B. L'ENJEU FONDAMENTAL DE LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES DE LA CNDA

1. La hausse tendancielle des effectifs au cours des dix dernières années

Face à l'augmentation massive du nombre de recours qu'elle a eu à traiter au cours des dix dernières années, la commission des recours des réfugiés, devenue au cours de la période la CNDA, a apporté une réponse essentiellement fondée sur un accroissement des moyens humains à sa disposition.

Le tableau ci-dessous illustre cette hausse tendancielle sur la période.

Les effectifs de la CRR, devenue CNDA, depuis 2000

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Janvier

2010

Avril

Effectifs physiques

110

134

139

186

384

214

218

207

202

225

223

235

Emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT)

211,3

201,2

195,5

219,2

215,8

227,6

Source : Conseil d'Etat

Le saut quantitatif résulte en particulier du recrutement massif et temporaire de 125 agents contractuels afin de résorber le stock de dossiers en attente de jugement sur la période allant de 2002 à 2004 . Cette période a en effet été marquée par un pic dans le nombre de recours, ceux-ci passant, comme on l'a vu plus haut, de 32.181 en 2002 à 52.150 en 2004.

2. Une structure d'emploi plus stable à partir de 2005

La baisse du nombre de recours enregistrés à partir de 2005 s'est traduite par une baisse corrélative des effectifs, avec notamment la fin d'une partie des 125 contrats à durée déterminée .

Depuis lors, la principale caractéristique des personnels de la Cour tient à la hausse régulière des agents titulaires dans l'ensemble des effectifs. Ces agents représentaient 51,7 % des effectifs en janvier 2006, 58 % en janvier 2007 et plus de 64 % au 1 er mars 2010 . Le tableau ci-dessous présente une ventilation des agents de la CNDA en fonction de leur statut.

La répartition par catégorie des agents titulaires et contractuels de la CNDA,
au 1 er mars 2010

Catégorie

Titulaires

Contractuels

Total

A

52

50 %

52

50 %

104

B

9

75 %

3

25 %

12

C

81

77,9 %

23

22,1 %

104

Total

142

64,5 %

78

35,5 %

220

Source : Conseil d'Etat

Au total, la CNDA s'est donc orientée au cours des dernières années vers une structure plus pérenne et plus stable de ses emplois . On peut penser que cette stabilité nouvelle est susceptible de contribuer au succès d'une politique de fidélisation des effectifs, elle-même propice à des gains de productivité substantiels.

Il convient toutefois de noter, au regard de cette considération d'ensemble, que les emplois de catégorie A sont encore occupés pour moitié par des contractuels .

Ces emplois contractuels correspondent à des postes de rapporteurs de la Cour . Une part importante résulte du recrutement massif effectué par la commission des recours des réfugiés, en 2002-2004, pour faire face à une augmentation très significative du nombre de demandeurs d'asile ( cf. supra ). Compte tenu de l'urgence à faire face à cet afflux, l'administration de l'époque a eu recours à des agents non titulaires. Beaucoup sont restés en poste à la Cour, passant pour certains d'entre eux sous contrat à durée indéterminée (CDI).

En 2008, le rapport de Jacky Richard et Chloé Mirau 24 ( * ) relevait à ce propos que « la grande variabilité de la demande d'asile avec ses conséquences contentieuses se satisfait mal du droit commun de l'occupation systématique d'emplois permanents par des fonctionnaires et le recours aux contractuels est justifié par l'urgence d'une situation peu prévisible et la nécessaire souplesse de gestion qui doit l'accompagner ».

D'une manière plus générale, les fonctions de rapporteurs sont très spécifiques ( cf. infra ) puisqu'il s'agit de fonctions se rapprochant de celles de magistrats. Cette spécificité explique en grande partie la proportion significative d'agents non titulaires affectés sur ces postes et le succès modéré, que l'on constate encore aujourd'hui, des appels à candidatures d'agents titulaires en détachement, en cas de vacances de postes.

Les recrutements à venir de rapporteurs seront néanmoins, comme la Cour s'y est employée en 2010, d'abord recherchés parmi les agents titulaires de l'Etat, des collectivités territoriales ou de la fonction publique hospitalière. Ce n'est qu'à défaut de candidatures d'agents titulaires suffisantes en nombre, voire en qualité, qu'il sera procédé au recrutement d'agents contractuels.

En termes de gestion des ressources humaines, les agents contractuels sont toutefois soumis au même régime que les agents titulaires exerçant les mêmes fonctions. Leurs contrats comprennent, notamment, une part variable qui est fonction de la manière de servir, à l'instar des rapporteurs titulaires.

