C. LES PERSPECTIVES FINANCIÈRES 2014-2020

1. Les premiers travaux de la clause de réexamen à mi-parcours des perspectives financières 2007-2013
a) Les propositions initiales de la Commission

Les conclusions du Conseil européen de décembre 2005 invitaient la Commission à « entreprendre un réexamen complet et global, couvrant tous les aspects des dépenses de l'Union européenne, y compris la politique agricole commune, ainsi que les ressources, y compris la compensation en faveur du Royaume-Uni, et à faire rapport en 2008-2009 ». L'adoption de cette clause de réexamen à mi-parcours des perspectives financières a été l'une des conditions de l'accord global obtenu au Conseil européen sur les perspectives financières 2007-2013. Votre rapporteur spécial observe que cette demande a d'ailleurs été reprise dans l'accord interinstitutionnel du 17 mai 2006 sur les perspectives financières 2007-2013.

Cette clause de réexamen à mi-parcours des perspectives financières 2007-2013 doit notamment permettre de nourrir les travaux préparatoires aux prochaines perspectives financières 2014-2020 .

En vue de produire son rapport sur l'avenir du budget de l'UE, la Commission a lancé, en septembre 2007, une consultation à destination de l'ensemble des Etats membres, mais aussi de la société civile, des experts et des universitaires. La conférence de restitution des résultats de cette consultation, organisée le 12 novembre 2008, a permis de dégager trois grandes priorités pour le futur budget de l'UE :

- un recentrage des politiques communautaires autour de la lutte contre le changement climatique, la compétitivité de l'UE dans une économie globale et la sécurité énergétique ;

- la mise en oeuvre du principe de subsidiarité , dans la mesure où la valeur ajoutée de l'action communautaire devrait être le principal critère justifiant le choix de dépenses au niveau de l'UE ;

- une réforme du système des ressources propres axée sur l'abandon de la ressource TVA et des multiples corrections appliquées aux Etats membres, toutes deux sources d'opacité et de complexité.

b) La position du Parlement européen

Pour sa part, le Parlement européen a adopté, le 24 mars 2009, un rapport sur la clause de réexamen à mi-parcours des perspectives financières .

Dans ce rapport, il donne la priorité au financement de nouveaux défis tels que le changement climatique et les politiques nouvelles prévues par le traité de Lisbonne.

Il recommande par ailleurs de prolonger l'actuel cadre financier 2007-2013 de plusieurs années , jusqu'en 2015 ou 2016 par exemple. Les parlementaires européens estiment qu'un tel aménagement est de nature à permettre au Parlement européen élu en 2014 de préparer les prochaines perspectives financières, qui pourraient donc s'ouvrir en 2016 ou 2017.

Ce délai pourrait également offrir un contexte favorable à la réflexion sur la refonte globale du budget communautaire . Le Parlement européen a d'ailleurs préconisé de réformer à la fois le volet dépenses et le volet ressources de celui-ci. A cet égard, votre rapporteur spécial indique qu'il partage l'ensemble des préoccupations du Parlement européen, en particulier de sa commission des budgets.

c) La contribution française au débat

Dans sa contribution à la consultation publique « Réformer le budget, Changer l'Europe » organisée par la Commission, le Gouvernement a mis l'accent sur les nombreux défis auxquels l'UE doit répondre, parmi lesquels la compétitivité , le développement durable et les enjeux énergétiques . Ces derniers sont de deux ordres : la sécurisation des approvisionnements en énergie, d'une part, et la limitation des émissions de CO2, d'autre part ;

La contribution française propose également des pistes de travail sur la réforme du budget communautaire : la fin des rabais et corrections de manière à prendre en compte la capacité contributive réelle des Etats membres, ou, encore, la généralisation des procédures d'évaluation.

