I. DÉBAT D'URGENCE SUR LA SITUATION AU BÉLARUS SUITE À L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

L'annonce des résultats des élections présidentielles en Biélorussie a été suivie dans le pays d'une vague de violences, d'intimidations, d'arrestations massives et de persécutions d'opposants, de journalistes et de défenseurs des médias. 600 personnes ont ainsi été emprisonnées, les perquisitions et la répression perdurant près d'un mois après le scrutin.

Ces violences sont en partie liées aux affrontements qui se sont déroulés à Minsk, entre des les forces de l'ordre et des milliers de manifestants de l'opposition, dans la foulée de la publication des résultats du scrutin. Au terme de celui-ci, M. Alexandre Loukachenko a été réélu président pour la quatrième fois, avec près de 80 % des suffrages. En dépit de certaines améliorations spécifiques, l'OSCE a relevé, dans son rapport d'observation des élections, que celles-ci ne répondaient pas aux critères internationaux. La moitié des opérations de dépouillement n'ont, ainsi, pas respecté le principe de transparence.

Le 12 janvier dernier Comité des ministres a appelé, dans une déclaration adoptée à l'unanimité, au respect des libertés politiques et demandé aux autorités biélorusses de lui fournir des explications supplémentaires sur les conditions d'arrestation des opposants et des journalistes.

Suite au débat d'urgence organisée après l'exécution de deux détenus en mars 2010, l'Assemblée parlementaire a adopté, en avril dernier, la résolution 1727 (2010) aux termes de laquelle elle avait décidé de suspendre ses activités impliquant des contacts à haut niveau entre elle et les autorités bélarusses.

La résolution adoptée à l'occasion de cette partie de session confirme ce gel des discussions et invite le Bureau de l'Assemblée à ne pas lever la suspension du statut d'invité spécial au Parlement bélarusse jusqu'à ce qu'un moratoire sur l'exécution de la peine de mort ait été décrété par les autorités locales et que des progrès tangibles en matière de respect des droits de l'Homme aient été enregistrés sur place.

J. DÉBAT D'URGENCE SUR LA SITUATION EN TUNISIE

L'Assemblée a tenu à rendre hommage, au cours de cette partie de session, au courage et à la détermination du peuple tunisien en vue de renverser le régime autoritaire du Président Zine el-Abidine Ben Ali. Elle reconnaît par ailleurs la part de responsabilité de l'Europe dans le maintien de l'ancien régime.

Si la commission des questions politiques salue les premières mesures annoncées par le gouvernement provisoire, elle appuie le souhait des Tunisiens de voir mise en oeuvre rapidement une démocratisation complète de la société.

A cet égard, M. Rudy Salles (Alpes-Maritimes - NC) , intervenant au nom du groupe PPE, a insisté dans son intervention sur le rôle des femmes dans le combat tunisien en faveur de la démocratie :

« Je me réjouis, en tant que président honoraire de l'Assemblée parlementaire de la Méditerranée, dont la Tunisie est un membre fondateur, de la transition démocratique qu'est en train de vivre ce pays à la suite de la « révolution du jasmin ».

Mon rôle au sein de cette assemblée m'a fait rencontrer, depuis longtemps, des parlementaires tunisiennes. Le niveau d'éducation des femmes et de l'ensemble de la population tunisienne est très élevé, comme vous le savez. Aussi, la Tunisie, qui jouit d'une situation à part au sein des pays arabes, a-t-elle de nombreux atouts pour devenir une démocratie à part entière.

La société tunisienne a une vision très éclairée de l'islam, et l'on pourrait dire, en quelque sorte, même si ce n'est pas tout à fait juste juridiquement parlant, que la Tunisie est un État laïc. En effet, la société tunisienne est fortement laïque et cette sécularisation s'explique notamment par les droits des femmes. Le divorce est autorisé, la polygamie est interdite. En quelque sorte, la transition démocratique qu'est en train de vivre la Tunisie, sous nos yeux, s'explique aussi en partie par les droits des femmes.

Fortement scolarisées, ayant le droit de disposer de leurs biens et de divorcer, les femmes tunisiennes ont amorcé une transition démographique qui les amène naturellement vers la recherche de davantage de droits politiques et sociaux, au nombre desquels le droit de choisir librement ses représentants.

