Audition de MM. Gaby BONNAND, président,
et Vincent DESTIVAL, directeur général,
de l'Unedic
(mercredi 13 avril 2011)

M. Claude Jeannerot , président . - Nous accueillons cet après-midi le président de l'Unedic, M. Gaby Bonnand, et son directeur général, M. Vincent Destival. Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Votre audition est importante à plus d'un titre : en premier lieu, vous avez été impliqués dans le déroulement des opérations de fusion avec l'ANPE dans la mesure où l'Unedic, avant la création de Pôle emploi, pilotait le réseau des Assedic ; aujourd'hui, l'Unedic demeure le principal financeur de Pôle emploi, avec lequel vous avez d'ailleurs signé une convention. Nous souhaiterions donc connaître votre point de vue sur la question des moyens et de la gouvernance du nouvel opérateur qu'est Pôle emploi.

M. Gaby Bonnand . - Je voudrais à mon tour vous remercier d'avoir invité l'Unedic à s'exprimer dans le cadre des travaux que vous menez sur Pôle emploi.

Concernant d'abord le déroulement de la fusion entre l'ANPE et le réseau des Assedic, je rappellerai d'abord que, dans l'exposé des motifs du projet de loi qui a organisé cette fusion, le Gouvernement a défini ainsi le sens de la réforme qu'il souhaitait entreprendre : « Le Gouvernement a décidé de mettre en place à partir des réseaux de l'ANPE et de l'Unedic un opérateur unique pour l'accueil, le placement, le service des prestations d'indemnisation et l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Il s'agit ainsi de passer à une nouvelle étape de la réforme du service public de l'emploi en capitalisant sur les acquis de ces dernières années » . Dès lors, un certain nombre d'éléments étaient actés dans la loi. L'Unedic et l'ANPE ont travaillé à la construction de l'opérateur unique qui a ensuite été dénommé Pôle emploi.

En outre, la loi faisait obligation à l'Unedic de travailler avec l'Acoss pour le transfert du recouvrement des cotisations. La loi indique que ce transfert devait avoir lieu le 1 er janvier 2012, au plus tard. Un décret a ensuite fixé cette date au 1 er janvier 2011.

La fusion a nécessité un travail considérable. Le réseau des Assedic, piloté par l'Unedic, était composé d'une trentaine d'organismes. Ils étaient initialement plus nombreux, mais depuis une dizaine d'années, l'Unedic avait entrepris une régionalisation de son réseau pour parvenir, à terme, à une Assedic par région. Pour réaliser la fusion, l'Unedic a travaillé dans le respect de la loi et a veillé à ce que les intérêts des entreprises, des salariés cotisants, des demandeurs d'emploi et des salariés des deux structures soient respectés. Elle a également veillé à ce que les Assedic aient les moyens de continuer à assumer leurs missions pour éviter toute rupture dans les services rendus aux demandeurs d'emploi.

Près de 15 000 salariés des Assedic et 30 000 agents de l'ANPE ont été transférés au nouvel organisme. Ont également été transférés des matériels, des locaux et des éléments immatériels, par exemple les applications informatiques que les Assedic et l'Unedic avaient développées.

Au moment de la création de Pôle emploi, l'ensemble des dispositions relatives au personnel, aux moyens et aux biens, nécessaires au fonctionnement du nouvel opérateur, étaient formalisées dans une convention de mise à disposition des biens et de transfert des créances et des dettes. Dès le premier jour, le service rendu par Pôle emploi a été opérationnel. Du point de vue de l'Unedic, aucune difficulté dans la mise en oeuvre du service, qui aurait résulté d'une préparation insuffisante, n'est apparue.

Cette priorité donnée aux aspects opérationnels a retardé le règlement de certains aspects financiers. Le principal d'entre eux a concerné le règlement d'un sujet identifié relativement tôt dans la préparation de la fusion, celui relatif à la dette sociale (provisions pour retraite et congés payés, notamment). Le sujet a été réglé après le recours à un expert au début de l'année 2010. L'avis de l'expert a permis de valider le principe du financement des dettes sociales par Pôle emploi à partir du financement apporté par l'Unedic au titre de sa contribution au fonctionnement de l'opérateur.

En 2010, le sujet de l'accès aux fichiers de l'indemnisation et de la « copropriété » de Pôle emploi et de l'Unedic sur ces fichiers a également été réglé, en garantissant aux deux institutions la capacité d'y accéder et de les faire évoluer pour l'exercice de leurs missions respectives. Il était important que l'accès aux fichiers, pour assurer les missions de Pôle emploi et les missions de gestion, d'évaluation et d'audit de l'Unedic, voit ses règles fixées. Nous avons donc conclu une convention dans ce domaine.