Elle demande que la mise en oeuvre du principe de subsidiarité conduise à rechercher la plus grande valeur ajoutée possible de l'action de l'UE. Cette valeur ajoutée communautaire peut être appréciée au regard de critères économiques (effet de levier, économies d'échelle, diffusion de meilleures pratiques ou limitation des distorsions sur le marché intérieur par exemple) et de critères d'exécution de la dépense budgétaire. Sur ce dernier point, il s'agit de s'assurer que les fonds sont correctement dépensés , qu'il existe une capacité de contrôle de l'utilisation de ces fonds, qu'il n'y a pas de « saupoudrage » des crédits, et, enfin, que l'obligation de cofinancement , quand elle existe, n'induit pas une pression à la hausse des dépenses publiques.

En outre, votre rapporteur spécial se félicite du fait que la contribution française développe l'idée d' une vision agrégée des finances publiques en Europe . En réunissant, au sein d'un même ensemble, les dépenses réalisées au niveau communautaire, national et local pour une même politique donnée, des comparaisons pertinentes pourront être faites avec nos principaux partenaires économiques (Etats-Unis, Chine, Japon...), par exemple en matière de recherche, d'aide à l'agriculture ou encore de politique régionale.

2. Les enjeux récents de la réflexion sur la future programmation
a) La communication de la Commission du 19 octobre 2010

La Commission européenne a adopté le 19 octobre 2010 une communication sur le réexamen du budget de l'UE . Elle a fait le choix de se montrer assez prudente à ce stade et n'y fournit donc que des élements assez généraux. Ainsi, s'agissant des dépenses, ses propositions chiffrées sur le prochain cadre pluriannuel ne sont annoncés que pour le deuxième trimestre 2011 .

La communication met l'accent sur la priorité donnée à la stratégie Europe 2020 23 ( * ) . Pour mémoire, cette stratégie repose sur sept initiatives phares 24 ( * ) regroupées autour de trois priorités :

- une croissance intelligente, d'où le développement d'une économie fondée sur la croissance et l'innovation ;

- une croissance durable, qui passe par la promotion d'une économie plus efficace dans l'utilisation des ressources, plus verte et plus compétitive ;

- et, enfin, une croissance « inclusive », c'est-à-dire qui encourage une économie à fort taux d'emploi favorisant la cohésion sociale et territoriale.

La communication sur le réexamen du budget propose de soumettre l'action de l'UE à un critère général de valeur ajoutée : il s'agit d'identifier là où un euro dépensé au niveau européen est plus utile qu'un euro dépensé au niveau national, en mettant les ressources nationales en commun sur des dossiers clés afin de permettre aux États membres de faire des économies tout en évitant les doublons. Ainsi, les investissements dans la recherche et l'innovation ainsi que les gros projets d'infrastructure transnationale devraient être financés au niveau communautaire . Le budget devrait aussi de plus en plus servir à financer la transition de l'économie européenne vers les technologies et services « verts » . En outre, il est proposé de rendre le budget plus flexible avec un cadre financier de dix ans (contre sept ans actuellement), une profonde et réelle révision à mi-parcours , et la mise en place d' outils améliorant la fonction de réaction budgétaire de l'UE face à des événements imprévus 25 ( * ) (crises alimentaires, catastrophes naturelles...).

Comme l'a indiqué le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, la communication « suggère des moyens de réaliser un budget communautaire apte à relever les défis qui nous font face, sans nécessairement augmenter les dépenses mais plutôt en se concentrant sur les bonnes priorités : la valeur ajoutée, le résultat et la qualité des dépenses européennes ».

b) La réforme des ressources propres

Le mode de financement de l'UE sera au centre des futures discussions lors des négociations pour les futures perspectives financières 2014-2020. La structure des recettes du budget communautaire fait en effet l'objet de nombreuses critiques. Loin de l'esprit des traités fondateurs qui prévoyaient d'abonder le budget européen par le biais d'un système de ressources propres et non par des contributions prélevées sur les budgets nationaux des États membres, le système actuel des ressources propres est, de plus, dénaturé par la multiplication de différents rabais et corrections .

