Audition de MM. Yves CENSI, président, et Guy DECOURTEIX,
secrétaire général, du Conseil national de l'insertion par l'activité économique (CNIAE) et de M. Pascal DUPREZ, président de la commission insertion par l'activité économique, emploi et formation de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars)
(mardi 28 juin 2011)

M. Claude Jeannerot , président . - Nous avons aujourd'hui le plaisir de recevoir MM. Yves Censi, président du conseil national de l'insertion par l'activité économique (CNIAE), Pascal Duprez, président de la commission insertion par l'activité économique, emploi et formation de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars) et Guy Decourteix, secrétaire général du CNIAE. Nous souhaitons vous entendre afin d'avoir votre éclairage sur les relations entre le secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) et Pôle emploi. Nous pressentons, et nous voudrions le vérifier avec vous, que l'insertion professionnelle des personnes les plus éloignées de l'emploi dépend beaucoup de la qualité du partenariat entre ces deux acteurs.

M. Yves Censi, président du CNIAE . - Je veux dire d'abord combien je suis heureux de pouvoir apporter ma participation à la réflexion de votre mission d'information, car c'est une occasion pour moi de mieux faire connaître le CNIAE et son action. Il n'est pas si fréquent en effet que le CNIAE soit appelé à témoigner. S'il est très présent et reconnu sur le terrain, on songe peu à lui et à l'importance de l'insertion par l'activité économique, lorsqu'il s'agit de prendre des décisions en matière de politique d'insertion et de politique de l'emploi, y compris lors des débats budgétaires relatifs aux emplois aidés. Quelques mots de présentation générale du CNIAE ne sont donc pas inutiles.

Le CNIAE est une structure directement rattachée au Premier ministre. Il a été créé par MM. Michel Rocard et Claude Alphandéry, qui considéraient que le pendant du RMI devait être l'insertion par l'activité économique. Cette approche très pragmatique de l'insertion, à la frontière de l'économique et du social, devait être au coeur des politiques d'emploi. L'insertion par l'activité économique a la particularité de ne pas être une politique de guichet. Elle ne propose pas des prestations sociales, mais repose sur un suivi de la personne qui mobilise, bien au-delà de l'administration, un certain nombre de fédérations, de réseaux associatifs et d'entreprises d'insertion. On n'est donc pas dans le cadre d'un projet national diffusé de façon uniforme au travers de guichets, mais dans un processus où chaque personne prise en charge est elle-même un projet et fait l'objet d'un accompagnement personnel avec un parcours d'insertion. C'est ce qui lui donne, nous le croyons fermement, son efficacité. Evidemment, l'IAE s'adresse à des personnes plutôt éloignées de l'emploi.

Le CNIAE représente près de 5 000 structures d'insertion par l'activité économique. Il rassemble, autour du Premier ministre, quarante et un membres, appartenant à quatre collèges : les représentants des administrations, avec bien sûr la DGEFP, un certain nombre d'élus nationaux et locaux, des réseaux d'insertion représentatifs et les partenaires sociaux. Le CNIAE est consulté sur tous les textes relatifs à l'IAE. C'est aussi un lieu de réflexion et une plate-forme d'échange des bonnes pratiques. C'est enfin un acteur économique important, puisque l'IAE réalise 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires, généré par l'activité d'environ 250 000 personnes par an.

Concernant les questions que m'a transmises le rapporteur et, pour commencer celle des relations entre Pôle emploi et les structures d'insertion par l'activité économique (SIAE), je rappellerai que la vocation de l'IAE est d'accompagner vers l'emploi les personnes qui en sont le plus éloignées. Elles y parviennent en combinant, dans un même parcours, l'emploi et l'accompagnement professionnel et social. Pôle emploi est bien entendu un partenaire privilégié des structures d'IAE. Pôle emploi intervient d'abord comme prescripteur. Au vu du profil du demandeur d'emploi, Pôle emploi, normalement aux côtés d'autres acteurs comme les missions locales, le plan local pour l'insertion et l'emploi (Plie) et les missions locales, effectue un diagnostic qui permet d'orienter le demandeur d'emploi vers une SIAE. Ensuite, il y a un agrément délivré par Pôle emploi, qui permet à la personne d'intégrer une structure et, à cette dernière, de bénéficier des aides de l'Etat. Enfin, Pôle emploi intervient dans le suivi et, comme on le verra, ce suivi se passe plus ou moins bien selon les territoires.

