b) L'échec de l'exportation de la Révolution

Nulle part, pas même au Liban, l'Iran n'a réussi à faire naître des républiques islamiques et jamais l'Iran n'est parvenu à s'ériger en leader d'un mouvement révolutionnaire au-delà de ses frontières. Au contraire, beaucoup de pays et de mouvements islamiques, surtout sunnites, se sont détournés de l'Iran dont les menées inquiétaient.

La guerre avec l'Irak a beaucoup contribué à cet échec, dans la mesure où elle a conduit le régime iranien à exalter les valeurs nationales face à l'agression de Saddam Hussein. Toute une génération de militants a reçu une formation militaire et idéologique dans le cadre de cette guerre. Le culte du martyre, à l'image du destin tragique de l'imam Hossieyn, est devenu un élément central de l'idéologie officielle, accentuant la spécificité chiite de l'Iran par rapport au reste de l'Orient sunnite.

L'Iran, d'autre part, a toujours été soucieux de défendre ses intérêts nationaux, n'hésitant pas à l'occasion à pactiser avec les Etats-Unis et même Israël, comme l'ont montré les négociations secrètes menées en 1986 qui ont débouché sur le scandale de l' Irangate . De même, en dépit de sa volonté proclamée de rassembler tous les musulmans dans sa lutte mondiale de libération, Téhéran n'a pas sourcillé lorsque la Syrie massacra des milliers de Frères Musulmans lors des affrontements dans la ville de Hamat en 1982. Enfin, les autorités iraniennes n'ont rien fait, à la fin de la première guerre du Golfe, pour empêcher le massacre des « frères chiites » d'Irak par Saddam Hussein.

A chaque fois, l'Iran a privilégié ses propres intérêts. Si bien que les mouvements islamiques sunnites n'ont pas été tentés d'adhérer au discours internationaliste et musulman de Téhéran. Le seul pays sunnite à s'être allié à l'Iran est la Syrie, mais cette alliance n'a aucun contenu idéologique. Le régime syrien a soutenu l'Iran contre l'Irak, parce que Saddam Hussein était depuis toujours son ennemi juré et que l'alliance iranienne facilitait sa main mise sur le Liban. Aussi n'est-il pas surprenant que l'Iran se soit avéré incapable de créer un mouvement islamique révolutionnaire au Moyen-Orient dont il aurait pris la tête et s'est, au contraire, trouvé isolé sur la scène internationale. L'exemple le plus frappant de cet échec fut le silence du monde musulman lors de la guerre Iran-Irak. L'OLP, pourtant soutenue par l'Iran, a finalement choisi le camp de Saddam Hussein, ce que Téhéran ne lui a jamais pardonné.

Les Chiites eux-mêmes n'ont pas toujours fait allégeance à l'Iran. C'est ainsi que le chef spirituel du Hezbollah dans les années 1980, l'ayatollah Fadlallah, avait émis des réserves sur la thèse du velayat-e faqih 43 ( * ) et admis l'impossibilité d'imposer un régime islamique dans un Etat multiconfessionnel tel que le Liban.

* 43 Littéralement : « le Gouvernement du jurisconsulte » - ensemble de principes qui fondent le fait que le guide suprême soit un religieux.

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