3ÈME PARTIE : PROMOUVOIR UNE APPROCHE GLOBALE DU RISQUE DE SUBMERSION MARINE

Votre mission juge indispensable de promouvoir une approche globale du risque de submersion marine qui permette d'intégrer les différents volets de sa gestion (prévision, prévention et protection) et de développer une véritable culture du risque.

Cette conviction la conduit à recommander une démarche qui permette de combiner efficacement une stratégie nationale avec une gestion locale opérationnelle sur chaque zone littorale homogène (I).

Votre mission juge en outre indispensable de mieux anticiper le risque de submersion marine. Ses propositions portent tout à la fois sur les systèmes de prévision et d 'alerte , sur le droit des sols qui doit être adapté à l'existence du risque, sur la préparation de la population à la survenance du risque et sur la protection des populations par une nouvelle politique de gestion des digues (II).

Une meilleure gestion apparaît par ailleurs nécessaire lorsque la submersion marine se produit . Cela passe par une meilleure coordination des secours et par une réparation effective des dommages causés par la submersion (III).

Enfin, pour votre mission, la gestion du risque ne peut être dissociée de l'enjeu majeur que constitue l'aménagement de l'espace littoral . C'est pourquoi elle formule des propositions destinées à concilier ces deux exigences (IV).

I. LA COMBINAISON D'UNE STRATÉGIE NATIONALE ET D'UNE GESTION LOCALE OPÉRATIONNELLE

A. ETABLIR UNE CARTOGRAPHIE NATIONALE DES ZONES SOUMISES A UN RISQUE DE SUBMERSION MARINE

1. La cartographie des zones à risque : quel bilan ?

Rappel des premières préconisations de la mission dans son rapport d'étape

- Déclarer inhabitables les zones exposées à un danger mortel, c'est-à-dire à un risque naturel tel qu'il n'est pas possible d'y mettre en place une protection efficace des populations ;

- Retenir le terme de « zone d'acquisition amiable » plutôt que celui de « zone noire » ou de « zone de solidarité », afin de souligner que la principale caractéristique de ces zones est qu'une procédure d'indemnisation rapide et équitable y sera menée ;

- Ne pas considérer les périmètres des « zones d'acquisition amiable » comme définitivement figés : des expertises complémentaires doivent être menées, avant la constitution du dossier d'enquête publique, à la marge de ces zones ;

- Pour l'expropriation dans les « zones d'acquisition amiable », préserver les droits des propriétaires en recourant aux dispositions relatives à l'expropriation pour risque naturel majeur créé par la loi « Barnier » du 2 février 1995 ;

- Organiser une enquête publique par zone ;

- Assurer un relogement à long terme des sinistrés dans leur agglomération d'origine.

La mise en place des « zones noires » a été annoncée, dès le 16 mars 2010, par le Président de la République. Elles peuvent être définies comme des zones soumises à un danger mortel tel qu'elles doivent être déclarées inhabitables.

Lors de leur déplacement en Charente-Maritime et en Vendée les 14 et 15 avril, les membres de la mission ont pris la mesure de la vive émotion suscitée par la cartographie des « zones de danger mortel », qui avait été rendue publique quelques jours auparavant. De nombreux sinistrés ont eu le sentiment d'être condamnés à une « double peine » après la tempête.

À la lumière des informations recueillies sur le terrain et au cours de ses auditions, votre mission avait, dans son pré-rapport, formulé certaines observations et appelé à clarifier les fondements juridiques, les enjeux et les modalités de mise en oeuvre de cette procédure .

A l'occasion du débat organisé au Sénat le 16 juin dernier, Mme Chantal Jouanno, Secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie, a fait valoir que « les zones de solidarité ont été annoncées le 7 avril pour donner à ceux dont la maison était complètement inondée ou détruite et qui étaient logés soit chez des amis, soit à l'hôtel, ne pouvaient ni réemménager, ni vendre leur maison, une possibilité immédiate de se défaire de cette maison. » Elle a exprimé le souci du Gouvernement « que les personnes puissent reconstruire leur vie et donc qu'elles puissent vendre leur maison à un prix tout à fait satisfaisant, celui du marché avant la tempête.»

Il convient désormais de déterminer si et comment les observations de la mission ont été prises en compte, et d'évaluer la manière dont la suite du processus a été conduite.

a) La définition des « zones noires »

V otre mission approuve le principe selon lequel les zones de danger mortel devaient être déclarées inhabitables. Toutefois, elle s'étonne de la faiblesse juridique de leur définition.

La décision de sanctuariser les zones exposées à un « danger mortel » a été formalisée par une circulaire du 18 mars 2010 , qui demandait aux préfets de Vendée et de Charente-Maritime de procéder, en lien étroit avec les cabinets ministériels compétents et avec l'aide d'experts nationaux 29 ( * ) , à la délimitation de « zones d'extrême danger ».

Pour être considérées comme telles, les zones devaient répondre à deux critères, au moins , parmi les suivants :

- la hauteur d'eau constatée sur le terrain lors de tempête devait être supérieure à un mètre ;

- la zone devait se situer à moins de 110 mètres d'une digue , et donc être exposée à des effets de vague violents en cas de rupture ou de submersion de la digue ;

- les phénomènes hydrauliques caractérisant la vague devaient induire une forte vitesse de montée des eaux ;

- les habitations situées dans la zone devaient être très endommagées, si bien qu'elles ne pourraient que difficilement être reconstruites avec un refuge ;

- la zone devait former un ensemble cohérent et homogène : il s'agissait de garantir que la délimitation des « zones noires » ne crée pas de mitage urbain , puisque le maintien de propriétés éparses augmenterait leur vulnérabilité et rendrait leur évacuation plus hasardeuse en cas de sinistre.

Les associations de sinistrés ont fait valoir à votre mission que d'autres critères ont été pris en compte pour définir les « zones noires » : l'intérêt environnemental de la parcelle, l'existence d'un risque d'effondrement immédiat ou a contrario , le coût du foncier.

En outre, il est apparu rapidement à la mission que le fondement juridique de la « zone noire », outil d'une expropriation, était mal assuré et donnerait lieu à des contentieux multiples sur une longue durée.

Les « zones noires » ont été complétées par deux autres types de zones :

- les « zones jaunes », ou « zones de prescription » , zones où le risque de submersion marine, bien que réel et fort, peut être maîtrisé en imposant aux habitants d'effectuer des aménagements spécifiques sur leur résidence. Le Gouvernement a donné instruction aux préfets de définir un « programme de protection » de ces zones pour le 30 juin 2010 ;

- des « zones oranges », catégorie hybride , définissant des zones dans lesquelles des expertises supplémentaires devaient être réalisées afin de déterminer si elles ressortissaient de la « zone noire » ou de la « zone jaune », ont été délimitées.


* 29 Ces experts sont MM. Joël L'Her, directeur du département « environnement, littoral et cours d'eau » du Centre d'études techniques maritimes et fluviales (CETEMF), Jean-Jacques Vidal, chef du service « risques naturels et ouvrages hydrauliques » de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Midi-Pyrénées, et David Goutx, chef du service « hydrométrie, prévision des étiages et des crues » de la DREAL du Centre.

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