Audition de M. Xavier BERTRAND,
ministre du travail, de l'emploi et de la santé
(mardi 28 juin 2011)

M. Claude Jeannerot , président . - Au terme de nos travaux, nous souhaitons vous entendre, monsieur le Ministre, sur le fonctionnement de Pôle emploi. Vous réfléchissez à une nouvelle feuille de route : c'est le bon moment pour vous interroger. Quels changements pourraient être initiés par l'Etat dans le cadre du renouvellement de la convention tripartite ? Quelles sont les intentions du gouvernement sur le plan budgétaire ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé . - J'ai pris mes fonctions il y a sept mois, mais je m'intéressais déjà à Pôle emploi en tant qu'élu local et parlementaire... La fusion entre l'ANPE et les Assedic, on en parlait depuis vingt ans, sans la faire. Elle est enfin réalisée. Il ne s'agissait pas de produire un meccano administratif, mais un outil au service des demandeurs d'emploi et des entreprises. Une crise sans précédent est intervenue et le nombre des demandeurs d'emploi a augmenté comme jamais : un demi-million de plus en un court laps de temps.

On voulait créer un lieu unique pour aider les chômeurs dans leur recherche d'emploi et traiter leur dossier d'indemnisation, faire plus simple et plus efficace ; on entendait aussi aider les entreprises en relayant les offres d'emplois. La fusion consistait à marier deux institutions de cultures différentes, deux catégories de personnels, deux systèmes informatiques, etc. Le rendez-vous était incontournable, le défi inégalé, mais tout ce qui a été réalisé est désormais un acquis. Après la fusion, après le choc de la crise, à présent que nous sommes dans l'après-crise, une nouvelle feuille de route m'a parue nécessaire.

Pôle emploi est un acteur incontournable mais non exclusif de la politique de l'emploi. Or toute la pression est focalisée sur cette institution et sur ses agents. La part de marché de Pôle emploi pour la collecte des offres d'emploi n'est pourtant que de 18 %. A Suresnes récemment, un chef d'entreprise m'a dit : « Pôle emploi, ça ne va pas ». Quand je l'ai interrogé, il m'a expliqué qu'il préférait passer par des cabinets de recrutement, qui attirent des salariés déjà en poste dans d'autres entreprises, en leur proposant de meilleures conditions salariales, mais ne cherchent pas des chômeurs. Pôle emploi ne répond donc pas au besoin de ce chef d'entreprise. Trop souvent, on dit comme lui que Pôle emploi « ça ne va pas », sans réfléchir à ce que l'on peut ou non lui demander. Les agents ont à coeur d'aider les demandeurs d'emploi. Ils ont su être au rendez-vous. Mais leur charge de travail a beaucoup augmenté avec la crise...

La centralisation était indispensable au moment de la fusion. En période de sortie de crise, il faut déconcentrer pour gagner en réactivité ; ce sont les agences locales qui sont les mieux à même de répondre aux multiples enjeux. Je pourrais vous parler des procédures d'accueil simplifiées, du parc immobilier en restructuration, des formations de plus en plus nombreuses, du numéro de téléphone unique. Je précise que la grande enquête de satisfaction menée auprès de 100 000 demandeurs d'emploi et de 30 000 entreprises a montré que les résultats étaient là. Comme le rapport intermédiaire sur la mise en oeuvre de la convention tripartite l'a mis en évidence, la crise a ralenti la fusion. Il y a eu le rapport de l'Inspection général des finances (IGF), qui procédait à une comparaison entre pays, le rapport du Conseil économique, social et environnemental, assorti de recommandations, le rapport du Centre d'analyse stratégique (CAS), qui appelle à plus d'autonomie des conseillers - je le souhaite aussi. Bientôt votre rapport va compléter ces analyses.

