B. UN IMPACT VARIABLE SELON LES MESURES

a) Les contrefaçons de marques constatées lors des « transbordements »

Si vos rapporteurs n'ont pu obtenir de données précises, il semble que l'aggravation des sanctions encourues en cas de contrefaçons de marques constatées lors des « transbordements » a conduit à lutter contre ce phénomène.

Lors de leur audition, les responsables de la Direction générale des douanes ont mis en avant l'importance de combattre les contrefaçons constatées en transbordements, et ce pour deux raisons essentielles :

- d'une part, la contrefaçon est souvent le fait de réseaux mafieux qui sont des réseaux transnationaux ;

- d'autre part, même si les produits contrefaisants ne sont pas destinés au territoire communautaire, ils peuvent y revenir par fret express, dans le cas où ils seraient ensuite proposés à la vente des européens via Internet. C'est ce que les douaniers appellent le retour « en pluie fine ».

C'est pourquoi vos rapporteurs s'inquiètent des perspectives de remise en cause de la compétence des douanes en matière de transbordement.

En premier lieu, la Cour de justice de l'Union européenne doit, au cours du premier semestre 2011, se prononcer sur une question préjudicielle posée par une juridiction anglaise visant à déterminer si le Règlement communautaire 1383/2003 qui définit le champ d'intervention des douanes en matière de contrefaçon, permet ou non la retenue douanière .

La Commission européenne soutient que les saisies ne doivent pas concerner des marchandises qui ne seraient pas destinées (immédiatement) au territoire de l'Union européenne.

La France, quant à elle, invoque le Règlement précité et ses considérants qui visent le transbordement.

En second lieu, indépendamment de cette décision de justice, la Commission européenne a engagé un processus de révision de ce Règlement : elle souhaite apaiser le conflit avec l'Inde et le Brésil, soupçonnés d'accueillir en masse des contrefaçons de brevets de médicaments, contrefaçons qui transitent souvent sur le sol communautaire. Autrement dit, la Commission pourrait souhaiter modifier le Règlement pour exclure explicitement la possibilité pour les douanes d'intervenir pour les produits en transbordement.

L'arrêt que rendra la CJUE aura naturellement une influence sur le processus de révision du Règlement : une décision défavorable au transbordement pourrait conforter la démarche de la commission européenne.

Recommandation n° 17 : Clarifier la réglementation douanière communautaire pour prévoir explicitement la possibilité pour les douanes d'intervenir pour les produits en transbordement, c'est-à-dire pour les produits de provenance et de destination extra-communautaires qui transitent en Europe.

b) La saisie des dessins et modèles contrefaisants

Dans son rapport annuel de performances, la direction générale des douanes précise qu'elle a établi en 2009 un nouveau record dans la lutte contre les contrefacteurs : 7 millions d'articles contrefaisants ont ainsi été saisis cette année-là, contre 6,5 millions en 2008, soit une hausse de 7,7 %. Ce chiffre devrait être, en 2010, 10 % supérieur à celui de 2009.

Les secteurs les plus menacés par la contrefaçon sont, au vu des saisies réalisées par la douane en 2009, l'habillement, les jeux et jouets, les accessoires du vêtement et les parfums, les objets multimédia et les médicaments, ainsi que de nombreux objets de la vie courante. La plupart des contrefaçons saisies par la douane proviennent d'Asie et plus de la moitié sont destinées au marché français.

Cette progression des saisies tient, dans une large mesure, à l'extension de la compétence des douanes en matière de dessins et modèles , extension décidée par le législateur en 2007 : ainsi, en 2009, sur les 7 millions d'articles contrefaisants saisis, 1 million relevait de la contrefaçon de dessins et modèles, soit près de 15 % du total .

En effet, il est très fréquent que, dans un souci de discrétion, les contrefacteurs utilisent, pour réaliser in fine des contrefaçons de marques, deux envois distincts : dans l'un, ils mettent des signes distinctifs contrefaisants (logos, étiquettes...) ; dans l'autre, les produit « nus ». Ces derniers constituent, en conséquence, des contrefaçons de dessins et modèles et non des contrefaçons de marques. Avant la loi du 29 octobre 2007, la saisie n'était possible que dans le premier cas, pas dans le second.

