4. Une explication qui se heurte à des réalités observables si bien que d'autres mécanismes seraient en cause
a) La modération salariale n'a pas interrompu la substitution capital/travail
La validité explicative de la déformation des coûts de production rencontre un problème .
Si l'on en accepte la logique, la hausse des taux d'intérêt dans les années 1980 et la première moitié des années 1990 aurait dû se traduire, avec retard, à partir de la seconde moitié des années 1990, par une hausse de la part de la rémunération du travail dans la valeur ajoutée du fait d'une substitution entre capital et travail redevenue favorable au facteur (le travail) devenu comparativement moins cher.
Le retour du coût salarial par unité de travail efficace à son niveau d'avant le premier choc pétrolier et la hausse des taux d'intérêt réels dans les années 1980 auraient pu accentuer le phénomène de baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée mais auraient aussi dû être suivis d'un retournement.
COÛT SALARIAL UNITAIRE DU TRAVAIL
Lecture de l'échelle de gauche : salaire réel.
Source : Blanchard 2005.
En effet, le coût réel du travail ajusté des gains de productivité a rejoint au début des années 1990 son niveau du début des années 1970 et s'en est peu écarté depuis . De même, les taux d'intérêt réels ne sont pas très différents, depuis la fin des années 1990, de ceux qui prévalaient avant le premier choc pétrolier.
COÛT RÉEL DU TRAVAIL EN UNITÉS
EFFICACES POUR LES SOCIÉTÉS
NON FINANCIÈRES (SNF) ET
TAUX D'INTÉRÊT RÉEL À 10 ANS
Source : INSEE
Or, on a observé que le ratio de l'emploi en unités efficaces sur le stock de capital s'est continûment dégradé au cours des années 1970 et 1980 avant de se stabiliser au début des années 1990 .
Autrement dit, alors que les coûts relatifs du capital et du travail sont proches de ce qu'ils étaient en 1970, avant le premier choc pétrolier, il y a aujourd'hui beaucoup plus de capital par unité de travail et , on n'a observé aucun redressement de la part de la rémunération du travail depuis le milieu des années 1990 382 ( * ) , le partage de la valeur ajoutée n'ayant pas retrouvé son équilibre d'avant le premier choc pétrolier.
La déformation de la combinaison productive (travail, capital) semble n'avoir plus réagi aux variations des coûts relatifs des facteurs de production .
Ce constat conduit à se demander s'il n'y a pas asymétrie des processus de substitution entre les facteurs de production avec d'un côté un facteur (le travail) finalement plutôt flexible à la baisse et de l'autre, le capital comme facteur plus inerte ?
Confrontée à l'évolution effectivement observée du capital et de la main-d'oeuvre, et l'hypothèse d'une influence du coût des facteurs sur le partage de la valeur ajoutée posant problème (Blanchard, 1997 et 2005), l'analyse a été enrichie en prenant en compte des effets de substitution entre le capital et le travail hors effets des coûts relatifs des facteurs .
* 382 Le présent rapport suggère que l'inverse s'est probablement produit.