Annexe 2 - Projet de rapport de M. Jean-Claude Mignon, président de la commission ad hoc du Bureau de l'Assemblée Réforme de l'Assemblée parlementaire
I - Introduction
1. Lors de ses réunions des 4 et 8 octobre 2010, le Bureau de l'Assemblée a décidé de créer une commission ad hoc du Bureau sur la réforme de l'Assemblée en lui confiant le mandat suivant :
Faire au Bureau des propositions au sujet d'une éventuelle réforme de l'Assemblée, y compris de son rôle et de sa mission, de ses méthodes de travail et de ses structures. La commission ad hoc tiendra compte du contexte politique actuel (processus de réforme au Conseil de l'Europe, contraintes budgétaires, Traité de Lisbonne, etc.), des forces et des faiblesses de l'Assemblée et des objectifs de l'éventuelle réforme (efficience, efficacité, souplesse, intérêt politique, visibilité, etc.).
2. La composition de la commission ad hoc est donnée à l'annexe du présent rapport.
3. La commission ad hoc a tenu trois réunions respectivement les 12 novembre 2010 (à Antalya), 13 décembre 2010 (à Paris) et 14 janvier 2011 (à Paris). A l'issue de cette dernière réunion elle a approuvé le présent avant-projet de rapport qui doit être soumis à l'examen du Bureau.
II - Contexte de la réforme de l'Assemblée
a. Contexte général
4. Le processus actuel de réforme s'inscrit dans le contexte de l'ambitieux programme de réforme que le Secrétaire général du Conseil de l'Europe a lancé en octobre 2009. La réforme vise à rendre l'Organisation plus pointue, efficace et visible et à améliorer son rapport coût-efficacité. Dans ce contexte et compte tenu de ces contraintes générales, l'Assemblée a décidé d'engager son propre processus de réforme.
b. Contexte interne
5. L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) se caractérise, depuis 1949, par :
- des délégations des parlements des États membres dont la composition est le reflet du poids relatif des forces politiques au sein de ces parlements et dont la taille dépend de la population du pays concerné (les membres ont un rôle double : ils sont députés dans leur pays et membre de l'APCE) ;
- une Assemblée plénière et une commission permanente qui servent d'enceintes aux débats et aux votes ;
- des travaux sur des questions de fond, répartis entre des commissions dont l'intitulé, le mandat et le nombre ont évolué au fil du temps ;
- différents types de textes de caractère normatif ou non législatif, adoptés à la majorité des voix.
6. L'Europe dans laquelle l'Assemblée opère actuellement a connu de profonds changements, en particulier le passage à la démocratie de nombreux pays de l'ancien bloc communiste après la chute du mur de Berlin, ce qui a entraîné un élargissement progressif du Conseil de l'Europe, qui s'est accéléré après 1989. L'Assemblée a aussi réagi, essentiellement en relevant le nombre de ses membres ordinaires (ainsi que celui des invités spéciaux et des observateurs) mais aussi en constituant des groupes politiques à un moment où des « familles politiques » commençaient à apparaître en Europe, y compris au sein du Parlement européen. Parmi les autres évolutions de l'Assemblée, citons la mise en place de procédures de suivi en 1997 et la modification de la structure des commissions en 2000 et des méthodes de travail en 2005. De plus, un rôle accru a été donné à un Comité des présidents (officiellement reconnu en 2007), qui réunit le président de l'APCE et les présidents des groupes politiques de l'Assemblée.
7. Comme le Secrétaire général du Conseil de l'Europe l'a déjà reconnu à l'échelle de l'Organisation dans son ensemble, il est grand temps que l'Assemblée aussi procède à des changements plus profonds, en partie également pour remédier à l'intérêt relativement peu élevé que ses membres portent à ses activités.
c. Contexte externe : évolution de l'environnement de l'Assemblée parlementaire
i) D'un continent « bipolaire » à un continent « multipolaire »
8. Il y a de cela vingt ans, l'Europe est passée d'un continent bipolaire, caractérisé par la guerre froide, à un continent dont les différentes parties paraissent aller dans la même direction. Au début, cette évolution a provoqué une certaine euphorie au sein de l'APCE dont les objectifs semblaient correspondre aux souhaits de tous et à ce qui allait être réalisé. Aujourd'hui, les lacunes, qu'elles n'aient jamais été comblées ou qu'elles refassent surface, deviennent apparentes dans de nombreux États membres, d'où la nécessité pour l'APCE d'agir.
ii) La « démocratique en crise » ; la crise financière et économique ; la désintégration des pays
9. Pendant la guerre froide et juste après, l'espoir de diffuser dans toute l'Europe les « valeurs fondamentales » du Conseil de l'Europe a présidé à la plupart des travaux de l'APCE. Aujourd'hui, cet élan a en grande partie disparu en raison d'une lassitude du grand public face aux exigences croissantes de la mondialisation et à la crise financière qui a touché de nombreuses parties du monde. Ceci a aussi eu comme effet qu'un certain nombre d'institutions parlementaires sont elles-mêmes en crise.