Notons, pour être complet, que la progression des saisies douanières mentionnée ci-dessus tient également au renforcement des contrôles douaniers ainsi qu'à la mise en place, en 2009, du service « Cyberdouane » qui a pour mission de s'opposer à la cyberdélinquance et, en particulier, à la cybercontrefaçon.

c) La procédure de retenue douanière en matière de marques et dessins/modèles

Vos rapporteurs ont constaté que la loi du 29 octobre 2007 avait conforté la coopération entre la douane et les titulaires de droits .

Les demandes d'intervention douanière ont progressé : 1117 demandes ont été déposées en 2009, contre 1035 en 2008.

Par ailleurs, les procédures « ex officio » sont de plus en plus nombreuses, sans que vos rapporteurs aient pu obtenir de chiffres à ce sujet.

Vos rapporteurs ne peuvent que se féliciter d'une telle évolution et rappellent que le partenariat entre les entreprises et la douane conditionne grandement l'efficacité de la lutte contre la contrefaçon .

d) Les douanes judiciaires

L'analyse de l'activité du service national de la douane judiciaire (SNDJ) depuis 2007 met en évidence le faible impact de l'extension de sa compétence à l'ensemble de la propriété intellectuelle.

En pratique, le SNDJ demeure toujours tourné vers les marques : on peut toutefois noter le traitement en 2008, 2009 et 2010 respectivement de 6, 7 et 2 dossiers dans des domaines de la propriété intellectuelle autres que les marques.

Affaires de contrefaçons reçues par le SNDJ

Contrefaçons de marques
(nombre d'affaires)

Autres contrefaçons

(nombre d'affaires)

2007

178

0

2008

179

6

2009

144

7

2010

134

2

Source : SNDJ

Cette situation tient au fait que, comme indiqué précédemment, le contentieux pénal en matière de contrefaçon est, pour l'essentiel un contentieux de marques .

Notons que plus du tiers des affaires traitées par le SNDJ font suite à la constatation initiale d'un service douanier, illustrant ainsi la bonne articulation des procédures douanières jusqu'à leur phase judiciaire.

e) Doter les douanes d'un arsenal juridique complet pour lutter contre tous les types de contrefaçons

Lors de leur audition, les représentants de la Direction générale des douanes et des droits indirects ont souligné que si la loi de 2007 avait étendu les moyens d'action des douanes en matière de contrefaçon, ceux-ci ne couvraient, pas dans toutes les hypothèses, l'ensemble des droits de propriété intellectuelle. C'est ce qu'illustre le tableau ci-après.

a) Moyens d'actions des douanes en matière de contrefaçon :

(les croix indiquent les compétences actuelles, les grisés les incompétences)

Retenue CPI

(marchandises communautaires)

Retenue 1383/2003

(marchandises extra-communautaires)

Prohibition CPI

Délit douanier de contrefaçon

(art 215 et 215 bis du code des douanes)

Délit (art. 428 du code des douanes)

Importation

Exportation

Transbordement

Détention

Importation

Exportation

Transbordement

Marque

X

X

X

X

X

X

X

X

X

- 64 -

X

Dessin et modèle

X

X

X

X

X

X

X

X

Droit d'auteur

X

X

X

X

X

X

Droit voisin

X

X

X

X

X

X

Brevet

X

X

X

X

Obtention végétale

X

Indication géographique

X

Source : Direction générale des douanes et des droits indirects

Vos rapporteurs considèrent qu'il est nécessaire de doter les douanes d'un arsenal juridique complet pour l'ensemble de la propriété intellectuelle et quelles que soient les situations dans lesquelles les marchandises sont placées (importation-exportation-transbordement-détention), ce qui implique de combler les lacunes mises en lumière par le tableau.

Certes, l'action des douanes demeurera, pour l'essentiel, tournée vers les marques, car la contrefaçon de marques est la plus fréquente et la plus simple à détecter .

Pour autant, une telle démarche, d'une part, permettrait de sécuriser l'action des douaniers et des titulaires de droits, aujourd'hui constamment obligés de s'interroger sur leurs capacités d'action, d'autre part, manifestera la volonté des pouvoirs publics de signifier aux contrefacteurs qu' aucune atteinte à la propriété intellectuelle n'est tolérée.

En résumé, le système de protection douanier deviendrait plus simple, plus clair et donc plus efficace.

Recommandation n° 18 : Doter les douanes d'un arsenal juridique complet pour lutter contre tous les types de contrefaçons

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