INTRODUCTION

EXPOSé général« Le parlement évalue les politiques publiques »
Article 24 de la Constitution.

Mesdames, Messieurs,

La commission des lois du Sénat a décidé de créer, en son sein, le 14 octobre 2009, une mission d'information sur l'évaluation de la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon et de désigner deux co-rapporteurs issus de la majorité et de l'opposition.

Il s'agissait de vérifier si les avancées contenues dans cette loi, dont beaucoup sont issues de votre commission des lois, avaient produit les effets escomptés, tant en matières civile, pénale que douanière.

Le présent rapport, fruit d'une année de travail marquée par de nombreuses auditions et déplacements, souligne que la loi précitée de 2007 a globalement constitué un net progrès dans la lutte contre les atteintes à la propriété intellectuelle.

Toutefois, ce rapport met également en évidence la nécessité, d'une part, d'apporter certaines précisions ou clarifications souhaitées par les professionnels, d'autre part - et surtout - d'améliorer encore la protection de la propriété intellectuelle en France.

Il apparaît, en effet, essentiel, de conforter la réputation d'excellence et l'attractivité juridique de notre pays dans ce domaine, à l'heure où s'ouvre le débat stratégique sur le siège de la future juridiction européenne des brevets .

Tel est le sens des 18 recommandations formulées par le présent rapport.

I. ÉVALUATION DES APPORTS DE LA LOI EN MATIÈRE CIVILE

A. LA SPÉCIALISATION DES JURIDICTIONS ET DES MAGISTRATS EN MATIÈRE DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

Lors de l'examen, en 2007, du projet de loi de lutte contre la contrefaçon, le législateur a clairement affirmé sa volonté de renforcer la spécialisation des juridictions et des magistrats en matière de propriété intellectuelle, spécialisation qui n'apparaissait ni dans le projet de loi initial, ni dans son exposé des motifs.

La spécialisation des juridictions a été traduite, par voie d'amendements de votre commission, dans la loi du 29 octobre 2007, tandis que celle des magistrats, si elle n'a pas fait l'objet d'amendements parlementaires, a été fortement recommandée lors des débats, en commission, comme en séance publique.

Cette double spécialisation visait à maintenir la réputation d'excellence et l'attractivité juridique de la France dans un domaine très concurrentiel marqué par le phénomène dit du « forum shopping » 1 ( * ) .

Trois ans après le vote de la loi, vos rapporteurs constatent que la concurrence des systèmes juridiques des pays voisins de la France est toujours aussi vive , comme l'illustre le débat sur le siège de la future juridiction européenne des brevets que notre pays revendique, tout comme l'Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas.

Sur ce point, rappelons qu'en 2009, la Commission européenne a proposé la création d'une juridiction internationale commune ayant compétence à la fois pour les brevets communautaires et les brevets européens .

La juridiction européenne des brevets :
la proposition de la commission européenne

La Cour commune des brevets serait constituée d'un tribunal de première instance, d'une cour d'appel et d'un greffe. Le tribunal de première instance comprendrait une division centrale, des divisions locales et, sur demande conjointe de plusieurs États, des divisions régionales qui se substitueraient aux divisions locales de chacun d'entre eux.

La Cour aurait une compétence exclusive pour le contentieux de la validité et de la contrefaçon des brevets communautaires et des brevets européens.

Les décisions de la Cour s'appliqueraient sur tout le territoire protégé par le brevet en cause. Ceci éviterait la multiplication des instances qu'exige actuellement le brevet européen et permettrait, dans le cadre du brevet communautaire, une protection uniforme sur la totalité du territoire de l'Union.

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pourrait être saisie d'une question préjudicielle par les divisions du tribunal de première instance à chaque fois que se poserait la question de l'interprétation d'une norme ou d'un acte communautaire. Cette possibilité se muerait en obligation au stade de la Cour d'appel.