Il y a de fortes attentes pour plus de simplicité dans les démarches, pour un service plus personnalisé. Les agents, quant à eux, veulent plus intervenir dans l'organisation, car ils connaissent leur métier. Je n'élaborerai pas seul dans mon bureau la feuille de route de Pôle emploi, je tiendrai compte des rapports, de ce que disent les partenaires sociaux, les administrateurs de Pôle emploi - j'ai eu une première réunion avec ces derniers et j'ai constaté que nous n'étions pas très éloignés les uns des autres. Le 11 mai, j'ai réuni le comité de suivi de la convention tripartite ; nous aurons une autre réunion en juillet pour préciser la feuille de route. Car pourquoi attendre le début de l'année 2012 si nous sommes d'accord dès maintenant sur le nouvel esprit à insuffler ?

Le chômage a augmenté au mois de mai, après une période de baisse : 17 700 chômeurs de plus, il faut redoubler d'efforts. Les résultats sont très liés à la conjoncture économique ; en avril et mai, la consommation a été inférieure à celle du premier trimestre. Je veux plus d'apprentissage, plus d'emplois aidés, une mobilisation du service public local de l'emploi, une personnalisation des services en fonction des besoins et une plus grande marge de manoeuvre donnée au niveau régional, départemental, et surtout local. Parce qu'il faut se situer au coeur des territoires, j'ai demandé aux sous-préfets de réunir, tous les mois, les acteurs du service public de l'emploi, le SPEL.

Le pilotage, au sein de Pôle emploi, doit passer d'une logique de moyens à une logique d'impact. Nous consacrons de nouveaux moyens à la politique de l'emploi, un demi-milliard d'euros en plus, dont 300 millions d'euros pour les contrats de professionnalisation. La proposition de loi pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels est sur les rails. Enfin, une action sera entreprise pour les métiers en tension.

J'ai une obligation de résultat. J'avais fixé un objectif de baisse du chômage en deçà de 9 %, à une période où personne n'y croyait. Aujourd'hui, on me dit que « ce n'est pas ambitieux »... Si l'on peut mieux faire, j'attends la recette !

M. Claude Jeannerot , président . - Le rapport comparatif de l'IGF montre que les moyens consacrés en France au service public de l'emploi sont inférieurs à ceux constatés en Grande-Bretagne ou en Allemagne. Quelle conclusion en tirez-vous ?

Une baisse d'un mois de la durée moyenne du chômage, c'est un gain de 2,2 milliards d'euros pour l'assurance chômage. Peut-on en tirer des enseignements pour mieux attribuer les moyens ?

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - La réforme était incontournable et l'essentiel a été réalisé. Personnalisation des parcours, marges de manoeuvre données aux agences, action au coeur des territoires, logique d'impact : vos propos et nos propres orientations sont en phase. Cependant, où est la culture de la performance dans ce dispositif ? Impact et performance ne sont pas équivalents. Personne n'est capable d'analyser les critères de performance inscrits dans la convention tripartite... Chaque mois, 500 000 personnes sortent de la liste des demandeurs d'emploi, sans que l'on sache ce que deviennent 200 000 d'entre elles - ont-elles retrouvé un travail par elles-mêmes ? Le comité de suivi de la convention tripartite ne s'est réuni que très irrégulièrement et les critères de performance ne font pas l'objet d'un suivi suffisant. N'est-il pas possible d'envisager une gouvernance plus centrée sur les performances et moins sur les moyens ? Cela renvoie aussi à la question de la composition du conseil d'administration et à la façon dont on discute le budget avec l'Unedic.

Vous avez parlé des territoires. En Picardie, missions locales, maisons de l'emploi, et plans locaux pour l'insertion et l'emploi se sont regroupés, ce qui contribue à simplifier la mosaïque du SPEL. Pourquoi ne pas favoriser de tels regroupements par de meilleures dotations budgétaires ? La gouvernance du SPEL est encore faible. Les collectivités sont diversement associées : certains départements ont signé des conventions avec Pôle emploi, mais pas tous, et leur nombre est en recul sur les trois dernières années. De même, peu de régions ont créé des plates-formes de formation communes avec Pôle emploi pour coordonner leurs achats. Quant au bloc communal, il est peu sollicité. Les sous-préfets, qui sont missionnés pour animer avec plus de régularité le SPEL, changent d'affectation tous les deux ans : or une continuité est nécessaire. Le triangle Pôle emploi, Etat et collectivités territoriales mérite d'être revu, avec le souci de l'efficacité des sommes investies plutôt qu'une logique comptable.