10. Un discours nationaliste et à vocation sécuritaire semble gagner du terrain à mesure que les populations perdent apparemment foi dans le système démocratique. Ajoutons à cela une montée du nationalisme au niveau régional dans plusieurs pays qui menace même de faire éclater un État membre fondateur du CdE (et de l'UE) et dont le spectre plane largement sur d'autres pays.
iii) Le retour de la « Realpolitik » et le repli des politiques plus « idéalistes »
11. La scène politique mondiale a aussi beaucoup changé, en particulier avec l'essor de la Chine (et d'autres grandes puissances et puissances moyennes) et le déclin relatif des États-Unis des points de vue économique et politique, voire militaire. Les États-Unis tiennent en partie pour cette raison un discours qui tend à privilégier la « Realpolitik » et qui est moins axé sur les valeurs que l'APCE/CdE promeuvent. De plus, la rapidité de la croissance économique de pays aux systèmes politiques plus autoritaires, comme la Chine, contraste avec la faiblesse, voire l'arrêt de la croissance dans les États membres du Conseil de l'Europe, en particulier dans ceux qui ont été durement touchés par la crise financière et économique.
iv) Le contexte sociétal et politique
12. Le paysage politique actuel de l'Europe est aujourd'hui plus polarisé politiquement. Certaines positions passées de l'Assemblée risquent donc de ne plus bénéficier du soutien qu'elles ont eu lorsqu'elles ont été adoptées. Dans un certain nombre de pays, des partis d'obédience plus extrémiste, à tendance parfois xénophobe et raciste, obtiennent de meilleurs résultats aux élections ainsi que des sièges au parlement. Cette situation découle vraisemblablement d'un certain nombre d'évolutions socio-économiques, comme les ravages de la crise financière et économique, les défis de la mondialisation et des pressions migratoires soutenues.
v) Une Union européenne en mutation
13. L'UE, en passant de 6 États membres en 1957 à 12 à la fin de la guerre froide, puis à 27, n'a que partiellement « gagné du terrain » sur le territoire couvert par le CdE/APCE dont le nombre de membres est aussi passé, depuis 1989, de 23 à 47 aujourd'hui. Les effets sur l'Assemblée ont été multiples et variés. Les 12 pays qui sont devenus membres de l'UE en 2004 et en 2007 concentrent essentiellement leur attention sur l'UE ; les pays des Balkans occidentaux s'inscrivent tous dans une « perspective européenne » (bien qu'à des rythmes différents) et sont suivis de près par la Commission européenne, y compris dans les « domaines fondamentaux » de l'APCE/CdE. Ce sont essentiellement les pays du « Partenariat oriental », dont le souhait (et les perspectives) d'adhérer à l'UE sont beaucoup moins clairs, qui ont tendance à « utiliser » l'arène politique de l'APCE/CdE pour promouvoir leurs propres objectifs politiques, et parfois pour se rapprocher de l'UE. L'UE a en outre procédé à des réformes en profondeur (par exemple le Traité de Lisbonne, l'introduction de l'euro dans 17 États membres et la création de l'Agence des droits fondamentaux) et s'intéresse aujourd'hui à des domaines qui ont toujours été l'apanage de l'APCE/CdE. Il n'en reste pas moins qu'une certaine « euro-lassitude» est perceptible, accentuée par la nécessité récente de renflouer les États membres de l'UE frappés par la crise financière.
14. L'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne a entraîné un certain nombre de changements au sein de l'UE qui ont, à leur tour, eu un effet direct ou indirect sur le CdE en général et sur l'APCE en particulier comme : le renforcement du rôle et des compétences du Parlement européen (PE) ; le renforcement du rôle des parlements nationaux dans le processus législatif et les affaires de l'UE ; l'introduction de l'initiative citoyenne européenne, qui donne la possibilité à un million de citoyens européens de présenter des propositions législatives ; la création d'un procureur européen et d'un service européen pour l'action extérieure ; la Charte des droits fondamentaux qui est devenue contraignante et l'adhésion future de l'UE à la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH), qui est une obligation imposée par le Traité de Lisbonne.
15. L'adhésion de l'UE à la CEDH, actuellement en négociation, supposera une certaine participation de l'UE aux organes de la CEDH, y compris le droit de l'Union de présenter une liste de trois candidats au poste de juge qui est appelé à la représenter et qui est élu par l'APCE.
