H. INTERVENTION DE M. TRAIAN BÃSESCU, PRÉSIDENT DE LA ROUMANIE

Ancien maire de Bucarest, M. Traian Bãsescu a été élu Président de la Roumanie pour la première fois en 2004, avant d'être réélu cinq ans plus tard. Son intervention devant le Conseil de l'Europe visait notamment à présenter les réformes entreprises dans son pays en vue de lutter contre la corruption et de façon plus générale dans le domaine judiciaire, afin de réduire le nombre des requêtes déposées auprès de la Cour européenne des droits de l'Homme.

Dans son propos introductif, M. Bãsescu a tenu à rappeler l'importance du Conseil de l'Europe au moment de la démocratisation de la Roumanie. Il considère à cet égard le Conseil de l'Europe comme un « guide » pour les jeunes démocraties. Cette légitimité du Conseil n'interdit pas une révision du périmètre de son action et une adaptation de celle-ci à de nouveaux enjeux.

Le président roumain appelle ainsi de ses voeux la mise en place d'instruments de suivi dans le domaine des migrations, afin d'évaluer les programmes mis en place. Le Conseil de l'Europe doit, dans le même temps, intensifier ses efforts en faveur des groupes minoritaires. La Roumanie, composée notamment de vingt groupes minoritaires, est relativement impliquée sur ce sujet. Elle a noué notamment un partenariat sur la question avec la Hongrie. Elle a, parallèlement, adapté sa législation afin de renforcer la visibilité des minorités tant dans la vie civile que politique.

La situation des Roms a, à cet égard, été abordée par le président roumain. Son pays entend poursuivre ses efforts en vue d'améliorer leur intégration, en recourant notamment aux fonds structurels européens. Cette ambition nationale ne saurait, néanmoins, occulter la nécessité de mettre en place une stratégie européenne sur le sujet, particulièrement adaptée au mode de vie nomade des Roms.

M. Laurent Béteille (Essonne - UMP) a, d'ailleurs, souhaité interroger le chef de l'État roumain sur les priorités de son pays sur cette question :

« Le 16 décembre dernier, le Commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe a indiqué dans une lettre adressée à votre Premier ministre que le quotidien des Roms vivant en Roumanie demeurait marqué par la pauvreté et la discrimination. Il appelait, à cet égard, votre gouvernement à mener une politique globale en faveur de cette minorité, notamment en matière d'emploi, d'éducation, de logement et de santé.

Je mesure pleinement les difficultés économiques que vous pouvez rencontrer pour la mise en place d'un vaste projet d'intégration. Toutefois, quelles mesures votre gouvernement entend-il prendre en ce domaine ? »

Le président roumain a détaillé, dans sa réponse, les mesures adoptées depuis 2000 :

« Je vous remercie d'avoir posé cette question, à laquelle je répondrai précisément.

Officiellement, on compte 500 000 Roumains Roms. En réalité, ils sont estimés à quelque 1,5 million. Mais, lors du dernier recensement, en 2001, nous avons constaté que les Roms intégrés dans la société ne demandent plus à être reconnus comme appartenant à cette communauté.

Dans le cadre de la stratégie décennale d'intégration des Roms, couvrant les années 2000 à 2010, par-delà le volet financier, des mesures très importantes ont été prises. J'en donnerai quelques exemples.

Le système d'enseignement roumain prévoit, à différents niveaux, des tests. Les Roms avaient, de droit, à l'école une place sans passer l'étape des tests. Si nous voulons intégrer de manière viable les Roms, il faut transiter par l'enseignement et l'éducation. Les enfants Roms ont la possibilité d'aller à l'école partout en Roumanie. Nous ne les avons jamais isolés. Je tiens également à signaler qu'il existe un département « Roms », au sein du Gouvernement, placé sous la houlette d'un secrétaire d'État.

Nous partageons le mécontentement de certains représentants européens en matière d'intégration des Roms. La stratégie décennale, qui a expiré en 2010, n'a pas produit les résultats escomptés. Ils sont même loin d'avoir répondu aux attentes. La difficulté ne vient pas des ressources puisque la plus grande partie nous est versée par l'Union européenne. Elles suffisent. Le plus difficile est de trouver la solution idoine au problème posé. La nouvelle stratégie, pour la période 2011-2015, prévoit d'inclure le département dédié aux Roms au sein du ministère de l'intérieur, afin d'assurer une interface directe avec les pouvoirs locaux. En effet, l'échec de la stratégie précédente est, en grande partie, dû à la centralisation de l'action menée à l'égard des Roms. L'idée est donc de développer l'implication des pouvoirs locaux. Jusqu'à présent, le département dédié aux Roms subventionnait des ONG qui, à leur tour, réalisaient différents projets. Aujourd'hui, nous devons éviter de renouveler l'erreur de ne pas impliquer les pouvoirs locaux, que nous avons commise pour la période 2000-2010. C'est pourquoi, outre le service dédié aux Roms et les ONG, il conviendra de les impliquer véritablement. »

