'union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Unedic), ont vu leurs comptes certifiés alors que la maîtrise des risques y est moins développée. Néanmoins, il faut reconnaître que la Cnaf n'était pas au même niveau que les autres caisses en matière de lutte contre la fraude, sans doute parce que la culture de la branche famille la porte en priorité vers le souci du service rendu à l'allocataire. La construction du répertoire national des bénéficiaires (RNB), prévue par la convention d'objectifs et de gestion (Cog) 2005-2008, marque la volonté de la Cnaf de tenir compte de l'impératif de mise en place d'un plan de maîtrise des risques.

M. Dominique Libault a ensuite présenté les cinq principaux risques de fraudes identifiés à ce jour :

- versements des mêmes prestations à la même famille par plusieurs caisses : le RNB devrait y mettre un terme ;

- déclarations de ressources volontairement tronquées : les échanges avec la direction générale des finances publiques (DGFiP) comme la possibilité pour les caisses d'allocations familiales (Caf) de consulter les comptes bancaires des allocataires ou le fichier des comptes bancaires (Ficoba) devrait permettre de les détecter ;

- travail clandestin qui ne donne pas lieu à une fiche de paie : les Caf doivent renforcer leur coopération avec les services des ministères de la justice et de l'intérieur pour mieux le combattre ;

- versements d'une prestation à des allocataires qui ne résident pas régulièrement en France : des décrets et des circulaires ont précisé la notion de séjour régulier mais il faut encore renforcer les contrôles. Une conférence européenne a récemment révélé la volonté commune des vingt-sept Etats membres de travailler ensemble sur ce sujet ;

- présentation de fausses quittances de loyers permettant de bénéficier des allocations logement : seuls les contrôles sur pièces et sur place permettront sinon de l'empêcher, du moins de la repérer rapidement.

Enfin, d'une manière plus générale, il faut saluer la mise en place d'une cellule « maîtrise des risques » à la Cnaf et la fiabilisation du système d'information assurant le contrôle du fonds national d'action sociale (Fnas).

M. André Lardeux a souhaité connaître l'appréciation que la DSS porte sur les conditions de l'élaboration du répertoire national des bénéficiaires (RNB) au sein de la branche famille. Quel a été le rôle de la DSS dans les décisions prises ? Comment s'exerce le suivi ? Quelles sont, en outre, les démarches actuelles de la DSS dans la perspective de la création du répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) ? Enfin, que penser des nouvelles actions de la branche famille en matière de maîtrise des risques et de lutte contre la fraude ?

Mme Christiane Demontès s'est interrogée sur l'état d'avancement des autres branches dans la construction du RNCPS. Elle a également souligné que la mise en place de tout répertoire national conduit les organismes concernés à s'engager dans une mission de vérification de l'état civil de leurs allocataires qui ne relève pas traditionnellement de leur champ de compétences.

M. Dominique Libault a considéré que la construction du RNB a été réalisée dans les délais impartis. En ce qui concerne le RNCPS, la DSS a nommé un directeur de projet spécifiquement chargé de veiller à son élaboration. Un comité de pilotage, présidé par le directeur de la sécurité sociale et rassemblant l'ensemble des acteurs impliqués, notamment les cinq branches de la sécurité sociale et le Pôle emploi, se réunit régulièrement pour faire le point sur l'avancement des travaux. La principale difficulté consiste à mettre en réseau les différents fichiers mais elle devrait être surmontée au quatrième trimestre de cette année. Par ailleurs, la lutte contre la fraude est suivie en particulier par une délégation nationale éponyme s'appuyant sur des comités locaux qui déclinent ses directives dans les territoires.

M. Guy Fischer a estimé que la lutte contre la fraude est avant tout un sujet de communication pour le Gouvernement, qui conduit à stigmatiser les plus fragiles des citoyens. Les Caf ont fait des efforts considérables pour répondre aux critiques de la Cour des comptes et il faut espérer que celle-ci les reconnaîtra en certifiant les comptes 2008 de la branche.

M. Dominique Libault a jugé qu'il est difficile d'évaluer l'efficacité de la lutte contre la fraude car toute estimation doit prendre en compte aussi bien la fraude révélée que la fraude évitée, qui est par définition inchiffrable. De surcroît, la fraude, qui révèle une volonté délibérée de fournir de fausses informations, doit être distinguée des indus qui sont les erreurs involontaires dans le paiement, résultant d'une négligence de l'allocataire ou de la caisse. Lorsque les indus sont identifiés, il est souvent très délicat de les récupérer car beaucoup de familles sont dans l'incapacité de rembourser la somme, même lorsque celle-ci est modeste.

