C. M. BERNARD DELEPLANCQUE, SOUS-DIRECTEUR DE LA GESTION DES RISQUES, MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET M. PASCAL MATHIEU, CHEF DU BUREAU DES RISQUES MAJEURS À LA DIRECTION DE LA SÉCURITÉ CIVILE

Comme nous sommes riches au ministère de l'Intérieur, nous sommes venus à deux. Monsieur le Sénateur, Mesdames et Messieurs les Présidents des Groupes intergouvernementaux, Mesdames et Messieurs.

En décembre 2007, vous concluiez, Monsieur le Sénateur, dans le rapport sur l'évaluation et la prévention du risque de tsunami sur les côtes françaises en métropole et en Outre-mer : « La France doit mettre en place son propre dispositif national d'alerte pour réduire la vulnérabilité de son littoral au tsunami. » Votre rapport mettait en exergue les enjeux de sécurité et de géostratégie que représentait pour la France la création d'un système national d'alerte aux tsunamis. Vous signaliez cependant le manque de volonté politique se traduisant par une absence de crédits permettant de financer les actions nécessaires afin que la France dispose d'organismes de référence en géosciences et en océanographie.

Vos remarques et préconisations ont bien été prises en compte et ont fait naître une volonté commune entre deux ministères, le ministère de l'Intérieur et le ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire, puisqu'ils se sont rassemblés pour mettre en route une action volontariste visant à la création du centre d'alerte aux tsunamis pour l'Atlantique Nord-Est et la Méditerranée à vocation régionale pour la Méditerranée occidentale, tout cela à l'horizon de l'année 2011 ou du tout début de l'année 2012.

La création de ce centre est accompagnée par la mise en place à l'échelon local d'un réseau d'alerte dit descendant (j'aurai l'occasion d'en dire quelques mots tout à l'heure) à l'attention des populations. Cette démarche s'appuie bien évidemment sur l'étude de vulnérabilité qui doit permettre l'élaboration de recommandations à l'attention des pouvoirs publics. Ces recommandations doivent permettre de définir les meilleurs vecteurs de diffusion d'alerte (système de sirènes, broadcasting , panneau d'affichage), des comportements d'évacuation ainsi que l'organisation de la résilience du territoire à ce risque. Pour ce faire, nous avons - je pense que François Schindelé le rappellera tout à l'heure - un certain savoir-faire acquis dans le Pacifique.

Notre horizon est fin 2011-début 2012. Eu égard aux enjeux financiers et techniques que représente la création d'un centre national d'alerte aux tsunamis à vocation régionale, il a été décidé de concentrer nos efforts dans un premier temps sur un seul bassin de risque, la Méditerranée ; en effet, le bassin méditerranéen ne dispose d'aucun système d'alerte précoce pour le moment. Or ce littoral fortement peuplé (environ 2 500 habitants au km 2 ), représente un enjeu majeur en termes économiques, il est exposé à l'aléa tsunami d'origine proche (glissement de terrain en bordure du littoral ou séisme en mer Ligure) ou lointaine (séismes sur la marge nord algérienne). Il convenait donc d'élaborer une véritable politique publique de protection des populations contre l'aléa tsunami dotée de moyens financiers importants.

Cette volonté politique est aujourd'hui soutenue par des ressources budgétaires. Petit rappel simplement : dès 2006, Monsieur Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, avait sollicité le CEA afin que cet organisme, par ses compétences, mette à la disposition du territoire métropolitain un système d'alerte au tsunami ; le CEA avait alors répondu favorablement à cette demande à la condition, bien évidemment, de pouvoir disposer des moyens financiers nécessaires à la création et au fonctionnement de ce centre.

Sur le fondement de la proposition de février 2008, prenant en compte les besoins du CEA, du SHOM et du CNRS, qui sont donc les principaux partenaires de ce projet pour la partie alerte montante, la Direction de la sécurité civile a obtenu d'une part l'inscription de cette problématique au Livre blanc pour la défense et la sécurité nationale et, d'autre part, dans le cadre des projets de loi d'orientation de la programmation de la sécurité intérieure, la LOPSI, 7 millions d'euros sur cinq ans. Ces crédits permettront de prendre en charge la moitié du coût de l'investissement, soit 2 millions d'euros sur deux ans et la moitié du coût de fonctionnement, soit 5 millions d'euros sur trois ans. Pour sa part, le ministère chargé de l'Écologie interviendra à due concurrence à hauteur de 7 millions, dans le cadre de cette démarche partenariale commencée depuis maintenant un petit peu plus d'un an.

Forts de ce levier budgétaire, nos deux ministères ont demandé au Premier ministre la désignation du CEA comme centre national d'alerte aux tsunamis pour l'Atlantique Nord-Est et la Méditerranée à vocation régionale. Pour la Méditerranée occidentale, lors de la réunion du Groupe de coordination intergouvernementale de l'UNESCO qui s'est réunie du 3 au 5 novembre 2008 à Athènes, la proposition française a été acceptée par la Commission intergouvernementale de coordination. Toutes les conditions étaient donc réunies pour mettre l'engagement politique et financier de nos deux ministères au service de la réalisation d'un projet technique ambitieux en faveur de la population française mais également des populations des États contigus à la Méditerranée.

