II. LES INTERVENTIONS ÉDUCATIVES DANS LES QUARTIERS SENSIBLES SE JUXTAPOSENT PLUS QU'ELLES NE SE COMPLÈTENT

A. LES CRITÈRES D'INTERVENTION DE LA POLITIQUE DE LA VILLE ET DE L'ÉDUCATION NATIONALE DANS LES QUARTIERS SENSIBLES NE SONT PAS IDENTIQUES

Les critères d'intervention de la politique de la ville et de l'éducation nationale dans les quartiers sensibles ne sont pas identiques :

- d'une part, si le zonage constitue un mode d'action commun aux deux politiques, il ne repose pas sur les mêmes référentiels ;

- d'autre part, la meilleure prise en compte des difficultés se traduit par l'extension du périmètre d'action de ces deux politiques selon deux logiques différentes qui sont la contractualisation de la politique de la ville et l'individualisation des politiques éducatives.

1. Le territoire, marque de la politique de la ville

L a politique de la ville s'appuie sur une logique territoriale qui se traduit à la fois dans un zonage spécifique du territoire et par la mise en place d'un partenariat entre l'Etat et les collectivités territoriales. Ces deux démarches ne sont pas réalisées sur la base de critères communs, ce qui nuit à la lisibilité de la politique de la ville.

a) Un zonage en voie de révision

Le zonage de la politique de la ville s'appuie sur trois concepts :

- les zones urbaines sensibles (ZUS), dont le périmètre n'est pas défini sur la base d'indicateurs objectifs ;

- les zones de redynamisation urbaines (ZRU), dont l'identification s'appuie sur un indice synthétique représentatif de leurs difficultés économiques et sociales ;

- les zones franches urbaines (ZFU) correspondent aux ZRU détenant l'indice synthétique le plus élevé.

Ce zonage conditionne l'ouverture de l'éligibilité à certains dispositifs. Son actualisation constitue un enjeu important comme l'avait souligné notamment la Cour des comptes dans son enquête de 2007 sur les crédits d'intervention de la politique de la ville. A l'initiative de M. Philippe Dallier, rapporteur spécial de la mission « Ville et logement », le principe d'une révision périodique de la géographie prioritaire, qui n'a jamais été modifiée depuis 1996 en ce qui concerne les ZUS, a été acté par la loi de finances pour 2008.

La première révision devait entrer en vigueur en 2009. Son report témoigne de la difficulté à entrer dans une logique évolutive qui s'écarte du principe de la garantie des droits acquis. La révision de la carte prioritaire, sur la base de paramètres économiques et sociaux actualisés est cependant une étape nécessaire du recentrage des moyens de la politique de la ville , y compris dans le domaine éducatif.

b) Une contractualisation élargie

Les contrats urbains de cohésion sociale qui ont succédé aux contrats de ville, à la suite du comité interministériel des villes du 9 mars 2006, définissent le cadre de l'action conjuguée des acteurs locaux au bénéfice des habitants des quartiers en difficulté.

Conclus pour une durée de trois ans renouvelable (2007-2009), ils s'articulent autour de trois principes :

- un cadre contractuel unique pour l'ensemble des interventions en faveur des quartiers et une cohérence globale des actions menées à l'échelle de l'agglomération ;

- des priorités d'intervention définies par l'Etat autour de cinq champs prioritaires dont fait partie la réussite éducative ;

- une évaluation systématique des actions.

Si le bilan de ces contrats permet de noter la forte implication des acteurs locaux (notamment au plan communal), il montre aussi une augmentation très sensible du nombre de quartiers concernés . Le nombre total de CUCS signés s'élève à 497 contre 247 contrats de ville précédents. Surtout, ils prennent en compte 2.493 quartiers qui n'étaient qu'environ 1.500, dont 751 ZUS, dans les contrats de ville 2000-2006.