M. Alain Vasselle, président , a déclaré comprendre cette situation mais la récupération des indus ne doit pas pour autant être négligée, notamment au prétexte que la branche famille devrait être de nouveau excédentaire dans les années à venir.

M. André Lardeux a souligné que les branches ne font pas toutes preuve du même niveau d'exigence dans la construction du RNCPS : la DSS veille-t-elle à l'harmonisation des pratiques ?

Mme Annie Henrion, chargée des systèmes d'information à la DSS , a déclaré qu'une soixantaine d'organismes sont concernés par l'alimentation du RNCPS. Un nombre bien plus important encore de structures y aura accès. Un groupe de travail rassemblant l'ensemble des caisses a mis au point une méthode commune de certification, inspirée à la fois des expériences de la caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) et des Caf.

M. Alain Vasselle, président , s'est ensuite interrogé sur les moyens donnés par le Gouvernement aux Caf pour mettre en place le revenu de solidarité active (RSA) : ne sont-ils pas insuffisants, comme certains directeurs de Caf le soulignent avec inquiétude ?

M. Dominique Libault a rappelé que le Gouvernement, à la suite de la mission de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales, qui a conclu à la nécessité de recruter 807 agents supplémentaires, a accordé 1 007 équivalents temps plein (ETP) à la branche famille. Même si ces recrutements sont inférieurs à la demande de la Cnaf, ils devraient permettre de faire face, dans un premier temps, à l'afflux de nouveaux allocataires. En fonction de l'évolution de la situation, un ajustement est bien sûr envisageable. Mais, quoi qu'il en soit, plusieurs dispositifs, comme l'instauration d'une plate-forme téléphonique, seront instaurés pour éviter l'engorgement redouté des guichets.

Mme Sylvie Desmarescaux a confirmé que les moyens prévus par le Gouvernement devraient permettre de couvrir les besoins des caisses. Encore faudrait-il que les agents recrutés soient effectivement déployés de la Cnaf vers les Caf, et qui plus est de manière équitable, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. Il faudra réagir très rapidement si le nombre d'allocataires du RSA est plus important que prévu.

M. Dominique Libault a déclaré que le mouvement de répartition des nouveaux agents est en cours et va se poursuivre. Le surcroît de travail pour les caisses dépendra aussi de la qualité de leurs relations avec les centres communaux d'action sociale (CCAS) : quand celles-ci sont bonnes, la répartition des tâches entre les CCAS, qui instruisent les demandes, et les Caf, qui assurent le paiement, allège la charge de travail des caisses. La DSS cherche par ailleurs à définir avec la Cnaf des modalités à la fois souples et rigoureuses de contrôle trimestriel des ressources, qui permettraient de ne pas mobiliser trop d'agents sur cette fonction.

II. PRÉSENTATION DU RAPPORT À LA COMMISSION

Réunie le mardi 10 février 2009 sous la présidence de M. Alain Vasselle, président de la Mecss , la commission a procédé à l'examen du rapport d'information de Mme Christiane Demontès et M. André Lardeux, établi au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), sur l'amélioration des dispositifs de contrôle et d'audit internes du réseau des caisses d'allocations familiales et la mise en place du référentiel national des bénéficiaires (RNB).

M. Alain Vasselle, président, a rappelé que, en 2007 et 2008, la Cour des comptes s'est déclarée dans l'impossibilité d'exprimer une opinion sur les comptes de la branche famille. Ceci ne veut pas dire qu'elle a refusé de certifier les comptes mais que trop d'incertitudes les affectent pour qu'elle puisse les valider ou les invalider.

La Mecss a jugé que le Parlement ne pouvait se satisfaire de l'existence de doutes récurrents sur la fiabilité des comptes d'une des branches de la sécurité sociale dont les dépenses atteignent près de 60 milliards d'euros. Elle a donc voulu comprendre ce qui avait motivé la position de la Cour des comptes, évaluer le bien-fondé de son attitude face à la certification des comptes de la branche famille et vérifier que la Cnaf et les caisses locales mettaient tout en oeuvre pour répondre aux critiques. Cette étude a été confiée, comme c'est désormais la tradition, à deux co-rapporteurs, l'un issu de la majorité et l'autre de l'opposition.

