2. Le retour au nationalisme et à une politique de puissance régionale 1989-2001

L'échec de la politique d'exportation de la Révolution, dont le seul résultat fut d'isoler l'Iran, joint au coût de la longue guerre avec l'Irak, ont incité les dirigeants iraniens à mettre l'accent sur la consolidation du régime et la satisfaction des aspirations matérielles de la population.

Les présidences des Ayatollahs plus modérés, Ali Akbar Hachemi Rafsandjani (1989-1997) et Mohammad Khatami (1997-2005) ont été marquées par des politiques extérieures pragmatiques tendant à asseoir le rôle régional de l'Iran.

De même, après l'éclatement de l'URSS, l'Iran s'est efforcé de nouer avec les nouvelles républiques d'Asie Centrale des relations de bon voisinage exemptes de toute connotation islamique.

Dans le conflit du Haut Karabagh entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie, comme dans les démêlés entre le Gouvernement du Tadjikistan et sa mouvance islamique, l'Iran, au lieu de souffler sur les braises de l'islamisme, s'est efforcé de faire prévaloir l'entente et la coopération.

Avec la Russie post-communiste, Téhéran s'en est tenu à la défense de ses intérêts économiques et stratégiques : achat d'armements russes, construction de la centrale de Bushehr, évacuation du pétrole de la zone de la mer Caspienne.

Rien ne rapprochait l'Iran de la Turquie, pays sunnite, allié des Etats-Unis, proche d'Israël et attaché aux structures séculières mises en place par Kemal Atatürk. Cela n'a pas empêché les deux pays d'entretenir d'excellentes relations d'autant que leurs Gouvernements s'opposaient avec la même détermination aux velléités indépendantistes du Kurdistan. Le même pragmatisme a prévalu dans les relations de l'Iran avec les pays pétroliers du Golfe ainsi qu'après une période initiale de tensions, avec l'Arabie saoudite. Seuls ses rapports avec des Emirats Arabes Unis sont restés marqués par le litige opposant les deux pays sur les îles Tomb et Abou Moussa, occupées par Téhéran du temps du Shah et que la République Islamique n'a jamais restituées.

Pendant cette période, l'Iran s'est efforcé de normaliser ses relations avec l'Irak, se prêtant à des échanges de prisonniers et laissant se développer des échanges contraires aux interdits de l'ONU. L'Irak put ainsi exporter plus de pétrole et importer davantage de marchandises qu'il n'y était autorisé.

Vis-à-vis de l'Europe, l'attitude extrêmement prudente de l'Iran pendant la guerre du Golfe de 1991 (condamnation de l'offensive de la coalition, mais sans gêner les opérations militaires) a permis la levée des sanctions économiques et la mise en place d'un dialogue critique entre l'Occident et l'Iran. Ce dialogue avait plusieurs objectifs : respect des droits de l'Homme, renonciation au terrorisme, non prolifération des armes de destruction massive, abolition de la fatwa contre Salman Rushdie. Il a permis l'essor des relations économiques entre l'Europe et l'Iran. Total, associé à Gazprom (Russie) et à Petronas (Malaisie), a investi plusieurs milliards de dollars dans le secteur pétrolier et gazier iranien en dépit de l'embargo imposé par les Etats-Unis.

Les relations avec les Etats-Unis, en revanche, ne se sont pas améliorées depuis le début de la Révolution. Pourtant, le recours au terrorisme avait été définitivement abandonné par l'Iran à la fin des années 1980 et l'essentiel des réseaux terroristes iraniens avaient été démantelés en 1989 tandis que les pasdarans implantés au Liban dans la Bekaa rejoignaient le Soudan. En outre, le Président Rafsandjani encourageait la mutation du Hezbollah en une organisation politique. Cette orientation n'a pas empêché une série d'assassinats d'opposants à l'étranger dont celui de Shapour Bakhtiar, dernier Premier ministre du Shah, réfugié en France, à Suresnes. En jetant les bases du programme nucléaire iranien, Rafsandjani ne poursuivait pas de buts offensifs. Quant à la lutte contre Israël, elle se limita au soutien donné au Hamas et au Hezbollah. La politique conduite par Khatami n'a pas introduit de changement significatif par rapport à celle de Rafsandjani, dont elle a prolongé les principales tendances. Son intervention à la tribune des Nations unies et sa personnalité rassurante ont été bien perçues par le Gouvernement américain. Lors d'une interview à CNN en 1998, le Président iranien avait condamné le terrorisme et indiqué que l'Iran ne cherchait pas à imposer son point de vue aux Palestiniens concernant le processus de paix, ni à devenir une puissance nucléaire. Réagissant favorablement à la victoire électorale des réformateurs, Madeleine Albright avait annoncé la levée partielle de l'embargo sur les importations américaines de tapis et de produits alimentaires. Ces gestes n'allèrent pas jusqu'à permettre l'ouverture d'un dialogue avec Washington, qui continuait à achopper sur le soutien apporté au Hezbollah, considéré par l'Iran comme un atout dont il n'entendait pas se dessaisir.

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