Aujourd'hui, la France et le Danemark sont les seuls contributeurs nets qui ne bénéficient pas d'un rabais spécifique . Le principe de la correction britannique a, en pratique, rendu possible pour tout État membre supportant une contribution nette excessive au regard de sa richesse relative de bénéficier d'un avantage similaire. L'abandon des différentes corrections facilitera la mise à plat du système des recettes mais aussi de la structure des dépenses du budget communautaire, dans la mesure où les deux aspects sont interdépendants dans les questions de solde net.

A ce stade, dans sa communication sur le réexamen du budget, la Commission européenne suggère de réduire les contributions des États membres en abandonnant la ressource propre liée à la TVA et de la remplacer progressivement par une ou plusieurs nouvelles ressources propres . Parmi les pistes envisagées, la Commission européenne mentionne :

- une taxe sur les transactions financières ou les activités financières ;

- un impôt sur les sociétés ;

- l'utilisation de nouvelles recettes liées aux politiques de lutte contre les changements climatiques, à l'image d'une taxe énergétique , d'une taxe sur le transport aérien , ou, encore, de la mise aux enchères à partir de 2013 des quotas d'émission de gaz à effet de serre ;

- une TVA européenne , sachant que la TVA est le seul impôt dont les bases sont réellement harmonisées entre les Etats membres. La fraction de cet impôt qui serait l'objet d'une affectation à l'Union européenne restera à déterminer.

S'agissant des différents rabais , dont le chèque britannique, la Commission estime que la composition des dépenses et des réformes du système des ressources propres déterminera si les mécanismes de correction « sont justifiés à l'avenir ».

Votre rapporteur spécial rappelle que ces enjeux de structure devront s'accompagner d'une réflexion sur le volume du budget communautaire . Celui-ci est du même ordre de grandeur que le déficit public national français 26 ( * ) , ce qui témoigne de l'ampleur de celui-ci mais aussi de la modestie du budget de l'UE.

c) L'avenir menacé de la politique de cohésion et des politiques agricoles ?

La forme actuelle de la PAC est remise en question en raison de son coût et de son faible impact sur la croissance économique de l'UE. Les règles du commerce international réduisent également sa légitimité, voire pourraient la condamner à plus ou moins brève échéance. L'adoption du bilan de santé de la PAC par le Conseil, le 20 novembre 2008, témoigne d'une inflexion de l'UE vers une forme de re-nationalisation des politiques agricoles. Ce bilan de santé a ainsi pour ambition de moderniser, simplifier et rationaliser la PAC 27 ( * ) , en laissant une marge de manoeuvre plus grande aux États membres. L'objectif est de permettre à l'agriculture européenne de s'adapter aux nouveaux défis agroalimentaires et environnementaux , y compris le changement climatique.

Votre rapporteur spécial observe que dans sa communication sur le réexamen du budget, la Commission européenne identifie plusieurs possibilités de réformes de différentes intensités . Ces dernières vont ainsi de la réduction des différences entre pays dans les niveaux de paiements directs , jusqu'à l' abandon progressif des aides directes et des mesures de marché au profit de mesures destinées à répondre aux objectifs environnementaux et de protection du climat.

La volatilité croissante sur les marchés agricoles mondiaux, l' instabilité des prix des matières premières et la survenue de crises récurrentes sont autant d'éléments qui démontrent l'urgence d'une adaptation des politiques agricoles à ces nouveaux enjeux . Dans un tel contexte, le recours à des fonds stratégiques et à des instruments d'assurance adaptés permettant de faire face à la multiplication des aléas, sont des voies qu'il conviendra nécessairement d'emprunter. Votre rapporteur spécial plaide donc pour la survie de la PAC mais également pour sa refondation .