En tant que tel, ce schéma nous paraît adapté mais, sur le terrain, les pratiques sont très inégales du fait du fonctionnement plus ou moins actif des commissions techniques d'animation (CTA), qui sont normalement le lieu opérationnel de suivi des parcours. Nous avons réalisé une étude de la gouvernance dans quatre territoires, dont le Doubs, qui le montre clairement. La connaissance de l'offre d'insertion proposée par les structures d'IAE est, dans certains cas, insuffisante et je pense qu'il appartient à Pôle emploi de mieux la faire connaître. Je passe la parole à M. Pascal Duprez, qui entrera plus dans le détail.

M. Pascal Duprez, président de la commission insertion par l'activité économique, emploi et formation de la Fnars . - Il faut commencer par rappeler que le rapprochement de Pôle emploi et des Assedic s'est fait à un moment difficile, avec un afflux des demandeurs d'emploi. Il ne faut pas oublier ce contexte : les agences de Pôle emploi, sur les territoires, ont été déstructurées. Parallèlement, il y a eu la déstructuration des structures partenaires, comme les Direccte, qui sont elles-mêmes issues d'une réforme concomitante à celle de Pôle emploi. L'IAE a elle-aussi été bousculée par de nouvelles modalités de conventionnement et une réforme des conseils départementaux de l'insertion par l'activité économique (CDIAE). Tout cela s'est produit en même temps et a perturbé les relations entre les acteurs. Il n'empêche que des discussions ont pu avoir lieu et qu'elles ont débouché sur un accord-cadre entre l'Etat, Pôle emploi et les SIAE. On en est au stade de sa déclinaison locale, qui est achevée dans certaines régions, mais qui reste encore à faire dans d'autres.

La deuxième remarque que je voudrais faire porte sur les disparités entre les territoires : les relations fonctionnent bien ou très bien dans certains endroits et pas dans d'autres. Les choses marchent bien lorsque les SIAE ont affaire à des interlocuteurs issus de l'ex-ANPE, qui connaissent bien l'insertion par l'activité économique. Ceux-là continuent à utiliser les outils qu'ils connaissent. Ceux qui sont issus de l'indemnisation se retrouvent en revanche face à un monde qu'ils ignorent, ce qui crée des difficultés de relations. Selon les territoires, Pôle emploi peut donc être bien présent ou complètement absent des CDIAE, qui sont pourtant les lieux où est censé se nouer le partenariat entre les SIAE, les Direccte, Pôle emploi et les conseils généraux.

Autre point à souligner : le contexte économique de la fusion a fait de la gestion des flux la priorité, notamment pour assurer l'indemnisation. Dans ces conditions, on ne s'occupe pas des gens les plus en difficulté, dont l'accompagnement exige du temps. Quand on reçoit un chômeur de longue durée en trente minutes, il est impossible d'aborder des problématiques personnelles lourdes en matière de santé ou d'addiction qui peuvent pourtant être des freins importants au retour à l'emploi. Donc, il y a actuellement une contradiction entre les exigences de l'IAE et le traitement de masse du chômage par Pôle emploi.

Pour ce qui est de nos préconisations, j'insiste tout d'abord sur l'importance de l'accord-cadre et de ses déclinaisons régionales et locales, dont je vous ai déjà parlé. C'est important pour dynamiser les relations entre les SIAE et Pôle emploi.

Nous proposons aussi de mettre en place des objectifs chiffrés en matière d'IAE dans les agences de Pôle emploi car, si on laisse un directeur d'agence avec ses seuls objectifs généraux de retour à l'emploi, il n'investira pas ses moyens dans les tâches qui réclament le plus de temps, telles que l'IAE. Donc si on veut que l'IAE soit véritablement prise en compte dans la stratégie de Pôle emploi, il faut l'identifier par des objectifs spécifiques.

Notre troisième préconisation est de former systématiquement les agents de Pôle emploi à l'IAE. Il faut que les SIAE puissent informer Pôle emploi sur ce qu'elles font et, inversement, il faut que les SIAE soient au courant de ce que fait Pôle emploi et de son mode de fonctionnement. La formation et l'information doivent se faire dans les deux sens.