M. Alain Gournac . - Cette mission a été très bien menée. Je félicite le président et le rapporteur ainsi que les autres membres de la mission pour le travail accompli. Je fournirai une contribution si le rapport s'écarte de ce que j'ai moi-même perçu durant nos travaux.

Il est très bien d'avoir fait la fusion ; le personnel est très engagé, malgré des cultures différentes. J'ai constaté aussi le professionnalisme des agents, au cours des discussions que nous avons pu avoir avec eux. Mais ils sont débordés, or un contact de qualité ne peut être trop rapide.

La procédure d'appels d'offres pour le recours aux opérateurs privés de placement n'est pas satisfaisante. Je souhaiterais plus d'intelligence dans cette procédure, afin que chaque opérateur exploite au mieux ses points forts et contribue à de meilleures performances. Le système peut mieux fonctionner. De l'argent est investi. Il faut des résultats humains, et une meilleure considération de la personne afin de la remettre au travail.

Mme Annie David . - Vous avez raison, monsieur le ministre, de dire que la fusion a coïncidé avec la crise et que le chômage a augmenté. Pourquoi alors ne pas avoir, comme certains le demandaient, repoussé sa mise en oeuvre et pourquoi avoir décidé ensuite des suppressions de postes ? Vous saviez que la fusion ne serait pas simple. Mariage d'institutions différentes, avez-vous dit. Or les mariages forcés sont toujours difficiles au début. Parfois, sur la durée, ils se passent bien - ce serait le cas ici, selon vous. Je l'espère...

Vous annoncez de nouvelles suppressions de postes, sans que l'on soit fixé sur le statut exact de Pôle emploi. Votre collègue, M. François Baroin veut en tout cas soumettre Pôle emploi à la RGPP ! Comment les agents auront-ils dans ces conditions plus de moyens pour travailler ?

Comment prenez-vous en compte les risques psycho-sociaux ? Le rapport du Conseil économique, social et environnemental, tout comme certains comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), soulignent que le problème est bien réel. Croyez-vous résoudre quoi que ce soit avec une simple ligne d'écoute ?

Le chômage, après quelques mois de baisse, a augmenté en mai. Que faites-vous pour lutter contre la désindustrialisation ? Un site de Siemens va fermer à Grenoble, victime d'une délocalisation, et des emplois sont supprimés. Pourquoi ne menez-vous pas une vraie politique contre les délocalisations ? Ces entreprises traditionnelles comptent de nombreux salariés de plus de cinquante ans, difficiles à reclasser.

Pôle emploi prescrit plus de formations qu'auparavant, dites-vous. Mais lesquelles ? Sont-elles diplômantes ou adaptées à un emploi précis ? La préparation opérationnelle à l'emploi (POE) relève à mon avis de la responsabilité de l'entreprise qui recrute. Il faut aussi clarifier les partenariats et négocier au sein de Pôle emploi sur la classification des métiers qui est une question importante pour les agents.

M. Serge Dassault . - Pôle emploi est centré sur la recherche d'activité professionnelle pour ceux qui ont été licenciés, qui ont une formation, des compétences, une expérience. Les missions locales, elles, s'occupent des jeunes qui n'ont jamais travaillé, qui traînent dans les rues et font parfois des bêtises. Et elles rencontrent bien des difficultés, car elles ne reçoivent pas de dotations substantielles de l'Etat, seulement quelques subsides attribués par les collectivités territoriales. Certains jeunes ne savent pas travailler, parce que personne ne leur a appris. Monsieur le ministre, devant la commission des finances, vous aviez dit que le budget de l'emploi augmenterait de 3 milliards d'euros : ne peut-on en attribuer une petite fraction, 100 millions par exemple, aux missions locales, qui paient des permis de conduire, assurent aux jeunes des formations pratiques, afin que ceux-ci rentrent dans le circuit normal et soient à l'abri de la délinquance ? Pôle emploi et les missions locales sont complémentaires. On aimerait s'en rendre un peu mieux compte dans le budget !

