D. MME LORNA INNISS, PRÉSIDENTE DU GROUPE INTERGOUVERNEMENTAL DE COORDINATION DU SYSTÈME D'ALERTE AUX TSUNAMIS DANS LES CARAÏBES ET LES MERS ADJACENTES (GIC/CARAÏBES)

Merci, Monsieur le Sénateur. Je suis honorée d'être ici parmi vous et parmi vos collègues. Je voudrais juste faire une mise en contexte, pour le groupe des Caraïbes. Je n'ai pas de présentation PowerPoint parce que je m'étais dit que mes diapositives seraient en anglais. Je vais présenter les progrès que nous avons accomplis et les domaines dans lesquels je pense que nous pourrions collaborer plus avant avec la France dans les Caraïbes. Le GIC/Caraïbes a 28 Etats membres, dont bon nombre sont de petites îles, des îles en voie de développement. Certaines dépendent d'une métropole, pas seulement de la France, mais aussi du Royaume-Uni et des Pays-Bas. Le défi auquel nous avons à faire face est certainement le même que celui du Pacifique il y a 40 ans, c'est-à-dire travailler avec de petites îles et des pays en voie de développement qui ont des capacités très variées et des moyens pas toujours appropriés pour participer à ces systèmes d'alerte précoce. Voilà la toile de fond sur laquelle se développe le programme.

Ces systèmes d'alerte ont été développés à travers une approche multirisque, comme nous l'avons déjà dit aujourd'hui, à la demande des États membres lors de la première réunion. La zone des Caraïbes est soumise à des aléas très importants dus à des houles cycloniques et aux tremblements de terre. Les tsunamis sont beaucoup moins fréquents mais, malgré cette faible fréquence, vous savez qu'ils ont eu lieu plus souvent que les ouragans. Les États membres ont discuté et approuvé une proposition pour un système d'alerte précoce avant même le tsunami de 2004. Cela a été un événement catalytique global, avec des propositions déjà approuvées par les pays, qui nous a permis de cristalliser tout cela en un résultat tangible. Le système d'alerte précoce a donc été adopté en 2005 et la première réunion a eu lieu à La Barbade en 2006. C'est à cette époque que les États membres ont établi très clairement leurs priorités pour le système. Ils souhaitaient s'assurer que les sources de tsunami puissent donner lieu à des modélisations, que les éléments puissent être détectés avec des systèmes fiables et que les communautés littorales les plus éloignées soient préparées, éduquées, formées, conscientes et prêtes à réagir à cette menace. Une structure avec des groupes de travail a été mise en place pour suivre les priorités et la mise en oeuvre de ce système.

L'évaluation du risque de tsunami dans les Caraïbes a commencé par le travail d'experts ; nous avons eu deux groupes d'établissement de modèles, qui étaient des experts des États-Unis et de la France, avec un groupe d'évaluation coprésidé par la France et qui a présenté la recherche et les informations existantes sur les événements qui avaient déjà eu lieu, des évaluations sur l'impact sur les côtes des États membres. Cette évaluation nous a permis d'identifier notre premier défi, avec des modalisateurs tels que le docteur Marcy, de Guadeloupe, qui était prêt à aider les États membres aux capacités limitées ou inexistantes et pour lesquels il était clair qu'il leur fallait des données fondamentales, données que la plupart de ces États ne pouvaient avoir. Les systèmes d'évaluation littorale n'existaient pas. Évaluer ce type de risque reste un besoin urgent pour la région.

Pour ce qui est du réseau sismique dans les Caraïbes, un certain nombre d'organisations nationales et régionales étaient déjà en train de mettre en place des systèmes de veille et d'étude sismologique avec des réseaux régionaux ; ils se sont exprimés à travers des réunions et des réseaux qui ont établi des formats pour le partage des données et des normes pour les exigences locales et régionales nécessaires, avec une identification des besoins très rapide. Les membres du groupe de travail se sont mis d'accord sur un réseau clé de détection des phénomènes sismiques. Le système exige que bon nombre de stations dans les petites îles et dans ces pays en développement soient remises à jour pour arriver à des données en temps réel utilisables par le réseau. Cela a été accompli, mais nous avons encore un certain nombre de manques significatifs dans le réseau qui doivent être comblés avec des pays qui ont encore besoin de développer leurs capacités à partager les données sismiques. Il y a encore un défi à relever, la détection d'autres événements tsunamigènes.