Pour ce qui concerne la politique de cohésion, également remise en question, la Commission européenne recommande de mieux soutenir les grandes priorités communes à toute l'Europe au lieu de se concentrer sur la réduction des disparités entre régions pauvres et riches . Elle invite à ce que les crédits de la politique de cohésion contribuent à atteindre les objectifs de la stratégie Europe 2020 et suggère de créer un « contrat de partenariat pour le développement et l'investissement » basé sur un cadre stratégique commun, qui décrirait une stratégie d'investissement sur lequel les États membres s'appuieraient pour expliquer dans quelle mesure leur stratégie de développement respecte les priorités de la stratégie Europe 2020. En outre, la Commission européenne préconise également que le Fonds social européen se concentre sur les objectifs de cette dernière.


* 23 La Commission européenne a présenté le 3 mars 2010 une communication intitulée « Europe 2020 - une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive ». Ce document s'apparente à une réactualisation de la stratégie de Lisbonne, décidée au Conseil européen de Lisbonne de mars 2000, et dont l'objectif était de « faire de l'UE l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale ». L'échec patent de cette stratégie au cours de la décennie écoulée n'a pas conduit à abandonner l'ambition qu'elle assignait aux Etats membres en matière de compétitivité. L'UE est en effet, aujourd'hui plus que jamais, en mesure d'apporter une valeur ajoutée forte dans plusieurs domaines stratégiques : l'économie de l'innovation, la recherche, la formation scolaire, universitaire et professionnelle, la politique spatiale, etc. De même, le développement des réseaux transeuropéens (RTE) représente une opportunité pour relever le défi de la compétitivité.

* 24 Les sept initiatives sont, au titre de la croissance intelligente « Une Union pour l'innovation » (qui vise à améliorer l'accès aux financements pour la recherche et l'innovation), « Jeunesse en mouvement » (qui vise à renforcer la performance des systèmes éducatifs et à faciliter l'entrée des jeunes sur le marché du travail), « Une stratégie numérique pour l'Europe » (qui vise à accélérer le déploiement de l'Internet à haut débit), au titre de la croissance durable, « Une Europe efficace dans l'utilisation des ressources » (qui vise à découpler la croissance économique de l'utilisation des ressources en favorisant le passage vers une économie à faible émission de carbone), « Une politique industrielle à l'ère de la mondialisation » (qui vise à améliorer l'environnement des entreprises et à soutenir le développement de l'industrie), et, enfin, au titre de la croissance inclusive, « Une stratégie pour les nouvelles compétences et les nouveaux emplois » (qui vise à moderniser les marchés du travail et à permettre aux personnes de développer leurs compétences tout au long de leur vie afin d'établir une meilleure adéquation entre l'offre et la demande d'emplois), « Une plateforme européenne contre la pauvreté » (qui vise à garantir une cohésion sociale et territoriale telle que les avantages de la croissance et de l'emploi sont largement partagés et que les personnes en situation de pauvreté et d'exclusion sociale se voient donner les moyens de vivre dans la dignité).

* 25 En plus de réserves constituées à cette fin, il deviendrait possible de transférer plus facilement des fonds et des marges non utilisées, de même une flexibilité dans les dépenses de programmes pluriannuels serait garantie (« front ou backloading ») et les instruments financiers de souplesse existants seraient renforcés et élargis.

* 26 Estimé en 2010 par le Gouvernement à 7,7 % du PIB, lui-même évalué à 1 948 milliards d'euros, le déficit public devrait représenter environ 150 milliards d'euros.

* 27 Les mesures consistent par exemple à supprimer les jachères obligatoires et les quotas laitiers d'ici 2015 ; à conditionner les aides au respect de normes dans les domaines de l'environnement, du bien-être animal et de la qualité des aliments ; à poursuivre le découplage des aides, à l'exception des primes à la vache allaitante ; ou, encore, à financer spécifiquement les agriculteurs des douze nouveaux États membres de l'UE.

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