B. LES FACTEURS EXTERNES

On peut également mentionner quatre facteurs externes qui ont eu un impact important sur les relations entre l'Union européenne et la Russie.

1. Le « reset » des relations américano-russes et la relance de la coopération entre l'OTAN et la Russie

Alors que les relations entre les Etats-Unis et la Russie s'étaient fortement dégradées sous les deux mandats successifs de George W. Bush, avec notamment la forte opposition de la Russie au projet d'installation d'éléments du système américain de défense anti-missiles en Pologne et en République tchèque et à l'élargissement de l'OTAN à l'Ukraine et à la Géorgie, elles se sont nettement améliorées depuis l'élection du Président Barack Obama en novembre 2008.

Dès son arrivée à la Maison-Blanche, le Président Barack Obama a fait de l'amélioration des relations avec la Russie l'une des priorités de sa politique étrangère.

La formule du « reset », qui a été employée par le Président américain et que l'on peut traduire par « une remise à zéro » ou « un nouveau départ », illustre cette volonté de donner un nouvel élan aux relations entre les Etats-Unis et la Russie.

Concrètement, cette nouvelle approche s'est notamment traduite par la signature et la ratification du traité New START entre les Etats-Unis et la Russie, qui porte sur la réduction des armes nucléaires stratégiques.

Le traité New START

Signé à Prague, le 8 avril 2010, entre les Etats-Unis et la Russie, le « nouveau traité START » (« New Strategic Arms Reduction Treaty »), conclu pour une durée de 10 ans, avec possibilité de renouvellement pour 5 ans supplémentaires, doit se substituer au traité « SORT » (« Strategic Offensive Reductions Treaty »), conclu en 2002 et qui devait normalement courir jusqu'en 2012.

Comme pour SORT, les limites fixées par le « nouveau START » ne concernent que les armes stratégiques déployées et excluent les armes en réserve, les armes en attente de démantèlement et les armes non-stratégiques.

Le traité prévoit que le nombre d'armes stratégiques déployées par chaque partie sera ramené à 1 550 dans les 7 ans suivant son entrée en vigueur , alors que SORT retenait une fourchette de 1 700 à 2 200 armes fin 2012. La diminution supplémentaire de 2012 à 2018 est donc de 30 % par rapport à la limite haute et de 9 % par rapport à la limite basse fixée par SORT. Elle s'applique uniquement aux armes stratégiques déployées, et non au volume global de chacun des arsenaux (estimé à 9 400 armes nucléaires pour les Etats-Unis et à 13 000 pour la Russie), le traité ne comportant par ailleurs aucun engagement de diminution et de destruction des armes non déployées .

A la même échéance, le nombre de vecteurs (missiles balistiques intercontinentaux sol-sol ou mer-sol ; bombardiers lourds équipés pour des armes nucléaires) sera ramené à 800 maximum , dont 700 vecteurs déployés . A la date de juillet 2009, la Russie disposait de 809 vecteurs stratégiques déployés et les Etats-Unis de 1 188, dont moins de 900 effectivement dotés de têtes nucléaires. Les deux Etats se trouvent donc pratiquement déjà au niveau fixé par le traité.

Comme START I, et à la différence de SORT, le « nouveau START » est assorti de mesures de vérification (inspections sur place, échanges de données, notifications réciproques des armements offensifs et des sites nucléaires). Les modalités pratiques de vérification font l'objet d'annexes techniques. La Russie paraît avoir obtenu, conformément à ses souhaits, un régime moins contraignant et intrusif que celui de START I.

Le traité ne comporte aucune disposition relative au déploiement des défenses anti-missiles ou à la conversion de missiles balistiques en armes conventionnelles pour des frappes de précision (projet américain de « Prompt Global Strike »).

L' impact quantitatif du « nouveau START » sur le volume des arsenaux nucléaires sera assez modeste . Son importance est avant tout politique. Il constitue la première traduction concrète du nouveau départ (« reset ») souhaité par l'administration Obama dans la relation américano-russe , après une longue période de contentieux et de défiance.

