N° 592

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 juin 2011

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom du groupe de suivi (1) sur l'avant-projet consolidé de schéma national des infrastructures de transport (SNIT) , de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (2),

Par M. Louis NÈGRE,

Sénateur.

(1) Ce groupe est composé de : M. Louis Nègre, président ; MM. Jean Boyer, Francis Grignon, Jean-Jacques Mirassou, Bruno Retailleau, Mme Mireille Schurch, MM. Michel Teston, Raymond Vall.

(2) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine , président ; MM. Gérard César, Gérard Cornu, Pierre Hérisson, Daniel Raoul, Mme Odette Herviaux, MM. Marcel Deneux, Daniel Marsin, Gérard Le Cam , vice-présidents ; M. Dominique Braye, Mme Élisabeth Lamure, MM. Bruno Sido, Thierry Repentin, Paul Raoult, Daniel Soulage, Bruno Retailleau , secrétaires ; MM. Pierre André, Serge Andreoni, Gérard Bailly, Michel Bécot, Joël Billard, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean-Marie Bockel, Yannick Botrel, Martial Bourquin, Jean Boyer, Jean-Pierre Caffet, Yves Chastan, Alain Chatillon, Roland Courteau, Jean-Claude Danglot, Philippe Darniche, Marc Daunis, Denis Detcheverry, Mme Évelyne Didier, MM. Michel Doublet, Daniel Dubois, Alain Fauconnier, Alain Fouché, Serge Godard, Francis Grignon, Didier Guillaume, Michel Houel, Alain Houpert, Mme Christiane Hummel, M. Benoît Huré, Mme Bariza Khiari, MM. Daniel Laurent, Jean-François Le Grand, Philippe Leroy, Claude Lise, Roger Madec, Michel Magras, Hervé Maurey, Jean-François Mayet, Jean-Claude Merceron, Jean-Jacques Mirassou, Robert Navarro, Louis Nègre, Mmes Renée Nicoux, Jacqueline Panis, MM. Jean-Marc Pastor, Georges Patient, François Patriat, Jackie Pierre, Rémy Pointereau, Ladislas Poniatowski, Marcel Rainaud, Charles Revet, Roland Ries, Mmes Mireille Schurch, Esther Sittler, Odette Terrade, MM. Michel Teston, Robert Tropeano, Raymond Vall, René Vestri.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Les infrastructures de transport constituent l'un des atouts indéniables de notre pays selon les études d' attractivité économique menées au niveau international. Notre réseau routier est dense et diversifié, le maillage de nos lignes à grande vitesse est l'un des plus performants au monde, le réseau de métro et de RER en Île-de-France constitue un avantage comparatif indéniable et nos aéroports comptent parmi les plus importants d'Europe continentale. Pour autant, ces réseaux doivent être régénérés, améliorés et développés afin de maintenir voire augmenter la compétitivité de notre pays, tout en assurant la transition écologique initiée par le Grenelle de l'environnement.

Telle est l'ambition du schéma national des infrastructures de transport (SNIT), prévu aux articles 16 et 17 de la loi dite Grenelle I 1 ( * ) , qui fixe les orientations de l'État en matière d'entretien, de modernisation et de développement des réseaux relevant de sa compétence. Ce schéma établit également les objectifs en termes de réduction des impacts environnementaux pour les espaces agricoles et naturels. L'objectif principal de ce nouvel outil juridique est de favoriser le report modal au profit des modes de transport les plus respectueux de l'environnement.

Suite à la publication en juillet dernier de l'avant-projet du schéma national des infrastructures de transport (SNIT), et de son rapport d'évaluation environnementale, le bureau de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, a jugé indispensable de mettre en place, le 14 septembre 2010, un groupe de suivi du SNIT , composé de huit sénateurs, représentant l'ensemble des groupes politiques. Ce groupe est présidé par M. Louis Nègre , et comprend également MM. Jean Boyer, Francis Grignon, Jean-Jacques Mirassou, Bruno Retailleau, Mme Mireille Schurch, MM Michel Teston et Raymond Vall .

Le groupe de suivi a auditionné le ministère, organisé une table ronde avec le secteur routier et autoroutier et effectué deux déplacements en décembre, l'un dans le Gers, à l'invitation de Raymond Vall pour étudier le dossier de la RN 21 dans ce département, l'autre dans les Hautes-Alpes pour examiner le cas de l'A 51 aux côtés du sénateur Pierre Bernard-Reymond. Le groupe de suivi a également pris l'initiative d'envoyer à l'ensemble des sénateurs un courrier fin décembre 2011 pour recueillir leurs observations sur l'avant-projet de SNIT. Les contributions écrites ont été une source précieuse d'information et de réflexion pour le groupe (voir annexe IV).