Il est également important de travailler sur les passerelles vers l'emploi plus durable à l'issue de l'insertion par l'activité économique. Il ne faut pas que Pôle emploi ou les missions locales donnent aux SIAE le soin de faire ce travail parce qu'elles n'ont pas les moyens de le faire - ou alors il faut les financer pour cela. Il y a des problèmes très concrets à résoudre. Par exemple aujourd'hui, quand le demandeur d'emploi entre dans une SIAE, il est souvent radié de la liste des demandeurs d'emploi et perd tout droit aux prestations de Pôle emploi. Donc on passe énormément de temps et on perd beaucoup d'énergie à réinscrire des gens qui ont été radiés automatiquement par le système informatique.

La question du contingentement des contrats aidés est un autre point qui appelle une réponse. Les contrats aidés affectés à l'IAE ont été, nous dit-on, sanctuarisés à 65 000, alors que les besoins sont de 80 000. Pôle emploi ne prescrit pas les contrats aidés en fonction des besoins, mais du quota disponible : quand les quotas sont dépassés, les conseillers cessent de prescrire. Cela est très défavorable à l'insertion.

M. Claude Jeannerot , président . - Je vous remercie. Je voudrais vous poser cette question, monsieur le président : s'il y avait une seule mesure à prendre pour améliorer les relations entre l'IAE et Pôle emploi, quelle serait-elle ?

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - J'ai compris qu'il y avait un accord-cadre en cours de déclinaison locale et que cela pourrait apporter des réponses à certaines de nos interrogations. Ceci étant, j'ai été étonné de ne pas vous avoir une seule fois entendu évoquer les collectivités territoriales au cours de votre présentation. Or, dans l'IAE, elles jouent un rôle essentiel. Les conseils généraux suivent les bénéficiaires du RSA, qui font souvent partie du public de l'IAE. Les plans locaux pour l'insertion et l'emploi sont en général présidés par des élus et définissent la feuille de route en matière d'insertion, où l'IAE prend toute sa place. Nous avons remarqué, au cours de nos travaux, que le service public de l'emploi, localement, forme une sorte de mosaïque et que les choses s'organisent de manière efficace quand un élu met tout son poids pour impulser des actions cohérentes. Donc j'aurais voulu avoir votre sentiment sur la place des collectivités locales dans le service public local de l'emploi, puisque cela conditionne, me semble-t-il, largement l'efficacité de votre action.

Mme Annie David . - Je voudrais prolonger les propos de M. Jean-Paul Alduy en soulignant qu'on ne peut poser la question de la place des collectivités locales sans poser en même temps celle de leurs moyens, car on sait très bien qu'elles ne disposent pas toutes des mêmes ressources pour mettre en oeuvre leur politique sociale. Le problème se pose pour la mise en oeuvre des compétences sociales obligatoires et a fortiori pour les politiques non obligatoires comme l'insertion.

M. Yves Censi . - L'insertion par l'activité économique offre une véritable ingénierie, une ingénierie complexe, qui intéresse d'ailleurs de plus en plus, je voudrais le souligner, les écoles de management. Il s'est créé à l'Essec une chaire d'économie sociale et solidaire. Quel mode de management adopter avec des personnes qui rencontrent des difficultés très différentes et présentent parfois une incapacité à s'adapter ? Ce problème de fond a des conséquences sur les questions que vous avez soulevées.

Vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, on trouve localement des solutions portées par une forte personnalité et, selon les personnalités considérées, les voies suivies sont différentes. Ce que nous défendons, ce n'est pas telle solution plutôt que telle autre, c'est l'idée qu'il n'y a pas d'alternative à l'IAE pour s'occuper des personnes en grande difficulté. L'important est que, sur les territoires, dans leur diversité, à un certain moment, on se dise : la priorité, c'est l'emploi et seule l'IAE peut apporter à ces personnes l'accompagnement pour accéder à l'emploi. C'est un choix politique, sur la base duquel ensuite, on va mettre en place des solutions, des coopérations.

Vous avez parlé des moyens. Il y a au sein du CNIAE un débat entre les représentants des départements et des régions sur le thème : qui va payer ? Mais je trouve que les débats ont trop longtemps été pollués par cette question des moyens. Avant de parler des moyens, il faut parler des objectifs. D'abord, on se rassemble sur les objectifs, ensuite on détermine les modes de financement. Le débat sur le partage des enveloppes a été catastrophique pour le développement de ce secteur et il ne faut pas y revenir. Nous aurons, début juillet, une plénière avec le ministre du travail, M. Xavier Bertrand, qui s'est engagé à signer un maximum de conventions avec les conseils généraux pour fixer les conditions dans lesquelles l'Etat apportera son aide financière.

