C. UNE RÉALISATION CONTRARIÉE

Près d'un an et demi après le début de la période de programmation, aucun des dispositifs envisagés pour mobiliser rapidement un volume important de ressources immobilières ne s'est montré réellement opérant, hormis le versement obtenu de la Société nationale immobilière (SNI) qui représente une avance sur loyers. Le projet de vente anticipée de l'immobilier parisien à une société de portage a été abandonné. Le devenir de l'hôtel de la Marine est loin d'être clarifié. Dans le même temps, les cessions conclues hors Paris à la suite de la mise en place du nouveau plan de stationnement ne se sont pas traduites par des rentrées financières, les collectivités acquéreuses ayant bénéficié du dispositif de cession à l'euro symbolique.

1. L'achat anticipé de l'immobilier parisien par une société de portage : un processus infructueux
a) Depuis le début, un désaccord apparent entre le ministère de la défense et le ministère du budget

Dès l'examen du projet de loi de programmation militaire 2009-2014, le ministère de la défense et le ministère du budget ont exprimé des points de vue différents sur la manière de céder les biens immobiliers.

(1) Selon le ministère de la défense : céder les biens à une filiale commune de la Caisse des dépôts et de la Sovafim, pour que le ministère de la défense dispose des recettes dès que possible

Comme Hervé Morin, ministre de la défense, l'a indiqué lors de son audition devant la commission des finances, le 1 er juillet 2008, le ministère de la défense souhaitait bénéficier le plus tôt possible (initialement, dès 2009) du produit de ces cessions. C'est pourquoi il voulait vendre ses biens immobiliers à une société foncière, appuyée sur la Caisse des dépôts et consignations, qui se serait financée par l'emprunt et qui se serait chargée ensuite de revendre ces biens. Concrètement, il s'agissait de créer une filiale de la Société de valorisation foncière et immobilière (Sovafim) et de la Caisse des dépôts et consignations. C'est dans cette perspective que l'article 67 de la loi de finances pour 2009 a étendu les prérogatives de la Sovafim à des sociétés sur lesquelles elle n'exerce pas son contrôle, mais dont elle « détient une partie du capital social ».

De l'automne 2008 au mois de mars 2010, le ministère de la défense a continument présenté comme imminente la création de cette société de portage. Dans un premier temps, celle-ci était prévue pour le printemps 2009 14 ( * ) . Puis le ministre de la défense a indiqué, lors de l'examen de la loi de programmation militaire 2009-2014 par l'Assemblée nationale, le 8 juin 2009 : « S'agissant de la question immobilière, il est vrai que le processus est assez long : une discussion a eu lieu au niveau interministériel, ainsi qu'avec la Caisse des dépôts. Toutefois, je puis vous garantir que le dispositif sera appliqué avant la fin de l'année et, plus précisément, au mois d'octobre, selon nos estimations les plus raisonnables. Grâce à l'opération que je vous ai présentée - et qui, je le rappelle, consistera, pour la Sovafim, à nous verser la somme correspondant à l'achat de notre parc immobilier parisien, avant de céder celui-ci à son tour -, ces crédits seront disponibles dans le budget 2009 ».

Auditionné le 15 octobre 2009 par la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, Christian Piotre, secrétaire général pour l'administration du ministère de la défense, a déclaré que « l'inscription des recettes provenant de la vente de l'immobilier parisien au compte d'affectation spéciale s'effectuera très vraisemblablement au cours de l'exercice 2010 ».

(2) Selon le ministère du budget : éviter le recours à une société de portage, qui pourrait conduire à « brader » les biens concernés

Eric Woerth, alors ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a exprimé en mars 2009 15 ( * ) un point de vue différent sur le sujet, suggérant que le recours à une société de portage n'était pas approprié.

Il a en effet déclaré : « Nous ne sommes pas sûrs de créer une société de portage. Un comité commun aux ministères du budget et de la défense se réunit tous les quinze jours pour assurer un suivi très précis de ce sujet. Vaut-il mieux partager les cessions en plusieurs lots ou vendre en bloc ? Faut-il procéder par appel d'offres ou transfert à une société de portage ? Tout dépend des conditions du portage qui ont beaucoup évolué depuis l'an dernier. (...) En tout cas, je ne veux pas que l'État brade ses actifs fonciers. J'ajoute que nous devons avoir un dialogue ouvert avec la mairie de Paris sur ces opérations ».

b) L'abandon du projet de société de portage

L'abandon du projet de mise en place d'une société de portage a semble-t-il été pour la première fois annoncé par Eric Querenet de Breville, sous-directeur au ministère du Budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, lors de son audition par la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale, le 9 mars 2010 16 ( * ) .

Cet abandon a été confirmé par le ministère de la défense lors de la réunion de contrôle trimestriel du budget de la défense, auxquelles participent les commissions des finances et de la défense des deux assemblées, le 7 avril 2010.

En effet, selon les informations dont disposent les rapporteurs, le prix offert par la Caisse des dépôts et la Sovafim - 520 millions d'euros - était inférieur d'environ 30 % (soit environ 220 millions d'euros) à celui inscrit au tableau général des propriétés de l'Etat (TGPE). Cet écart s'explique notamment :

- par la situation du marché immobilier ;

- par des différences de méthode d'évaluation de la valeur des biens, celle du TGPE semblant peu appropriée en l'espèce 17 ( * ) ;

- par la volonté de la Caisse des dépôts et de la Sovafim de rémunérer le risque qu'elles auraient pris.

La solution envisagée consiste désormais à recourir à un processus classique d'appel d'offres pour chacun des biens considérés, selon un calendrier échelonné dans le temps.


* 14 Lors de son audition, le 28 janvier 2009, par la commission de la défense de l'Assemblée nationale, Christian Piotre, secrétaire général pour l'administration du ministère de la défense, a déclaré, au sujet de la société de portage, qu'il était prévu d' « établir ses statuts dans le courant du premier trimestre 2009 ».

* 15 Audition par la commission de la défense de l'Assemblée nationale, 10 mars 2009.

* 16 « Les négociations engagées avec la Caisse des dépôts et la Sovafim, dont une filiale commune devait reprendre en bloc une grande partie des emprises parisiennes, ont été ajournées ».

* 17 La méthodologie du TGPE consiste à extrapoler le prix de vente de biens comparables effectivement cédés. Cependant, les investisseurs évaluent les biens selon une logique différente, en fonction du retour sur investissement qu'ils espèrent obtenir dans le cadre d'un projet précis.

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