Dans ce contexte de concurrence juridique aiguë, il est apparu nécessaire d'évaluer si la spécialisation des juridictions et des magistrats en matière de propriété intellectuelle, voulue par le législateur en 2007, a produit les effets escomptés et a permis de préserver, voire de renforcer, la réputation d'excellence de notre pays en matière de lutte contre la contrefaçon.

1. La spécialisation des juridictions
a) Une mise en oeuvre réglementaire tardive
(1) Le dispositif voté par le législateur à l'initiative du Sénat

A l'initiative du Sénat, la loi du 29 octobre 2007 a, d'une part, transféré la compétence en matière de propriété intellectuelle des tribunaux de commerce vers les tribunaux de grande instance (TGI) et, d'autre part, renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de spécialiser certains d'entre eux.

Il s'agissait de poursuivre le mouvement de concentration des compétences en matière de propriété intellectuelle . Cette concentration existait d'ores-et-déjà en matière de marques. Ainsi la compétence exclusive du TGI, définie à l'article L. 716-3 du code de la propriété intellectuelle (CPI), existait depuis 1964 2 ( * ) et le TGI de Paris avait également reçu, en 2002, une compétence exclusive en matière de marques communautaires.

Pour justifier cette spécialisation rationae materiae , votre commission des lois avait estimé que non seulement elle améliorait le fonctionnement de l'institution judiciaire, mais elle était, surtout, un élément essentiel du rayonnement du droit français dans le monde et de l'attractivité juridique du territoire français.

Bien que la loi et les travaux préparatoires ne laissaient aucun doute quant à l'incompétence des juridictions autres que les TGI (tribunaux de commerce, tribunaux d'instance, conseils de prud'hommes...) en matière de propriété intellectuelle et ce dès la promulgation de loi, le législateur a par la suite souhaité préciser que la compétence des TGI était bien « exclusive » dans ce domaine (article 135 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie).

En dépit de cette clarification, le tribunal de commerce de Paris 3 ( * ) a considéré qu'en l'absence de décrets, il était toujours compétent en matière de propriété littéraire et artistique (décision du 23 octobre 2008 4 ( * ) ) avant que la Cour d'appel de Paris ne rappelle que le législateur avait bien entendu exclure la compétence des juridictions consulaires en matière de contrefaçon ( arrêt du 21 janvier 2009 5 ( * ) ), ce qu'a fini par admettre le tribunal de commerce de Paris ( décision, dite « TF1 », rendue le 13 mai 2009, qui fait droit à l'exception d'incompétence soulevée par le défendeur Youtube ).

La « résistance » fâcheuse de cette juridiction parisienne a causé un allongement certain des délais de jugement , les dossiers étant parfois en état d'être plaidés avant d'être renvoyés devant le TGI de Paris.

(2) Les décrets du 9 octobre 2009 et du 12 novembre 2010

- des décrets satisfaisants sur le plan du contenu

Le rapport de première lecture de M. Laurent Béteille 6 ( * ) appelait de ses voeux une spécialisation par décret d'un nombre aussi réduit que possible de TGI en matière de propriété intellectuelle.

Publié un an plus tard, en juin 2008, le rapport « Guinchard » 7 ( * ) sur la répartition du contentieux s'est inscrit dans la ligne de ce rapport puisqu'il préconise (propositions 10 et 11) :

- une juridiction unique , à Paris, pour le contentieux des brevets, des produits semi-conducteurs et des obtentions végétales (contre sept aujourd'hui) ;

- un TGI par ressort de cour d'appel pour celui des marques nationales, de la propriété littéraire et artistique, des dessins et modèles et des indications géographiques, soit, compte tenu de l'actuelle carte judiciaire, 37 TGI compétents.

Les décrets 8 ( * ) ont suivi la première proposition, à l'exception du contentieux en matière d'obtentions végétales, pour lequel une spécialisation nécessite un ajustement législatif ( voir plus loin ) et sont allés au-delà des préconisations du rapport Guinchard en retenant seulement dix TGI compétents pour le contentieux des marques, dessins et modèles, indications géographiques et pour celui de la propriété littéraire et artistique.