On aboutit ainsi, à une démultiplication, voire une dilution des actions menées dans le secteur éducatif qui fait, parallèlement, l'objet d'une structuration forte, à travers les contrats locaux d'accompagnement à la scolarité et les contrats éducatifs locaux.

Les CUCS doivent, en effet, intégrer et mettre en cohérence l'ensemble des dispositifs existants sur le territoire quelle que soit l'échelle d'intervention : convention de rénovation urbaine, programme local de l'habitat (PLH), zones franches urbaines (ZFU), plan local d'insertion par l'économie (Plie), équipe de réussite éducative (ERE), contrat éducatif local (Cel), Ecole ouverte, contrat local d'accompagnement à la scolarité (Clas), illettrisme, atelier santé ville (ASV), réseaux d'accès aux droits, contrat local de sécurité (CLS), Ville Vie Vacances (VVV), charte de cohésion sociale... 3 ( * )

2. Les politiques éducatives, entre politique d'établissements et politique individuelle

a) Le zonage des établissements scolaires

L'éducation prioritaire est également marquée par une logique de zonage (RAR, RRS), qui n'est pas celui du territoire mais celui de la carte des établissements scolaires . Néanmoins, cette approche laisse peu à peu place à une logique d'individualisation des actions menées pour lutter contre l'échec scolaire et la grande difficulté scolaire. La Cour des comptes souligne que l 'imprécision des critères d'intervention est très nette puisque par exemple les publics-cibles n'ont été ni définis, ni quantifiés ce qui pose un problème général de cadrage de l'intervention. Si la connaissance de la difficulté scolaire présente des problèmes méthodologiques, elle devrait néanmoins être une préoccupation du ministère et ce d'autant plus que la mise en place du socle commun de connaissances constitue une opportunité sans précédent : en effet, pour la première fois, l'évaluation des connaissances des élèves pourra être faite sur la base d'un outil national et objectif.

Le zonage de l'éducation prioritaire recouvre essentiellement deux concepts, à savoir les Réseaux Ambition Réussite (RAR) et les Réseaux Réussite Scolaire. Les RAR n'ont pas été définis à l'aune de références nationales communes avec la politique de la ville, mais sur la base de statistiques socio-économico-éducatives détenues par le ministère : professions et catégories sociales, résultats aux évaluations nationales de sixième, proportion d'élèves ayant plus de deux ans de retard à l'entrée du collège.

b) L'individualisation des politiques éducatives

La prise en charge individualisée des élèves est devenue un axe central des dispositifs créés ou renforcés dans le cadre des politiques éducatives. S'additionnant à la logique de zonage, dont l'éducation prioritaire est l'expression la plus importante, l'individualisation des parcours scolaires mobilise de plus en plus de moyens depuis la loi d'orientation et de programme du 23 avril 2005 pour l'avenir de l'école.

Plusieurs dispositifs traduisent cette tendance qui permet sans aucun doute de mieux répondre aux difficultés des élèves. S 'agissant des dispositifs inscrits dans le temps scolaire , il convient de prendre en compte les programmes p ersonnalisés de réussite éducative, ainsi que les aides personnalisées au CM1 et CM2. L'éducation nationale a également investi le « hors temps scolaire » avec la mise en place de l'accompagnement éducatif pour les élèves de l'éducation prioritaire et les collégiens, et les stages de remise à niveau pour les élèves de CM1 et de CM2.

La mise en place d'une politique personnalisée est toutefois lente à se généraliser :

- en 2007-2008, seulement 10 % des collégiens relevant de l'éducation prioritaire bénéficiaient d'un programme personnalisé réussite éducative (PPRE) ;

- de même, s'agissant de l'accompagnement éducatif, seulement 27 % des écoliers relevant des « réseaux ambition réussite » y participent, le soutien scolaire n'étant au demeurant choisi que par deux tiers des participants.

* 3 Circulaire du 11 décembre 2006 relative à la définition et mise en oeuvre du volet éducatif des CUCS.

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