3. Le poids des dépenses de personnel dans le budget global de la Cour : 12,3 millions d'euros en loi de finances pour 2010

Comme toutes les juridictions administratives , la CNDA n'échappe pas au principe selon lequel les dépenses de personnel occupent une place prépondérante dans ses charges. La loi de finances pour 2010 précitée prévoit ainsi 12,3 millions d'euros en CP pour couvrir ce poste.

Au total, la dépense correspondante représente 72,3 % du budget de la Cour . Ainsi, d'une certaine façon, l'activité de la CNDA peut être caractérisée comme étant une activité fortement consommatrice de « main-d'oeuvre ».

Dans cette perspective, la CNDA présente toutefois une originalité par rapport aux autres juridictions . En effet, alors que pour la plupart d'entre elles, les ratios agents administratifs / magistrats et greffiers / magistrats constituent un indicateur d'efficacité non négligeable, ces ratios n'ont guère de sens pour la Cour.

D'une part, l'effectif des magistrats, ou plus généralement des juges, est très largement composé de vacataires . C'est le cas de l'ensemble des assesseurs mais aussi de la plupart des présidents, malgré l'affectation depuis 2009 de magistrats permanents dédiés à ces fonctions. D'autre part, les rapporteurs de la CNDA assument une mission allant très au-delà des tâches habituellement confiées aux greffiers dans une juridiction ordinaire. Ainsi, c'est donc leur nombre qui détermine directement l'activité juridictionnelle de la Cour , c'est-à-dire sa capacité à organiser des audiences et à rendre les ordonnances de l'article R. 733-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

4. Le recrutement des rapporteurs : un élément de fragilisation de la CNDA

Le constat précédent permet de mettre en lumière un facteur important de fragilisation de la CNDA : le « rendement » des formations de jugement de la Cour dépend actuellement grandement du recrutement et de la « fidélisation » des rapporteurs .

Les fonctions de rapporteur à la CNDA

Le rapporteur est chargé de l'instruction des recours contentieux en vertu de l'article R.733-3 du CESEDA , ainsi que de la rédaction et de la présentation en audience publique d'un rapport incluant des conclusions, formulées en toute indépendance. Il rédige le projet de décision.

Ses missions principales sont :

1. Assurer toutes les étapes de l'instruction :

- l'examen du recours au regard du droit applicable en vertu de l'article R.733-3 du CESEDA, ainsi qu'au regard du contexte géopolitique ;

- le suivi des mesures d'instruction ordonnées par les formations de jugement.

2. Rédiger et présenter le rapport et les conclusions en audience publique :

- la rédaction du rapport analysant et synthétisant les moyens de la requête et comportant des conclusions motivées ;

- la présentation orale du rapport en audience publique.

Il assiste au délibéré sans voix délibérative.

3. Rédiger un projet de décision soumis à la signature du président de la formation du jugement

Le rapporteur est également amené à traiter par ordonnance les recours relevant des dispositions de l'article L.733-2 et de l'article R.733-16 du CESEDA.

Source : Conseil d'Etat

Or, la mobilité des agents de la Cour, et notamment des rapporteurs, est importante . Elle résulte notamment des réussites à des concours, de détachements ou encore de changements d'affectation. Elle a d'ailleurs été renforcée par la création d'un espace commun entre les agents de la CNDA et du Conseil d'Etat. Pour l'heure, ces échanges ont entrainé plus de mouvements de la Cour vers le Conseil d'Etat que dans le sens inverse.

Le remplacement des agents quittant la Cour, notamment les rapporteurs, est certes assuré. Néanmoins, les délais nécessaires à la procédure de recrutement (publicité de la fiche de poste, entretien individuel, tenue d'une commission administrative paritaire) ainsi que le temps de leur formation avant la participation aux séances de jugement a débouché, en 2009 et au début de l'année 2010, sur une baisse conjoncturelle des effectifs de rapporteurs. Cette baisse a affecté sensiblement l'activité de la Cour, selon les informations communiquées par le responsable de programme à vos rapporteurs spéciaux.

Vos rapporteurs spéciaux seront donc particulièrement attentifs, dans l'avenir, à la politique de recrutement et de formation des rapporteurs de la Cour. Cette politique se doit en effet de faire l'objet d'une gestion prévisionnelle soigneuse et justement calibrée , au risque dans le cas contraire d'avoir des répercussions importantes sur l'allongement des délais de jugement des affaires et sur la capacité de la CNDA à résorber son stock de recours.


* 24 Rapport au Premier ministre, François Fillon, « De la commission des recours des réfugiés à la Cour nationale du droit d'asile : organisation, fonctionnement, professionnalisation » (avril 2008).

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