Mme Christiane Demontès . - Centralisation au moment de la fusion, mais plus en sortie de crise : pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ? Vous avez évoqué la personnalisation des parcours dans la nouvelle convention : quelles directives seront-elles données à Pôle emploi à propos de la gestion des radiations ? Au moment du vote de la loi sur la fusion, on allait répétant que les deux métiers ne feraient plus qu'un. Or partout où nous sommes allés, on nous a affirmé qu'il y avait bien deux métiers à Pôle emploi. Qu'en est-il exactement ? Enfin, quel est votre point de vue sur les partenariats noués par Pôle emploi, et notamment sur ses rapports avec les opérateurs privés de placement ?

Mme Nicole Bonnefoy . - Pour « redoubler d'efforts » comme vous le souhaitez, monsieur le Ministre, quels moyens humains prévoyez-vous ? La surcharge de travail est telle que chaque conseiller suit un portefeuille de 150 à 300 demandeurs d'emploi. Et pourtant l'on supprime des postes !

M. Charles Revet . - La fusion de l'ANPE et des Assedic relevait du bon sens. Sur le terrain, j'observe que les entreprises qui ont besoin d'un pâtissier ou d'un maçon n'en trouvent pas, malgré le nombre élevé des chômeurs. Pôle emploi devrait pouvoir recenser les besoins et proposer des formations plus pointues

Mme Annie David . - Qualifiantes !

M. Xavier Bertrand, ministre . - Les effectifs de Pôle emploi sont passés de 42 531 ETP avant la fusion à 47 200 en 2010 et 45 400 en 2011, soit plus qu'avant la fusion, contrairement à ce qu'on entend dire. Un renfort particulier a été organisé pendant la crise, il n'avait pas vocation à perdurer. J'ai tout entendu sur les effectifs, mais que l'on cherche à tromper ou que l'on se trompe, la réalité est là !

Il faut comparer ce qui est comparable, et, pour comparer à missions comparables les dotations française, britannique et allemande, il faudrait ajouter tout le personnel et tous les moyens humains mis en oeuvre dans les collectivités locales...

M. Claude Jeannerot , président . - L'IGF l'a fait.

M. Xavier Bertrand, ministre . - Je le sais. Cependant, quand on procède aux corrections nécessaires, la France se retrouve au niveau de la Grande-Bretagne, et loin de l'Allemagne parce que celle-ci assigne également à son service public de l'emploi une mission d'accompagnement social. Les Jobcentres anglais effectuent une partie des missions de la caisse d'allocations familiales (Caf). Il faudrait pour la France consolider une partie des dépenses des Caf, voire des centres communaux d'action sociale. Tout le monde était tétanisé par le rapport de l'IGF, qui ne fait pourtant que montrer ce qu'affirmait M. Jean-Paul Alduy : la question de la performance a trop été laissée de côté, et cela était déjà le cas avant la fusion. On s'est focalisé sur les process , mais le nombre d'indicateurs imposés à Pôle emploi relève de la pure folie, cinq indicateurs principaux déclinés chacun en dix indicateurs secondaires. Quel temps perdu à les remplir ! Il faut libérer le temps des agents.