Il pérennise jusqu'à la prochaine décennie le cadre stratégique bilatéral , assorti de mécanismes de transparence et de vérification . Un mois avant la Conférence d'examen du traité de non-prolifération nucléaire (TNP), il représentait un signal politique des deux principales puissances nucléaires à l'adresse de la communauté internationale, sur leur volonté de poursuivre sur la voie du désarmement nucléaire.

Malgré les réserves du Sénat américain, où la ratification devait recueillir la majorité qualifiée (67 voix sur 100 sénateurs) le Président Barack Obama a réussi à obtenir la ratification du traité New START par le Sénat, à une courte majorité (71 voix pour, contre 26), le 22 décembre 2010, et moyennant l'adoption de deux amendements (non intégrés au traité), l'un sur la poursuite par les Etats-Unis de la modernisation des arsenaux nucléaires, l'autre sur le déploiement du système de défense anti-missiles.

De son côté, le Parlement russe a approuvé le traité le 24 décembre, bien que plusieurs parlementaires russes aient souhaité établir un lien entre la ratification du traité New START et la question de la défense anti-missiles.

Le rapprochement entre les Etats-Unis et la Russie s'est également traduit par une approche plus constructive de la Russie sur le dossier du nucléaire iranien et par une coopération accrue de Moscou concernant l'intervention en Afghanistan, notamment en matière de transit d'hommes et de matériels par son territoire.

Un autre effet important du « reset » américano-russe tient à la relance au plus haut niveau des relations entre l'OTAN et la Russie , lors du Sommet de l'Alliance qui s'est tenu à Lisbonne, les 19 et 20 novembre 2010.

En 1997, dans le cadre de l'Acte fondateur OTAN-Russie, les deux parties avaient déclaré qu'elles ne se considéraient plus comme des adversaires et avaient établi des mécanismes de consultation et de coopération. Une autre avancée avait été réalisée avec la création, en mai 2002, du Conseil OTAN-Russie , au sein duquel la Russie siège sur un pied d'égalité avec chacun des pays de l'Alliance et qui permet de conduire un dialogue politique sur les principaux dossiers de sécurité, mais aussi d'aborder sous un angle concret les préoccupations russes.

L'intervention de l'OTAN au Kosovo en 1999, l'élargissement de l'Alliance aux pays d'Europe centrale et orientale et les projets d'élargissement de l'OTAN à l'Ukraine et à la Géorgie, soutenus par l'administration Bush, avaient toutefois suscité une profonde crise de confiance entre la Russie et l'Alliance.

Ces tensions expliquent notamment la décision de Vladimir Poutine, en juillet 2007, de geler l'application du traité adapté sur les forces conventionnelles en Europe (FCE), signé en novembre 1990 et révisé en 1999, qui vise à établir un équilibre et une réduction des principaux équipements militaires en Europe.

Le traité sur les forces conventionnelles en Europe (traité FCE)

Signé à Paris le 19 novembre 1990 entre l'OTAN et le Pacte de Varsovie, le traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE), entré en vigueur en 1992, scellait la fin de la guerre froide en Europe en prévoyant une réduction des armements conventionnels et la destruction de plusieurs milliers d'équipements lourds. Il posait le principe qu'aucune force étrangère ne pouvait stationner sur le territoire d'un Etat signataire sans le consentement de celui-ci. Il instaurait des mécanismes de transparence à travers des échanges d'information et des inspections réciproques.

Toutefois, reposant sur la notion d'équilibre d'alliance à alliance, le traité FCE est rapidement devenu obsolète avec l'évolution du contexte stratégique européen. Dès 1993, la Russie s'était plainte des restrictions apportées par ces dispositions à sa liberté de déployer des matériels et des équipements dans le flanc sud de son territoire national, dans le contexte du conflit en Tchétchénie et des tensions séparatistes en Géorgie.

Après plusieurs années de négociation, un accord d'adaptation du traité FCE - ou « traité FCE adapté » - a été adopté lors du sommet de l'OSCE à Istanbul le 19 novembre 1999.

Le traité FCE adapté fixe pour chaque Etat signataire un plafond des différents types d'équipements qu'il est autorisé à détenir (nombre de chars de bataille, de véhicules blindés de combat, de pièces d'artillerie, d'avions de combat, d'hélicoptères d'attaque ...).

