N° 300

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 février 2010

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur la contribution carbone et son articulation avec le marché européen des quotas de CO2 ,

Par Mme Fabienne KELLER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Adoptée par le Parlement au terme de débats prolongés et parfois âpres, la contribution carbone aurait dû s'appliquer à nos consommations d'énergies fossiles à compter du 1 er janvier 2010. Si le format retenu pour ce prélèvement pouvait paraître réduit, en raison notamment de son tarif modique et des nombreuses dérogations et compensations dont il était assorti, la contribution carbone n'en constituait pas moins une innovation de notre politique fiscale et un mécanisme incitant les agents économiques à réduire leurs émissions diffuses de dioxyde de carbone.

Le Conseil constitutionnel a censuré ce nouveau dispositif sur le fondement de sa contrariété à l'objectif de lutte contre le changement climatique et aux principes d'égalité devant l'impôt et devant les charges publiques. Au coeur du raisonnement de la juridiction réside l'exemption consentie aux industries lourdes françaises soumises au système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (SCEQE). Le Conseil constitutionnel a en effet considéré que « si certaines des entreprises exemptées du paiement de la contribution carbone sont soumises au système d'échange de quotas de gaz à effet de serre dans l'Union européenne, il est constant que ces quotas sont actuellement attribués à titre gratuit et que le régime des quotas payants n'entrera en vigueur qu'en 2013 et ce, progressivement jusqu'en 2027 » .

Cette décision, qui semble voir dans la gratuité de l'allocation des quotas une absence de contrainte économique réelle ou, à tout le moins, une contrainte insuffisante au regard de celle qu'aurait dû exercer la contribution carbone sur les autres émetteurs de CO 2 , a suscité de nombreux commentaires. Elle fait désormais grief et conduit le législateur à revoir en profondeur le dispositif initialement envisagé.

Dès le mois de janvier 2010, votre rapporteur spécial a, aux côtés de ses collègues Jean Arthuis, président, et Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, plaidé pour que les contours de la nouvelle contribution carbone soient les plus simples possibles et pour qu'il soit épargné au Parlement un « nouvel exercice de créativité fiscale dont la France a le secret » 1 ( * ) . Cette contribution au débat invitait le Gouvernement à allouer une fraction de quotas à titre onéreux sans attendre l'échéance communautaire de 2013, plutôt que d'étendre l'assiette de la nouvelle fiscalité carbone aux industries sous quotas, au prix d'un système complexe de modulations en fonction de la valeur ajoutée ou de l'exposition à la concurrence internationale. L'objet du présent rapport était de donner corps à cette proposition, dans la perspective d'une entrée en vigueur de la contribution carbone conforme à l'échéance annoncée par le Gouvernement, soit le 1 er juillet 2010.

De nombreuses déclarations laissent désormais entendre que le calendrier initialement envisagé pour la contribution carbone n'est plus d'actualité. Cette révision des échéances est notamment motivée par la nécessité d'articuler nos réflexions nationales avec la probable révision du droit communautaire en matière de taxation de l'énergie, ainsi que par le souci de ne pas infliger à l'industrie française une contrainte supplémentaire qu'elle serait seule à subir.

Votre rapporteur spécial a néanmoins jugé opportun de verser au débat les résultats des travaux approfondis menés par votre commission des finances sur cette question. Cette volonté résulte de l'engagement pris par le Gouvernement de poursuivre ses travaux sur la contribution carbone. Elle exprime également la conviction que la taxation des émissions diffuses de CO 2 doit demeurer un chantier prioritaire des années à venir, tant pour la France que pour l'Europe, l'échelon communautaire restant le plus pertinent pour garantir l'efficacité et la cohérence d'un tel dispositif.

I. LA CONTRIBUTION CARBONE FACE À LA CENSURE CONSTITUTIONNELLE

A. LA CONTRIBUTION CARBONE VOTÉE PAR LE PARLEMENT

1. Une contribution sur les énergies fossiles, un tarif modéré

Dans sa version adoptée définitivement par le Parlement, la contribution carbone se caractérisait par une assiette limitée aux consommations d'énergies fossiles et par un tarif modéré, appelé à augmenter progressivement.

a) L'assiette de la contribution

La contribution carbone s'étendait aux consommations de carburants et combustibles fossiles identifiés dans un nouvel article 266 quinquies C du code des douanes, soit principalement l'essence, le gazole, le fioul, le charbon et le gaz naturel ( cf . tableau).

