B. LA FORTE CROISSANCE DES CRÉDITS « ÉDUCATIFS » DE LA POLITIQUE DE LA VILLE POSE LA QUESTION D'UNE ÉVENTUELLE SUBSTITUTION ENTRE CES DERNIERS ET LES CRÉDITS DE L'ÉDUCATION NATIONALE

La forte croissance des crédits de la politique de la ville peut soulever des questions, notamment quant à un éventuel désengagement de l'éducation nationale . La Cour des comptes a notamment relevé que les programmes de réussite éducative (PRE) pouvaient être utilisés pour mener des actions de soutien scolaire de premier niveau, soit une fonction qui relève notamment de l'éducation nationale. Cette éventuelle substitution serait toutefois, sur cet exemple précis, de moins en moins probable compte tenu de la mise en place de l'accompagnement éducatif à partir de 2008 dans les établissements relevant de l'éducation prioritaire.

Il est toutefois difficile d'apprécier ces possibles effets de substitution en l'absence d'évaluation fiable des crédits de droit commun mobilisés en sus des crédits spécifiques . Cette situation est regrettable, car juger de l'efficacité de la dépense publique, notamment dans l'éducation nationale et dans la politique de la ville, nécessite de s'assurer que l'effort de base soit égalita irement r éparti sur le terrain.

De ce point de vue, il faut constater que peu d'améliorations sont intervenues depuis les observations du rapport de votre commission des finances sur l'enquête de la Cour des comptes relative aux crédits d'intervention de la politique de la ville (rapport n° 71, 2007-2008) et du rapport de la mission commune d'information du Sénat sur le bilan et les perspectives d'avenir des politiques conduites envers les quartiers en difficulté (rapport n° 49, 2006-2007).

C. LA VENTILATION DES CRÉDITS « NATIONAUX » AU NIVEAU LOCAL EST PEU LISIBLE ET NE TRADUIT AUCUNE COMPLÉMENTARITÉ D'INTERVENTION FINANCIÈRE

La déclinaison des politiques nationales au niveau local n'est pas réellement connue et ne semble pas faire de l'objet de complémentarité financière.

L'enquête de terrain menée par la Cour des comptes a montré que les « procédures locales d'attribution des moyens complémentaires alloués au titre de l'éducation prioritaire et les modalités de répartition des crédits spécifiques de la politique de la ville sont largement disjointes » et aucune réflexion n'a été menée sur les « modalités souhaitables de complémentarité des interventions financières ».

En outre, il convient de noter, comme l'avait déjà relevé M. Gérard Longuet, rapporteur spécial de la mission « Enseignement scolaire », que les moyens attribués localement à l'éducation prioritaire ne sont pas connus , la répartition des crédits par les académies tenant inégalement compte de l'appartenance ou non de l'établissement à l'éducation prioritaire.

La Cour des comptes décrit à ce sujet les paradoxes liés à cette non prise en compte systématique : par exemple, les élèves sont ainsi plus nombreux par classe (24 en moyenne) dans les écoles primaires classées en éducation prioritaire dans l'académie de Créteil qu'ils ne le sont dans la moyenne nationale des écoles primaires classées hors éducation prioritaire (23,5) ! Si cette situation traduit le principe de déconcentration de la gestion afin d'être au plus près des acteurs de terrain, ce qui se justifie pleinement dans l'éducation nationale, il devrait néanmoins être possible d'organiser un « reporting » permettant aux services centraux de connaître la pertinence de leurs politiques.

La mise en place en 2009 d'un tableau de bord de l'éducation prioritaire par le ministère de l'éducation nationale devrait déboucher sur des améliorations . Destiné aux académies, ce tableau doit permettre de mettre en relation les coûts de l'éducation prioritaire dans chaque académie, les performances scolaires (résultats aux évaluations, au diplôme national du brevet, orientation des élèves), les leviers d'action mis en oeuvre (composition des réseaux d'éducation prioritaire, moyens humains affectés en éducation prioritaire, offre éducative) et les caractéristiques sociodémographiques et socioéconomiques des académies en les situant par rapport aux données nationales. Il est appelé à devenir un outil du dialogue de gestion et devrait être mis à jour chaque année. Vos rapporteurs spéciaux ne manqueront pas de suivre avec attention les premiers résultats de ce dispositif.

Cette approximation dans le recensement des moyens publics consacrés aux interventions éducatives dans les quartiers sensibles traduit deux choses :

- d'une part, le fait que ces politiques recouvrent des dispositifs qui se juxtaposent plus qu'ils ne s'articulent entre eux ;

- d'autre part, les lacunes dans la connaissance de ces politiques ne permettent pas de créer une dynamique vertueuse entre la mise en oeuvre de la politique, son évaluation et l'ajustement financier et technique des actions en fonction des résultats de performance.

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