Suisse

1) Les réserves militaires

Organisation

L'armée suisse est une armée de milice. Ce système basé essentiellement sur la conscription est à mi-chemin entre l'armée d'active et l'armée de réserve telles que nous pourrions les concevoir. Tous les jeunes hommes sont appelés à servir au sein de l'armée ou de la sécurité civile à l'âge de 20 ans.

- 15 % des conscrits, appelés « Durchdiener », sont autorisés à effectuer leur service militaire d'un bloc, soit 300 jours de service pour la troupe, 430 à 500 jours pour les sous-officiers et 600 pour les officiers subalternes. Ils sont ensuite versés pendant 10 ans dans ce que les Suisses appellent  « réserve » et qui ne peut être activée que sur décision politique.

- 85 % des conscrits effectuent un service fragmenté. Après une formation initiale de 18 à 21 128 ( * ) semaines selon les armes, ils sont affectés dans des unités qui ne sont activées qu'à l'occasion des périodes d'instruction annuelles d'environ 3 semaines appelées « cours de répétition ». Les simples conscrits effectuent 6 à 7 « cours de répétition » en fonction de la durée de leur formation initiale pour un total de 260 jours de service (formation initiale + cours de répétition). Ils sont ensuite affectés pendant environ quatre ans dans la « réserve ».

- La  « réserve »  est donc constituée par 4 classes de conscrits qui ont terminé leurs cours de répétitions et de 10 classes de « Durchdiener ». Les « réservistes » sont affectés dans des formations de réserve ou des formations mixtes; ils gardent leur équipement à domicile et sont soumis à des tirs obligatoires annuels. Les commandants et officiers d'état-major des formations de réserve accomplissent chaque année au maximum cinq jours de service (rapports de service, introduction de nouveautés importantes, etc...).

En comparaison internationale, on pourrait qualifier les soldats qui effectuent leurs cours de répétition de réserve active et ceux qui sont affectés dans la « réserve » de réserve non active.

En résumé : L'armée suisse est composée essentiellement de réservistes qui, après une formation initiale, effectuent des périodes d'activités annuelles avant d'être affectés dans une réserve non-active jusqu'à expiration de leurs obligations militaires. A quelques exceptions près (écoles, détachement de reconnaissance, escadrons professionnels des forces aériennes, police militaire), les unités de l'armée suisse sont des unités de réserves, ce qui n'empêche nullement qu'elles ne soient équipées des matériels les plus modernes. Toutefois ces matériels ne permettent pas d'équiper simultanément la totalité des unités.

Formation

- La formation initiale du soldat de milice astreint aux cours de répétitions est articulée en trois phases : une instruction générale de base commune à toutes les spécialités (7 semaines), une instruction spécifique à la spécialité (13 semaines pour la troupe) et une instruction dite « en formation » au sein d'une unité de milice constituée (5 à 8 semaines). Cette dernière est destinée à créer un esprit de corps entre les miliciens. Les deux premières phases sont accomplies en école de formation, appelée « école des recrues » sous la responsabilité d'instructeurs professionnels. Les futurs cadres de milice quittent l'école des recrues au terme de la première phase pour rejoindre une école de sous-officier ou d'officier. A l'issue, ils retournent en école de formation effectuer un stage pratique d'encadrement des recrues 129 ( * ) sous la responsabilité des instructeurs professionnels avant d'effectuer l'instruction « en formation ». La durée de la formation en école de cadre et celle du stage pratique qui s'en suit dépend du grade (caporal, sergent, fourrier, lieutenant).

- Les cours de répétitions annuels durent 19 jours. Les miliciens qui ont effectué une formation initiale de 18 semaines sont astreints à 7 cours de répétition ; ceux qui ont effectué une formation initiale de 21 semaines à 6 cours de répétition. La durée des services pour un soldat de base est ainsi de 260 jours 130 ( * ) . La plupart des cours de répétition sont organisés par la brigade ou le bataillon auxquels les conscrits sont affectés. Ils sont alors conduits sous la responsabilité des cadres de milice, éventuellement avec le concours d'instructeurs professionnels issues des écoles de formation initiales. Certains cours de répétitions sont organisés et conduits par les écoles de formation initiales, notamment pour former les unités à l'utilisation de nouveaux matériels.

- La formation d'avancement permet aux cadres qui le souhaitent et qui en ont la capacité (exceptionnellement à des miliciens désignés) d'accéder progressivement aux différentes fonctions de la hiérarchie militaire. Pour ce faire, les écoles de cadres proposent de nombreux stages destinés à former les spécialistes, les commandants d'unité et les officiers d'état-major. Les cadres qui effectuent un stage de formation au commandement sont dispensés, dans la même année, du service de troupe.

