D. M. FRANÇOIS SCHINDELE, EXPERT ALEA TSUNAMI AU COMMISSARIAT À L'ÉNERGIE ATOMIQUE

Merci, Monsieur le Sénateur. Comme vous l'avez souligné, Bruno Feignier regrette profondément de ne pas pouvoir participer à cette table ronde et m'a chargé de vous remercier d'avoir invité le CEA à cette nouvelle audition parlementaire sur les systèmes d'alerte aux tsunamis.

Comme nous venons de le voir dans les présentations et interventions des ministères, l'état de la situation en tout cas en Méditerranée et Atlantique Nord-Est a profondément évolué depuis 2007 et nous sommes maintenant dans une démarche de construction commune, si je puis dire, de ce fameux système d'alerte.

Je vais donc passer rapidement sur des points qui ont déjà été présentés. Le CEA a été mandaté pour mettre en place ce centre d'alerte aux tsunamis pour la Méditerranée et l'Atlantique Nord-Est. La quasi-totalité de la proposition faite par le CEA en 2007-2008 a été retenue et donc, comme il a été déjà spécifié, le CEA sera le coordinateur et le coordonnateur technique du projet, et un des points très importants que vous avez déjà souligné, Monsieur le Sénateur, a été acquis, à savoir la nécessité d'une permanence pour un bassin où la menace tsunami arrive en quelques minutes ou au maximum en une à deux heures. Indispensable, la permanence mise en place assurera la surveillance, l'alerte et la diffusion des messages vers les autorités de protection civile en France et vers les autres centres régionaux, nationaux et points focaux tsunamis qui sont instaurés dans le cadre de la Commission océanographique intergouvernementale de l'UNESCO. Ce centre sera donc en place en fin 2011-début 2012.

Je reprendrai juste quelques points techniques qu'on a vu se dessiner ce matin : il s'agit tout d'abord de détecter le séisme (la majorité des tsunamis sont induits par des tremblements de terre, donc il faut mettre en place un réseau de surveillance sismologique) ; ensuite, pour détecter le tsunami, c'est un réseau de surveillance de mesure du niveau de la mer qui comprend essentiellement des marégraphes mais également des stations au large (qu'on appelle maintenant des tsunamimètres) et finalement, pour analyser toutes ces mesures, évaluer l'aléa et disséminer les messages, un centre d'alerte sera créé avec des schémas et des procédures d'alerte à définir.

Des expertises du CEA ont déjà été évoquées ce matin. Je vais rappeler le mandat que nous avons déjà depuis les années 1980 d'alerter la sécurité civile française en cas de fort séisme en métropole ; d'autre part, nous sommes responsables - mais cela fait presque 40 ans - du centre polynésien de prévention des tsunamis, qui est à ce jour le seul centre national d'alerte aux tsunamis comprenant toutes les composantes et nous sommes donc le point focal et le représentant de la France dans le groupe du Pacifique depuis plus d'une vingtaine d'années. Les capacités opérationnelles sont avérées : vous l'avez aussi évoqué, la détection des essais nucléaires est une des composantes principales du département analyse surveillance environnement du CEA et nous avons des expertises uniques depuis une vingtaine d'années en modélisation de l'aléa tsunami et en systèmes d'alerte.

Dans les zones d'intérêt Méditerranée et Atlantique Nord-Est, je tiens à préciser par rapport à l'exposé précédent notamment que nous allons surveiller finalement la Méditerranée et l'Atlantique Nord-Est vis-à-vis des côtes françaises. Nous considérerons 3 zones tsunamigènes, l'une, justement, en Atlantique Nord-Est qui va en gros des Açores au continent africain et européen, la marge Nord africaine, et la mer Ligure. Il s'agit finalement de surveiller toute cette zone et un peu plus pour pouvoir analyser l'ensemble des tremblements de terre qui ont lieu dans cette région et en déduire le caractère tsunamigène.

On va considérer les deux réseaux de surveillance, le premier, le réseau de surveillance sismologique : en France, on va utiliser les données de 14 stations (huit du CEA, quatre du réseau large bande du CNRS, 1 Géoscope d'Algérie et 1 de Djibouti et en gros 40 stations de quatre pays compléteront ce système de surveillance : l'Espagne, l'Italie, le Portugal et l'Allemagne) ainsi que quelques stations complémentaires soit en Algérie, soit au Maroc, soit en Tunisie. En outre, on bénéficiera également (ce qui a déjà été précisé ce matin) des données OTICE, de l'organisme du Traité d'interdiction des essais nucléaires. Seront utilisées a priori les données de sept stations, peut-être plus, si de nouvelles stations se mettent en place dans les prochaines années dans cette région.

En ce qui concerne la mesure du niveau de la mer, je vais l'exposer rapidement - mon collègue du SHOM, je pense, détaillera. Il faut préciser qu'il y a une trentaine de stations marégraphiques le long des côtes françaises qui doivent être passées en temps réel et transmettre leurs données au centre d'alerte mis en place au CEA. Certains tsunamimètres seraient nécessaires, même s'ils n'ont pas été prévus à ce jour, au large des côtes françaises, en Mer Ligure, au large du Golfe du Lion, du Golfe de Gascogne, ce qui permettrait de surveiller le tsunami avant qu'il n'arrive le long de nos côtes. Pour surveiller les deux zones, que ce soit la marge africaine ou la zone située entre les Açores et le continent africain et européen, il faudra positionner une cinquantaine de stations, dont en gros une quinzaine sont prévues à ce jour par les différents États membres, mais il faudra mettre en place un programme pour installer justement les autres stations avec les différents pays : cela peut aussi faire partie du projet de consortium européen ou au niveau de la région.