Reste à trouver la charnière entre les conseils généraux et régionaux, puisqu'on va être confronté à la difficulté de cette ingénierie de l'IAE dont le succès repose sur la diversité et la capacité d'adaptation aux territoires, aux personnes et aux ressources disponibles localement. On va bien sûr retrouver à ce niveau quelques données majeures. D'abord, la question de la capacité de mobilisation, parce que les projets ne vivent pas tout seuls, ils dépendent de porteurs de projets. Donc il faut qu'il y ait un porteur de projet à Pôle emploi. La présence d'un « référent IAE » au sein des agences de Pôle emploi et des directions régionales est essentielle. Pour les collectivités locales, si cette volonté n'existe pas, peut-on les obliger à s'investir ? Je ne le crois pas. On va retrouver, par exemple, le problème de la question des clauses sociales, qui sont extrêmement efficaces. Mais, là encore, doit-on les rendre obligatoires avec de véritables quotas ou doit-on mobiliser les collectivités sur ce thème et les convaincre d'utiliser au maximum cet outil ? Ce que je sais, c'est que, lorsqu'on parvient à les rassembler et qu'on trouve des porteurs de projet, c'est un outil très efficace. Pour finir, je dirai que la clé n'est pas dans l'obligation, dans la création d'un modèle unique. En matière d'insertion par l'activité économique, quelle que soit la structure institutionnelle, elle restera toujours une coquille vide sans un porteur de projet mobilisé. Ma conviction est que les bonnes volontés existent et qu'il faut les libérer. La bonne solution institutionnelle, c'est celle qui leur permet de s'exprimer au lieu de leur opposer des freins qui les épuisent.

M. Pascal Duprez . - Je ne suis pas sûr qu'il faille mettre des systèmes identiques partout. Il faut disposer d'une boîte à outils qui permette à chaque territoire de choisir celui qui lui convient le mieux. Ce que nous réclamons, c'est de l'autonomie, de l'initiative et des moyens. Il faut avoir un réel CDIAE : c'est le lieu où tous les acteurs devraient être présents. C'est sur ce point qu'il faudrait renforcer l'obligation, au besoin par un texte. Il ne suffit pas de prévoir que les acteurs sont associés, parce qu'ils peuvent très bien ne pas être présents. Je l'ai constaté s'agissant de Pôle emploi. Les conseils généraux y sont plus ou moins. Les partenaires sociaux y sont en théorie. Et puis il faut renforcer le lien avec le pacte territorial d'insertion. Les conseils généraux en sont en charge, mais certains l'élaborent tout seuls ! Il faut en faire un pour telle date, alors on en fait un, mais ce n'est qu'un papier.

Le service public de l'emploi local (SPEL) peut être l'outil adéquat pour assurer une bonne coordination. A ce niveau de maille, autour du sous-préfet, il y a des choses à faire. C'est peut-être le bon niveau pour organiser les structures d'insertion par l'activité économique. Je prends un exemple : quelqu'un qui est public de l'Etat, c'est-à-dire qui ne relève pas du RSA, est géré par l'Etat ; quelqu'un qui est allocataire du RSA est géré par le conseil général. C'est un système cloisonné. Or, cette distinction concerne les modalités de financement mais est sans conséquence sur la nature de l'accompagnement dont bénéficient les personnes dans le cadre de l'IAE. Donc l'IAE suppose de faire dialoguer des systèmes qui ne se parlent pas et de dépasser le cloisonnement des financements.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - J'entends bien ce que vous dites, mais il y a tout de même quelque chose de désespérant. On voit bien sur certains territoires ce qui marche, mais, au nom de la diversité, on dit : laissons chacun s'organiser. Alors je reviens sur les Plie : le rôle des Plie était bien de faire ce que vous dites. Il y avait cette instance départementale, qui était l'instance de gouvernance, et le Plie était l'instance opérationnelle, qui fixait la feuille de route et coordonnait les différents acteurs. Dans certains endroits, on voit la mission locale, la maison de l'emploi et le Plie réunis dans une même structure. Il y a dix-huit bassins d'emplois dans ce cas. Je crois que cette mission d'information devrait être l'occasion de dégager certaines idées force et cette idée ne peut pas être : la France est diverse, donc gardons la diversité. Quand on a construit la politique de la ville, on a fait les contrats urbains de cohésion sociale (Cucs). Je ne dis pas que c'est formidable, mais il y a tout de même une sorte de cahier des charges de base et un comité de suivi. On évalue. Le premier Cucs n'est pas terrible, mais le suivant est un peu mieux. Bref, il me semble, et pourtant je suis plutôt un girondin, qu'il y a tout de même un certain nombre d'outils qu'il faut rendre obligatoires si on veut faire progresser le dispositif. Il y a urgence. Il y a des trésors de compétences qui sont démolis, des chantiers d'insertion qu'on ferme, des régies de quartier qui disparaissent. Il y a une entreprise d'insertion qui fonctionne pendant quelques années, puis qui disparaît subitement parce qu'un des acteurs institutionnels se désinvestit. Un minimum de structure est donc nécessaire pour éviter ce gâchis. Les Plie, normalement, devraient nous éviter ce gâchis.