Il s'agit donc d'un projet scientifique au service de la sécurité des populations. Le CEA a été désigné, par une lettre d'intention commune des deux départements ministériels en date du 4 mars 2009, pour réaliser à la fin 2011-début 2012 le centre d'alerte aux tsunamis et le faire fonctionner.

Mais le CEA n'est pas le seul acteur, il sera notre intégrateur. Le SHOM ainsi que le CNRS sont associés à la réalisation du projet, le SHOM étant en particulier chargé de transmettre en temps réel les données marégraphiques, et le CNRS, les données de quatre stations sismologiques.

Pour assurer une gouvernance optimale de ce projet, une convention cadre entre les parties, à savoir nos deux ministères, le CEA, le SHOM et le CNRS, a été élaborée ; elle précise l'engagement de toutes les parties tant pour la création du centre que pour son fonctionnement. Je ne présenterai pas ici les éléments techniques relatifs à ce projet, laissant le soin à François Schindelé, notre grand expert, désormais émérite, du CEA, et par ailleurs excellent pédagogue, pour vous faire la présentation technique.

Je reviendrai en revanche sur trois objectifs majeurs que nous avons fixés au CEA dans le cadre de notre grand partenariat. Ce centre doit permettre d'alerter, dans les 15 minutes qui suivent un événement sismique potentiellement tsunamigène en Atlantique Nord-Est ou en Méditerranée occidentale, les autorités de sécurité civile françaises. En tant que centre à vocation régionale, ce centre doit également informer dans le même délai de la survenue de l'événement en tant que centre à vocation régionale les centres d'alerte nationaux et régionaux étrangers. Par ailleurs, ce centre doit également confirmer ou infirmer l'occurrence éventuelle d'un tsunami dans les 20 minutes suivantes.

La gouvernance du projet est assurée conjointement par le ministère chargé de l'Écologie et le ministère de l'Intérieur ; le CEA assure pour sa part la coordination technique du projet, de sa création à son exploitation dans le cadre d'un comité de coordination technique. Cette convention cadre a été à ce jour signée par l'ensemble des opérateurs ; elle est actuellement dans les mains de nos CBCM, nos contrôleurs budgétaires et comptables ministériels, à la fois au ministère de l'Intérieur et parallèlement au ministère de l'Écologie avant qu'elle ne soit signée par nos deux ministères. La signature définitive de cette convention est attendue pour la fin juin, qui sera donc la date officielle du lancement de la création du centre national d'alerte aux tsunamis pour l'Atlantique Nord-Est et la Méditerranée à vocation régionale pour la Méditerranée occidentale.

Bien évidemment, lorsqu'on aura défini et mis sur pied ce CRATANEM, il faudra être en capacité de produire l'alerte et l'information descendante à destination des populations. Le ministère de l'Intérieur se doit, concomitamment à la création du centre régional de surveillance, de définir et de développer un système d'alerte aux populations qui soit le complément indispensable à tout système de détection d'un aléa. Pour être pertinent, ce système d'alerte doit se fonder sur la détermination de la vulnérabilité des côtes. Cette étude doit permettre, d'une part, d'identifier les zones d'habitation concernées, d'autre part de préciser les périmètres d'impact, notamment les distances de pénétration des vagues à l'intérieur du territoire. Forts de ces informations, il sera possible de réaliser les cartes d'inondation et d'évacuation des zones habitées permettant d'assurer une gestion de l'aménagement du territoire et des moyens de secours, de définir le meilleur vecteur d'information de l'alerte aux populations en fonction du lieu et des scénarios de l'événement (tsunami champ proche ou lointain), de réaliser des campagnes de sensibilisation auprès des populations sur les comportements à adopter en cas de tsunami.

Je profite de l'occasion pour vous faire part de la rénovation du système national d'alerte, système qui aujourd'hui repose sur le réseau national d'alerte qui date de l'après-guerre froide, des années 1950, et qui est devenu complètement obsolète tant dans sa conception technologique que dans la répartition des moyens d'alerte sur le territoire national. Le projet en cours, lui aussi inscrit au Livre blanc, vise d'une part à s'assurer que les moyens d'alerte existants et futurs correspondent bien à la définition des bassins de risques tels que nous les envisageons aujourd'hui, d'autre part à faire en sorte que ces moyens multiples d'alerte (sirènes, panneaux à messages variables, automates d'appel et, vraisemblablement demain, système de cell broadcast ou de radio numérique terrestre) puissent être déclenchés à partir d'un centre unique que l'on envisage de placer dans les centres opérationnels départementaux de secours qui utiliseront en tant que vecteurs de transmission de l'information l'infrastructure nationale partagée des transmissions, à savoir le réseau du ministère de l'Intérieur qui supporte à la fois Acropole, le réseau de la police nationale, et Antarès, le réseau qui supporte les télécommunications des sapeurs pompiers et bientôt du SAMU. Ce projet avance en parallèle de manière aussi rapide que le projet tsunami et nous avons procédé la semaine dernière à Lyon le 18 juin à une expérimentation grandeur nature sur 3 départements, le Rhône, l'Allier et l'Ain, avec des déclenchements depuis soit le centre opérationnel départemental des sapeurs pompiers, soit depuis le centre zonal, soit depuis la préfecture, soit depuis des centres opérationnels divers.