La ratification du traité FCE adapté a été autorisée par la Douma en juin 2004, mais le traité n'est toujours pas entré en vigueur, les pays de l'OTAN subordonnant leur propre ratification au respect des « engagements d'Istanbul » pris par la Russie en marge de la signature du traité FCE adapté, à savoir le retrait de leurs forces qui stationnent dans des Etats tiers - la Géorgie et la Moldavie - sans le consentement de ces derniers.

Le 26 avril 2007, Vladimir Poutine a annoncé un moratoire sur l'application du traité FCE de 1990 et le 14 juillet 2007 un décret présidentiel a suspendu l'application de ce traité sur le territoire russe. La Russie a précisé que cette suspension la dégage de toute obligation sur la base du traité dans ses relations avec les autres Etats parties. Ce retrait a vidé le traité d'une grande partie de son intérêt et en menace la viabilité politique à court terme. En 2008, les Alliés ont mandaté les Etats-Unis pour négocier en leur nom avec la Russie les modalités d'un retour à l'application normale du traité FCE.

Au début de l'année 2010, les Etats-Unis ont désigné une émissaire spéciale pour les Forces conventionnelles en Europe, l'ambassadeur Victoria Nuland, chargée de trouver une solution à la crise du traité FCE. A son initiative, de juin 2010 à mai 2011, les 36 Etats concernés se sont réunis dix fois à Vienne pour élaborer les termes d'un nouveau mandat de négociations. Celui-ci n'a cependant pas pu être finalisé, en raison notamment des divergences américano-russes sur le préalable d'un régime intérimaire de transparence militaire et sur la formulation de la référence aux principes de respect de l'intégrité territoriale et du consentement de la nation-hôte au stationnement des forces étrangères.

Cet échec rend à nouveau vraisemblable à court terme la fin, annoncée depuis 2007, du traité FCE.

Le nouveau concept stratégique de l'OTAN adopté lors du Sommet de Lisbonne reconnaît l'importance d'établir un partenariat stratégique entre l'OTAN et la Russie.

Le Sommet OTAN-Russie, qui s'est tenu en marge du Sommet de Lisbonne, en présence du Président russe Dimitri Medvedev, a permis de relancer, au plus haut niveau, les relations entre l'OTAN et la Russie.

L'OTAN s'est engagée à renforcer les consultations politiques et la coopération pratique avec la Russie dans plusieurs domaines, comme la défense anti-missiles, la lutte contre le terrorisme, la lutte contre la drogue, la lutte contre la piraterie, et, plus largement, la promotion de la sécurité internationale.

Comme le mentionne la déclaration adoptée lors du Sommet de Lisbonne, le 20 novembre 2010, les pays de l'Alliance souhaitent établir un véritable partenariat stratégique entre l'OTAN et la Russie.

