3. Préalables pour une réforme réussie
a) Une PAC forte et simple
Certains préalables sont incontournables en l'absence desquels la réforme est vouée à l'échec. La simplification est l'Arlésienne de la PAC. La complexité se pose avant tout au niveau pratique de l'exploitant. Critique récurrente, la complexité de la PAC alimente une image bureaucratique déconnectée de la réalité économique des exploitations. « En adhérant à l'Union européenne, on avait peur que nous, Polonais, on soit trop bureaucratique. Mais au contact de Bruxelles, on s'est vite aperçu qu'on ne connaissait rien à la bureaucratie » disent avec humour nos amis polonais. « Laissez-nous travailler » demandent les agriculteurs de tous les États membres. Plutôt que d'imposer une batterie de règlementations tatillonnes, des contrats d'objectif sur plusieurs années pourraient être définis.
La complexité se trouve aussi au niveau juridique et budgétaire.
Il y a aujourd'hui une très grande confusion dans l'articulation des deux piliers. Quelle différence y a-t-il entre une aide directe au revenu (premier pilier) et une indemnité compensatrice de handicap (deuxième pilier) ? Ou bien entre les mesures en faveur de « l'amélioration de l'environnement » (deuxième pilier) et les « soutiens spécifiques » aux systèmes présentant un intérêt environnemental de l'article 68 (premier pilier) ? La modulation qui implique un transfert progressif du premier pilier vers le deuxième crée une confusion supplémentaire critiquable au nom de la transparence des financements de la PAC.
« L'article 68 » souvent évoqué est l'exemple type de complexité communautaire. Cet article du règlement en vigueur sur les aides directes (28 ( * )) permet aux États - à leur initiative - d'utiliser une partie des dotations du premier pilier pour réaliser d'autres actions hors du champ normal du premier pilier. Ces « soutiens spécifiques » concernent les systèmes présentant un intérêt environnemental, la qualité des produits, la commercialisation, les secteurs fragiles, le soutien à l'assurance récolte... Autant d'actions qui pourraient trouver leur place dans le deuxième pilier. Cette disposition qui s'ajoute à la modulation dont elle est pourtant très voisine et qui est censée donner de la souplesse au premier pilier a son utilité mais rend la PAC plus complexe.
La complexité se ressent enfin au niveau politique car elle s'accompagne, ce qui est plus grave, d'un délitement de l'unité de la PAC, chaque État appliquant des règles différentes en matière d'environnement ou pour calculer le montant des aides directes. Cette renationalisation masquée de la PAC est dénoncée par M. Marek Sawicki, ministre polonais de l'agriculture : « On devrait tous tenir à la PAC, mais la PAC n'existe plus, elle n'est qu'un faux semblant car il n'y a plus de politique commune. Il y a plutôt la juxtaposition de 27 politiques nationales. »
La future PAC doit inverser la tendance en s'affichant comme une PAC forte et simple. Forte pas seulement au sens budgétaire. Forte aussi de sa cohérence et de son unité. Ainsi, le mode de calcul des aides directes doit être rapidement harmonisé et les règles environnementales doivent être appliquées partout de la même façon pour éviter les distorsions de concurrence. La PAC ne doit pas se transformer en une collection de vingt sept politiques agricoles plus ou moins coordonnées.
Une PAC plus simple, c'est aussi une PAC plus politique avec une vision de l'agriculture européenne dans vingt ans. Les agriculteurs doivent retrouver le sentiment de participer à un projet de société dont ils sont une des clefs. Il faut remettre la PAC en perspective et sortir de cet état permanent de gestion de crise ou pire, de crise permanente.
* (28) Article 68 du Règlement CE n° 73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009 établissant des règles communes pour les régimes de soutiens directs en faveur des agriculteurs. L'article 68 reprend un ancien article 69 du règlement antérieur Règlement CE 1782/2003.