16. Au delà de l'adhésion de l'UE à la CEDH, la participation de l'Union aux travaux du CdE aura des répercussions dans tous les domaines liés à l'élaboration de normes et au suivi et donnera lieu à l'adhésion éventuelle de l'UE à d'autres conventions et/ou mécanismes du CdE. L'interaction entre l'UE et ses États membres lors de la négociation de nouvelles conventions du CdE ne sera plus la même, y compris pour ce qui est des textes à l'initiative de l'APCE ou défendus par cette dernière. Un objectif à court terme devrait être d'éviter la reproduction, par l'UE, des instruments ou des mécanismes existants du CdE et, quoi qu'il arrive, un abaissement des normes. Un objectif à long terme devrait être l'adhésion de l'UE au Statut du CdE, avec toutes les conséquences politiques qui en découleraient.
17. Cela étant, l'UE et le CdE ont conclu un mémorandum d'accord officiel (à l'instar du Parlement européen et de l'APCE) et l'UE cofinance de nombreux projets du CdE. Un partenariat stratégique stable, comprenant un élément financier, est un objectif à brève échéance.
18. L'Assemblée et le Parlement européen sont aussi convenus de créer un organe informel en vue de mettre en commun des informations sur des questions d'intérêt commun, notamment celles relatives à l'adhésion de l'UE à la CEDH. Le présent rapport ne porte en conséquence pas sur les mesures relatives à la coopération entre les deux organes parlementaires.
vi) L'amélioration des moyens de communication avec le public (participation de la société civile, évolution technologique)
19. Avec l'arrivée des médias et des moyens de communication électroniques, de nouveaux défis mais aussi de nouvelles possibilités s'offrent au Conseil de l'Europe. La concurrence avec d'autres moyens et organes de communication s'intensifie, par des contacts accrus avec les médias et une meilleure visibilité grâce au site web (les sessions sont retransmises en direct, les entretiens peuvent être suivis dans le monde entier en temps réel). Un site web plus interactif permettant de mieux répercuter l'information auprès du public, la présence sur Facebook et Twitter et les contrats passés avec Google pour que le site de l'Assemblée apparaisse en priorité sur le moteur de recherche sont autant de nouvelles pistes propres à accroître la visibilité.
d. Les conséquences pour la réforme de l'APCE ?
20. La plupart des changements contextuels présentent au moins autant de possibilités à exploiter que de défis à relever. Ainsi, la nouvelle UE propose de nouveaux secteurs et formes de coopération, dont une coopération accrue entre le PE et l'APCE dans des domaines présentant un intérêt commun (comme les effets sur les deux organes parlementaires du Traité de Lisbonne) ; la « crise de la démocratie » pourrait être l'occasion pour l'APCE/CdE de jouer un nouveau rôle, peut-être analogue à celui qui a été le sien dans les premiers temps. Les nouvelles possibilités offertes par les médias, si elles sont bien utilisées, sont synonymes d'une nouvelle présence de l'APCE/CdE en temps réel au niveau mondial. Ces questions seront examinées plus en détail ci-après.
III - Mission et buts de l'Assemblée
a. Mission
21. L'Assemblée a la volonté d'agir en tant que conscience démocratique de l'Europe.
22. L'Assemblée est un organe statutaire unique et politiquement visible du Conseil de l'Europe qui promeut le développement et la mise en oeuvre des normes les plus élevées de la démocratie, des droits de l'Homme et de la prééminence du droit dans l'intérêt des peuples d'Europe et qui agit en tant que moteur de l'Organisation.
b. Buts
i) Direction
23. L'Assemblée favorise le débat sur les questions européennes nouvelles et d'actualité, identifie les tendances et les bonnes pratiques et fixe des repères et des normes.
ii) Suivi du respect des obligations statutaires et des engagements contractés lors de l'adhésion
24. L'APCE exerce un contrôle politique sur les mesures prises par les gouvernements et les parlements en vue d'appliquer les normes du Conseil de l'Europe. Elle suit aussi la mise en oeuvre des obligations statutaires et des engagements contractés par les États membres au moment de leur adhésion et, ce faisant, les amène à rendre compte au Conseil de l'Europe, mais surtout à leurs propres citoyens. On peut noter que, en 2006 dans sa recommandation 1763, l'Assemblée a demandé à « être en mesure de saisir la Cour européenne des droits de l'Homme d'un recours alléguant une grave violation par une des Parties contractantes des droits garantis par la Convention européenne des droits de l'Homme et ses protocoles additionnels » Un tel changement nécessiterait de modifier la Convention européenne des droits de l'Homme.