EXTRAITS DE LA DÉCLARATION ADOPTÉE LORS DU SOMMET DE L'OTAN À LISBONNE, LE 20 NOVEMBRE 2010

La coopération OTAN-Russie revêt une importance stratégique, comme en témoigne la réunion de ce jour, à Lisbonne, du Conseil OTAN-Russie au niveau des chefs d'État et de gouvernement. Ayant avec elle des intérêts de sécurité communs, nous sommes déterminés à construire de concert avec la Russie une paix durable et inclusive dans la région euro-atlantique. Nous devons partager la responsabilité pour ce qui est de faire face aux défis communs, identifiés conjointement. Nous souhaitons un véritable partenariat stratégique entre l'OTAN et la Russie, et nous agirons en conséquence, attendant de la Russie une attitude réciproque. Nous réaffirmons notre attachement aux objectifs, aux principes et aux engagements sur lesquels s'appuie le Conseil OTAN-Russie. Sur cette base solide, nous invitons instamment la Russie à remplir les engagements qu'elle a pris à l'égard de la Géorgie dans le cadre de la médiation de l'Union européenne le 12 août et le 8 septembre 2008. Au cours de l'année écoulée, la coopération OTAN-Russie a progressé et a donné des résultats notables. Nous nous réjouissons, en particulier, de l'achèvement de la revue conjointe des défis de sécurité communs du XXIe siècle, qui définit des projets de coopération pratique concernant l'Afghanistan, notamment pour ce qui est de la lutte antidrogue ; la non-prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs ; la lutte contre la piraterie ; la lutte contre le terrorisme ; et la réponse aux catastrophes. Nous nous félicitons également des nouveaux arrangements, plus étendus, proposés par la Russie en vue de faciliter le transit à destination et en provenance de l'Afghanistan pour la FIAS. Nous cherchons activement à coopérer avec la Russie dans le domaine de la défense antimissile, y compris par la reprise des exercices de défense contre les missiles de théâtre. Nous souhaiterons également débattre, au Conseil OTAN-Russie, d'une série d'autres sujets, dont l'Afghanistan, l'application des principes de l'OSCE, les déploiements militaires, y compris tous ceux qui pourraient être perçus comme menaçants, le partage de l'information et la transparence concernant la doctrine et la posture militaires, ainsi que la disparité globale des arsenaux nucléaires à courte portée, la maîtrise des armements et d'autres questions de sécurité. Nous attendons avec intérêt de débattre de toutes ces questions au Conseil OTAN-Russie, forum de dialogue politique en toutes circonstances et sur tous les sujets, y compris ceux sur lesquels nous avons des avis divergents. Le dialogue et la coopération avec la Russie nous aident aussi à surmonter nos différences en renforçant la confiance mutuelle, la transparence, la prévisibilité et la compréhension mutuelle.

On retrouve également cette volonté de renforcer les liens entre l'OTAN et la Russie dans le nouveau concept stratégique de l'Alliance adopté à Lisbonne.

EXTRAITS DU NOUVEAU CONCEPT STRATÉGIQUE DE L'OTAN, ADOPTÉ LORS DU SOMMET DE LISBONNE, LES 19 ET 20 NOVEMBRE 2010

(...)

23. La coopération OTAN Russie revêt une importance stratégique car elle contribue à la création d'un espace commun de paix, de stabilité et de sécurité. L'OTAN ne représente aucune menace pour la Russie. Au contraire, nous souhaitons un véritable partenariat stratégique entre l'OTAN et la Russie, et nous agirons en conséquence, attendant de la Russie une attitude réciproque.

24. La relation OTAN Russie repose sur les objectifs, les principes et les engagements énoncés dans l'Acte fondateur OTAN Russie et la Déclaration de Rome, s'agissant tout particulièrement du respect des principes démocratiques ainsi que de la souveraineté, de l'indépendance et de l'intégrité territoriale de tous les États de la zone euro atlantique. Malgré certaines divergences sur des points particuliers, nous demeurons convaincus que la sécurité de l'OTAN et celle de la Russie sont indissociablement liées et qu'un partenariat solide et constructif, s'appuyant sur la confiance mutuelle, la transparence et la prévisibilité, servirait au mieux notre sécurité. Nous sommes déterminés :

- à renforcer les consultations politiques et la coopération pratique avec la Russie dans des domaines où nos intérêts se recoupent, notamment la défense antimissile, la lutte contre le terrorisme, la lutte antidrogue, la lutte contre la piraterie et la promotion de la sécurité internationale au sens large ;

- à exploiter tout le potentiel du Conseil OTAN Russie au profit d'un dialogue et d'une action conjointe avec la Russie.

La déclaration conjointe adoptée à l'issue de la réunion du Conseil OTAN-Russie, qui s'est tenue à Lisbonne le 20 novembre 2010, témoigne également de cette volonté de renforcer la coopération dans toute une série de domaines, y compris la défense anti-missiles.

Déclaration conjointe du COR

Réunion du Conseil OTAN-Russie au niveau des Chefs d'Etat et/ou de gouvernement tenue à Lisbonne le 20 Novembre 2010

Nous, chefs d'État et de gouvernement des pays membres du Conseil OTAN-Russie, nous sommes réunis aujourd'hui à Lisbonne et avons affirmé que nous sommes entrés dans une nouvelle phase de coopération vers un véritable partenariat stratégique.