Mme Christiane Demontès, rapporteur, a indiqué que la Cour des comptes justifie ainsi sa position sur les comptes de la branche famille : essentiellement absence d'un répertoire national des bénéficiaires (RNB), mais aussi risques mal identifiés, sous-estimation des charges à payer, incertitude globale sur les dépenses du fonds national d'action sociale, audit interne insuffisamment développé.

En ce qui concerne le RNB, il s'agit d'un registre informatique commun aux cent vingt-trois Caf de France, qui référence l'ensemble des personnes bénéficiant des prestations versées par les caisses. A chaque bénéficiaire est attribué un numéro unique qui permet à toutes les Caf d'avoir accès, en temps réel, à l'intégralité des informations le concernant. Cet identifiant personnalisé est affecté aussi bien aux ayants droit directs d'une prestation qu'à ses bénéficiaires indirects, par exemple les enfants d'une famille percevant les allocations familiales. Le RNB couvre les prestations familiales et les allocations distribuées par la branche famille pour le compte de l'Etat, comme l'allocation aux adultes handicapés.

L'absence de ce fichier jette un doute sur la fiabilité des comptes de la branche car elle rend très compliquée la détection de certaines fraudes ou indus, comme le fait de bénéficier plusieurs fois de la même allocation en s'inscrivant dans plusieurs caisses ou de se présenter avec des caractéristiques différentes dans deux caisses distinctes. Sans RNB, il est malaisé de repérer une multi-affiliation, car une Caf ne peut évidemment pas, pour chacun de ses allocataires, demander aux cent vingt-deux autres s'il est déjà référencé chez elles.

En décembre 2007, sous la direction de la Cnaf, les Caf ont donc commencé à constituer le RNB et sont passées d'une gestion par dossier, sur lequel était regroupée toute la famille, à une approche par personne, chacune ayant son propre numéro d'identification. La priorité est donc d'assurer la fiabilité du RNB lui-même, en vérifiant qu'une même personne n'est enregistrée qu'une seule fois, que tous les bénéficiaires sont bien enregistrés dans le fichier et que les liens de parenté référencés sont exacts. Cette tâche n'a pas été aisée ; la seule manière d'y parvenir consiste à contrôler que la personne enregistrée dans le RNB sous son numéro unique d'inscription au répertoire national des personnes physiques, le Nir, est exactement la même que celle identifiée par l'institut national de la statistique et des études économiques (Insee) qui attribue et gère les Nir. Cette opération technique est appelée « certification du Nir ».

Pour la majorité des allocataires, ce travail n'a pas posé de problèmes. Mais pour une minorité non négligeable - environ 5 % -, par exemple en cas de différences dans l'ordre ou l'orthographe des prénoms, la certification requiert la présentation d'extraits d'acte de naissance du bénéficiaire pour établir son identité avec certitude. Or, parfois, cette formalité ne peut être remplie par les allocataires étrangers qui ne sont pas en mesure de produire ces documents. A ce jour, aucune solution durable n'a été trouvée pour ces personnes qui ne peuvent donc pas être enregistrées dans le RNB.

Un an après la mise en place de ce fichier national, il faut reconnaître l'effort incontestable produit par les Caf qui ont réussi, malgré les difficultés, à certifier 33 millions de Nir sur 34,5 millions de bénéficiaires. L'utilisation du RNB n'est pas encore totalement automatisée, puisque le technicien doit encore vérifier manuellement la légitimité de la demande de l'allocataire, mais elle devrait l'être en 2010 : il ne sera alors plus possible d'enregistrer et de valider une nouvelle demande de prestation sans que l'application informatique du RNB contrôle sa compatibilité avec les caractéristiques de l'allocataire et, à défaut, la refuse.

Mme Christiane Demontès, rapporteur, a conclu son intervention sur une proposition et deux remarques. Au nom de la Mecss, elle a suggéré que les préfectures, au moment de l'instruction de la demande de titre de séjour des personnes étrangères, fassent elles-mêmes la requête de Nir auprès de l'Insee. Il en résulterait des formalités simplifiées pour l'usager, qui n'aurait plus à présenter deux fois les mêmes papiers à deux endroits différents, et des gains de productivité pour les administrations publiques.