Effectifs

La loi fixe à 120 000 hommes les effectifs théoriques de « l'armée d'active » qui comprend les « Durchdiener », les militaires en cours de répétitions, les quelques 3 800 militaires professionnels ou sous contrat (qui sont également astreints à des obligations de milice). Elle fixe à 80 000 celle de la réserve non active. A cela se rajoutent 20 000 recrues en formation.

Effectifs théoriques (autorisés par la loi) de la réserve :

98 700 « réservistes actifs » (soldats en cours de répétition)

et 80 000 « réservistes non-actifs » .

Effectifs réels de la réserve en 2009:

184 600 « réservistes actifs » 131 ( * )

et 14 422 « réservistes non-actifs »

L'énorme différence entre effectifs réels et théoriques s'explique par la tendance actuelle des conscrits à reporter leur service militaire. Les unités dites « d'active » sont ainsi largement surdimensionnées et celles dites « de réserve » quasiment fictives.

Budget

Il n'y a pas de budget spécifique identifié pour la réserve dans la mesure où l'armée suisse est essentiellement une armée de réservistes. Le budget de l'armée est d'environ 4,2 milliards CHF (2,9 milliards €). Les charges de personnel représentent en gros le quart du budget.

Taux d'activité - Obligations

Les cours de répétition durent environ 19 jours par an soit un taux d'activité pour le simple soldat de 5 % (sans exclure les jours fériés). Ils peuvent être repoussés d'une année sur l'autre, en cas de force majeure ou pour terminer des études jusqu'à une limite d'âge qui est fonction du grade 132 ( * ) . Pour les cadres en stage de formation pour l'avancement, la durée annuelle des services ne doit pas en principe dépasser les 30 jours. Dans la pratique, de nombreux officiers supérieurs travaillent bénévolement au profit de l'armée 2 à 3 jours par mois, en moyenne. L'employeur est tenu de laisser les miliciens participer à leurs obligations militaires et de garantir leur emploi à l'issue du service.

Les miliciens pour des raisons de conscience peuvent à tout moment refuser de servir dans l'armée et opter pour un service civil de remplacement dont la durée est 1,5 fois celle du service militaire.

Rémunérations

La solde journalière est symbolique : 2,8 € pour le milicien de base, 11,2 € pour un capitaine. Un supplément est versé au milicien qui effectue un service d'avancement (formation pour passer au grade supérieur). Au cours de leur service militaire les salariés continuent de recevoir 80 à 100 % de leur salaire payé par leur employeur . Un système d'allocations pour perte de gain (Caisse de compensation) permet à l'État de verser à l'employeur une compensation pour les jours de service effectués par l'employé. Les personnes n'ayant pas d'employeur (par exemple les étudiants) se font directement verser le montant de cette compensation. Durant leurs jours de service, les militaires peuvent voyager gratuitement sur l'ensemble des transports publics.

Fidélisation

La difficulté principale étant le manque de volontaires pour occuper des fonctions d'officier au sein de l'armée, le département de la défense s'est attaché à valoriser la formation de ces derniers en lui conférant une équivalence civile. Ainsi un modèle de formation en douze modules a été mis au point avec « l'association suisse pour la formation à la conduite » (SVF) qui permet à ceux qui réussissent les différents examens d'obtenir un « certificat de leadership SVF » reconnu dans le civil.

D'une manière générale le département de la défense s'efforce d'établir des équivalences entre la formation militaire et civile. Ainsi, le permis bateau militaire, le permis de conduire militaire pour camions sont reconnus dans le civil. Le certificat militaire pour la destruction de munitions non explosées est utilisable dans le civil pour effectuer des travaux à l'explosif. Les recrues des écoles d'hôpital ont la possibilité de passer le certificat d'aide soignant de la croix rouge suisse, reconnu dans toute la Suisse. Le service pratique des futurs médecins et vétérinaires est pris en compte dans le cursus civil de formation.

Emploi

Les missions susceptibles d'être confiées à la réserve active sont les missions générales de l'armée sur le territoire national:

- La défense du territoire et de l'espace aérien de la Suisse en cas d'agression militaire.

- En cas de crise aiguë, la surveillance et la protection de l'espace aérien, des installations, points de passage et axes stratégiques.

- L'appui subsidiaire aux autorités civiles (cantonales) :

§ Soutien des autorités cantonales en cas de catastrophe, de menaces à l'ordre public ou dans le cadre de manifestations importantes (sommets internationaux, compétitions sportives).

§ Surveillance des zones frontalières et des sites sensibles en appui des gardes frontières ou des forces de police. Police du ciel.

§ Appui à l'aide humanitaire à l'étranger, sur volontariat uniquement.