Nous avons réaffirmé tous les buts, principes et engagements inscrits dans l'Acte fondateur, la Déclaration de Rome et la Charte de sécurité européenne établie par l'OSCE en 1999, y compris dans la « Plate-forme pour la sécurité coopérative », et nous avons reconnu que la sécurité de tous les États de la communauté euro-atlantique est indivisible et que la sécurité de l'OTAN et celle de la Russie sont étroitement liées. Nous nous emploierons à conclure un véritable partenariat stratégique modernisé fondé sur les principes de la confiance mutuelle, de la transparence et de la prévisibilité, l'objectif étant de contribuer à la création d'un espace commun de paix, de sécurité et de stabilité dans la zone euro-atlantique. Les États membres du Conseil OTAN-Russie s'abstiendront de recourir à la menace ou à l'emploi de la force l'un contre l'autre ainsi que contre tout autre État, sa souveraineté, son intégrité territoriale ou son indépendance politique, de toute manière qui soit incompatible avec la Charte des Nations Unies et avec la Déclaration sur les principes régissant les relations mutuelles des États participants consignée dans l'Acte final d'Helsinki.

Les États membres du Conseil OTAN-Russie sont déterminés à travailler en tant que vingt neuf partenaires égaux afin de réaliser le formidable potentiel du Conseil OTAN-Russie, en continuant pour ce faire à développer leur dialogue politique et leur coopération pratique sur la base de leurs intérêts communs. Nous soulignons que le Conseil OTAN-Russie est un forum qui permet un dialogue politique en toutes circonstances et sur tous les sujets, y compris ceux de désaccord. Nous sommes déterminés à faire jouer pleinement ce mécanisme de consultation, de construction de consensus, de coopération, de décision conjointe et d'action conjointe sur un large éventail de questions de sécurité dans la région euro-atlantique. Nous reconnaissons tous que les États membres du Conseil OTAN-Russie peuvent tirer parti de politiques visionnaires et transparentes visant à renforcer la sécurité et la stabilité dans la zone euro-atlantique, y compris grâce aux institutions et aux instruments existants. Nous soutenons fermement la redynamisation et la modernisation du régime de maîtrise des armements conventionnels en Europe, et nous sommes prêts à poursuivre le dialogue sur les questions relatives à la maîtrise des armements, au désarmement et à la non-prolifération qui présentent de l'intérêt pour le Conseil OTAN-Russie. Nous nous félicitons de la conclusion du nouveau Traité START et attendons avec intérêt qu'il soit ratifié et qu'il entre en vigueur rapidement. Les États membres du Conseil OTAN-Russie sont résolus à oeuvrer à un monde plus sûr pour tous et à créer les conditions d'un monde sans armes nucléaires, conformément aux objectifs énoncés dans le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), d'une manière qui promeuve la stabilité internationale et sur la base du principe d'une sécurité non diminuée pour tous.

Aujourd'hui, nous avons entériné la revue conjointe des défis de sécurité communs du XXIe siècle, lancée il y a un an. Nous avons des intérêts communs importants et faisons face à des défis communs. Sur cette base, nous avons donc défini des activités concrètes de coopération pratique.

Nous sommes convenus de discuter de la poursuite de la coopération dans le domaine de la défense antimissile. Nous avons adopté une évaluation conjointe des menaces liées aux missiles balistiques et décidé de poursuivre le dialogue dans ce domaine. Le Conseil OTAN-Russie va de plus reprendre la coopération sur la défense contre les missiles de théâtre. Nous avons chargé le Conseil OTAN-Russie d'établir une analyse conjointe approfondie du cadre futur de la coopération en matière de défense antimissile. L'avancement de cette analyse sera évalué à la réunion que les ministres de la Défense des pays du Conseil OTAN-Russie tiendront en juin 2011.