iii) Laboratoire d'idées
25. L'Assemblée est libre d'amorcer de nouveaux développements, d'apporter une réponse politique rapide face aux enjeux du XXI e siècle, de produire des idées « originales » et de fixer des standards juridiques ou de politique générale innovants de nature à permettre aux États membres du Conseil de l'Europe de faire face aux défis et de prévoir la meilleure réponse possible.
iv) Promotion des normes les plus élevées de la démocratie parlementaire
26. L'Assemblée offre une plateforme en vue de permettre aux membres des parlements nationaux d'échanger des bonnes pratiques et de développer des normes communes en vue du travail parlementaire. Elle offre des connaissances et une expertise en formulant des recommandations et en rédigeant des codes de bonne pratique ainsi qu'en offrant des conseils ciblés pour répondre à des problèmes spécifiques rencontrés par les parlements nationaux afin de renforcer la capacité des membres à remplir plus efficacement leur rôle.
v) Renforcement de l'interaction et du partenariat entre les organes statutaires et autres institutions du Conseil de l'Europe
27. Acteur du cadre institutionnel de l'Organisation fixé par le Statut, l'Assemblée entretient des rapports étroits avec le Comité des ministres (CM), le secteur intergouvernemental, le Congrès, la Cour européenne des droits de l'Homme et les mécanismes indépendants de suivi de l'Organisation en exerçant pleinement ses prérogatives politiques et en favorisant le débat sur les questions européennes nouvelles et d'actualité. Elle n'hésite pas à prendre des risques et à organiser des débats sur les questions les plus controversées et à exiger du Comité des ministres qu'il réponde à ses conclusions.
IV - Objectifs de la réforme de l'Assemblée
28. Le contexte dans lequel s'inscrit la réforme de l'Assemblée ayant été définis, de même que la mission et les buts de cette dernière, il semble qu'il y ait un large consensus sur les objectifs que doit poursuivre la réforme, à savoir :
Ø rendre l'Assemblée plus pertinente sur le plan politique et plus efficace,
Ø rendre l'Assemblée plus visible,
Ø améliorer la participation des membres de l'Assemblée, tout en renforçant l'interaction entre l'Assemblée et les parlements nationaux.
29. La pertinence politique de l'Assemblée se juge à l'aune de sa présence dans les débats politiques des parlements, des gouvernements, des opinions publiques nationales et de la communauté internationale grâce au sérieux et à la rapidité qu'elle met à répondre aux besoins perçus et à anticiper les problèmes d'actualité. Cette pertinence découle aussi de la mesure dans laquelle elle s'acquitte de sa mission et de ses objectifs. L'un des éléments révélateurs de la pertinence politique de l'Assemblée est sa capacité à se porter sur la scène internationale.
30. L'efficacité peut être synonyme de la capacité à « faire ce qu'il faut quand il faut » et, ainsi, à atteindre les buts fixés.
31. La visibilité est la fréquence à laquelle l'Assemblée est présente dans les médias et l'opinion publique et, donc, au final, dans l'esprit de ceux qui font la politique. Elle dépend aussi de la manière dont l'Assemblée répond aux préoccupations des citoyens. Elle est également liée à la crédibilité, qui recouvre à la fois l'action à court et à long terme ou, autrement dit, « la capacité à faire l'histoire et les grand titres ».
32. L'implication des membres de l'Assemblée peut se mesurer à leur degré de participation active aux parties de sessions et aux réunions des commissions, de même qu'à leur adhésion à l'action et aux valeurs de l'Assemblée et du Conseil de l'Europe, aussi bien dans le cadre des réunions officielles qu'en dehors, en particulier au sein de leurs parlements nationaux.
33. Ces différents objectifs sont liés : plus l'Assemblée sera pertinente sur le plan politique, plus elle sera visible et plus ses membres s'investiront. Il en est de même pour les mesures proposées ci-après ; il faut les voir comme des éléments qui se renforcent mutuellement. C'est pour cette raison que les différentes mesures mentionnées n'ont pas été subordonnées à la réalisation d'un objectif en particulier. En effet, plusieurs d'entre elles contribueront à plusieurs objectifs à la fois. Il convient également de noter à ce propos que l'approche intégrée de l'égalité entre les femmes et les hommes est un facteur à ne pas perdre de vue dans le cadre de chacune des mesures exposées ci-après.
V - Mesures à prendre pour atteindre les objectifs
34. Les mesures proposées pour atteindre les trois objectifs présentés ci-dessus peuvent se répartir en deux catégories : (a) l'action politique, définie comme un changement de pratiques n'appelant pas nécessairement des modifications du Règlement de l'Assemblée et (b) le changement des méthodes et structures de travail, qui imposera une modification du Règlement ou des textes pararéglementaire.
a. Action politique
(i) Filtrage des propositions de résolution ou de recommandation
35. Il semble assez largement acquis qu'il conviendrait que le Bureau procède à une présélection plus stricte des propositions à l'origine d'un rapport à l'Assemblée de manière à ce que les rapports et les textes adoptés qui en découlent soient plus ciblés. Cela nécessitera responsabilité politique et discipline de la part des membres de l'Assemblée et en particulier des membres du Bureau, l'objectif global étant d'agir dans l'intérêt de l'Assemblée dans son ensemble et non pour défendre des intérêts sectoriels.