La Roumanie entend, par ailleurs, participer à la démocratisation des pays de l'ensemble des Balkans, en appuyant notamment leur participation aux processus d'intégration européenne et euro-atlantique. La question des Balkans occidentaux demeure, aux yeux du président roumain, une question de sécurité nationale. M. Bãsescu est, à cet égard, vigilant, à la préservation dans ces pays de l'identité religieuse, linguistique, culturelle et ethnique de leurs minorités nationales.

M. Bernard Fournier (Loire - UMP) a, pour sa part, interrogé M. Bãsescu sur les difficultés que rencontre la Roumanie pour intégrer l'espace Schengen :

«La France et l'Allemagne se sont déclarées défavorables à l'adhésion de votre pays à l'espace Schengen, en mars prochain, soulignant les carences constatées en Roumanie, comme en Bulgarie, en matière de contrôle des flux migratoires et de lutte contre le trafic de stupéfiants et d'armes. Ces fortes réserves ne paraissent pas, aux yeux des deux gouvernements, de nature à remettre en cause le principe d'une adhésion à moyen terme de la Roumanie à l'espace Schengen.

Monsieur le Président, quelles sont les intentions de votre gouvernement au vu des difficultés évoquées par la France et l'Allemagne ? Pensez-vous que votre pays pourra répondre de manière satisfaisante à ces interrogations avant l'été 2011 ? »

Le président roumain lui a répondu :

« La Roumanie a une très brève réponse à vous faire pour le moment. Mais, nous pourrions vous fournir une réponse plus détaillée.

La Roumanie a rempli ses obligations au titre de son adhésion à l'espace Schengen. Notre approche est parfaitement conforme au Traité d'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne. Ce traité d'adhésion est un acquis communautaire pour tous les États membres de l'Union européenne. En conséquence, si un État se retrouvait avec des obligations supplémentaires, quelques semaines à peine avant la prise de décision, cela créerait un précédent dangereux. Voilà pour le principe.

Par ailleurs, je pourrais vous prouver, statistiques à l'appui, que la formulation de votre question n'est pas fondée. La Roumanie se bat contre la corruption partout, le long de ses frontières et ailleurs. Je vous citerai deux chiffres : au cours des quatre dernières années, en Roumanie, 51 officiers des douanes et plus de 120 officiers de police des frontières ont été arrêtés et jugés. »

M. Yves Pozzo di Borgo (Paris - UMP) a, quant à lui, interrogé le président roumain sur la situation économique de son pays :

« Votre pays a connu jusqu'en 2009 plusieurs années de croissance liées tout autant au dynamisme de votre économie qu'à l'impact de l'adhésion à l'Union européenne. Force est de constater qu'à l'instar de l'ensemble du continent européen, la Roumanie est aujourd'hui confrontée à un ralentissement certain de son activité : 23,4 % de la population roumaine est en situation de grande précarité et 33 % des Roumains sont confrontés à des privations matérielles graves. Quelle est la position de votre gouvernement à ce sujet ? »

M. Bãsescu a souhaité rappeler les efforts entrepris par son pays depuis deux ans :

« Je ne suis pas tout à fait d'accord avec les chiffres mentionnés. Plusieurs mesures ont été élaborées et appliquées en 2010. Je vous demande de bien vouloir prendre en considération qu'en Roumanie, 90 % des maisons sont des propriétés privées. Pouvez-vous me dire quel en est le pourcentage en France ?

Entre 2004 et 2008, la Roumanie a connu un bond économique qui a été suivi d'une croissance négative en 2009 et 2010. Pour 2011, il y a un espoir de relance économique. La croissance économique résultait d'un encouragement excessif de la consommation et d'un boom immobilier.

Par la suite, la Roumanie a voulu mettre l'accent sur le développement durable. Des mesures très dures ont été mise en place pour trouver des sources d'investissement. L'année dernière, nous avons baissé de 25 % les salaires des fonctionnaires. Les retraites sont frappées d'un impôt de 5,5 %. L'âge de la retraite a été relevé de 62 à 65 ans pour les hommes et de 58 à 63 ans pour les femmes. Des mesures ont été adoptées pour élargir l'assiette fiscale. Nous avons procédé également à une réforme de la retraite des militaires.

On pourrait nous accuser de ne pas respecter la dimension sociale de l'Europe. Mais, il est indispensable d'avoir un bon système de production en Roumanie si nous ne voulons pas emprunter pour payer les prestations sociales. »

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