Nous avons souligné l'importance de l'action internationale en soutien au gouvernement afghan et en faveur de la paix et de la stabilité régionales. Dans ce contexte, les dispositions révisées visant à faciliter davantage encore le transit ferroviaire, par le territoire russe, de matériels non létaux destinés à la FIAS ont une valeur toute particulière. Compte tenu du succès du projet du Conseil OTAN-Russie sur la formation à la lutte antidrogue, nous nous réjouissons de l'inclusion du Pakistan parmi les pays participants, aux côtés de l'Afghanistan, du Kazakhstan, de la République kirghize, du Tadjikistan, du Turkménistan et de l'Ouzbékistan, et nous avons décidé d'élargir le champ d'action de ce projet afin d'accroître l'aide directe au renforcement des capacités institutionnelles, en étroite consultation avec les gouvernements des pays qui envoient des participants. Par ailleurs, afin de rendre les forces aériennes afghanes à même d'utiliser plus efficacement leur flotte d'hélicoptères, nous avons également demandé la mise en oeuvre, en 2011, d'un fonds d'affectation spéciale du Conseil OTAN-Russie pour la maintenance des hélicoptères.

En ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, le Conseil OTAN-Russie renforcera sa coopération, y compris en développant conjointement des technologies de détection des explosifs 1 , en luttant contre les menaces terroristes qui pèsent sur l'aviation civile 2 et en échangeant des informations sur le terrorisme. La Fédération de Russie a confirmé son souhait d'apporter à nouveau son soutien à l'opération « Active Endeavour » de lutte contre le terrorisme menée par l'OTAN en mer Méditerranée.
Étant donné que la piraterie et les vols à main armée en mer continuent de représenter une menace de plus en plus grave pour la sûreté maritime, les États membres du Conseil OTAN-Russie vont étendre, notamment au moyen d'entraînements et d'exercices conjoints, leur coopération actuelle au niveau tactique.
Nous mettrons à profit l'amélioration de nos relations pour aplanir plus facilement nos divergences de vues. Sur la base de notre agenda de coopération conjoint, nous, chefs d'État et de gouvernement des pays membres du Conseil OTAN-Russie, avons décidé d'élargir et d'approfondir davantage encore le dialogue et la coopération pratique OTAN-Russie et de favoriser un partenariat OTAN-Russie qui renforce la sécurité pour tous dans la zone euro-atlantique et au-delà.

1. STANDEX (Détection à distance des explosifs)

2. CAI - Initiative sur l'espace aérien en coopération

Enfin, on peut mentionner, à titre d'illustration du rapprochement entre l'OTAN et la Russie, l'exercice conjoint mené le 7 juin dernier dans le cadre de la lutte anti-terroriste. Lors de cet exercice, des avions de l'armée de l'air polonaise ont escorté et transmis à des chasseurs russes la surveillance d'un avion de ligne « détourné » au dessus de la frontière commune, simulant de cette manière le type de coopération requis en cas de tentative d'attentats terroristes par la voie aérienne.

Les relations entre l'OTAN et la Russie restent toutefois empreintes de méfiance des deux côtés.

À cet égard , la mise en place du futur système de défense anti-missiles de territoire devrait constituer le principal défi en ce qui concerne l'avenir des relations entre l'OTAN et la Russie.

L'abandon par le Président Barack Obama du projet d'installation d'éléments du système américain de défense anti-missiles en Pologne et en République tchèque, qui avait été soutenu par l'administration Bush, mais qui était fortement dénoncé par la Russie et perçu comme une menace directement dirigée contre elle, avait permis d'apaiser les tensions et de relancer les discussions sur ce sujet sur une base plus constructive.

Pour autant, les Etats-Unis ne sont pas prêts à renoncer à la construction d'un système de défense anti-missiles, qui soit en mesure de protéger la population et le territoire américain, et celui de ses alliés, face à la menace représentée par la prolifération de missiles balistiques, notamment en provenance d'Iran ou de la Corée du Nord.

Rappelons que la Russie possède elle-même son propre système de défense antimissile installé durant la guerre froide pour protéger la région de Moscou des missiles à moyenne et longue portée. Il se compose de près d'une centaine d'intercepteurs à charge nucléaire. La Russie dispose aussi de systèmes de défense antimissile de théâtre (S-300 et S-400).