36. Dans la plupart des cas, des propositions de résolution ou de recommandation sont à l'origine des débats de l'Assemblée et des textes qu'elle adopte. En vertu du Règlement en vigueur (article 24.1.a. et b.), les membres de l'Assemblée peuvent présenter des propositions sur toute question qui relève soit de la compétence de l'Assemblée soit de celle des gouvernements des États membres. Il conviendrait de ne pas toucher à la liberté de présenter des propositions sur tout sujet relevant du domaine de compétences du Conseil de l'Europe (1 ( * )) de manière à ce que l'Assemblée puisse rester la force novatrice qu'elle a été par le passé.
37. Il incombe au Bureau de proposer à l'Assemblée les suites à donner à ces propositions. Le choix se fait essentiellement entre trois possibilités : 1) renvoi pour rapport, 2) renvoi pour information, 3) classement sans suite (2 ( * )) . Dans le premier cas, la commission compétente peut, sans y être obligée, soumettre un projet de rapport à l'Assemblée, accompagné d'un projet de texte soumis à adoption. Dans le deuxième cas, la commission peut examiner la question et établir un rapport pour débat sans soumettre de projet de texte pour adoption à l'Assemblée. Dans le dernier cas, aucune commission ne peut entreprendre la moindre action. En pratique, le choix réel n'est actuellement qu'entre un classement sans suites et un renvoi pour rapport et débat ultérieur devant l'Assemblée ; en vue de redonner son sens à la notion de renvoi pour information, et faciliter l'acceptation de la réduction du nombre de rapports débattus par l'APCE, il serait utile de faire en sorte que les propositions renvoyées pour information puissent faire l'objet d'un rapport de la part de la commission saisie, sans projet de texte soumis pour adoption, sans débat devant l'Assemblée, mais diffusé à ses membres.
38. Les critères de sélection devront être explicités de manière à ce que les membres et les autres acteurs de l'Assemblée puissent être assurés de l'équité et de la transparence de la procédure. L'un des ensembles de critères les plus récents et les plus largement acceptés est constitué par les quatre lignes d'action adoptées par le Sommet des chefs d'État et de gouvernement du Conseil de l'Europe, qui s'est tenu en mai 2005 à Varsovie . Dans leur Plan d'action , ils ont estimé que les principales tâches du Conseil de l'Europe devaient être à l'avenir :
Ø de promouvoir les valeurs fondamentales communes : droits de l'Homme, État de droit et démocratie,
Ø de renforcer la sécurité des citoyens européens,
Ø de construire une Europe plus humaine et plus inclusive,
Ø de développer la coopération avec les autres organisations et institutions internationales et européennes.
39. Le Bureau pourrait être invité à utiliser ces lignes d'action comme grille de sélection et les auteurs de proposition à exposer en quoi leurs propositions répondent à ces critères. Pris globalement, ces éléments pourraient constituer un « test de pertinence ». De plus, les conditions fixées pour soumettre une proposition pourraient être durcies , par exemple en exigeant que les signataires appartiennent à au moins six délégations nationales (au lieu des cinq actuellement) et en limitant les nombre de mots d'une proposition à 200 (au lieu des 300 actuellement). (3 ( * )) On pourrait aussi réfléchir sur des méthodes électroniques plus modernes permettant de mettre un projet de proposition à la disposition des membres pour signature.
(ii) Suites données aux textes adoptés
40. Si l'Assemblée adoptait moins de textes mais des textes de meilleure qualité, les suites que leur donnent les parlements nationaux et le Comité des ministres pourraient être plus sérieuses. L'Assemblée devrait développer une promotion plus active de ses textes dans les parlements nationaux en faisant appel à la collaboration des présidents de délégation et de ses membres, notamment en envoyant aussi ses textes adoptés directement aux présidents des commissions parlementaires nationales concernées. Pour les textes importants, le Bureau devrait s'efforcer d'évaluer de manière plus systématique (si nécessaire avec l'assistance des commissions) les mesures qui ont été adoptées (ou non) au niveau national. La pratique des parlements finlandaise, néerlandais, suisse et britannique, qui ont un rapport et un débat annuels sur les activités du Conseil de l'Europe, devrait être encouragée dans les autres parlements nationaux. Il pourrait aussi être utile d'encourager la tenue de réunions entre les commissions de l'Assemblée et les assemblées correspondantes des parlements nationaux.