Les manifestations pacifiques qui ont réclamé le départ du Président Ben Ali étaient composées autant d'hommes que de femmes. Sans faire de généralisation excessive, il apparaît néanmoins que les deux atouts de la Tunisie vers une transition démocratique pacifique sont la sécularisation de la société et l'égalité juridique entre les hommes et les femmes. Un exemple à méditer.

Je soutiens entièrement le projet de résolution qui rappelle que la Tunisie, bien que n'étant pas dans l'espace européen, peut néanmoins profiter, si elle le souhaite, de l'expertise du Conseil de l'Europe en matière d'observation des élections, voire d'élaboration de règles constitutionnelles permettant l'émergence d'un État de droit à part entière, grâce à la Commission de Venise dont elle est partie.

Je présente tous mes voeux au peuple tunisien pour la réussite de la « révolution du jasmin » vers l'établissement d'une démocratie durable. C'est le moment de soutenir le peuple tunisien par tous les moyens à notre disposition pour que cette révolution d'aspiration à la démocratie soit un véritable succès sans qu'elle ne se solde par la perte d'un équilibre économique et social.

C'est la raison pour laquelle le groupe PPE soutient, bien entendu, ce texte »

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime - GDR) , intervenant au nom du groupe GUE, a, quant à lui, insisté sur la nécessité, pour la Tunisie, de déposer une demande pour obtenir le statut de partenaire pour la démocratie de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe:

« Je félicite la rapporteure pour son excellent travail et la remercie des propos qu'elle a tenus au sujet du rôle d'Internet et des nouvelles technologies, par lesquels elle a ouvert notre débat.

Au nom de mon groupe, je me réjouis, comme elle, que ce puissant mouvement populaire tunisien, la « révolution du jasmin », se conclue par une véritable victoire du peuple tunisien et de sa jeunesse. Ils ont effectivement réussi à chasser Ben Ali, celui qui a dirigé la Tunisie d'une main de fer. A la tête d'un régime dictatorial corrompu et mafieux, il a instrumentalisé les institutions pour se maintenir et dans l'intérêt d'un clan, un régime qui n'a cessé de pratiquer la violence d'État, une dictature féroce et criminelle qui n'a pas hésité à tirer à balles réelles sur son peuple.

On comprend aisément que les Tunisiens ne veuillent plus non seulement de Ben Ali, de sa famille, de son clan, mais encore du régime lui-même, de ses structures, du RCD et de l'ensemble de ses dirigeants. On comprend fort bien que certains pourraient et devraient être traînés en justice pour leurs crimes. Le mandat d'arrêt international qui vise Ben Ali devrait être étendu à certains membres de son clan.

Rien ne sera plus comme avant en Tunisie, quelle que soit l'issue de ce puissant mouvement populaire. C'est effectivement une révolution, une révolution politique : le peuple tunisien a manifestement fait le choix de la démocratie. C'est tout un peuple qui aspire à des changements réels, avec l'opposition politique et sociale. Le Parti communiste français, dont je suis membre, soutient, depuis l'accession au pouvoir de Ben Ali, l'aspiration du peuple tunisien à la démocratie. Sans cesse, il s'est tenu aux côtés et à l'écoute de tous les partis d'opposition tunisiens pour réclamer la libération des opposants, pour réclamer la libération des journalistes.

Nous, Conseil de l'Europe, devons accompagner les Tunisiens dans leur recherche démocratique, sans ingérence, en offrant une aide strictement technique pour élaborer des règles en vue de la tenue d'élections libres et la mise en place d'institutions démocratiques. À ce titre, il convient d'encourager la Tunisie à présenter rapidement une demande pour obtenir le statut de partenaire pour la démocratie de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

J'ajouterai quelques mots sur l'attitude de la France. En soutenant totalement, de façon permanente, ce régime dictatorial et illégitime, la France s'est déconsidérée et décrédibilisée. En réponse à une question que je lui ai posée à l'Assemblée nationale, le 11 janvier dernier, M me Alliot-Marie, la ministre française des affaires étrangères, a dit, exaltant au passage l'expertise française, qu'elle proposait à la Tunisie une coopération en matière de techniques de répression, peut-être pour aider le régime de Ben Ali à se maintenir. Cette réponse était proprement scandaleuse. L'important, aujourd'hui, est que toutes les forces démocratiques de mon pays soient aux côtés de la révolution tunisienne. Il faut néanmoins se demander pourquoi la Tunisie de Ben Ali a pu conserver si longtemps, en France et même en Europe, une image positive malgré l'oppression bien réelle du peuple. Est-ce dû au statut égalitaire des femmes, au niveau élevé d'éducation, à l'importance du tourisme ? Cette question mérite d'être posée, comme bien d'autres, car cela n'explique pas à soi seul le soutien de l'Occident à un régime despotique.