Lors du Sommet de Lisbonne, les pays de l'OTAN ont décidé de mettre en place une capacité de défense anti-missiles pour assurer la protection du territoire et des populations des pays européens de l'Alliance, tout en exprimant leur volonté de coopérer étroitement avec la Russie sur ce sujet.

La France, qui était au départ assez réticente au projet de défense anti-missiles de territoire, en raison notamment de la crainte que ce système soit perçu non comme un complément mais comme un substitut à la dissuasion nucléaire, avait beaucoup milité pour inscrire le principe d'une coopération avec la Russie en matière de défense anti-missiles afin que ce système ne soit pas perçu comme une menace par la Russie.

En définitive, le Conseil OTAN-Russie a adopté une évaluation conjointe des menaces liées aux missiles balistiques et décidé de reprendre la coopération sur la défense contre les missiles de théâtre. Le Conseil OTAN-Russie a également décidé de procéder à une analyse conjointe approfondie du cadre futur de la coopération en matière de défense anti-missiles de territoire.

Cette forte volonté d'une coopération avec la Russie en matière de défense anti-missiles représente un tournant majeur dans les relations entre l'OTAN et la Russie , comme l'a reconnu l'ambassadeur russe auprès de l'OTAN, M. Dimitri Rogozine, lors de notre entretien, le 14 février 2011.

Malgré cette volonté commune, toutes les difficultés ne sont pas réglées pour autant et d'importantes divergences subsistent sur la nature, l'architecture et la localisation du futur système de défense anti-missiles 6 ( * ) .

Les responsables russes ont proposé un système conjoint au sein duquel la Russie et l'OTAN assumeraient chacune la responsabilité de la défense anti-missile d'un secteur de l'Europe. En outre, le développement et la planification d'un tel système seraient menés de manière totalement conjointe. « La participation permanente de spécialistes russes à la conception de l'architecture du système de défense anti-missiles en Europe doit constituer la condition principale de la coopération » a indiqué le chef de l'état-major général russe, le général Nikolaï Makarov, en janvier 2011.

A l'inverse, les responsables des Etats-Unis et de l'OTAN insistent sur le fait qu'il conviendrait d'examiner comment deux systèmes distincts, dont chacun protège son territoire et ses populations, pourraient au mieux se renforcer mutuellement. Le Secrétaire général de l'OTAN, M. Anders Fogh Rasmussen, a déclaré que « la vision de l'Alliance est d'avoir deux systèmes séparés mais liés, qui partagent et échangent des informations permettant de mieux déterminer les possibles menaces » 7 ( * ) . Comme l'a fait valoir la Secrétaire d'Etat adjointe américaine, « l'OTAN protègera l'OTAN, et c'est l'essentiel en ce qui nous concerne ».

La Russie voudrait aussi conclure un accord formel, juridiquement contraignant, avec l'Alliance, selon lequel aucune des deux parties ne ciblerait les missiles offensifs de l'autre avec les intercepteurs de défense anti-missiles. Les responsables russes continuent, en effet, de craindre que les systèmes défensifs de l'OTAN ne mettent en danger leur propre force nucléaire stratégique, sapant ainsi sa valeur dissuasive, « qui est la base et la garantie de notre souveraineté et de notre indépendance » , a indiqué Dimitri Rogozine, en février 2011. Parmi les principales préoccupations russes figurent les missiles intercepteurs plus évolués qui seraient déployés en Europe vers 2018, dans le cadre de l'approche adaptive phasée. Ces missiles intercepteurs SM-3 Block IIA seraient, en effet, conçus pour être capables de contrer les missiles balistiques intercontinentaux.

La possibilité d'un accord juridiquement contraignant qui réponde aux préoccupations russes paraît toutefois actuellement peu probable, car il devrait être approuvé par les 2/3 des membres du Sénat américain. Or le parti démocrate n'y possède plus qu'une courte majorité et les Sénateurs républicains sont opposés à toute limitation du système de défense anti-missiles.

Les responsables russes mettent aussi en doute la justification du déploiement final de missiles intercepteurs en Pologne, emplacement qu'ils jugent éloigné de la menace balistique en provenance d'Iran.