Mme Annie David . - Au-delà de la perte d'outils et de compétences, ce sont aussi des drames pour des femmes et des hommes qui se retrouvent encore plus fragilisés.

M. Yves Censi . - On retrouve ici les discussions que nous avons au sein du CNIAE. Pour ma part, je pense que la multiplication des outils, pas plus que l'obligation de les utiliser, ne se traduiront par une meilleure insertion. Nous sommes sur un terrain spontanément très fertile. L'insertion par l'activité économique est un modèle économique, je n'ai pas peur d'utiliser cette expression de « modèle économique », très dynamique. L'IAE, ce n'est pas que du social, c'est aussi un modèle d'action économique responsable, qui a certes besoin d'un accompagnement public pour être viable, mais qui reste malgré tout une démarche économique de création de richesse et d'utilité sociale. Ce type d'entreprise a donc besoin qu'on la laisse vivre. Il y a donc besoin d'une aide publique, aide dont le niveau global est déterminé en loi de finances, mais la difficulté est dans la mise en oeuvre de l'aide. J'ai beaucoup de respect pour la DGEFP, mais l'Etat doit comprendre que le temps où on disait « nous avons trouvé des solutions moyennes et uniformes applicables à toutes les structures » est révolu. Il faut mettre au point des critères d'évaluation souples et modernes. Il faut se dire que la politique de l'emploi aujourd'hui en France, ce doit être une politique qui confie une délégation de service public à ces structures sans regarder dans le détail ce qu'elles font. Pôle emploi pourrait utilement entrer dans ce processus.

M. Pascal Duprez . - Je souhaiterais revenir sur certaines de nos propositions. Il nous paraît utile d'inciter à la constitution de conférences de financeurs. Il faut aussi élaborer des contrats pluriannuels d'objectifs, avec des moyens afférents à ces contrats. Il faut aussi trouver des moyens d'évaluation de la performance qui aient un sens statistiquement. Quand on dit à une structure d'IAE qu'elle a de bons résultats une année parce qu'elle place une personne et de mauvais résultats l'année suivante parce qu'elle n'en place pas, cela n'a pas de sens. Il vaut mieux avoir une vision globale au niveau d'un CDIAE, où on apprécie la performance collective sur un territoire. Il nous paraît utile aussi de prévoir les moyens pour mettre en oeuvre l'accord-cadre, car signer un accord est une chose, l'animer en est une autre. Par exemple, à Pôle emploi, au niveau national, il n'y a même pas une personne qui s'occupe à temps complet du partenariat avec l'IAE. On a une personne à mi-temps qui va s'occuper de la coordination des partenariats locaux : est-ce efficace ? C'est la même chose au niveau des agences de Pôle emploi. Il faut aussi que Pôle emploi participe aux diagnostics territoriaux sur les publics et les besoins en emploi. Les enquêtes de besoin en main-d'oeuvre actuelles ne reflètent pas la réalité des besoins de l'économie sociale et solidaire. Pour resserrer les liens entre Pôle emploi et l'IAE, nous pensons par ailleurs qu'il faut non seulement un « référent IAE » dans chaque agence, mais aussi un « correspondant IAE » au sein de la direction régionale de Pôle emploi. Il faut en outre s'appuyer davantage sur les structures d'IAE pour développer des activités nouvelles. Si vous considérez par exemple des domaines comme la récupération des déchets, la valorisation du patrimoine ou l'éco-construction, vous verrez que les entreprises d'IAE ont eu un rôle pionnier. Mais leur développement est bloqué par le contingentement des contrats aidés. Cela crée une incertitude qui bloque le développement des entreprises d'insertion. Comment se lancer sur un marché, même comportant des clauses sociales, si on ne sait pas si on pourra disposer de contrats aidés ?

M. Claude Jeannerot , président . - Merci pour ces contributions précieuses.

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