L'autoritarisme, l'omnipotence des services de sécurité, la violence d'État, l'absence de démocratie et d'État de droit, le mépris des libertés et la répression anti-syndicale sont des réalités partagées par bien des pays, pour ne pas dire dans l'ensemble du monde arabe, même si elles se manifestent sous des formes particulières selon les pays.

Le vent de liberté qui a soufflé sur la Tunisie est peut-être né à El Ayoun où, dès le mois d'octobre 2010, plus de 20 000 personnes manifestaient pacifiquement, avant la répression policière du 8 novembre, et exprimaient le désir du peuple sahraoui de se libérer de l'oppression marocaine.

Notre groupe considère que le printemps démocratique tunisien ne constitue que les prémices des évolutions démocratiques à venir au Maghreb et au Machrek. Il conviendrait d'y revenir lors de notre prochaine session. »

La commission appelle de ses voeux des processus similaires de transition démocratique dans les autres pays de la région. Elle rappelle, par ailleurs, que le statut créé en juin 2009 de « partenaire pour la démocratie » offre un cadre complet pour la mise en place d'une coopération entre les parlements nationaux de la région et le Conseil de l'Europe.

M. Francis Grignon (Bas-Rhin - UMP) a insisté, à cet égard, dans son intervention, sur l'opportunité que représentait la révolution tunisienne pour la mise en oeuvre effective de la stratégie euro-méditerranéenne du Conseil de l'Europe :

« Je dois vous dire que j'ai été très choqué par les propos tenus par mon collègue communiste du Parlement français, M. Lecoq. Rassurez-vous cependant, je n'aurai pas l'indélicatesse de vous imposer un débat franco-français. Ce n'est ni le lieu ni l'heure.

Je veux simplement remercier M me Brasseur pour ce projet de résolution, auquel j'adhère sans réserve. En avril dernier, alors que le nouveau statut de partenaire pour la démocratie venait d'être créé, nous débattions du rôle que l'Assemblée parlementaire pourrait jouer en Méditerranée et de la stratégie qu'elle devrait adopter à l'égard de cette région. Le rapporteur du texte, notre collègue Denis Badré, soulignait alors combien la stabilité et la paix en Méditerranée sont essentiels à la stabilité et à la paix en Europe. Nous avions donc décidé de renforcer notre coopération avec nos partenaires méditerranéens et de nouer avec eux un dialogue politique, centré sur les questions de démocratie, de droits de l'Homme et de primauté du droit.

Je me félicite que nous honorions aujourd'hui, au travers de ce débat d'urgence, les engagements que nous avions pris il y a quelques mois ; j'en profite pour saluer les visites du président de notre Assemblée au Maroc et en Tunisie en décembre dernier et ce mois-ci.

Compte tenu de l'orientation méditerranéenne que nous avons retenue, il était important que nous puissions manifester notre solidarité avec le peuple tunisien. Les évènements de Tunisie prennent, en effet, une résonance très particulière au sein de notre Assemblée.

D'abord, parce que le soulèvement populaire a clairement démontré les aspirations du peuple tunisien à la démocratie et à un changement profond. Il témoigne de la force des valeurs que notre Assemblée essaye de défendre et promouvoir.

Ensuite, parce que cette « révolution du jasmin » est porteuse de nombreux espoirs, en particulier celui d'une contagion démocratique dans l'ensemble de la rue arabe. Certains commentateurs ont parlé d'une « chute du mur de Berlin » dans le monde arabe. De fait, on constate que les effluves du jasmin semblent se répandre peu à peu dans d'autres pays du Moyen-Orient, en particulier l'Égypte. J'espère que la raison l'emportera sur la répression.

Enfin, parce que la mobilisation tunisienne vient conforter, si cela était nécessaire, la stratégie euro-méditerranéenne que nous avons adoptée l'an dernier. Notre Assemblée peut clairement jouer un rôle en faveur des pays riverains de la Méditerranée. Nous avons aujourd'hui l'occasion de mettre notre expertise à disposition du peuple tunisien, afin que la transition démocratique se déroule dans le calme, sans qu'aucune goutte de sang soit encore versée.