Les tremblements de terre, bien sûr, prennent beaucoup de notre temps. Mais il nous faut étudier aussi les autres sources. Pour ce qui est des océans et des tsunamis, les États-Unis ont mis en place des tsunamimètres dans l'océan Atlantique et dans la mer des Caraïbes. Cependant nous avons encore besoin d'autres instruments pour s'assurer une couverture totale du phénomène. En contraste avec le réseau sismique, le réseau d'étude du niveau de la mer s'est développé beaucoup plus lentement à l'époque du début du travail du GIC. Nous avons travaillé avec des États membres pour mettre en place certains marégraphes et, comme pour le réseau d'études sismiques, nous avons établi un réseau d'études du niveau de la mer avec la participation de la plupart des pays qui se sont mis d'accord pour couvrir toute la zone d'après certains critères développés pour ces marégraphes. Les États membres sont encouragés à installer plus de marégraphes encore, en conformité avec ces normes. Dans ce contexte, nous nous félicitons de l'aide du gouvernement de la France pour installer des marégraphes à Sainte-Lucie. Cependant, plus de marégraphes sont nécessaires et nous espérons que les opérateurs nationaux seront formés pas seulement pour assurer la maintenance de ces marégraphes, mais aussi pour pouvoir utiliser les données obtenues afin de responsabiliser les agences nationales.

Les centres PTWC et ATWC assurent l'intérim et une veille de la zone des Caraïbes. Dans ce contexte le centre de Porto Rico a présenté un plan de communication, avec des tests mensuels menés à travers le système qui ont été très efficaces pour fournir des messages. Le 28 mai de cette année, nous avons eu un tremblement de terre de magnitude 7.1 qui venait de la côte du Honduras et dans les deux minutes qui ont suivi, et malgré les manques dans notre couverture, l'alerte a été reçue par les points focaux d'alerte des États membres du Honduras, du Guatemala et de Belize. Les autres États membres ont reçu une déclaration d'alerte. Il y avait une absence d'information en temps réel autour de l'épicentre de ce tremblement de terre. Cependant, le centre a quand même pu vérifier qu'aucun tsunami n'a découlé de ce tremblement de terre et a transmis le message dans les 10 minutes.

Il nous faut comprendre ce qui s'est passé dans chaque État membre au niveau national après la réception de ce message. Cet événement nous a permis d'être témoins d'un test réel de réaction au tsunami. L'unité tsunami de la COI propose d'assister le GIC/Caraïbes dans l'évaluation de la réponse faite à cet événement. La question de la communication est importante pour bon nombre de pays, particulièrement pour les petites îles. Les États membres reconnaissent le réseau global de télécommunications comme essentiel pour les alertes aux tsunamis, mais nous les exhortons à faire attention aux redondances. C'est une caractéristique clé des événements qui ont lieu dans les Caraïbes, pas seulement pour l'une ou l'autre des parties prenantes. Certains reçoivent très rapidement les alertes. Des systèmes nationaux doivent être mis en place, ainsi que des protocoles, pour pouvoir toucher toutes les populations.

Nous avons un projet de protocole sur les communications, qui a été soumis aux États membres. Certains souhaitent le modifier pour qu'il soit adapté à leurs besoins. C'est une responsabilité nationale de s'assurer que les individus soient bien éduqués à répondre de façon appropriée à ce type de situation. Ce type de programmes pédagogiques est important mais nécessite des ressources, ainsi que la coopération de bon nombre de dialectes et de créoles. Pour pouvoir éduquer tous les citoyens, il faut recourir à leur langue dans les programmes d'éducation mais aussi dans les systèmes d'alerte. Cela découle de la responsabilité nationale.

Nous avons un nouveau centre d'information sur les tsunamis dans les Caraïbes qui va assister les pays à renforcer leurs capacités pour les procédures de communication et les programmes pédagogiques. C'est pourquoi nous nous félicitons de la proposition du Gouvernement français de nous assister dans les opérations de ce centre de formation et d'information. Nous avons des ressources sur les territoires français pour s'assurer que tous les États membres soient couverts en termes de programmes pédagogiques. L'avantage de la dissémination de ce programme est un coût réduit de traduction. Le système que nous avons établi à La Barbade a pour but de coordonner le travail que nous menons avec des agences françaises et espagnoles. Cette collaboration nous a permis d'accélérer le développement d'un système véritablement efficace qui a pour but de répondre aux besoins et de sauver les vies des communautés du littoral dans les Caraïbes. Ce centre ainsi que les agences partenaires ont permis d'accélérer le développement d'un système véritablement efficace dans les Caraïbes. Nous avons besoin d'un centre pleinement établi, un centre d'alerte. Nous avons besoin de pallier les manques de notre couverture. Nous avons besoin de modélisation des risques de tsunami. Nous avons besoin que chaque pays, chaque île ait un système de communication rapide, efficace, bien développé et une population bien préparée qui sait réagir. Ce qui ne va pas sans une certaine maturité que nous devons transmettre à la génération suivante. Plus la période entre les événements sera longue, plus les besoins en termes d'investissements seront grands. Nous nous rendons bien compte que le système d'éducation publique devra mener un effort permanent. Merci.

M. Roland COURTEAU

Merci pour cet exposé particulièrement complet. Sans attendre, je donne la parole à Monsieur Steve Tait, directeur scientifique des observatoires volcanologiques et sismologiques de l'Institut de physique du globe de Paris, représentant la France.

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