41. Pour certains textes, il conviendrait que les commissions procèdent à une évaluation des réponses du Comité des ministres et fassent au besoin connaître leur réaction (notamment par voie de déclarations publiques) lorsqu'elles estiment que ces réponses ne sont pas satisfaisantes. En outre, le secrétariat pourrait effectuer une analyse approfondie indiquant quelles sont les recommandations qui ont donné lieu à une action spécifique (et lesquelles sont restées sans suite).
42. Ces dernières années, il est devenu courant que les commissions de l'Assemblée soumettent à la fois un projet de résolution et un projet de recommandation à l'Assemblée pour adoption. Dans le souci de recentrer les activités de l'Assemblée, il conviendrait que les commissions ne proposent des projets de recommandation que lorsqu'elles sont convaincues qu'une action intergouvernementale du Conseil de l'Europe s'impose.
43. Dans ce contexte, l'Assemblée devrait viser une plus grande synergie entre les différentes parties du Conseil de l'Europe, en profitant pleinement des services du Secrétaire général du Conseil de l'Europe.
(iii) Rendre les sessions plénières plus intéressantes et animées
44. L'analyse de la participation aux sessions, de la participation aux votes et de la couverture médiatique des sessions plénières sur les dernières années montre que les débats qui donnent lieu à controverses ou qui présentent les enjeux les plus importants sont les plus intéressants et les plus animés, ce qui leur vaut une bonne couverture médiatique. Avoir plus de débats controversés, en phase avec l'actualité ou originaux, plus de débats d'urgence et plus de débats communs pourrait donc être un moyen de parvenir à cet objectif. Néanmoins, il convient d'insister sur le fait que la clé de la visibilité et de la crédibilité, est la grande qualité du contenu des rapports et que la controverse n'est pas une fin en soi. C'est ainsi que les valeurs défendues par l'APCE doivent être promues. De plus, augmenter le temps consacré aux questions inciterait aussi plus de membres à participer aux séances. À ce propos, il convient de rappeler que les membres ont déjà le droit, en vertu de l'article 34.3 (4 ( * )) , d'interrompre un orateur lors d'un débat, avec l'autorisation du président, s'ils souhaitent lui poser une question sur un point particulier. Il conviendrait également de conseiller aux personnalités invitées de limiter la longueur de leurs allocutions de manière à ce que le plus grand nombre possible de questions puissent être posées et recevoir réponse.
45. Il a été suggéré de définir un ou plusieurs thèmes généraux pour chaque partie de session , ce qui a parfois été fait (notamment ce qui sera fait en avril 2011 avec la dimension religieuse du dialogue interculturel). Il appartiendrait au Bureau de décider de ces thèmes généraux sur proposition du président et du Comité des présidents. Le Bureau et les commissions devront alors tenir compte de ces thèmes pour décider des renvois en commission. Cette démarche prévisionnelle aurait aussi l'avantage de permettre d'inviter suffisamment à l'avance des personnalités de premier plan à des parties de session consacrées à un thème donné.
46. L'Assemblée pourrait aussi introduire la pratique d'un « débat libre » , qui existe dans plusieurs parlements nationaux. Un créneau déterminé pourrait être réservé au cours de la semaine de plénière à un « débat libre » au cours duquel les membres auraient la possibilité de s'exprimer sur le sujet de leur choix. Ce serait pour eux l'occasion de se faire mieux connaître, y compris dans leur circonscription nationale.
(iv) Regroupement et planification à long terme des réunions de commission
47. Actuellement, les réunions de trois commissions (AS/Pol, Jur et Mon) sont regroupées au cours de semaines données en dehors des parties de session. Il conviendrait d'envisager de regrouper également les réunions des autres commissions au cours de périodes de l'année fixées un an à l'avance, étant entendu, néanmoins, qu'il ne peut y avoir plus que trois commissions qui se réunissent pendant la même semaine.
(v) Réorganisation et développement du site de l'Assemblée
48. Internet est devenu un outil puissant dans tous les domaines de la vie, y compris pour l'Assemblée et ses membres. En conséquence, il conviendrait de réorganiser le site web de l'Assemblée et, avant tout, de donner à ses membres des profils personnalisés (comportant notamment des photos, des vidéos, des discours), avec éventuellement un lien vers leurs sites web nationaux.
49. En fonction des ressources disponibles, l'Assemblée devrait prévoir de publier certaines parties de son site Web dans des langues autres que l'anglais et le français.
50. L'Assemblée devrait utiliser davantage les sites en ligne et les réseaux sociaux (tels que Facebook et Twitter) pour améliorer sa stratégie de communication.