Concernant l'immobilier, une première mesure a consisté en la cession à Pôle emploi de quatre-vingts sites. La renégociation des baux est en cours. Les délais nécessaires à la définition du schéma d'implantation territoriale de Pôle emploi ont donné lieu à différentes approches successives. Aujourd'hui, Pôle emploi loue des locaux aux Assedic. Demain, certains locaux seront vendus, Pôle emploi ayant également des objectifs de construction ou de réaménagement de locaux.

Enfin, prévue dans la convention tripartite conclue entre l'Etat, l'Unedic et Pôle emploi, la dissolution du groupement d'intérêt économique (GIE) n'a pas encore eu lieu à ce jour. Certains aspects comptables incitent à recourir à un avis d'expert.

S'agissant des relations financières avec Pôle emploi, il existe une convention de trésorerie qui règle les modalités pratiques d'échange entre Pôle emploi et l'Unedic, plus particulièrement les règles d'affectation à un compte courant de la contribution de l'Unedic, égale à 10 % des sommes qu'elle collecte. Le produit de la collecte, qui est effectuée mensuellement, est placé sur un compte courant sur lequel Pôle emploi effectue des prélèvements, compte tenu de ses besoins de trésorerie à un moment précis. Ces modalités de la relation entre Pôle emploi et l'Unedic permettent une gestion optimisée de leurs trésoreries respectives, sans préjudice du financement de Pôle emploi qui conserve un fonds de roulement de l'ordre de 200 millions d'euros.

Est-il possible de constater une amélioration de la qualité des services rendus par Pôle emploi ? Pour répondre à cette question, il convient de signaler, en premier lieu, que l'opérateur a eu à affronter la plus grave crise économique depuis les années 1930, crise qui a eu pour effet d'augmenter considérablement le nombre de demandeurs d'emploi : 1 million de demandeurs d'emploi supplémentaires se sont inscrits entre la mi-2008 et 2010. Cet élément ne peut être ignoré au moment de dresser un bilan, même s'il n'est pas simple de distinguer les conséquences de la crise et celles de la fusion. Quoi qu'il en soit, la crise a eu un impact sur la mise en place de Pôle emploi puisqu'il a fallu, dans le même temps, construire le nouvel opérateur, à partir de deux institutions qui avaient des cultures d'entreprise affirmées et des personnels de statut différent, et rendre le service aux demandeurs d'emploi et aux entreprises notamment en matière d'indemnisation, d'accompagnement et de recherche d'emploi.

Avec ce contexte en toile de fond, il est possible d'évoquer un certain nombre de constats. Il n'est pas possible aujourd'hui d'affirmer que la qualité du service rendu s'est améliorée. J'en veux pour preuve un certain nombre d'indicateurs : le taux des premiers paiements en retard auprès des demandeurs d'emploi est passé de 6,1 % au quatrième trimestre 2009 à 8 % au quatrième trimestre 2010, contre 4 % en 2008 ; on constate donc que le taux de retard de paiement dans les indemnisations est plus élevé, même s'il reste marginal ; le taux de décisions prises dans les quinze jours se situe, en 2010, entre 79 % et 87 %, selon les mois, tandis que l'objectif est de 92 % ; les dossiers ne sont donc pas nécessairement traités dans un délai de quinze jours ; un autre indicateur porte sur les réclamations reçues en 2010, en forte augmentation par rapport à 2009 (+ 13 %). Les réclamations sont en revanche traitées dans des délais conformes. Elles concernent essentiellement l'indemnisation : 55 % d'entre elles sont relatives à la réglementation, 41 % aux délais de paiement. Ces indicateurs montrent que le service, en matière d'indemnisation, reste à optimiser. Je tiens à souligner que le taux de recouvrement, en revanche, n'a pas été affecté par la restructuration et son transfert à l'Acoss depuis le 1 er janvier 2011. Ce transfert se déroule même de manière plutôt satisfaisante.

