2. Les îles Eparses : un transect Nord Sud étendu, clé de compréhension de la dynamique climatique dans l'Océan Indien

Mme Valérie Masson-Delmotte , paléoclimatologue, a présenté les enjeux que représentent les îles Eparses, zone stratégique pour la dynamique du climat global. En effet, elles se situent à la convergence d'un ensemble de courants marins. Elles sont également une zone clé pour les interactions océan - atmosphère, par ailleurs traversée par le courant des Aiguilles. C'est enfin une zone d'échanges de masses d'eau entre Océan Indien et Océan Atlantique, qui fait l'objet de projets internationaux majeurs et soulèvent plusieurs enjeux :


• Tout d'abord, les îles Eparses sont situées sous les panaches des feux de forêt de l'Afrique de l'Est, qui dégagent des aérosols, du méthane et du monoxyde de carbone. Mme Valérie Masson-Delmotte a insisté sur l'intérêt d'y développer un suivi spatial et de surface des concentrations de gaz à effet de serre. Les îles Eparses sont également une zone de formation cyclonique, fortement influencée par le régime de mousson, qui s'avère critique pour les échanges atmosphériques et océaniques entre hémisphères Sud et Nord.


• Par ailleurs, les changements de la dynamique de l'atmosphère ont des conséquences directes sur le bilan thermique du Sud de l'Océan Indien et, indirectement, sa température. Il existe ainsi une relation étroite entre l'intensité des moussons asiatiques, la dynamique des vents d'ouest autour de l'Antarctique et les températures de l'Océan Indien. Mieux en connaître l'évolution en temps réel est essentiel pour en prévoir l'intensité.

Mme Valérie Masson-Delmotte a indiqué que la France assurait une observation météorologique permanente, dont la qualité et la durée constituaient des ressources exceptionnelles pour l'étude du climat. L'emplacement des îles Eparses permet de détecter de manière plus sûre le changement climatique, la variabilité y étant moins forte d'une décennie à l'autre que dans l'antarctique.

Un système d'observation internationale coordonné sera réalisé progressivement dans l'Océan Indien. La France est chargée de mettre en place un système de balises, qui requiert une rotation régulière de navires. Au-delà des campagnes ponctuelles, les recherches sur le climat demandent une instrumentation homogène, dont l'observation doit être poursuivie sur plusieurs décennies.

Elle a souligné que les îles Eparses contiennent des coraux d'un potentiel exceptionnel pour connaître l'évolution passée de la dynamique d'évolution de l'Océan Indien et du canal du Mozambique, ainsi que pour caractériser les variations passées du milieu marin et étudier la vulnérabilité des îles coralliennes.

Mme Valérie Masson-Delmotte a expliqué que des projections sur l'évolution du climat étaient construites à partir des observations menées dans les îles Eparses. Il est par exemple prévu une élévation globale des températures de 2,7 degrés à la fin du XXIème siècle, un réchauffement de l'eau de mer de plus de deux degrés et une diminution de 15 à 20 % des précipitations en saison sèche, ces mesures demandant à être affinées. Des interrogations subsistent par ailleurs sur l'évolution de la variabilité infra-annuelle. Des observations sont nécessaires pour en améliorer la modélisation.

Elle a conclu en indiquant que le transect nord sud représente une zone clé des échanges inter-hémisphériques, dont la connaissance souffre d'un manque d'observations temporelles et spatiales. La continuité des observations nécessite un soutien logistique : il serait par exemple possible d'augmenter l'instrumentation automatique, d'y développer l'étude des changements climatiques et de valoriser l'expertise française dans l'Océan Indien.

M. Rollon Mouchel-Blaisot s'est interrogé sur les raisons qui ont poussé à installer des systèmes automatiques dans une zone aussi exceptionnelle.

Un représentant de Météo France a indiqué que les évolutions technologiques avaient optimisé les observations dans des zones où l'installation de personnel serait trop coûteuse. Les satellites météorologiques, par exemple, apportent une information de qualité, à haute fréquence. Utiliser des systèmes automatisés permet également d'obtenir des informations précises et de qualité. Les observations de surface et le lâcher de ballons assuré par le personnel sur l'île de Tromelin pourraient ainsi être réalisés à moindre coût et de manière améliorée.

M. Philippe Lemercier , directeur général de l'outre-mer de l'IFREMER, a expliqué que les premières présentations mettaient en évidence l'importance géostratégique des îles Eparses, les secondes en démontrant l'enjeu scientifique dans des domaines variés. Il existe donc une expertise française importante. De nombreux projets réunissent des acteurs plus ou moins coordonnés. Bien que ce colloque ne porte pas sur les moyens, il lui a semblé opportun de réfléchir à la définition d'un projet pour l'ensemble de la zone, susceptible de réunir les pays concernés.

M. Rollon Mouchel-Blaisot a confirmé que le colloque avait pour vocation de favoriser l'élaboration d'un projet, plutôt que de lancer des revendications de moyens, bien que ceux-ci fassent partie des préoccupations des TAAF. La définition d'une stratégie constitue cependant une étape préalable à toute discussion de moyens avec les autorités concernées.

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