Le Gouvernement a présenté le 27 janvier dernier un avant-projet consolidé du SNIT, qui tient compte d'un grand nombre de remarques formulées lors de la concertation initiée en juillet. Le rapport environnemental a dans la foulée été modifié, compte tenu des changements intervenus dans le contenu de l'avant-projet du SNIT et de l'avis de l'Autorité environnementale du Commissariat Général à l'environnement et au développement durable (CGEDD) de septembre 2010. Un rapport d'évaluation globale a également été publié, présentant une synthèse de l'impact économique et environnemental du schéma.

Parallèlement aux travaux du groupe de suivi, la commission a organisé des auditions, qui ont alimenté la réflexion du groupe de suivi. Ainsi, M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'Écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, est venu le 6 octobre 2010 présenter la philosophie générale de l'avant-projet du SNIT. Puis, le 19 janvier 2011, Mme Michèle Pappalardo, déléguée interministérielle au développement durable, responsable du Commissariat général au développement durable, a présenté les principales conclusions du rapport environnemental relatif à l'avant-projet du SNIT. Enfin, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet a abordé, le 1 er février dernier, l'ensemble des thématiques qui relèvent de son ministère, et en premier lieu l'avant-projet consolidé du SNIT, rendu public quelques jours plus tôt.

Le groupe de suivi a pour ambition de contribuer à la préparation du débat sans vote prévu au Parlement avant la fin de l'été 2011. Ce débat est décisif puisqu'il pourrait donner lieu aux ultimes arbitrages du Gouvernement sur ce document avant son adoption en conseil des ministres, au plus tard lors de la rentrée parlementaire d'octobre 2011.

Le présent rapport s'articule autour de trois axes . Il explicite et complète les conclusions provisoires du groupe de suivi présenté par son président, M. Louis Nègre, devant la commission de l'économie le 2 février dernier (voir annexe V).

Dans un premier temps, il est rappelé que la philosophie générale du schéma est bienvenue puisqu'il s'agit d'un document stratégique sur les infrastructures de transports issu du Grenelle de l'environnement, opérant une transformation écologique et soumis à concertation. Puis, le rapport expose les avancées mais aussi les marges de progression de l'avant-projet consolidé du 27 janvier 2011 par rapport au projet du 13 juillet 2010. Enfin, la dernière partie met l'accent sur les difficultés récurrentes de l'avant-projet consolidé, en matière de développement du fret ferroviaire dans une dimension européenne, d'aménagement du territoire ou encore de méthodologie pour l'évaluation environnementale.

Les membres du groupe de suivi ont travaillé dans un climat d'écoute mutuelle et ils ont constamment gardé à l'esprit que l'intérêt général ne se réduit pas toujours à la somme des intérêts particuliers . S'il est légitime de défendre les projets qui concernent des territoires particuliers, il demeure en revanche nécessaire de veiller au bilan social, économique et environnemental de ces projets, surtout dans un contexte de fortes tensions pour les finances publiques.

Le groupe de suivi a également mis en avant l'impérieuse nécessité de tenir compte de la logique de l'aménagement du territoire . Désenclaver les territoires, reconnaître un droit pour tous les citoyens à disposer d'infrastructures de transports et de services performants, constituent un credo, un socle de revendications commun pour tous les membres du groupe de suivi. Le débat organisé en séance publique le 15 février 2011 à l'initiative du groupe RDSE a permis de relayer les très fortes inquiétudes de certains sénateurs, qui ont le sentiment qu'un grand nombre de départements ne sont pas suffisamment pris en compte dans le schéma national.

Veillons à ne pas créer une société à deux vitesses , où le succès des lignes de train à grande vitesse se ferait au détriment des projets ferroviaires plus modestes, de l'entretien de notre réseau routier, et de la relance du fret ferroviaire ! Le SNIT doit répondre à la fois à une logique de trafic et à une logique d'aménagement du territoire. L'attractivité de notre territoire ne doit pas se faire au détriment de la qualité de vie de nos concitoyens.

Tel est l'état d'esprit du groupe de suivi, dont le présent rapport présente la réflexion et ses préconisations, ainsi que les contributions des groupes politiques en annexe, rapport qui a été adopté à une très large majorité par votre commission.

SYNTHÈSE DES PRINCIPALES PROPOSITION DU GROUPE DE SUIVI
SUR LE SCHÉMA NATIONAL DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT

1) Présenter un audit des besoins de rénovation des réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux existants, comportant un diagnostic précis et un échéancier des coûts, réalisé par un organisme indépendant et extérieur ;

2) Mener une concertation approfondie et continue avec les principaux décideurs locaux concernés par le SNIT ;

3) Préciser les engagements financiers de l'État et pérenniser les recettes de l'Agence pour le financement des infrastructures de transport de France (AFITF) ;

4) Hiérarchiser les projets présentés en fonction de leur bilan économique, social et environnemental pour le pays, compte tenu des contraintes financières actuelles, et donner, en règle générale, la priorité aux projets de régénération et de modernisation ;

