2. Une mise en route délicate : la dégradation des délais de délivrance du passeport

Si l'objectif en terme de calendrier a été atteint, encore faut-il souligner la mise en route particulièrement difficile de ce nouveau dispositif, malgré une phase d'expérimentation dans des communes pilotes dès la fin de l'année 2008.

Ainsi que l'avait indiqué votre rapporteure spéciale dans son rapport d'information « La nouvelle génération de titre d'identité : bilan et perspectives » 7 ( * ) , l'usager a en effet été soumis, dans les premiers temps d'entrée en application du passeport biométrique, à une nette dégradation des délais de délivrance du passeport .

Dans son rapport précité, votre rapporteure spéciale soulignait notamment que, selon les mesures effectuées par l'ANTS entre le 15 juin et le 21 juin 2009, on constatait « d'importants écarts entre les départements enregistrant les délais moyens les plus courts (6,7 jours en Eure-et-Loir) et ceux souffrant des délais les plus longs supérieurs à 20 jours : 35,3 jours dans le Doubs, 23,7 jours dans le Jura, 20,9 jours dans le Pas-de-Calais, 20,7 jours en Loire-Atlantique, 20,5 jours dans le Rhône et dans le Val-de-Marne, 20,1 jours en Savoie et 20 jours dans l'Aube ».

Pour autant, les causes de cette dégradation de la performance en matière de délai de délivrance du passeport n'étaient pas à chercher du côté des préfectures . Ainsi que l'avait mis à l'époque en évidence votre rapporteure spéciale, les principaux dysfonctionnements relevaient de difficultés survenues avec le système de lecture optique intégré aux stations d'enregistrement 8 ( * ) , de problèmes rencontrés avec le scanner lui aussi intégré à la station, ainsi que du rejet par le système de photos d'identité pourtant aux normes mais réalisées en studio par des photographes professionnels. D'une manière générale, ces dysfonctionnements paraissent être liés tantôt à un matériel défectueux, tantôt à un système informatique encore mal calibré pour certains cas de figure.

En outre, il convient de noter que, après une entrée en service difficile , les mises à disposition des passeports biométriques étaient réalisées à la fin de l'année 2009 en moins de dix jours dans les trois quarts des départements 9 ( * ) .

3. Une conséquence inverse à l'objectif recherché : l'allongement du temps passé sur chaque dossier

La logique sous-tendant les « mandats RGPP » se fonde sur des gains de productivité réalisés grâce aux innovations introduites dans l'organisation du travail des préfectures. Dans le cas de la délivrance des titres, on attendait donc de l'entrée en vigueur du passeport biométrique, et de sa nouvelle chaîne de délivrance, des économies de temps et d'emplois en préfecture .

Or, tel n'a pas été le cas pour l'instant et c'est même le résultat inverse qui s'est produit .

Dans son rapport sur le coût du passeport biométrique 10 ( * ) , à la suite de l'enquête de la Cour des comptes demandée par votre commission en application de l'article 58-2° de la LOLF, votre rapporteure spéciale relevait en effet « l'accroissement du temps global consacré à chaque dossier par les agents publics, du stade du dépôt au retrait » . La Cour des comptes estime d'ailleurs que cet allongement du temps dédié au traitement des dossiers explique environ 35 % de la hausse du coût complet du passeport, à l'occasion du passage au passeport biométrique.

L'analyse des charges de personnel réalisée par la Cour des comptes vient conforter ce constat. Ainsi, dans les préfectures, les charges directes de personnel, par dossier de demande de passeport, sont passées de 6,83 euros à 8,77 euros et les charges indirectes de personnel liées aux fonctions support ont progressé de 3,03 euros à 3,89 euros. A la préfecture de police de Paris, l'évolution est encore plus marquée, puisque les charges de personnel ont cru de 9,83 euros pour culminer à 27,60 euros 11 ( * ) .

L'espoir placé dans la modernisation de l'infrastructure informatique, sous l'autorité de l'ANTS, pour dégager des gains de productivité est donc pris en défaut par le résultat finalement obtenu. Si le passeport biométrique permet en effet de renforcer la sécurisation du système d'identité et d'améliorer considérablement le dispositif en oeuvre contre la falsification et la contrefaçon, il ne permet pas pour l'instant de réaliser des économies de temps, d'emplois et de charges de personnel. Ainsi que le démontre l'enquête de la Cour des comptes, il a même un effet inverse.

Alors que certains gains de productivité (limités) peuvent éventuellement encore être obtenus en mairie du fait d'effets d'apprentissage et d'une simplification récente des procédures, votre rapporteure spéciale estime que la nature des taches en préfecture (vérification des dossiers) ne paraît en revanche pas de nature à modifier fondamentalement cette donne .


* 7 Sénat, rapport d'information n° 486 (2008-2009).

* 8 Douchettes permettant la lecture des codes barre figurant sur le document Cerfa.

* 9 Cf. rapport n° 587 - tome II (2009-2010) sur le projet de loi de règlement des comptes et le rapport de gestion pour l'année 2009, contribution « Administration générale et territoriale de l'Etat ».

* 10 Sénat, rapport d'information n° 596 (2009-2010), « Le véritable prix du passeport biométrique »

* 11 Idem.

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