Je voudrais ajouter quelques éléments sur le suivi de l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Vous savez que les partenaires sociaux y sont extrêmement attachés. En effet, plus l'accompagnement est efficace, plus le retour à l'emploi est rapide. A cet égard, chaque raccourcissement de la période de chômage est favorable aux finances de l'Unedic. De ce point de vue, nous nous montrons perplexes quant aux moyens dont dispose Pôle emploi pour accompagner les demandeurs d'emploi. Un premier problème porte sur le suivi mensuel personnalisé, qui est trop homogène. L'ensemble des demandeurs d'emploi n'ont pas des besoins d'accompagnement identiques. Il conviendrait de laisser davantage de marges de manoeuvre aux directions locales et aux agents eux-mêmes pour mieux adapter les services de Pôle emploi aux besoins des demandeurs d'emploi. En outre, les prestations réalisées par les opérateurs privés ne sont pas toutes à la hauteur des attentes. Le manque de bilan qualitatif dans ce domaine est regrettable. Le comité d'évaluation de Pôle emploi s'est toutefois saisi du sujet. Enfin, le nombre de demandeurs d'emploi suivis par agent est extrêmement élevé. Mme Christine Lagarde avait fixé, au moment de la fusion, un objectif de soixante demandeurs d'emploi suivis par conseiller. Or, les portefeuilles des agents sont aujourd'hui plus proches de 150 ou de 200 demandeurs d'emploi. Le rapport de l'inspection générale des finances (IGF), présenté avant-hier au conseil d'administration de Pôle emploi, procède à une comparaison avec l'Allemagne et le Royaume-Uni qui montre, à périmètre égal, d'une part, que le nombre d'agents dans le service public de l'emploi est moindre en France que dans ces deux autres pays, d'autre part, qu'il y a davantage d'agents dédiés au suivi des demandeurs d'emploi en Allemagne et au Royaume-Uni qu'il n'y en a en France.

J'en viens, à présent, à la place de l'Unedic dans la gouvernance du service public de l'emploi. Je souhaite, en premier lieu, rappeler l'attachement des partenaires sociaux à leurs prérogatives en matière de définition de la norme dans le domaine de l'assurance chômage. Je me félicite, à cet égard, que la nouvelle convention d'assurance chômage que nous venons de conclure ait été signée par quatre organisations syndicales et trois organisations patronales.

La création de Pôle emploi a favorisé une plus grande égalité de traitement dans l'accompagnement des demandeurs d'emploi : aujourd'hui, conformément aux orientations données par le législateur, touts les demandeurs d'emploi, qu'ils soient indemnisés ou pas, bénéficient du même accompagnement.

Cela étant, nous ne sommes pas aujourd'hui totalement satisfaits de la gouvernance du service public de l'emploi. Elle se confond en effet exagérément avec celle de Pôle emploi, ce qui est source de confusions. Par exemple, quand au conseil d'administration de Pôle emploi, l'Etat annonce des décisions prises par le législateur, ces décisions ne peuvent être discutées.

Il n'est pas contestable que l'Etat assume des responsabilités qui dépassent sa fonction de financeur de Pôle emploi : il exerce, plus largement, une fonction de pilotage des politiques publiques de l'emploi. Simplement, le fait que les décisions soient annoncées au conseil d'administration de Pôle emploi entraîne la plus grande confusion. Sans me montrer caricatural, j'indiquerai que le conseil d'administration ne maîtrise ni les ressources, ni les dépenses de Pôle emploi. Le système de gouvernance n'est donc pas simple.

Pour un fonctionnement satisfaisant, nous pensons, pour notre part, que la gouvernance doit se penser autour de trois instances liées entre elles. Nous pensons également que la renégociation de la convention tripartite qui lie l'Etat, Pôle emploi et l'Unedic donne l'occasion de « remettre à plat » la gouvernance. Je rappelle qu'il existe une commission de suivi de la convention tripartie, qui devrait être un lieu stratégique où l'Etat et l'Unedic, les deux financeurs, fixeraient les grandes orientations de Pôle emploi, dans le cadre défini par le législateur et l'exécutif. Or, la commission, qui doit en principe se réunir à deux reprises chaque année, ne s'est réunie qu'une fois depuis l'entrée en vigueur de la loi qui a organisé la fusion. Le président et le vice-président de la commission ont écrit à plusieurs reprises aux ministres concernés, qui n'ont jamais daigné réunir l'instance. M. Xavier Bertrand vient cependant de s'engager à la réunir dans les semaines qui viennent. Parallèlement, le conseil d'administration de Pôle emploi devrait s'attacher à la mise en oeuvre des politiques et des actions décidées par l'Etat et les partenaires sociaux. Enfin, le bureau de l'Unedic et ses services doivent apporter un appui à la mise en oeuvre, au contrôle et à l'évaluation de la convention d'assurance chômage.

J'évoquerai enfin les instances paritaires régionales, qui réunissent les organisations d'employeurs et les organisations syndicales. Leur rôle a été défini par la loi et par la convention tripartite. Elles sont chargées, d'une part, de veiller à la bonne application de la convention d'assurance chômage, d'autre part, de veiller à la mise en oeuvre des plans d'accompagnement des demandeurs d'emploi dans les régions. Elles assument, en outre, un rôle de recours pour les demandeurs d'emploi. Ces instances devraient être davantage mises à contribution qu'elles ne le sont aujourd'hui. Nous ne parviendrons pas en effet à traiter correctement le chômage si nous ne sommes pas en capacité de décentraliser les actions et d'être plus proches du terrain. L'instance paritaire régionale est la seule où les employeurs sont représentés. Il ne sera pas possible de travailler à des plans d'insertion et à des plans de formation des demandeurs d'emploi correspondant aux besoins des entreprises si nous n'y associons pas leurs représentants dans les territoires.