Remarque : L'armée suisse participe avec de faibles effectifs aux missions de maintien de la paix (et non aux missions d'imposition de la paix) sur la base du volontariat uniquement. Les volontaires servent alors au titre d'un contrat avec la confédération. Les missions d'évacuations de ressortissant auxquelles les forces armées pourraient être associées, seraient en principe confiées à des professionnels (Détachement de Reconnaissance de l'Armée n° 10).

A noter que dans les forces aériennes, le pilotage des aéronefs de nouvelle génération est réservé à des professionnels.

2) Les réserves civiles

Protection civile

Les autres forces de sécurité sont : la police fédérale, les polices cantonales, la sécurité civile, les pompiers cantonaux et communaux. La sécurité civile est composée de miliciens qui sont recrutés selon les mêmes modalités et dans les mêmes centres que leurs homologues militaires. Les besoins en personnel de l'armée sont satisfaits en priorité. Toutefois la sécurité civile dispose de ses propres critères de sélection qui sont différents de ceux de l'armée. Les recrues de la sécurité civile sont affectées à des organisations cantonales et gérées par les communes. Elles doivent effectuer des cours de répétition selon le même principe que les miliciens de l'armée. Dans ce sens la protection civile peut être considérée comme une organisation de réserve. La police fédérale ne possède pas de forces de réserve.

Missions - Tâches

La protection civile n'intervient en principe qu'en deuxième échelon, en renfort des pompiers, policiers et services sanitaires cantonaux. Elle accomplit les tâches suivantes:

- Mise à disposition de l'infrastructure de protection (abris, bunkers) et des moyens permettant de transmettre l'alarme à la population;

- Encadrement de sans-abri et de personnes en quête de protection;

- Protection des biens culturels;

- Appui aux autres organisations partenaires, notamment en cas de catastrophe ou en situation d'urgence;

- Aide à la conduite et à la logistique, au titre de renfort;

- Travaux de remise en état;

- Interventions au profit de la collectivité.

Les recrues sont affectées à trois domaines de base en fonction de leurs aptitudes et desiderata :

- Assistance : prise en charge des personnes touchées par une catastrophe (mise à l'abri et aide psychologique d'urgence) ; assistance aux réfugiés en cas de migration importante ; mise en service de centres sanitaires enterrés en appui des services sanitaires cantonaux.

- Appui et pionniers : sauvetage sur les lieux d'une catastrophe ; travaux de consolidation, de déblaiement et de remise en état.

- Aide à la conduite : suivi de la situation lors de catastrophes ; mise en oeuvre de moyens de transmissions.

Organisation - Effectifs

Bien que la protection civile soit réglementée au niveau de la Confédération et des cantons, ce sont les communes qui sont responsables pour emploi. Celles-ci se regroupent souvent en régions. En effet, chaque commune n'a pas forcément besoin d'avoir sa propre organisation de protection civile. Le plan directeur de la protection de la population prévoit des unités organisationnelles de 6 000 à 10 000 habitants. L'organisation de la protection civile est dictée par l'analyse des dangers, les données géographiques et les structures politiques des cantons, des communes ou des régions. Les besoins en personnel de protection civile varient d'un canton à l'autre. Chaque canton peut adapter ses effectifs en fonction de ses besoins. Les personnels excédentaires peuvent à tout moment être affectés à une « réserve » dormante qui ne pourra être engagée en intervention qu'après une instruction adaptée. En 2009 le nombre de recrues affectées à la protection civile était d'environ 6 000 hommes.

Instruction

L'instruction au sein de la protection civile incombe en principe au canton. La confédération est toutefois chargée de certaines formations comme par exemple, la formation à la fonction de commandant de la protection civile. Les citoyens servant au sein de la protection civile doivent effectuer une instruction de base, une instruction complémentaire spécifique au domaine d'affectation, des cours annuels de répétition et des stages de formation pour les cadres. Ces derniers ainsi que certains spécialistes peuvent être convoqués à des cours de perfectionnement de deux semaines au plus dans un délai de quatre ans.

Obligations

La durée de service dans la protection civile s'étend de l'année où les citoyens atteignent l'âge de 20 ans à celle où ils ont 40 ans. Après leur formation initiale, les simples miliciens sont astreints à des cours de répétition de 2 jours par an, les cadres à des cours de 10 jours. Les convocations doivent être adressées aux citoyens concernés six semaines au moins avant le début du service. Les demandes de report de convocation sont toujours possibles et doivent être formulées auprès de l'autorité requérante. Les miliciens affectés à la sécurité civile ne peuvent, comme leurs camarades qui effectuent un service militaire, demander à opter pour un service civil de remplacement.