Les moyens sont plus importants qu'avant la fusion. La vraie question est la mesure de la performance, et je veux dire à M. Serge Dassault ce que j'ai répondu à l'Assemblée nationale cet après-midi, à savoir que le budget des missions locales cette année est rigoureusement le même que l'an dernier. C'est celui voté par les parlementaires, à quoi s'ajoutent 3 millions d'euros débloqués pour des actions particulières par le ministère du travail, ainsi que 30 millions de contribution décidée par les partenaires sociaux. Nous avons pris le temps de regarder comment améliorer le taux d'insertion des jeunes par les missions locales, qui varie entre 18 % et 62 %. Il est forcément moins bon dans un territoire qui compte trois zones urbaines sensibles, mais à 18 %, l'on peut progresser un peu. Derrière la logique de la performance, il y a des jeunes qui trouvent un emploi. Les missions locales ont un meilleur retour sur investissement que d'autres opérateurs - souvenez-vous du débat entre contrats d'autonomie et contrats aidés avec accompagnement par les missions locales, dont nous voulons conforter le rôle.

Mme Christiane Demontès m'a interrogé sur les deux métiers de Pôle emploi : l'objectif était de rendre 20 % des agents polyvalents, ce qui ne me paraît pas incongru. En revanche, il n'a jamais été question d'aller à 100 %.

J'en viens aux radiations : je l'ai dit aux administrateurs de Pôle emploi, ce n'est pas grâce aux radiations que nous ferons baisser les chiffres du chômage. Cela dit, il y a des règles à respecter : lorsque tel n'est pas le cas, le demandeur d'emploi est radié, et s'il respecte ensuite les règles, il est réintégré. D'ailleurs, il n'y a pas d'évolution notoire des chiffres des radiations. S'il en allait autrement, faites confiance aux agents de Pôle emploi et aux partenaires sociaux pour le faire savoir.

Vous m'avez également interrogé sur les risques psychosociaux : un plan d'action a été élaboré, mais les syndicats n'ont pas voulu le signer. Des niveaux d'alerte ont été définis et une ligne d'écoute est en place pour prendre en compte les problèmes de détresse.

Mme Annie David . - Une ligne d'écoute, c'est bien, mais il faudrait faire plus !

M. Xavier Bertrand, ministre . - Que faites-vous du plan d'action ?

Mme Annie David . - Il n'a pas été signé par les syndicats !

M. Xavier Bertrand, ministre . - Il a quand même été mis en oeuvre : je préfère un plan, même unilatéral, à une absence de plan. Les risques psychosociaux posent un problème de santé publique, mais sont aussi un sujet de société. Il faut que les entreprises comprennent qu'elles peuvent toutes être concernées.

Je n'ai jamais fait de visite traditionnelle à Pôle emploi : à chaque fois que je me suis rendu dans des agences, j'ai été voir les agents et je leur ai demandé si nous pouvions leur simplifier la vie. Plusieurs d'entre eux se plaignent de la durée des entretiens : trente minutes, c'est parfois trop court. Ils ne peuvent se permettre de déborder car ils ont un portefeuille de demandeurs d'emplois à gérer et d'autres rendez-vous les attendent. Je suis persuadé que certains demandeurs d'emploi n'ont pas besoin de rendez-vous réguliers, ce qui permettrait d'accorder plus de temps à ceux qui en ont vraiment besoin. En même temps, je pense qu'un entretien en face à face doit être de droit pour ceux qui le demandent.

J'en viens aux métiers en tension. Les agents perdent beaucoup de temps à trouver des formations pour ces métiers, d'autant que la plupart des offres de formations sont décidées au niveau régional et ne correspondent pas toujours aux besoins. Il faudrait donner un droit de tirage aux agences locales pour qu'elles ne dépendent pas des appels d'offres régionaux. En outre, ces agences n'ont pas de budget pour organiser des rencontres, notamment avec les employeurs ; elles doivent demander des crédits au niveau départemental ou même régional. Tout cela doit être simplifié.

