3. Aperçus empiriques : les déformations du partage de la valeur ajoutée, effets des rigidités salariales ?
a) Une évolution heurtée de la répartition de la valeur ajoutée du fait d'un marché du travail trop rigide ?

Les approches théoriques classiques ont été invoquées pour expliquer les déformations du partage de la valeur ajoutée en France dans les années 1970 et 1980, avec comme point de mire la question de la flexibilité des marchés des facteurs de production .

On retombe sur l'idée qu'il existerait un partage de la valeur ajoutée normal, quasiment naturel, dont on se serait écarté dans les années 70 sous le poids des rigidités structurelles du travail accumulées dans les années de prospérité. Les salaires auraient été insuffisamment flexibles et se serait enclenché un cercle vicieux.

Les revalorisations salariales de la deuxième moitié des années 1970 et de la première moitié des années 1980 (prises comme exemples des rigidités salariales), accordées en fonction du rythme de croissance de la productivité qui prévalait durant les Trente Glorieuses ( cf . Malinvaud 1986, Artus et Cohen 1998), n'auraient pas suffisamment réagi au ralentissement de la productivité globale des facteurs (PGF) à partir du premier choc pétrolier.

Une appréciation du coût salarial par unité de travail efficace débouchant sur une hausse de la part des rémunérations dans la valeur ajoutée s'en serait suivie, dans le contexte d'une élasticité de substitution entre le travail et le capital inférieure à l'unité. Mais, à l'augmentation de la part salariale dans la valeur ajoutée liée à la rigidité salariale aurait succédé une montée du chômage qui, petit à petit, aurait permis de rétablir les conditions d'un partage naturel de la valeur ajoutée, notamment en recourant à une substitution du capital au travail 377 ( * ) .

Par la suite, le rythme de croissance plus modéré des salaires, à partir de la première moitié des années 1980 (pris comme exemple de modération salariale, voire de flexibilité des salaires), conjugué à la hausse importante des taux d'intérêt réels et du coût du capital, aurait, par un phénomène inverse, favorisé la baisse de la part des rémunérations dans la valeur ajoutée tout au long des années 1980 ( cf . Fitoussi et Phelps 1986, Cotis et Rignols 1998, Prigent 1999). On retrouve ici l'effet d'amplification, dû aux rigidités à court terme de la fonction de production, de l'évolution des prix relatifs des facteurs de production sur le partage de la valeur ajoutée.

Cependant, les délais d'ajustement auraient eu un prix : la hausse structurelle du sous-emploi des facteurs de production.

Dans ces analyses, la baisse de la part des rémunérations dans la valeur ajoutée dans les années 1980 est vue comme le résultat d'une substitution du capital au travail, conséquence de l'évolution trop dynamique du coût du travail dans les années 1970 .

De fait, l'intensité capitalistique a augmenté ainsi que le montre le graphique ci-dessous qui décrit la baisse du rapport entre le travail et le capital.

RATIO DE L'EMPLOI (EN UNITÉS EFFICACES) SUR CAPITAL

Lecture de l'échelle de gauche : Emploi/Capital

Source : Blanchard 2005.


* 377 Il est intéressant d'observer que, dans cette approche, ce sont les variations du taux de chômage, ici une hausse continue, qui permet de rétablir le partage initial.

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