3. La création de l'auto-entrepreneur introduit des points de friction avec le statut de l'artisan
La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a créé le régime de l'auto-entrepreneur afin de promouvoir l'esprit d'entreprise en France. Outre la mise en place d'une procédure simplifiée de déclaration d'activité, l'intérêt de ce nouveau dispositif consiste essentiellement dans un mode de calcul et de paiement simplifié des cotisations sociales et de l'impôt sur le revenu.
Afin de stimuler le désir d'entreprendre, il s'agissait d'offrir un moyen nouveau de créer pour chacun, et notamment pour les salariés victimes de la crise économique, une activité et d'expérimenter, à moindre frais, ce qui pourrait devenir à terme une entreprise créatrice d'emplois. Ouvert à tous, ce dispositif « pied à l'étrier » a rencontré un vif succès depuis son entrée en vigueur le 1 er janvier 2009. Ainsi, selon les sources communiquées par le secrétariat d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation, au cours du premier semestre 2009, 100.000 entreprises supplémentaires ont été créées par rapport au premier semestre 2008, le régime de l'auto-entrepreneur étant à l'origine de plus d'une création d'entreprises sur deux depuis le début de l'année 16 ( * ) .
Néanmoins, l'APCM, comme les organisations professionnelles auditionnées au cours de la présente mission, ont fait valoir auprès de votre rapporteur spécial le risque de concurrence déloyale que peut créer un tel dispositif alors même que les artisans sont tenus de s'inscrire au répertoire des métiers, qu'il s'acquittent de la taxe pour frais de chambre de métiers et qu'il doivent justifier d'une qualification. S'ajoutent des interrogations en matière de qualifications professionnelles, de garantie décennale en cas de désordre survenant sur l'ouvrage réalisé ou en cas de malfaçon.
Le régime de l'auto-entrepreneur La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a créé le régime de l'auto-entrepreneur pour permettre à toute personne physique, étudiant, salarié, demandeur d'emploi, retraité ou entrepreneur, d'exercer très simplement une activité artisanale, commerciale ou indépendante sous forme individuelle, que ce soit à titre principal ou accessoire dès lors que son chiffre d'affaires est inférieur à 80.000 euros pour le commerce et 32.000 euros pour les services. Ce régime, qui est entré en vigueur le 1 er janvier 2009, est ouvert à tous les micro-entrepreneurs et soumis au régime fiscal de la micro-entreprise, en franchise de TVA. Le nouveau régime comporte trois volets : le volet social, le volet fiscal et le volet déclaratif. S'agissant du volet social : l'option pour le régime du micro-social simplifié doit être exercée par l'auto-entrepreneur lors de la déclaration de création de son entreprise au centre de formalités des entreprises. Dans le cas d'un entrepreneur déjà en activité, l'option doit être exercée au plus tard le 31 décembre pour produire ses effets l'année suivante, par demande auprès de la caisse de base du régime social des indépendants dont il relève. À titre exceptionnel, l'option pourra être exercée jusqu'au 31 mars 2009 par l'entrepreneur en activité pour une application au titre de 2009. L'auto-entrepreneur bénéficiera alors des avantages suivants : il est affilié à la sécurité sociale, valide des trimestres de retraite et s'acquitte forfaitairement de ses charges sociales personnelles, mensuellement ou trimestriellement (forfait de 12 % pour une activité commerciale, de 18,3 % pour une activité libérale et de 21,3 % pour une activité de services à caractère commercial) uniquement sur ce qu'il encaisse. Sur le plan fiscal : si le revenu fiscal de référence de 2007 ne dépasse pas 25.195 euros par part de quotient familial, l'auto-entrepreneur peut également opter pour le volet fiscal du dispositif. L'option pour le régime du micro-fiscal simplifié, qui doit être exercée dans les mêmes conditions que l'option pour le régime du micro-social simplifié, permet à l'auto-entrepreneur de s'acquitter forfaitairement, mensuellement ou trimestriellement, de l'impôt sur le revenu au titre de son activité (forfait de 1 % pour une activité commerciale, de 1,7 % pour une activité de services à caractère commercial et de 2,2 % pour une activité libérale), uniquement sur ce qu'il encaisse. L'auto-entrepreneur bénéficie également d'une exonération de taxe professionnelle pendant trois ans à compter de la création de son entreprise, cette mesure ne s'appliquant qu'au créateur d'entreprise et non pas à l'entrepreneur déjà en activité. Enfin, en cas de création d'activité, l'auto-entrepreneur peut simplement se déclarer auprès du centre de formalités des entreprises sans obligation d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers. La déclaration auprès du centre de formalités des entreprises permet d'assurer que l'entreprise sera déclarée aux services fiscaux et sociaux, s'acquittera des charges fiscales et sociales dont elle est redevable et sera contrôlée comme toute entreprise qui a fait l'objet d'une immatriculation. De plus, l'auto-entrepreneur se verra attribuer par l'Institut national de la statistique et des études économiques un numéro SIREN qui devra figurer sur ses factures, notes de commande, tarifs et sur toute correspondance. Source : JO Sénat du 26/02/2009 - page 499 - Réponse du ministère de l'économie, de l'insdustrie et de l'emploi à la question écrite n° 06237 de M. Jean-Pierre Vial |
Ce dispositif introduit un nouvel effet de seuil et un risque « d'évaporation » des inscriptions au registre des métiers, au détriment du contrôle de la qualification des nouveaux auto-entrepreneurs. Ces craintes ont été largement relayées par nos collègues sénateurs puisque depuis l'adoption de la loi de modernisation de l'économie ce sujet à fait l'objet de 59 questions parlementaires.
En revanche, l'auto-entrepreneur en activité ne peut pas « désimmatriculer » son entreprise. Sur le plan juridique, le nouveau régime ne paraît pas de nature à avoir une incidence en matière de compétitivité pour les entreprises existantes puisqu'il est ouvert à l'ensemble des micro-entreprises. Les simplifications accordées à l'auto-entrepreneur ne permettent nullement à ce dernier d'exercer une concurrence déloyale puisqu'il reste tenu aux obligations existantes en matière de qualification et d'assurance professionnelles selon l'activité exercée. À cet égard, il est rappelé que le contrôle de la qualification est effectué par les agents habilités de la direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes ou par des officiers de police judiciaire. Mais en pratique, il reste permis de s'interroger sur la capacité de l'administration à s'assurer de la compétence de chaque auto-entrepreneur.
* 16 Au 15 juillet 2009, on compte 182.000 personnes qui se sont inscrites auprès des centres de formalité des entreprises ou sur Internet. Parmi elles, 165.000 sont des créateurs d'entreprise et 17.000 sont des microexistants séduits par les avantages du régime d'auto-entrepreneur. Un tiers des auto-entrepreneurs exercent une activité artisanale, les deux autres tiers, une activité de commerce ou de services. Enfin, 25 % d'entre eux ont bénéficié de l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise (ACCRE) - source JO Sénat du 10/09/2009 - page 2135 - réponse à la question écrite n° 09295 de M. Roland Courteau.