Les différentes conventions du Conseil de l'Europe, l'expertise de la Commission de Venise et le dialogue avec notre Assemblée peuvent contribuer à aider le peuple tunisien à faire rimer liberté avec égalité. D'ici quelques mois, peut-être, la Tunisie pourra-t-elle, elle aussi, faire acte de candidature au statut de partenaire pour la démocratie, afin que la dégradation des libertés publiques, la corruption et les difficiles conditions sociales qu'elle a connues ces dernières années restent à tout jamais un lointain souvenir.

Pour conclure, j'espère vivement que la résolution à laquelle j'adhère pleinement permettra d'aider concrètement et rapidement nos amis tunisiens dans leur quête de la démocratie. »

M. André Schneider (Bas-Rhin - UMP) est, quant à lui, revenu, dans son intervention, sur le calme relatif dans lequel s'est déroulée la transition démocratique :

« L'Assemblée, c'est vrai n'est pas une enceinte dans laquelle « on lave son linge sale en famille ». A mon tour de dire combien j'ai été choqué par les attaques portées contre la France par notre collègue Jean-Paul Lecoq. Je regrette qu'à l'époque où ses amis étaient au pouvoir, ils niaient ce qu'il a dit.

Il faut être très prudents. Les pays européens ne le sont pas toujours. La corruption profite à un certain nombre de banques, y compris en Europe.

Je voudrais féliciter M me Brasseur pour la qualité de son rapport très objectif et assez complet, compte tenu du peu de temps qui lui était imparti.

Je me réjouis du choix qu'ont fait les Tunisiens, avec la « révolution du jasmin » d'opter pour une transition pacifique - j'espère qu'elle va le rester - vers la démocratie.

Il faut naturellement condamner les quelques débordements qui ont suivi le départ du Président Ben Ali, dont il n'est pas certain qu'ils n'aient été que l'oeuvre de pillards mus par la cupidité et l'intérêt personnel. Certains ont pu reconnaître des affidés de l'ancien président souhaitant, en instaurant la peur et le chaos, créer une situation de désordre pour faciliter un éventuel retour des anciennes autorités.

Mais on ne peut que se réjouir, de manière générale, que la transition vers la démocratie s'effectuera de manière pacifique et responsable.

Le Conseil de l'Europe, eu égard à son niveau d'expertise en matière de démocratie et de protection des droits de l'Homme, pourrait, si la Tunisie en fait la demande, être un partenaire efficace pour la transition démocratique.

La Commission de Venise, dont la Tunisie est partie, pourrait comme le suggère avec justesse le rapport, apporter son expertise technique.

La situation tunisienne doit être un exemple à suivre pour les pays qui souffrent encore de régimes dictatoriaux, dans la mesure où la transition démocratique se fait de manière pacifique, du fait de la sagesse du peuple tunisien.

Je tiens à souligner que le soutien apporté par les chancelleries occidentales dans leur ensemble au régime de Ben Ali avait pour principales raisons que son régime apparaissait garantir l'égalité des droits entre les hommes et les femmes et qu'il se présentait comme un rempart contre l'intégrisme religieux. Néanmoins, si le régime de Ben Ali a bien été un rempart contre les groupes fondamentalistes structurés, il n'a pas empêché une islamisation rampante de la société, que l'absence de perspectives économiques et politiques a, à l'inverse, encouragée.

Cependant, le haut niveau d'éducation des Tunisiens et le statut des femmes tunisiennes sont des atouts indéniables pour que cette transition démocratique ait lieu en douceur.

Le mandat d'arrêt international lancé contre l'ancien Président Ben Ali est un signal positif.

Je crois en l'évolution démocratique de la Tunisie et je la souhaite. Encourageons le peuple tunisien qui a fait ce choix courageux ! »

La résolution adoptée par l'Assemblée invite les autorités tunisiennes à respecter les souhaits de la population et à accélérer la libéralisation du pays. Les libertés politiques doivent, à ce titre, être garanties, la peine de mort abolie. Le texte encourage les autorités tunisiennes à intensifier la coopération avec le Conseil de l'Europe en adhérant notamment aux instruments juridiques ouverts aux non-membres. L'appui de la Commission de Venise au cours de la révision constitutionnelle à venir est de surcroît indispensable. Une coopération avec le Conseil sur les questions relatives à la justice, au développement durable, à la culture et à l'éducation est également envisagée.

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