Ensuite, elle a rappelé que la mise en place du RNB est une étape obligée dans l'élaboration du répertoire national commun de la protection sociale, le RNCPS, dont le Parlement a voté le principe dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Ce répertoire rassemblera les bénéficiaires de tous les régimes obligatoires de la sécurité sociale et de Pôle emploi, soit au total une soixantaine d'organismes ; il permettra de faciliter les démarches des assurés et constituera un outil efficace de lutte contre la fraude.

Enfin, elle a souligné que l'objectif d'obtenir la certification des comptes, aussi légitime qu'il soit, ne doit pas introduire une rupture dans la culture des Caf, dont les allocataires apprécient la sollicitude et la disponibilité.

Puis M. André Lardeux, rapporteur, a fait état des quatre autres insuffisances du contrôle interne des comptes de la branche famille dénoncées par la Cour des comptes : analyse des risques inadaptée, accès insuffisant aux fichiers des autres organismes, suivi laxiste des crédits du fonds national d'action sociale (Fnas) et audit interne trop approximatif. Sur tous ces sujets, la branche famille a récemment accompli des progrès notables :

- l'analyse des risques, c'est-à-dire des situations présentant un risque élevé de fraude, a été nettement améliorée. Pour 2008 et 2009, une cible spécifique de contrôle a été définie dans le plan de maîtrise des risques pour chacune des prestations ayant fait l'objet d'une observation de la Cour. A partir de 2010, un nouveau référentiel des risques entrera en vigueur, détaillant les failles potentielles prestation par prestation à chaque étape du processus, de la demande de l'allocation à sa liquidation ;

- l'accès aux fichiers des organismes tiers s'est également développé. La déclaration de ressources aux Caf a été supprimée cette année et la direction générale des finances publiques (DGFiP) envoie désormais directement les déclarations fiscales qu'elle reçoit aux Caf. La Cnaf étudie la possibilité, pour 2009, d'enrichir le contenu de ses échanges avec la DGFiP et d'y intégrer des informations sur le foyer fiscal, les personnes à charge et le logement, afin de recouper les données concernant la situation de parent isolé, le nombre d'enfants à charge et la résidence alternée. Les échanges d'information avec la Cnam restent en revanche insuffisants, notamment dans le domaine des rentes d'accident du travail et d'invalidité ainsi que des indemnités journalières qui, n'étant pas imposables, ne sont pas connues de la DGFiP. Le problème tient au manque de coopération de la Cnam et des caisses primaires d'assurance maladie (Cpam). Même si des échanges existent déjà, par exemple en Ile-de-France, ils restent rares et parfois trop tardifs. Il est donc nécessaire de mettre en place au plus vite une procédure automatisée de transfert des données avec toutes les Cpam ;

- en ce qui concerne le suivi des crédits du Fnas, qui s'élèvent à près de 4 milliards d'euros en 2009, les progrès sont incontestables mais pourraient être plus importants encore. Certes, l'instauration d'un mécanisme de « verrou » informatique empêche désormais les Caf de dépenser plus que les crédits qui leur sont alloués mais la traçabilité des dépenses reste insatisfaisante et l'on ne connaît toujours pas le détail des dépenses du Fnas. La Cnaf travaille à la définition d'un nouveau logiciel informatique plus adapté, mais qui ne sera certainement pas disponible avant plusieurs années ;

- enfin, s'agissant de la professionnalisation de la fonction audit au sein de la branche, il faut signaler que la Cnaf a embauché huit auditeurs sur les dix que réclamait la Cour des comptes, ce qui est relativement satisfaisant compte tenu des difficultés pour recruter des professionnels compétents, disponibles et acceptant un niveau de salaire plutôt inférieur à celui du marché.

Pour conclure, M. André Lardeux, rapporteur, a fait valoir qu'à l'inertie de départ a succédé une activité intense des caisses pour rattraper leur retard. Cependant, l'ampleur du chantier explique que sa mise en place ait pris du temps et que ses effets ne se feront réellement sentir que cette année ou même en 2010. Il n'est donc pas à exclure que la Cour des comptes se déclare une nouvelle fois dans l'impossibilité de se prononcer sur les comptes de la branche, ce qui serait, selon lui, tout à fait sévère.