Ainsi, et contrairement à une taxe dont l'objectif aurait été de réduire l'ensemble des consommations énergétiques, la contribution ne visait pas les consommations d'électricité , en raison de l'origine essentiellement nucléaire 2 ( * ) ou renouvelable de cette énergie. Le législateur n'avait pas davantage choisi d'assujettir les 10 % d'électricité « carbonée » consommés en France, soit issus de centrales au gaz, au fioul ou au charbon, dans la mesure où ces centrales relevaient du système communautaire d'échange de quotas d'émissions de CO 2 (SCEQE, cf. infra ).

Assiette et tarifs de la contribution carbone

Désignation des produits

Indices d'identification du tableau B de l'article 265

Unité de perception

Tarif (en euros)

White spirit

4 bis

Hectolitre

4,02

Essences et supercarburants utilisés pour la pêche

11, 11 bis et 11 ter

Hectolitre

1,03

Essences et supercarburants (hors usage pour la pêche), autres huiles légères, sauf carburéacteurs et essence d'aviation

6, 11, 11 bis , 11 ter , 15 et 55

Hectolitre

4,11

Essence d'aviation

10

Hectolitre

3,93

Pétrole lampant, carburéacteurs, autres huiles moyennes

13, 13 bis , 13 ter , 15 bis , 16, 17, 17 bis, 17 ter , 18

Hectolitre

4,25

Huiles lourdes, fioul domestique (hors usage pour le transport fluvial de marchandises)

20, 21

Hectolitre

4,52

Fioul domestique utilisé pour le transport fluvial de marchandises

21

Hectolitre

2,92

Gazole :

- utilisé pour la pêche

- autres

22

Hectolitre

1,13

4,52

Fioul lourd

24

100 kg net

5,30

Gaz de pétrole liquéfiés

30 bis, 30 ter , 31 bis , 31 ter , 33 bis , 34

100 kg net

4,84

Gaz naturel à l'état gazeux

36, 36 bis

100 m 3

3,65

Emulsion d'eau dans du gazole

52, 53

Hectolitre

3,93

Gaz naturel repris aux codes NC 2711-11 et 2711-21 de la nomenclature douanière, utilisé comme combustible

-

Mégawattheure

3,14

Houilles, lignites et cokes, repris aux codes NC 2701, 2702 et 2704 de la nomenclature douanière

-

Mégawattheure

6,23

Source : loi de finances pour 2010 (texte définitif adopté par le Parlement).

Au-delà de l'exclusion de l'électricité, l'assiette de la contribution s'inscrivait dans les bornes prescrites par la législation communautaire sur les accises énergétiques . Aussi la contribution carbone ne visait-elle pas un certain nombre d'usages placés « hors champ » ou exonérés en application de la directive 2003/96/CE, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité. Il en allait ainsi des produits :

1) destinés à un double usage , c'est-à-dire utilisés à la fois comme combustible et pour des usages autres que carburant ou combustible (réduction chimique, électrolyse, procédés métallurgiques...) et utilisés dans un procédé de fabrication de produits minéraux non métalliques (ciment, chaux, plâtre, céramique...) 3 ( * ) ;

2) consommés dans l'enceinte des établissements de production de produits énergétiques , lorsque cette consommation est effectuée pour la production des produits énergétiques eux-mêmes ou pour la production de tout ou partie de l'énergie nécessaire à leur fabrication 4 ( * ) , utilisés pour les besoins de l'extraction et de la production de gaz naturel 5 ( * ) et utilisés à bord des aéronefs , à l'exclusion des aéronefs de tourisme privés, et utilisés pour les transports internationaux et intra-communautaires maritimes , autres qu'à bord de bateaux ou navires de plaisance privés 6 ( * ) .

* 1 « Taxe carbone : quotas payants ou usine à gaz », Le Monde du 26 janvier 2010.

* 2 77 % de la production est d'origine nucléaire.

* 3 Il s'agit des mises hors champ.

* 4 Le III de l'article 265 C du code des douanes prévoit la même mise hors champ pour les taxes intérieures de consommation.

* 5 Le b du 3 de l'article 265 bis du code des douanes prévoit la même mise hors champ pour les taxes intérieures de consommation.

* 6 Il s'agit des exonérations.

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