51. De nouvelles voies, plus démocratiques, devrait être envisagées pour l'initiative des rapports de l'APCE. Il pourrait notamment être envisagé :
Ø d'inviter le public, via le site Web, à proposer des sujets pour débat, un mécanisme adapté devant ensuite filtrer ces propositions ; ce mécanisme séduisant soulève en effet de difficiles questions : comment éviter que des groupes bien organisés ne submergent l'APCE de propositions allant dans le sens de leurs intérêts ?
Ø d'encourager les initiatives publiques et la consultation de la société civile et des ONG par Internet.
(vi) Collecte de fonds
52. En fonction de ses propres positions et priorités politiques et afin de pouvoir apporter un soutien ciblé aux actions en cours ou de lancer de nouvelles initiatives (par exemple des programmes d'assistance ou des campagnes), l'Assemblée devrait s'efforcer d'exploiter plus activement les sources externes de financement (collecte de fonds auprès des États membres et de la Commission européenne), en plus de la possibilité qui lui est donnée, conformément à la procédure prévue à l'article 38.d du Statut, de soumettre, lorsque nécessaire, des demandes de financements complémentaires au Comité des ministres.
b. Modification des méthodes de travail et des structures
(i) Organisation des parties de session
53. Beaucoup de membres de l'Assemblée se sentent frustrés de ne pouvoir intervenir au cours des débats les plus intéressants et controversés de l'Assemblée. Il conviendrait de prendre les mesures suivantes afin de dégager plus de temps pour les orateurs:
Ø ramener le temps de parole des membres inscrits sur la liste des orateurs de cinq à quatre minutes ;
Ø prévoir un minimum de deux heures pour chaque débat , à l'exception des débats d'actualité, qui resteraient limités à une heure et demie ;
Ø les amendements ne seraient plus présentés oralement par les signataires en plénière (pour ou contre) (5 ( * )) à moins que l'Assemblée n'en décide autrement. (6 ( * )) Les auteurs des amendements auraient la possibilité de leur adjoindre une justification écrite au moment du dépôt.
54. L'impact pratique sur l'organisation des parties de session serait le suivant :
Ø Le lundi après-midi , il n'y aurait plus de rapport de commission au programme, à l'exception du Rapport d'activité, mais un « débat libre » (voir paragraphe 46 ci-dessus) et l'intervention d'une personnalité (par exemple le SG ou le président du CM).
Ø Le mardi, le mercredi et le jeudi, il y aurait au maximum un rapport le matin et deux l'après-midi.
Ø Le vendredi matin, il y aurait au maximum deux rapports.
Ø Les réunions de commissions l'après-midi dureraient plus longtemps et auraient lieu de 14h00 à 15h30, de manière à ce que les commissions aient plus de temps pour examiner les amendements et traiter leur ordre du jour.
Ø Les séances de l'après-midi du mardi, du mercredi et du jeudi se tiendraient en conséquence de 15h30 à 19h30, ou 20h00 au plus tard (7 ( * )) ;
Ø En principe , aucune liste d'orateurs ne serait coupée.
55. Il conviendrait d'inviter davantage de ministres spécialisés (c'est-à-dire autre que le ministre des Affaires étrangères), en particulier du pays exerçant la présidence du Comité des ministres, lors des débats en plénière. De la même façon, des ministres pertinents du pays concerné par un débat à l'Assemblée sur le suivi des engagements et des obligations du pays devraient être invités au débat.
56. On pourrait aussi envisager, après le débat en commission, et avant le débat proprement dit à l'hémicycle, l'organisation d'une table ronde avec des invités de très haut niveau , qu'ils soient physiquement présents ou grâce à la visioconférence sur écran géant, cette faculté permettant d'avoir la participation de plusieurs personnalités de premier plan.
(ii) Suppléants
57. La participation aux réunions de l'APCE est entravée par le refus d'un nombre croissant de parlements nationaux de financer le déplacement de suppléants dans leurs délégations. Plus généralement, se pose la question de la réforme du statut des suppléants . Il convient d'aborder ce sujet avec la plus grande ouverture. Dans un grand nombre de délégations nationales, les suppléants représentent l'opposition ou des minorités nationales dans le parlement. Si on souhaitait une plus grande flexibilité, on pourrait préciser que les représentants pourraient être remplacés par des suppléants pas seulement pour une séance entière (matin ou après-midi) mais aussi pour un débat.
