CONTRIBUTION DU GROUPE SOCIALISTE - LA FISCALITÉ CARBONE : UNE ARME POUR LUTTER JUSTEMENT ET EFFICACEMENT CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE

Crise financière et crise écologique sont le produit d'un modèle de développement qu'il nous faut changer. L'enjeu climatique met au défi les responsables politiques de promouvoir un nouveau modèle de croissance. A l'opposé du « Produis[ons] plus et consomm[ons] davantage » encore prôné par le Président de la République dans son discours devant le Congrès, le développement doit reposer à la fois sur la limitation des émissions de gaz effet de serre et la réduction de la consommation énergétique.

Pour y parvenir, de nouveaux outils économiques sont à inventer. La fiscalité écologique est l'un d'entre eux. Initié à l'automne 2007, le Grenelle de l'environnement avait remis à plus tard l'étude de cette question. Deux ans après, la conférence du consensus est chargée de vérifier la faisabilité d'une contribution climat-énergie. C'est dans cet agenda que le groupe socialiste a souhaité mener sa propre réflexion et qu'il a abordé avec intérêt les travaux menés par le groupe de travail.

Le groupe socialiste du Sénat 109 ( * ) a ainsi présenté le 2 juin 2009 ses propositions pour l'instauration d'une fiscalité carbone juste et efficace.

Nous pensons que la lutte contre le réchauffement climatique passe nécessairement par une incitation forte à l'évolution des comportements individuels et collectifs . Cet objectif pourra être atteint, si nous dotons notre économie des outils efficaces et socialement acceptables. De tous les instruments dont le pouvoir politique dispose, la fiscalité est le seul à avoir un effet véritablement incitatif, en envoyant à tous les agents économiques un « signal prix » . D'une application universelle, elle doit permettre ainsi à chacun d'évaluer en amont le coût de l'effort et d'opter soit pour une modification de son comportement soit pour le paiement de la taxe.

Nous entendons par « taxe carbone », une contribution assise sur tous les combustibles fossiles (pétrole, charbon, gaz naturel) en fonction de leur contenu en carbone et donc de leur émission de gaz à effet de serre . La question de l'intégration dans son champs de l'énergie produite par le nucléaire, moins émettrice de gaz à effet de serre, fait débat. Si l'on fixe à cette fiscalité, un objectif unique, à savoir la réduction des gaz à effet de serre, alors son intégration ne se justifie pas nécessairement. A l'inverse si on lui ajoute un objectif de réduction drastique de la consommation énergétique, il faut la prendre en compte.

Serait concernée par cette contribution, l'ensemble des émissions dites diffuses des ménages et des entreprises non soumises au marché européen.

Claire , la fiscalité carbone doit avoir un tarif unique et prévisible. L'hypothèse d'une valeur carbone, qui évoluerait progressivement de 32€ la tonne en 2010 avant d'atteindre 100€ en 2030, paraît réaliste. Efficace , elle ne doit pas avoir vocation, en ces temps de disette budgétaire et de naufrage de nos finances publiques, à augmenter les recettes de l'Etat et avoir un rendement budgétaire. Juste, elle doit nécessairement s'accompagner de mécanismes redistributifs simples et lisibles , afin que l'impôt nouveau soit réparti en fonction des capacités contributives et financières de chacun, et particulièrement pour les ménages les plus modestes.

C'est ainsi que son affectation pourra permettre simultanément deux améliorations conjointes pour la collectivité, selon le principe du double dividende : le premier dividende est celui de la réduction de l'externalité négative des émissions de gaz à effet de serre qui découle directement de l'effet incitatif du signal prix. Le second dividende est le gain collectif disjoint du bénéfice environnemental, qui sera destiné à la redistribution vers les foyers modestes et vers les secteurs industriels qui auront le plus de difficulté à s'adapter à la nouvelle donne.