3) La gestion de crise et l'emploi des forces de réserve

Implication des réserves militaires dans la gestion des crises

En dessous du seuil de défense, la responsabilité de l'intervention revient aux cantons qui font éventuellement appel aux moyens des cantons voisins (police) et aux moyens de la confédération en complément de leurs moyens propres, sans que cela ne nécessite a priori une implication parlementaire. Les cantons disposent de leur propre état-major de crise qu'ils renforcent avec les officiers de milice qui leurs sont affectés. Ces états-majors expriment les besoins de renfort au commandement de l'armée qui les attribue au commandement (militaire) de la région territoriale concernée. Cette dernière assure donc l'interface entre l'armée et les cantons ainsi que le commandement tactique des forces militaires impliquées. Le système de milice permet de gérer de façon assez souple et progressive la mise sur pied des troupes nécessaires :

- En cas de crise soudaine, seuls les « Durchdiener », les soldats sous contrat ou les professionnels peuvent être mobilisés au pied levé.

- Si la crise nécessite davantage de troupes, on engage en complément les formations de la réserve active qui se trouvent en cours de répétition. L'état-major des forces terrestres fait en sorte d'avoir en permanence deux à trois bataillons en cours de répétition. Le type de troupe à l'instruction est en principe planifié en fonction des évènements attendus. Ainsi les troupes de sauvetage sont-elles mobilisées au cours du printemps pour faire face à d'éventuelles inondations. Le délai de réaction se mesure en jours voire en semaines.

- Si les unités en cours de répétition ne suffisent pas, des assemblages ad-hoc de bataillons de la réserve active sont mis sur pied par l'état-major de l'armée. Le délai de réaction se mesure en semaines voire en mois en fonction de la prestation à fournir et surtout de la quantité d'hommes à mettre sur pied 133 ( * ) .

La confédération est responsable en situation de défense. La réserve non-active est alors mobilisée, ce qui nécessite une décision du conseil fédéral et du parlement. L'armée suisse qui donne la priorité à la défense opérationnelle du territoire estime n'avoir plus la capacité à faire face à une attaque militaire de grande ampleur sur son territoire. Pour retrouver cette capacité, une montée en puissance échelonnée sur plusieurs années est indispensable. Elle requiert des décisions parlementaires (adaptation des règles de droit, modification du plafond de dépense...).

Implication de la sécurité civile dans la gestion des crises

Les miliciens de la sécurité civile peuvent être convoqués en vue d'interventions.

Par le Conseil fédéral :

- En cas de catastrophe ou dans une situation d'urgence touchant plusieurs cantons ou l'ensemble du pays;

- En cas de catastrophe ou dans une situation d'urgence survenant dans une région étrangère limitrophe;

- En cas de conflit armé;

- En vue d'interventions à l'échelle nationale au profit de la collectivité.

Par un canton (ou une commune) :

- En cas de catastrophe ou dans une situation d'urgence;

- Pour des travaux de remise en état;

- En vue d'interventions en faveur de la collectivité.

Dans ce cas, le canton règle lui-même les modalités de la convocation.

Organes de gestion des crises

La confédération dispose d'états-majors spéciaux et de gestion des crises. Il s'agit en particulier de l'organisation d'intervention en cas d'augmentation de la radioactivité, de l'état-major « prise d'otage et chantage », de l'organe sanitaire de coordination, de la cellule spéciale de pandémie, de l'état-major pour la sûreté de l'information, de la coordination des transports en cas d'événement et l'état-major de conduite de l'armée. Seul ce dernier est activé en permanence. D'autres état-majors ad-hoc peuvent être créés.

Il existe une plate-forme de sécurité associant la confédération et les cantons au niveau police et défense. Elle permet seulement de prendre des décisions politiques. Elle n'a cependant aucun rôle dans la gestion des crises. Le nouveau projet de rapport sur la politique de sécurité, tout en reconnaissant la prééminence des cantons dans la gestion des crises survenant sur leur territoire, préconise d'améliorer la coopération entre confédération et canton en confiant à cette plate-forme un rôle de coordination dans la gestion des crises. Ce rôle reste à définir précisément.


* 128 Voire 25 semaines pour les grenadiers qui constituent une sorte d'élite de l'infanterie (forces spéciales).

* 129 Appelé « paiement des galons »

* 130 Elle est sensiblement plus longue pour les cadres (environ 600 jours de service pour un lieutenant)

* 131 l `état major de l'armée ne précise pas si ce chiffre comprend ou non les recrues

* 132 34 ans pour les simples soldats, 36 pour les sous-officiers supérieurs et officiers subalternes, 50 ans pour les officiers supérieurs et généraux.

* 133 Une semaine pour 500 hommes, 6 à 8 mois pour une brigade complète.

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