Ce système fonctionne, le démonstrateur est aujourd'hui réalisé, le début du déploiement de ce système devrait lui aussi intervenir au début de l'année 2011 et sera effectivement concomitant avec le projet qui nous rassemble aujourd'hui.

Pour revenir à ce qui nous réunit aujourd'hui, les études afférentes à la création d'un réseau d'alerte descendante pour le littoral méditerranéen ont d'ores et déjà été budgétées, la LOPSI a prévu 100 000 euros pour les exercices 2009 et 2010. Un complément budgétaire sera néanmoins nécessaire pour finaliser ces études à horizon 2011.

C'est dans ce cadre que nous allons poursuivre le partenariat avec les opérateurs. L'étude de vulnérabilité des côtes nécessite d'identifier les lieux de propagation des tsunamis et leurs caractéristiques. Pour ce faire, la Direction a décidé d'associer à cette réflexion, outre le ministère chargé de l'Écologie, le CEA et le SHOM, le bureau des recherches géologiques et minières, le BRGM. Ce bureau a déjà en effet élaboré, pour le compte du ministère chargé de l'Écologie, des scénarios de tsunamis sur le bassin méditerranéen.

La première réunion de lancement de ce projet a eu lieu le 29 mai à la Direction de la sécurité civile. Dans ce cadre également, un projet conventionnel viendra déterminer les actions techniques et financières de chacune des parties, ce projet de convention fixant par ailleurs la gouvernance du projet à la fin de l'exercice 2009.

Les premières conclusions de ce groupe de travail ont permis de fixer un calendrier d'actions qui s'étend jusqu'en 2011 et propose d'expérimenter dans deux ou trois aires géographiques du littoral méditerranéen (qui devront être choisies comme représentatives des différentes catégories d'enjeux - ports, plages, urbanisations proches du littoral -), des scénarios d'événements et des outils de planification de diffusion de l'alerte afférente au risque de tsunami. A l'aune de cette expérience, la Direction de la sécurité civile pourra infirmer ou non les préconisations qui devront ou non être adressées aux acteurs locaux : en effet, la gestion de crise relève de la compétence du maire et du préfet, il en est de même en matière de gestion et d'utilisation du sol.

En conclusion, Monsieur le Sénateur, votre rapport sur l'évaluation et la prévention du risque tsunami n'a pas été un simple aiguillon pour l'exécutif mais un véritable levier, levier qui a permis de fédérer les énergies à la fois des acteurs institutionnels mais également des opérateurs. Eu égard aux enjeux financiers que représente la finalisation de l'alerte descendante, je formule le voeu que votre soutien nous permette de poursuivre l'ensemble du programme évidemment jusqu'à son terme puisque nous avons résolu une partie des sujets au moins pour les deux années à venir mais ce sont bien évidemment des projets ambitieux qui iront au-delà des années 2013.

Je voudrais également remercier les acteurs ici présents d'avoir démontré beaucoup de volontarisme et sans cette volonté évidemment, le projet n'aurait pu naître ; je vais citer, comme souvent, les principaux représentants de ces différents organismes, Laurent Michel, qui est le directeur général de la prévention des risques, Monsieur Bruno Feignier qui malheureusement n'est pas là aujourd'hui mais qui est représenté par François Schindelé du CEA, Monsieur Bresson du SHOM, et Madame Deschamps du CNRS. Sans la réelle volonté de s'associer pour ce type de projet, nous en serions aujourd'hui encore vraisemblablement à étudier le rapport que vous avez produit en 2007.

Merci de votre attention.

M. Roland COURTEAU

Écoutez, Monsieur Deleplancque, je mesure effectivement toute la mesure du chemin parcouru en l'espace de moins de deux ans : je me réjouis de ces avancées, qui sont indéniables, et je voudrais vous assurer que nous continuerons à vous soutenir, comme vous le sollicitez pour des projets encore plus ambitieux. Comptez sur nous et merci encore, en tout cas, de ce point, qui a été particulièrement concret.

Tout en excusant Monsieur Feignier qui, justement, a quelques petits problèmes de santé, je voudrais donc donner la parole à celui que vous connaissez tous, Monsieur Schindelé.

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