Vos rapporteurs se félicitent de cette spécialisation ambitieuse , pleinement conforme aux souhaits exprimés par la commission des lois dans son rapport de première lecture.

Le siège et le ressort des dix TGI précités sont désormais fixés comme suit dans le code de l'organisation judiciaire ( tableau VI figurant en annexe de ce code ) :

1. Bordeaux : ressort des cours d'appel d'Agen, Bordeaux, Limoges, Pau et Toulouse

2. Lille : ressort des cours d'appel d'Amiens, Douai, Reims et Rouen

3. Lyon : ressort des cours d'appel de Chambéry, Grenoble, Lyon et Riom

4. Marseille : ressort des cours d'appel d'Aix-en-Provence, Bastia, Montpellier et Nîmes

5. Nanterre : ressort de la cour d'appel de Versailles

6. Nancy : ressort des cours d'appel de Besançon, Dijon, Metz et Nancy

7. Paris : ressort des cours d'appel de Bourges, Paris, Orléans, Nouméa, Papeete, Saint-Denis et des tribunaux supérieurs d'appel de Mamoudzou et Saint-Pierre

8. Rennes : ressort des cours d'appel d'Angers, Caen, Poitiers et Rennes

9. Strasbourg : ressort de la cour d'appel de Colmar

10. Fort-de-France : ressort des cours d'appel de Basse-Terre et Fort-de-France

D'après les informations fournies par le ministère de la justice, ces dix TGI concentraient, en 2009, 76 % du contentieux de la propriété intellectuelle en France, comme l'illustre le tableau ci-dessous.

Nombre d'affaires de propriété intellectuelle traitées en 2009
par les 10 TGI ultérieurement spécialisés

PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE ET ARTISTIQUE

PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE

ENSEMBLE
DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

Paris

697

1424

2121

Bordeaux

4

41

45

Fort-de-France

1

1

2

Lille

8

66

74

Lyon

24

49

73

Marseille

21

58

79

Nanterre

55

87

142

Nancy

1

20

21

Rennes

1

24

25

Strasbourg

6

32

38

Total des dix TGI spécialisés (x1)

818

1802

2620

Contentieux national (x2)

1023

2438

3461

Pourcentage par rapport au contentieux national (x1/x2)

81 %

74 %

76 %

Source : ministère de la justice.

Au total, on peut résumer ainsi la spécialisation des juridictions, issue de la réforme législative et réglementaire :

Juridictions compétentes en matière de marques

Juridictions compétentes en matière de dessins et modèles, d'indications géographiques et de propriété littéraire et artistique

Juridictions compétentes en matière de brevets et de produits semi-conducteurs

Juridictions compétentes en matière d'obtentions végétales

Avant la réforme

seuls les TGI

- toutes les juridictions d'instance
(TI et TGI)

- tous les tribunaux de commerce

7

10

Après la réforme

seuls 10 TGI

seuls 10 TGI

seul le TGI
de Paris

10

- des décrets intervenus trop tardivement

Les décrets susmentionnés sont intervenus près de deux ans après la promulgation de la loi. Selon la chancellerie, ce délai tient au fait que la spécialisation des juridictions en matière de propriété intellectuelle ne pouvait intervenir qu'après la réforme de la carte judiciaire.

Quoi qu'il en soit, cette situation a causé des retards d'assignation et créé des incertitudes juridiques : certains attendaient la spécialisation afin de bénéficier de la réforme en termes de traitement du contentieux ; d'autres craignaient que le décret ne prévoie que les instances en cours antérieurement à la publication des décrets soient transférées aux juridictions spécialisées, ce qui aurait conduit à un allongement de la procédure. En effet, comme l'a rappelé Maître Emmanuelle Hoffman Attias lors de son audition, la jurisprudence affirme que : « selon les principes généraux du droit transitoire, les lois civiles de compétence sont applicables aux instances en cours, sauf si ces instances ont déjà fait l'objet d'une décision au fond » 9 ( * ) .