Pour finir, il a évoqué le problème de la mise en place par les Caf du RSA, qui sera servi à partir du 1er juin prochain. Le Gouvernement a autorisé les Caf, dans cette perspective, à ne recruter que 1 007 agents supplémentaires, ce qui est faible : ces effectifs sont inférieurs de trois cents unités aux demandes de la Cnaf, lesquelles ne prenaient pas, qui plus est, en compte la hausse potentielle du nombre d'allocataires résultant de la crise économique. Avant même de commencer le versement du RSA, le retard accumulé fin 2008 dans l'examen des demandes était de 6,6 jours en moyenne dans l'ensemble du réseau des Caf, chiffre record jamais atteint à ce jour. Plusieurs caisses, comme celle de Nice ou de Creil, ont même été conduites à fermer leurs guichets pour dégager du personnel et traiter les dossiers déposés.

Afin que le RSA soit servi dans de bonnes conditions et qu'il ne vienne pas remettre en cause le minutieux travail de construction du RNB, il sera, à son sens, difficile d'éviter le recrutement d'effectifs supplémentaires.

M. Gilbert Barbier a demandé comment la Mecss envisage de suivre l'évolution des différents sujets évoqués.

M. Alain Vasselle, président, a répondu que la Mecss sera particulièrement attentive à l'avancement des travaux du RNCPS et à la mise en place du RSA dans des conditions satisfaisantes. Des auditions ou des enquêtes pourront être effectués en ce sens.

M. André Lardeux, rapporteur, a ajouté que la position de la Cour sur les comptes de la branche constituera, dès le mois de juin prochain, un premier test pour le réseau des Caf.

Puis la commission a autorisé la publication du présent rapport d'information de la Mecss.

* 1 Article L.O. 111-3, paragraphe VIII, du code de la sécurité sociale (issu de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale).

* 2 La Cour a ainsi refusé de certifier les comptes de l'Acoss et de l'activité de recouvrement pour 2007 sur la base de trois désaccords de fond avec le producteur des comptes et sa tutelle.

* 3 Le compte rendu de ces auditions organisées respectivement les 17 décembre 2008 et 27 janvier 2009 figure également ci-après en annexe.

* 4 Les Caf versent deux types d'allocations : les prestations familiales dont la liste figure à l'article L. 511-1 du code de la sécurité sociale (prestation d'accueil du jeune enfant, allocations familiales, complément familial, allocation de logement, allocation d'éducation de l'enfant handicapé, allocation de soutien familial, allocation de rentrée scolaire, allocation de parent isolé, allocation journalière de présence parentale) et les prestations distribuées pour le compte de l'Etat (allocation aux adultes handicapés, allocation de logement sociale, allocation de logement temporaire, aide personnalisée au logement, revenu minimum d'insertion et revenu de solidarité active à partir du 1 er juin 2009).

* 5 Article 20.3 de la Cog 2001-2004.

* 6 Article 18.4 de la Cog 2005-2008.

* 7 Rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale - exercice 2006 - juin 2007.

* 8 Rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale - exercice 2007 - juin 2008.

* 9 On distingue habituellement les indus, erreurs involontaires dans la déclaration affectant le montant de la prestation versée, de la fraude, qui consiste à fournir délibérément de fausses informations, et de l'escroquerie, qui recouvre la fabrication de documents falsifiés. Ceci étant, il est souvent délicat de savoir si une erreur dans la déclaration commise par l'allocataire est intentionnelle ou accidentelle.

* 10 Cerfa 11423*05.

* 11 On parle également de numéro d'allocataire responsable de dossier.

* 12 En vertu du décret n° 46-1432 du 14 juin 1946, le Nir est composé de treize chiffres : un chiffre pour le sexe, deux pour l'année de naissance, deux pour le mois de naissance, cinq pour le lieu de naissance, les trois derniers correspondant à un ordre distinguant les personnes nées le même mois au même endroit.

* 13 Il appartiendra à la direction de la sécurité sociale, en collaboration avec les ministères de la justice et de l'intérieur, de fixer des règles de certification pour tous les bénéficiaires qui ne peuvent être immatriculés selon les normes habituelles, afin que ces personnes ne restent pas définitivement dans une division à part de la protection sociale. En attendant, il serait souhaitable que la Cnav puisse, le plus rapidement possible, mettre à disposition des autres branches un système commun permettant d'attribuer un numéro d'identifiant d'attente (NIA), afin que certains bénéficiaires n'aient pas plusieurs pseudo-Nir délivrés par différentes branches.

* 14 Codifié à l'article L. 114-12-1 du code de la sécurité sociale.