Comment va fonctionner le système et comment va-t-il être mis en place ? Les stations existantes à ce jour représentées sur cette carte (les stations du CEA et les stations OTICE dont nous recevons déjà les données en temps réel à notre centre) seront complétées par les stations du CNRS dans les deux années qui viennent. La transmission des données des autres pays va se faire par ligne spécialisée informatique haut débit entre les centres nationaux sismologiques et tsunamis et le centre CEA, qui va envoyer les données des stations françaises par le même moyen à ces différents centres nationaux. Concernant la marégraphie, les stations marégraphiques du SHOM seront donc modernisées dans les deux années et les données des stations existantes mises en place par les autres pays (Espagne, Portugal, Algérie, Italie et autre) seront transmises par différents moyens et réceptionnées au centre d'alerte mis en place par le CEA. Finalement, la dissémination d'alerte se fera vers la Direction de la sécurité civile, vers les différentes adresses qui nous seront précisées et vers les différents centres régionaux, centres nationaux et points focaux.

L'objectif du schéma d'alerte, déjà précisé, est d'envoyer dans les 15 minutes après un tremblement de terre le premier message aux autorités et aux autres centres nationaux et points focaux, donc il s'agit de traiter automatiquement les données, d'analyser les résultats, de prendre une décision et d'envoyer les messages. Ensuite, l'alerte à la population (quelques minutes : ce sera dans le programme d'alerte descendante) sera effectuée. Et il restera, en cas de tsunami en provenance de la marge africaine de l'ordre de 40-50 minutes pour évacuer les zones menacées.

Le système va surveiller en continu grâce aux données sismiques et marégraphiques, ainsi qu'aux tsunamimètres disponibles. Dès les deux minutes qui suivent tout événement sismique, il y aura acquisition automatique des données, analyse automatique des données avec détection des événements, localisation, calcul de la première estimation de la magnitude et, s'il y a des marégraphes à proximité, mesure de l'amplitude du tsunami. Les personnels de permanence seront prévenus par une alerte interne du système, environ trois minutes après le tremblement de terre et seront là d'une part pour valider les résultats mais aussi pour utiliser tous les résultats des scénarios des tsunamis qui auraient été pré-calculés ainsi que les bases de données existantes, que ce soit les bases de données sismologiques ou les bases de données tsunamis. Les informations qui seront envoyées dans les différents messages (messages d'avis ou messages d'avertissement) sont, d'une part, l'information qui concerne le séisme (localisation, magnitude, origine), d'autre part, les heures théoriques d'arrivée du tsunami à partir du moment où un tsunami potentiel a été détecté à partir du calcul de la magnitude et si l'épicentre est proche de la côte ou sous-marin. Par ailleurs, des niveaux d'alerte ont été définis dans le cadre du groupe du GIC/SATANEM de l'UNESCO avec deux niveaux, un niveau que l'on peut appeler orange ou niveau d'avis, et un niveau rouge qui serait plutôt un niveau d'avertissement. On aurait également une carte de la hauteur maximale du tsunami attendu au large à partir du scénario le plus proche de l'événement réel. Dès que le tsunami aura atteint un marégraphe, on aura les mesures de l'amplitude, de la période du tsunami et on pourra en déduire si un tsunami a été généré, quelle est son amplitude et quelle est la menace le long des côtes de la région.

Pour terminer, le cadre international sera évoqué dans la deuxième table ronde ; pour rappeler ce qui a déjà été dit, la France a offert à la Commission océanographique de mettre en place ce centre d'alerte nationale à vocation régionale pour la Méditerranée occidentale. A ce jour, le Portugal a proposé lors de la réunion d'Athènes de devenir centre régional pour l'Atlantique Nord-Est, l'Italie pour la Méditerranée centrale et l'Adriatique, la Grèce pour la mer Égée et la Méditerranée orientale et la Turquie pour la Mer noire, la Mer de Marmara, la Mer Égée et la Méditerranée orientale.

Conclusions : ce centre d'alerte aux tsunamis sera en place fin 2011-début 2012, la surveillance sismologique dans la région sera totalement assurée très rapidement, en moins d'un quart d'heure ; la surveillance marégraphique le long des côtes françaises sera également assurée, ainsi que le long de certains pays, et certaines composantes (dont il faut souligner qu'elles ne font pas partie de ce projet) devront être mises en place (tsunamimètres au large des côtes françaises - je pense qu'au minimum, il en faudrait trois, un en Mer Ligure, un dans le Golfe du Lion et un dans le Golfe de Gascogne - ainsi que des marégraphes et des tsunamimètres dans les zones tsunamigènes éloignées, essentiellement le long de la marge nord africaine).

Pour terminer, la proposition du CEA que j'ai décrite a tenu finalement compte de trois principes : mettre en commun et utiliser des moyens et des données existantes, qu'ils soient français ou étrangers, d'autre part adapter ces moyens si nécessaire pour rendre robuste et fiable l'ensemble de la chaîne de l'alerte montante et enfin inclure les éléments manquants indispensables que la France se devait de mettre en oeuvre.

Je vous remercie.

M. Roland COURTEAU

C'est moi qui vous remercie, Monsieur Schindelé. Comme vous avez pu le constater, nous ne faisons que poursuivre dans le concret, nous avons le sentiment d'avancer. Merci, Monsieur Schindelé, et sans attendre, je voudrais donner la parole à Frédéric Papet, qui est Directeur de cabinet de la Délégation générale à l'Outre-mer.

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