Fort opportunément, le décret n° 2009-1204 a mis en place un dispositif transitoire exprès évitant cet écueil : il a précisé, en son article 6, que toutes les instances en cours avant la date du 1 er novembre 2009 demeuraient devant les mêmes juridictions civiles et n'avaient donc pas à être transférées aux juridictions spécialisées. Vos rapporteurs se félicitent qu'une telle solution de bon sens, espérée par les praticiens 10 ( * ) , ait été retenue par le ministère de la justice.

b) La question de la spécialisation en matière de propriété littéraire et artistique

Au cours de leur audition, les représentants de la Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) ont estimé que la compétence exclusive des TGI en matière de propriété littéraire et artistique créait « une situation gravement préjudiciable aux intérêts de la SACEM, mais aussi très nuisible aux justiciables et tout à fait insatisfaisante pour les juridictions ».

En premier lieu, ils ont fait valoir que la spécialisation obligeait désormais la SACEM à porter ses différends devant des TGI spécialisés , alors que dans l'immense majorité des cas, elle saisissait, avant la réforme, les tribunaux d'instance et les juridictions de proximité compte tenu des montants en jeu (moins de 10.000 €), juridictions où le ministère d'avocat n'est pas obligatoire. En conséquence, la SACEM doit désormais engager des frais d'avocat généralement supérieurs au montant de sa demande. En effet, le montant moyen des sommes réclamées devant les juridictions civiles se situe aux alentours de 1.200 €, tandis que les honoraires d'un avocat, pour une procédure simple, dépassent les 2.000 €.

En second lieu, la SACEM soutient que les nouvelles règles de procédure vont également coûter très cher aux personnes qui ont signé un contrat général de représentation avec la SACEM et que cette dernière assigne pour méconnaissance dudit contrat. La SACEM déclare que non seulement ces personnes « vont devoir constituer avocat alors qu'elles se présentaient la plupart du temps en personnes devant les juridictions de proximité et les tribunaux d'instance, mais elles vont devoir plaider extrêmement loin de leur domicile ». La SACEM a donné les exemples suivants : « ainsi, un cafetier de Bourges, qui aurait plaidé devant la juridiction de proximité de sa ville, va être assigné par la SACEM devant le tribunal de grande instance de Paris, tandis que le restaurateur de Lons-le-Saulnier sera assigné à Nancy, celui de Pointe-à-Pitre sur l'île pas si voisine de la Martinique (au tribunal de Fort-de-France), et celui de Saint-Denis de la Réunion à Paris ».

Enfin, la SACEM soutient que la réforme ne paraît de nature à satisfaire, ni les juridictions de proximité et les tribunaux d'instance « qui avaient toujours manifesté beaucoup d'intérêt pour les contentieux qui leur étaient soumis par la SACEM », ni les tribunaux de grande instance spécialisés « qui vont se trouver submergés par un contentieux abondant et sans intérêt sur le plan des principes juridiques qui encombrera leur rôle inutilement. »

Vos rapporteurs ne sont pas convaincus par ces arguments et ce pour plusieurs raisons :

- sur la question du coût inhérent au ministère d'avocat obligatoire, il convient d'indiquer que si la juridiction donne raison à la SACEM, elle lui accordera le remboursement des frais d'avocat engagés par le biais de l'article 700 du code de procédure civile. Certes, vos rapporteurs n'ignorent pas que le montant alloué par les juridictions au titre de cet article est souvent inférieur aux honoraires de l'avocat mais ils estiment que la production systématique au juge de la note d'honoraire pourrait en grande partie résoudre cette difficulté ( voir après ) ;

- sur la question de la perte d'un contentieux intéressant pour les juridictions de proximité et les tribunaux d'instance, vos rapporteurs estiment que cet inconvénient est faible au regard de la nécessité de concentration des compétences, nécessité qui tient à la complexité de la grande majorité des affaires en matière de propriété littéraire et artistique.

c) Poursuivre le mouvement de concentration des compétences en matière de propriété intellectuelle
(1) Renforcer encore la spécialisation des juridictions civiles en matière de propriété intellectuelle

L'analyse du volume des dossiers traités chaque année par chacun des dix TGI spécialisés fait apparaître la nécessité d'aller encore plus loin dans la spécialisation.