Autre exemple de lourdeur administrative : quand il arrive à Pôle emploi, un demandeur d'emploi indique au conseiller dans quels secteurs d'activités il souhaite travailler. Or, le système informatique ne permet de cocher que deux cases. Si trois ou quatre secteurs l'intéressent, il ne sera avisé des offres d'emploi que dans deux secteurs. Ne croyez-vous pas qu'une réforme pratique s'impose ici, d'autant plus qu'elle serait facile à mettre en oeuvre ? De plus, il faudrait que le premier rendez-vous soit moins administratif qu'il ne l'est aujourd'hui et que la question de l'orientation soit abordée d'emblée.

La formation maintenant : à Rennes, le fonctionnement de la direction régionale de Pôle emploi a été décentralisé et chaque agence dispose d'un droit de tirage pour anticiper les demandes de formation. Je veux développer ce système sans attendre janvier 2012. J'ai obtenu l'autorisation du Président de la République et du Premier ministre de travailler en direct avec les sous-préfets, qui tiennent des réunions régulières pour inscrire Pôle emploi dans les territoires. Pour l'instant, l'organisation reste un peu institutionnelle et je souhaite qu'elle devienne plus opérationnelle.

M. le président Claude Jeannerot a dit que si la durée du chômage baissait d'un mois, 2,2 milliards seraient économisés. C'est vrai, mais un autre chiffre m'interpelle : aujourd'hui, le temps moyen pour satisfaire une offre d'emploi est de trente-trois jours. Si nous raccourcissions ce délai d'une journée, on compterait 10 000 chômeurs de moins.

Aujourd'hui, 250 000 offres d'emplois ne trouvent pas preneur alors que notre pays compte 2 680 000 chômeurs. C'est incompréhensible pour nos concitoyens ! En mars, Pôle emploi a publié une étude d'où il ressortait que 36,7 % des offres d'emplois étaient difficiles, longues et parfois impossibles à pourvoir. C'est sans doute dû à des problèmes de formation initiale, d'adaptation à l'emploi, mais parfois aussi de motivation.

Mme Annie David . - Et les salaires ?

Mme Nicole Bonnefoy . - Et les conditions de travail ?

M. Xavier Bertrand, ministre . - Comme nous sommes en sortie de crise, j'ai bien l'intention de faire appliquer la loi qui impose aux demandeurs d'emploi d'accepter un poste après deux offres raisonnables d'emploi : l'absence de motivation ne doit pas être un frein à l'emploi.

Je veux que tous les mois, nous examinions de près trois à cinq métiers en tension afin d'y ramener les demandeurs d'emploi. Je crois à la méthode de recrutement par simulation qui permet de faire abstraction du manque de diplômes ou d'expérience professionnelle. Or, nombre de chefs d'entreprise ne connaissent pas encore cette méthode et s'y intéressent pour peu qu'on leur en parle - je viens encore de le constater dans les Ardennes.

J'ai la ferme intention de faire passer le chômage en-dessous de la barre des 9 %, et les chiffres d'aujourd'hui ne remettent pas en cause ma détermination. Quand un chef d'entreprise s'installe dans une région, il veut être sûr de pouvoir trouver une main d'oeuvre qualifiée qui réponde à ses attentes. Les politiques, qu'ils soient de gauche ou de droite, devront aller vers une société du plein emploi. La gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC) et la gestion territoriale des emplois et des compétences (GTEC) devront rapidement se développer. Ainsi, la principale préoccupation de Total qui investit au Havre est de savoir si nous serons capables de former d'ici quelques années, des personnels en nombre suffisant pour satisfaire ses offres d'emplois.

Enfin, comme vous, j'estime que la politique du « zigzag » en matière de recours à la sous-traitance n'est pas de bonne méthode, car l'on perd en efficacité : Pôle emploi doit travailler en confiance avec tous ses partenaires.

Mme Nicole Bonnefoy . - Vous parlez de métiers en tension. Je veux vous parler de jeunes en tension : dans ma permanence, je vois tous les jours des familles qui me disent que leur fils, leur fille veulent se former en alternance mais que trouver un entreprise qui les accepte relève d'un véritable parcours du combattant. Il y a encore une heure, une mère me disait que son fils ne parvenait pas à trouver une formation en alternance.