* 15 Les caisses de congés payés sont créées pour les professions, industries et commerces dans lesquels les salariés ne sont pas habituellement occupés de façon continue chez un même employeur au cours de la période reconnue pour l'appréciation du droit au congé (articles L. 3141-30 et D. 3141-9 à D. 3141-37 du code du travail). Elles concernent surtout les entreprises du spectacle et les professions du bâtiment et des travaux publics.

* 16 Il est à noter que, dans sa délibération n° 83-058 du 29 novembre 1983 portant adoption d'une recommandation concernant la consultation du répertoire national d'identification des personnes physiques et l'utilisation du numéro d'inscription au répertoire, la Cnil avait demandé « que l'emploi du numéro d'inscription au répertoire comme identifiant des personnes dans les fichiers ne soit ni systématique, ni généralisé », et « qu'en conséquence, les responsables de la conception d'applications informatiques se dotent d'identifiants diversifiés et adaptés à leurs besoins propres ». Cette position réservée peut expliquer que le législateur ait longtemps hésité avant d'autoriser le RNCPS.

* 17 En vertu de l'article 8-IV de l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996, codifié à l'article L. 161-32 du code de la sécurité sociale.

* 18 Ce taux est de 99 % pour Rouen et de 98,45 % pour la Haute-Garonne, contre 95 % sur l'ensemble du territoire. Les personnes figurant dans les 4 % d'écart constituent évidemment les cas les plus délicats.

* 19 Guide de la procédure d'identification (V3), Cnav, Insee, novembre 2008.

* 20 Il s'agit d'un groupement de deux prestataires, IBM et Sinéqua. Une première réunion a eu lieu le 1 er décembre 2008.

* 21 Article D. 122-7 du code de la sécurité sociale (issu du décret n° 2007-1500 du 18 octobre 2007 relatif à la responsabilité personnelle et pécuniaire des agents comptables des organismes de sécurité sociale) : « Sous réserve de leur compétence respective, le directeur et l'agent comptable conçoivent et mettent en place, en commun, un dispositif de contrôle interne respectant les préconisations de l'organisme national et permettant de maîtriser les risques, notamment financiers, directs et indirects, inhérents aux missions confiées aux organismes de sécurité sociale.

« Ce dispositif respecte les instructions et les modalités de contrôle interne définies par l'organisme national dans le cadre du référentiel de validation des comptes prévu au II de l'article D. 114-4-2. »

* 22 Courriers NPAI : « N'habite pas à l'adresse indiquée ». Il s'agit de courriers qui ne peuvent pas être distribués soit parce que l'adresse est fausse, soit parce que le destinataire n'habite pas à l'adresse indiquée, soit parce que le destinataire a déménagé depuis trop longtemps ou sans faire suivre son courrier.

* 23 3,8 milliards et 4 milliards, respectivement, dans les comptes prévisionnels pour 2008 et 2009 (Source : commission des comptes de la sécurité sociale - septembre 2008).

* 24 Rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale 2007, page 109.

* 25 Système d'information de l'action sociale.

* 26 Depuis le 1 er juillet 2006, les contrats « enfance » et « temps libre » sont remplacés par le contrat « enfance et jeunesse » (CEJ). Les contrats « enfance » et « temps libre » signés avant le 1 er juillet 2006 sont toujours valables. Destiné à soutenir la création et le fonctionnement de structures collectives d'accueil des jeunes âgés de moins de dix-huit ans, il est signé entre une Caf et une collectivité territoriale, ou un établissement public de coopération intercommunale, ou une entreprise, y compris une administration de l'Etat. Les prestations de service ordinaire (PSO) regroupent notamment le financement des relais assistante maternelle, de l'accompagnement scolaire et de la médiation familiale.

* 27 Cf. réponse de la Cnaf au questionnaire de la Mecss (question n° 7), en annexe au présent rapport.

* 28 Il s'agit des contrôles a posteriori, sur pièces et sur place, permettant de vérifier que les fonds déboursés ont bien été employés conformément aux objectifs fixés et que la réglementation a été correctement respectée.

* 29 Cf. compte rendu de l'audition du 17 décembre 2008, en annexe au présent rapport.

* 30 Rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale 2007, page 97.

* 31 Magic : modèle automatisé de gestion institutionnelle et comptable.

* 32 Se reporter à l'avant-propos du présent rapport.

* 33 Prévu par l'article L. 114-12-1 du code de la sécurité sociale (article 138 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007).

* 34 Communiqué de presse du 10 décembre 2008.

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