Ainsi, de nombreux désaccords persistent sur le futur système de défense anti-missiles.

Aucun résultat concret n'a d'ailleurs été enregistré lors de la récente réunion des vingt-neuf ministres de la défense du Conseil OTAN-Russie, qui s'est tenue le 8 juin dernier. A l'issue de cette réunion, le ministre russe de la défense, M. Anatoly Serdioukov aurait déclaré 8 ( * ) : « Les divergences sont fondamentales. Nous parlons d'abord de garanties écartant la possibilité d'une utilisation de la défense européenne antimissile pour intercepter des ICBM russes ». « Nous n'avons pas non plus formulé l'objectif ultime de la coopération, ni défini les grandes lignes et l'architecture du système de défense anti-missiles » a-t-il ajouté.

Pour autant, la Russie reste un partenaire clef de l'OTAN en matière de défense anti-missiles.

Dans une lettre conjointe 9 ( * ) , l'ancien ministre russe des Affaires étrangères, M. Igor Ivanov, et l'ancienne Secrétaire d'Etat américaine, Mme Madeleine Albright, ont proposé des pistes intéressantes pour la coopération entre l'OTAN et la Russie en matière de défense anti-missiles.

Dans cette lettre, ces deux personnalités ont identifié un certain nombre de domaines qui pourraient faire l'objet d'une coopération entre l'OTAN et la Russie, comme, par exemple, la création d'un centre commun d'analyse des données, qui évaluerait les données des radars de détection lointaine et des capteurs spatiaux, le lancement d'exercices conjoints d'entraînement à la défense anti-missiles, et, à plus long terme, la mise au point de protocoles ou d'instructions pour la réaction rapide qui serait exigée des responsables de l'OTAN ou de la Russie si un lancement d'un intercepteur de missile devait s'avérer nécessaire.

Par ailleurs, la Russie pourrait apporter une contribution notable à ce système, grâce notamment à ses moyens d'alerte avancés, à l'image du radar dont elle dispose sur la base de Gabala, en Azerbaïdjan, située à proximité immédiate de l'Iran.

Il est indispensable de poursuivre les efforts en vue de trouver un accord avec la Russie sur le futur système de défense anti-missiles.

Car, l'alternative évoquée par Vladimir Poutine serait une relance de la « course aux armements » et un regain de tensions en Europe.

Lors d'un entretien avec l'ambassadeur de Chine en France, Son Exc. M. Quan Kong, celui-ci m'a indiqué que la Chine partageait les préventions de la Russie à l'égard de la défense anti-missiles.

Il m'a fait observer qu'en chinois le mot « contradiction » est la contraction des mots « lance » et « bouclier ». Évoquant les risques d'une nouvelle « course aux armements », il m'a cité le proverbe chinois, selon lequel, plus le fabriquant de boucliers renforce ses boucliers, plus le vendeur de lances les perfectionne afin qu'elles puissent percer les boucliers.

L'enjeu est donc de faire en sorte que la défense anti-missiles soit un sujet de coopération et non de confrontation entre l'OTAN et la Russie.

À terme, pourquoi ne pas imaginer qu'un jour, la Russie ne soit tentée de devenir membre à part entière de l'OTAN, notamment face à la montée en puissance de la Chine ?

Une telle hypothèse a été évoquée par certains experts 10 ( * ) et même par l'ancien Secrétaire général de l'OTAN, M. Jaap de Hoop Scheffer, en 2009, et par des responsables russes.


* 6 Voir le projet de rapport « Défense anti-missiles : orientations futures de l'OTAN ? » de M. Raymond Knops, au nom de la commission « Défense et sécurité » de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, du 21 avril 2011.

* 7 Cité dans « Europe Diplomatie et Défense », du 11 juin 2011, n°423

* 8 Interfax

* 9 Mme Madeleine Albright et M. Igor Ivanov, « Moving ahead on reducing nuclear arms », The International Herald Tribune, 7 avril 2011.

* 10 Voir sur ce point l'article de Charles A. Kupchan, « Why Russia should join the Atlantic Alliance », paru dans la revue « Foreign Affairs », mai-juin 2010, pp. 101 à 112.

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