M. Xavier Bertrand, ministre . - Quelle formation en alternance ?

Mme Nicole Bonnefoy . - Peu importe. En l'occurrence, il s'agissait d'un BTS.

M. Xavier Bertrand, ministre . - Mais quel BTS ? Certes, il y a 158 000 jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification mais combien de jeunes s'engagent dans des formations sans débouchés ?

Mme Nicole Bonnefoy . - Dans les métiers du bâtiment ?

M. Xavier Bertrand, ministre . - J'ai récemment visité en Savoie un centre de formation des apprentis (CFA) qui dispose de deux cents places vacantes : qu'attend Pôle emploi pour passer une convention avec le secteur du bâtiment et avec le CFA afin de former des demandeurs d'emploi pour ces métiers ? Je pense aussi à ce que j'ai fait dans un quartier difficile de ma ville, Saint-Quentin : j'ai réuni dans un centre social tous les services en charge de l'emploi et des agences d'intérim et nous avons réussi à procurer à quinze jeunes un emploi ou une formation qualifiante et quatorze autres sont en attente d'une réponse. Il faut faire du maillage au plus près du terrain.

Mme Nicole Bonnefoy . - C'est aussi ce que je fais.

M. Xavier Bertrand, ministre . - Et ça marche !

Mme Nicole Bonnefoy . - Pas toujours...

M. Xavier Bertrand, ministre . - On a trop tendance à parler du chômage en fonction des statistiques. Mais c'est surtout une lutte de tous les jours pour mailler le territoire. Et puis, les jeunes sont-ils prêts à affronter le monde du travail ? Enfin, il faut avoir le courage de dire aux jeunes de ne pas s'engager dans certaines formations qui n'offrent pas de débouchés.

M. Serge Dassault . - De nombreux jeunes qui cherchent un emploi en apprentissage ne trouvent pas d'entreprise prête à les accueillir. En outre, les jeunes qui ne trouvent pas de travail ne sont pas comptabilisés parmi les demandeurs d'emploi alors qu'ils sont oisifs et qu'ils traînent dans les rues. Vous devriez intégrer ces jeunes dans les missions locales.

M. Xavier Bertrand, ministre . - Contrairement à d'autres, mon budget n'a pas diminué par rapport à l'année dernière.

M. Serge Dassault . - Mais les conseils régionaux ne financent pas suffisamment les CFA, et les chambres de commerce font ce qu'elles peuvent. La formation professionnelle doit revenir dans les collèges : il faut un collège pour tout le monde, pas un collège unique.

M. Charles Revet . - Je crois beaucoup à la formation en alternance. Or les jeunes ont du mal à trouver des entreprises qui les accueillent. Ne faudrait-il pas revoir les conditions d'accueil de ces jeunes, d'autant qu'ils coûtent souvent plus cher à l'entreprise qu'ils ne lui rapportent, surtout la première année ? Il nous faut réfléchir au meilleur moyen d'augmenter le nombre des entreprises qui accueillent des apprentis.

M. Xavier Bertrand, ministre . - Pendant des années, la formation professionnelle a été le parent pauvre de l'éducation nationale.

Mmes Christiane Demontès et Annie David . - Cela a bien changé !

M. Xavier Bertrand, ministre . - Je me souviens encore de ce camarade de classe, quand j'étais collégien, qui allait être orienté vers un apprentissage en chaudronnerie et qui s'inquiétait de la réaction de ses parents. Je l'ai revu quelques années plus tard, et il avait bien réussi dans son activité professionnelle. Le regard porté sur ces formations, par les enfants, les parents et la société doit encore changer.

Par ailleurs, quand nous allégeons les charges, ce n'est pas pour faire des cadeaux aux entreprises mais pour compenser le temps passé à former les apprentis.

M. Claude Jeannerot , président . - Merci pour votre intervention, monsieur le ministre.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page