Si le ministère de la justice n'a pas été en mesure de fournir des statistiques sur le contentieux traité par chacun des dix TGI spécialisés depuis l'entrée en vigueur de la réforme, soit 1 er novembre 2009, il n'en demeure pas moins que le tableau fourni précédemment montre que ces dix juridictions concentraient, en 2009, 76 % du contentieux de la propriété intellectuelle en France mais que la charge est très inégalement répartie : ainsi, cinq TGI (Paris, Nanterre, Lille, Lyon et Marseille) traitent au total 72 % du contentieux et les cinq autres (Bordeaux, Fort-de-France, Nancy, Rennes et Strasbourg) seulement 4 %.

La spécialisation de 4 ou 5 TGI pourrait donc être considérée comme suffisante. Ce plafond pourrait être inscrit dans le code de la propriété intellectuelle.

Recommandation n° 1 : Plafonner à quatre ou cinq le nombre de TGI exclusivement compétents en matière de marques, dessins et modèles, d'indications géographiques et de propriété littéraire et artistique.

(2) Confier au seul TGI de Paris le contentieux marginal des obtentions végétales

Comme indiqué précédemment, la réforme de 2007-2010 n'a pas conduit à une spécialisation des juridictions en matière d'obtentions végétales.

Les dix TGI actuellement compétents en la matière sont énumérés dans le tableau V figurant en annexe du code de l'organisation judiciaire) :

1. Marseille

2. Bordeaux

3. Strasbourg

4. Lille

5. Limoges

6. Lyon

7. Nancy

8. Paris

9. Rennes

10. Toulouse

Aucune spécialisation supplémentaire ne peut être engagée sans l'intervention du législateur : en effet, l'article L. 623-31 du code de la propriété intellectuelle prévoit que le nombre de juridictions compétentes dans le domaine des obtentions végétales « ne peut être inférieur à dix ».

Vos rapporteurs considèrent que cet article devrait être modifié afin de supprimer ce plancher législatif et recommandent au pouvoir réglementaire de spécialiser ensuite un seul TGI.

En effet, les décrets précités d'octobre 2009 ont décidé qu'une seule juridiction (contre sept auparavant) serait compétente en matière de brevets et de produits semi-conducteurs, à savoir le TGI de Paris.

La situation qui prévaut depuis bientôt un an et demi est donc pour le moins étonnante : alors que les contentieux concernant les brevets et les produits semi-conducteurs, qui représentent entre 350 affaires par an, sont portés devant un seul TGI , ceux portant sur des obtentions végétales, qui représentent environ 5 affaires annuelles 11 ( * ) , peuvent, eux, être traités par dix TGI .

En conséquence, vos rapporteurs approuvent l'article 6 du projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles 12 ( * ) . En effet, en supprimant le seuil minimal, évoqué plus haut, de dix TGI, cet article ouvre la voie à une spécialisation du contentieux en matière d'obtentions végétales. L'étude d'impact prévoit opportunément que le règlement spécialisera ensuite un seul TGI, conformément aux préconisations du rapport « Guinchard » précité.

Demeure la question du choix du TGI compétent nationalement : pourraient être désignés soit le TGI d'Angers, soit celui de Paris.

Le choix d' Angers pourrait se justifier par le fait que cette ville accueille, depuis août 1997, l'Office communautaire des variétés végétales (OCVV), organe communautaire qui a débuté ses activités le 27 avril 1995 et qui se prononce sur les demandes de protection communautaire des obtentions végétales.