5) Présenter également une liste de projets hiérarchisés qui répondent essentiellement à une logique d'aménagement du territoire, en donnant la priorité à la desserte par LGV des capitales régionales et en adoptant une interprétation raisonnable des critères du Grenelle qui permette, en l'absence de solution alternative pertinente, d'améliorer les capacités routières ;

6) Demander au Gouvernement d'engager, dès la prochaine loi de finances, des crédits d'études pour établir les cahiers des charges des 11 projets de désenclavement routier visés par la nouvelle fiche ROU 6 de l'avant-projet consolidé ;

7) Demander une évaluation des externalités négatives générées par le transport routier de marchandises par un organisme indépendant et extérieur ;

8) Maintenir voire renforcer les crédits dédiés à la régénération du réseau ferroviaire afin de stopper son vieillissement puis engager son rajeunissement et introduire une annexe récapitulant les efforts conséquents de l'État et de Réseau ferré de France (RFF) en la matière ;

9) Inscrire résolument le SNIT dans une démarche européenne au travers du RTE-T afin de relancer l'activité des ports français et du fret ferroviaire et promouvoir les plates-formes intermodales ;

10) Améliorer l'évaluation environnementale du SNIT, notamment en termes de méthodologie, en suivant l'avis de l'Autorité environnementale, et en mettant l'accent sur les problématiques de mobilité territoire par territoire.

I. LA PHILOSOPHIE GÉNÉRALE DU SNIT DÉCOULE DU GRENELLE DE L'ENVIRONNEMENT

A. UN DOCUMENT STRATÉGIQUE ET ÉVOLUTIF SUR LES INFRASTRUCTURES MAJEURES DE TRANSPORTS...

Le Gouvernement a d'emblée indiqué que le SNIT était un document de planification, de stratégie, d'orientation, marquant un cap pour les vingt voire trente prochaines années . En aucun cas ce document ne constitue une programmation financière, une liste de projets qui seront réalisés coûte que coûte. Il n'a pas une portée normative inconditionnelle et ne s'accompagne pas d'un plan de financement définitif pour chaque projet. Il trace seulement la dynamique qui découle des engagements du Grenelle de l'environnement. Le schéma constitue donc une « feuille de route » pour les décennies à venir, ce que reconnaît d'ailleurs clairement l'avant-projet consolidé. En effet, l'ensemble des dépenses du SNIT « n'ont pas nécessairement vocation à se réaliser toutes et à 100 % sur la période considérée » 2 ( * ) . Le document conclut qu'en tout état de cause, il n'y aura que 70 à 80 % du volume des mesures prévues dans le SNIT qui seront effectivement réalisées. Dès lors, le schéma servira de référence à l'État et aux collectivités territoriales pour harmoniser la programmation de leurs investissements respectifs en infrastructures de transport.

Le SNIT ne vise que les projets d'infrastructures de transports d'envergure et d'intérêt national portés par l'État et les collectivités territoriales. Ce n'est pas parce que tel ou tel projet n'y figure pas qu'il ne verra jamais le jour. Il en va ainsi de nombreux projets d'aménagement routier, qui ne sont pas inscrits dans le SNIT dans la mesure où le Gouvernement estime qu'ils relèvent des programmes de modernisation des itinéraires routiers (PDMI). Dans le même sens, le schéma n'aborde pas la question des services ni du mode d'exploitation des infrastructures, question qui est pourtant essentielle pour l'efficacité d'une infrastructure de transport. Concrètement, le schéma repose sur quatre grands axes: une meilleure utilisation des réseaux existants, un entretien optimisant le service rendu, une efficacité énergétique renforcée, et l'amélioration de la qualité environnementale. Il convient de noter que le périmètre financier du SNIT ne concerne pas le projet du Grand Paris Express, ni le projet de LGV entre Paris et la Normandie, qui a été annoncé postérieurement au vote de la loi Grenelle I.

Enfin, ce document est évolutif . L'article 16 de cette même loi prévoit que le schéma est « actualisé et présenté au Parlement au moins une fois par législature ». Autrement dit, ce document sera régulièrement mis à jour et fera l'objet d'un débat sans vote au Parlement au moins tous les cinq ans 3 ( * ) . Pour mémoire, le choix de la procédure du débat sans vote s'est imposé lors de l'examen de la loi dite Grenelle I compte tenu de la technicité et de la complexité du schéma, ainsi que du précédent que constituait le comité interministériel de l'aménagement et du développement du territoire (CIADT) du 18 décembre 2003.


* 1 Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

* 2 Cf. l'avant-projet consolidé du schéma national des infrastructures de transport, version janvier 2011, p. 60. Ce document est également consultable sur le site de la commission de l'économie du Sénat à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/commission/eco/gt_snit.html

* 3 En cas de dissolution de l'Assemblée nationale, ce délai de cinq ans est réduit.

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