(iii) Commission permanente
58. La Commission permanente a actuellement pour fonctions principales d'adopter des textes au nom de l'Assemblée et de tenir des échanges de vues politiques avec le président du Comité des ministres au début de la Présidence. Il y a des critiques concernant l'intérêt, le format et l'organisation de telles réunions. Les membres de l'Assemblée sont donc invités à formuler des propositions afin de rendre ces réunions plus vivantes et pertinentes, tout en préservant la représentativité de la Commission permanente qui comprend toutes les délégations nationales. Certaines des propositions qui devraient être examinées dans ce contexte sont l'organisation d'une « mini-session » sur deux jours et/ou plus de réunions à Paris (tenant compte de l'aspect budgétaire de telles réunions tant pour le parlement hôte que pour le budget de l'Assemblée). Une autre idée est que, comme les sessions plénières, les réunions de la Commission permanente aient un thème directeur et des personnalités éminentes devraient être invitées en rapport avec ce thème. Une proposition en ce sens devrait être faite six mois avant la réunion, en coopération avec le pays accueillant la Commission permanente.
(iv) Structure des commissions
59. La motivation sous-tendant le processus actuel de réforme de l'Assemblée est de recentrer ses activités. Il est donc logique que la structure de ses commissions soit modifiée. Cela permettrait en outre de renforcer les secrétariats des commissions restantes et de faciliter le suivi des travaux de ces commissions par leurs membres.
60. Plusieurs possibilités devraient être envisagées :
Ø fusion de la Commission des questions économiques et du développement (AS/Ec) et de la Commission de l'environnement, de l'agriculture et des questions territoriales (AS/Ena) en une Commission du développement durable ; dans ce cas, les fonctions budgétaires de AS/Ec seraient transférées à la commission du Règlement, des immunités et des questions institutionnelles (AS/Pro) ;
Ø fusion de la Commission des questions sociales, de la santé et de la famille (AS/Soc) et de la Commission des migrations, des réfugiés et de la population (AS/Mig) en une Commission de la cohésion sociale.
61. Il y aurait donc, au total, huit commissions permanentes. Le mandat de ces commissions devrait être revu en conséquence.
(v) Composition des commissions
62. La Commission de suivi, la commission du Règlement et la sous-commission pour l'élection des juges (de AS/Jur) continueraient à être nommées par les groupes politiques en vertu du système d'Hondt.
VI - Prochaines étapes
63. La réforme de l'Assemblée est un projet ambitieux. Elle implique aussi une remise en cause des méthodes de travail, des structures et des schémas de pensée établis. Il est donc essentiel que les membres de l'Assemblée aient, dans toute la mesure du possible, le sentiment que les propositions de réforme sont les leurs. C'est pourquoi la commission ad hoc a établi le calendrier suivant pour les débats et la consultation des principaux acteurs :
Ø Réunion du Bureau du 28 janvier 2011 : présentation des propositions écrites de la commission ad hoc ;
Ø Février-avril 2011 : consultation des commissions, des délégations nationales et des groupes politiques de l'Assemblée sur ces propositions ;
Ø Réunion du Bureau en mai 2011 (Kiev) : présentation du rapport final de la commission ad hoc ;
Ø Partie de session de juin 2011 : débat en plénière sur les propositions de la commission ad hoc et approbation de ces dernières par l'Assemblée ;
Ø Partie de session d'octobre 2011 : rapport d'AS/Pro sur les modifications du Règlement rendues nécessaires par les propositions de réforme ;
Ø Partie de session de janvier 2012 : entrée en vigueur de la réforme.
64. Pour permettre à la commission ad hoc de soumettre son rapport à l'Assemblée et à cette dernière d'en débattre, la commission ad hoc propose que le Bureau demande qu'elle soit transformée en commission ad hoc de l'Assemblée . Cette proposition pourrait être approuvée par l'Assemblée dans le cadre du Rapport d'activité du Bureau.
65. Le Bureau est invité à approuver les propositions figurant dans le présent rapport et à les soumettre pour consultation aux commissions, aux délégations nationales et aux groupes politiques de l'Assemblée.
* (1) L'article 1.b du Statut dispose que « ce but sera poursuivi au moyen des organes du Conseil, par l'examen des questions d'intérêt commun, par la conclusion d'accords et par l'adoption d'une action commune dans les domaines économique, social, culturel, scientifique, juridique et administratif, ainsi que par la sauvegarde et le développement des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Par contre, aux termes de l'article 1.d, « les questions relatives à la défense nationale ne sont pas de la compétence du Conseil de l'Europe. »
* (2) Voir l'article 25.1.
* (3) Ce changement nécessiterait une modification de l'article 24.2.
* (4) À distinguer des interventions pour fait personnel en vertu de l'article 34.7.
* (5) Le rapporteur et le Président de la commission concernée continueront de donner leur avis.
* (6) Ce changement nécessiterait une modification de l'article 33.9.
* (7) Il faut rappeler dans ce contexte qu'aucun évènement, en particulier des réceptions, ne doit avoir lieu pendant qu'une séance de l'Assemblée est en cours.