La part de revenu consacrée à la consommation d'énergie des ménages les plus modestes étant supérieure à celle des ménages à hauts revenus, nous proposons ainsi la création d'un fonds d'accompagnement à la mutation énergétique dont les ressources pourraient être partagées, par exemple, entre des aides à la réhabilitation du logement afin de réduire les charges liées à la consommation d'énergie des habitants et des aides à la mobilité durable, prenant en charge une partie des coûts de transports collectifs lorsqu'ils existent, (ou une redistribution d'une partie de la taxe payée lorsque les transports collectifs ne sont pas assez développés). Des aides fiscales, attribuées de manière progressive, sont également envisageables. Afin d'aider les entreprises pour lesquelles les ajustements seraient trop lourds, nous proposons la création d'un fonds de mutation écologique.

Toutefois, le débat franco-français se situe dans le contexte des négociations européennes et internationales, seules capables d'apporter une réponse à la hauteur de la crise écologique que nous vivons.

Déployée sur le plan national, la taxe carbone peut coexister avec le Système Communautaire d'Echange des Quotas d'Emissions (SCEQE) de gaz à effet se serre. D'ores et déjà, la Suède, le Danemark, la Grande-Bretagne utilisent ce double mécanisme.

Si l'adoption du Paquet Energie Climat en décembre 2008, sous présidence française, est une avancée indéniable, elle n'en constitue pas pour autant un succès. Les Etats membres ont en effet rejeté le principe de la mutualisation du produit des enchères des quotas du marché européen. A l'inverse, nous pensons que la mise en commun du produit de ces enchères pourrait donner à l'Union Européenne une source de financement massive, au service de la mutation énergétique et d'un nouveau mode de développement.

En même temps, ce marché naissant, s'il n'est pas régulé, est porteur des mêmes risques que les marchés financiers. La volatilité du prix du carbone et de soumission à la TVA de ces opérations, nous conduisent à réclamer une véritable régulation de ce marché au niveau européen ainsi qu' une harmonisation du statut juridique des quotas , en tant que produit financier. Enfin, nous proposons que soit fixé un prix plancher sur le marché européen des permis d'émission , afin d'en éviter la volatilité.

Au niveau international, il est indiscutable que le prochain sommet de Copenhague sera décisif dans la capacité de la communauté internationale à s'engager ensemble dans la lutte contre le réchauffement climatique. Dans ce cadre, le mécanisme d'ajustement aux frontières, doit rester un moyen de pression pour inciter les pays qui n'ont pas souscrit aux engagements internationaux, aux mêmes efforts que les pays européens. Néanmoins, un tel mécanisme n'aurait pas d'impact sur les consommations d'énergies et les émissions de gaz à effet de serre dans notre pays. Cette taxe aux frontières ne remplit pas l'objectif recherché par l'instauration d'une contribution « climat-énergie » discutée lors du Grenelle de l'Environnement et n'aurait de sens qu'après la mise en place dans notre pays d'une fiscalité carbone.

9 propositions pour une fiscalité carbone juste et efficace

Proposition 1 :

Conforter, réguler, superviser et mutualiser le Système Communautaire d'Echange des Quotas d'Emission (SCEQE) de gaz à effet de serre.

Proposition 2 :

Instaurer un prix plancher du carbone dans le marché européen de permis d'émission.

Proposition 3 :

Instaurer une taxe carbone, au niveau national, pour les émissions diffuses des ménages et des entreprises non soumises au SCEQE.

Proposition 4 :

Déterminer le taux de cette taxe sur la base d'un consensus politique.

Proposition 5:

Instaurer un tarif unique permettant d'envoyer un signal prix clair pour tous, entreprises et ménages.

Proposition 6:

Déterminer un objectif tarifaire progressif et prévisible, sur une longue période (2010-2030), révisable pour tenir compte des progrès techniques et du changement climatique.

Proposition 7:

Harmoniser à terme les taux au niveau de l'Union européenne.

Proposition 8 :

Assurer le caractère redistributif du produit de la taxe carbone.

Proposition 9 :

Créer un fonds d'accompagnement à la mutation énergétique afin d'aider les ménages les plus modestes et les entreprises qui n'auraient pas les capacités de s'adapter.

* 109 Les membres du groupe de travail sur la fiscalité environnementale appartenant au Groupe socialiste du Sénat étaient Mme Nicole Bricq, M. Gérard Miquel et M. Michel Sergent.

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