Toutefois, vos rapporteurs relèvent qu'Angers ne fait pas partie des dix TGI spécialisés dans le domaine de la propriété intellectuelle ; c'est en effet le TGI de Rennes qui a été choisi comme indiqué précédemment.

En outre, compte tenu de la proximité technique entre les contentieux portant, d'une part, sur les brevets et les produits semi-conducteurs, d'autre part, sur les obtentions végétales, il paraît préférable qu' une même juridiction traite ces deux types de contentieux.

Cette considération milite en faveur de la compétence du seul TGI de Paris en matière d'obtentions végétales, par cohérence avec ce qui a été décidé dans le domaine des brevets.

Recommandation n° 2 : Confier au seul TGI de Paris le contentieux des obtentions végétales.


* 1 Terme désignant la faculté, pour un requérant, de choisir parmi les juridictions potentiellement compétentes celle qui, selon lui, devrait répondre le plus favorablement à sa demande.

* 2 Autrement dit, les tribunaux de commerce, les tribunaux d'instance, les conseils de prud'hommes n'étaient plus compétents, depuis 1964, en matière de marques.

* 3 Les autres tribunaux de commerce se sont dessaisis des affaires pendantes devant eux introduites postérieurement à la publication de la loi de 2007. Voir, par exemple, l'ordonnance de référé du tribunal de commerce de Lille du 20 décembre 2007 qui s'est dessaisi au profit du tribunal de grande instance de Lille sur le fondement de la loi du 29 octobre 2007.

* 4 RG n° 2007-046672.

* 5 RG n° 0819923.

* 6 Rapport n° 420 (2006-2007) de M. Laurent Béteille , fait au nom de la commission des lois, déposé le 26 juillet 2007 : http://www.senat.fr/rap/l06-420/l06-420.html .

* 7 Rapport du groupe de travail, présidé par le recteur Serge Guinchard, sur une nouvelle répartition des contentieux. Rapport rendu public le 30 juin 2008.

* 8 Les décrets n°s 2009-1204 et 2009-1205 ont spécialisé le TGI de Paris en matière de brevets et neuf TGI pour le contentieux des marques nationales, de la propriété littéraire et artistique, des dessins et modèles et des indications géographiques. Un dixième TGI, celui de Strasbourg, a été spécialisé par décret n° 2010-1369 en date du 12 novembre 2010. Lors de leur audition, les représentants de la chancellerie ont indiqué que cet ajout tenait à la « place de Strasbourg dans le domaine de la propriété intellectuelle », reconnue internationalement.

* 9 Cass. 2 e civ., 16 décembre 1982.

* 10 « Espérons que le décret prévoira une exception au principe d'application immédiate des lois de compétence, en déterminant une date à partir de laquelle l'ensemble des juridictions dessaisies en matière de propriété intellectuelle devront être vidées de leurs compétences, ce qui permettrait aux tribunaux anciennement compétents de trancher les litiges introduits devant eux avant la publication du décret », écrivent par exemple Maître Emmanuelle Hoffman Attias et Mme Hortense Pajot dans un article, publié dans la Gazette de la Propriété industrielle n° 3, p. 16 à 18 (mars 2008) et intitulé « la mise en oeuvre de la loi de la loi du 29 octobre 2007 ».

* 11 Ce chiffre est une estimation fournie par le ministère de la justice qui ne dispose pas d'outils statistiques permettant d'isoler le contentieux sur les obtentions végétales parmi l'ensemble du contentieux de propriété industrielle. A noter que ce contentieux pourrait augmenter dans les années à venir si la France assouplit sa position concernant les OGM.

* 12 Texte n° 344 (2009-2010) présenté par Mme Michèle Alliot-Marie, alors ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, déposé au Sénat le 3 mars 2010 : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl09-344.html

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