Pour terminer, je souhaite dire un mot du montant de la contribution financière de l'Unedic. Cette contribution s'est substituée aux sommes que l'Unedic consacrait auparavant aux dépenses actives d'accompagnement des demandeurs d'emploi. La somme que verse l'Unedic à Pôle emploi, égale à 10 % des cotisations qu'elle prélève, est cependant supérieure au montant des dépenses que l'assurance chômage consacrait, avant la fusion, à l'accompagnement des demandeurs d'emploi, puisque celles-ci n'atteignaient que 7,4 % des sommes collectées. Le montant de la contribution financière de l'Unedic nous paraît donc suffisant. J'ajoute que notre contribution atteint un montant d'environ 3 milliards d'euros, ce qui correspondait, en 2009, à 64 % du financement de Pôle emploi ; en 2011, cette somme correspond à 66 % du budget de Pôle emploi, ce qui montre que l'Etat s'est désengagé. J'achèverai mon propos en insistant à nouveau sur le fait que le cadre conventionnel qui régit aujourd'hui les relations entre l'Unedic et Pôle emploi doit être repensé, avec une gouvernance organisée autour des trois instances dont j'ai parlé précédemment.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur. - Vous avez évoqué la qualité du service rendu, en donnant des pourcentages précis, concernant notamment le nombre de décisions prises dans un délai de quinze jours. Vous avez indiqué que le pourcentage se situe entre 79 % et 87 %, selon les mois, tandis que l'objectif fixé est de 92 %. Cet objectif signifie-t-il que le taux était de 92 % avant la fusion ?

M. Gaby Bonnand . - Absolument.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur. - L'opérateur a donc régressé.

M. Gaby Bonnand . - Il n'est pas possible cependant de déterminer les causes de cette régression.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Il n'est pas possible d'affirmer si c'est la crise ou si c'est la fusion qui est à l'origine de la situation. Quoi qu'il en soit, ces chiffres sont importants car ils montrent que l'adaptation à la crise a été difficile.

Je souhaite revenir sur le problème de la gouvernance. Vous affirmez, pardon si je schématise, que l'Etat a profité de la fusion pour transformer une instance, le conseil d'administration de Pôle emploi, en un lieu de débat sur les politiques publiques de l'emploi alors qu'il aurait dû se limiter aux questions qui concernent l'opérateur. Pôle emploi est en effet un simple opérateur et non une instance de définition de la politique publique de l'emploi. Vous affirmez que le nouveau ministre, M. Xavier Bertrand, semble avoir pris conscience de la difficulté qui existe dans les méthodes de gouvernance et souhaite réunir la commission de suivi de la convention tripartite. Quand nous rencontrerons le ministre, nous l'interrogerons sur ce sujet pour aller plus avant dans la discussion.

J'ai cependant une question à vous poser, qui porte sur vos attentes vis-à-vis des réunions, qui pourraient être plus régulières, de la commission de convention tripartite. Quelles sont les questions dont vous n'avez pu débattre à ce jour qui pourraient être discutées demain, avec davantage d'efficacité, au sein de la commission ?

Vous avez également évoqué les instances paritaires régionales. Hier, nous avons effectué un déplacement en région parisienne, au cours duquel nous avons rencontré le directeur régional de Pôle emploi Ile-de-France. A titre personnel, j'ai eu le sentiment en allant sur le terrain, qu'il existe une vraie capacité de décentralisation et d'adaptation au territoire. En région parisienne, décomposée en quatre secteurs, j'ai vu une capacité d'adaptation aux spécificités de chaque secteur. Ce constat m'a semblé contredire votre vision quelque peu pessimiste de la capacité de Pôle emploi à se décentraliser pour s'adapter aux spécificités locales.

Mme Annie David . - Je ne reviendrai pas sur le sujet de la gouvernance, soulevé par notre rapporteur, qui mérite effectivement d'être approfondi. Je souhaite en revanche avoir des précisions concernant le GIE qui a été mentionné.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur. - Il s'agit du GIE créé avant la fusion.

Mme Annie David . - Absolument. Je souhaiterais également mieux comprendre le statut de l'Unedic aujourd'hui. Disposez-vous encore de salariés ou l'ensemble de vos salariés sont-ils passés sous la responsabilité de Pôle emploi ?

M. Claude Jeannerot , président. - Il conviendrait, en effet, que vous nous rappeliez, monsieur le président, les effets de la fusion sur l'Unedic, dont le réseau a été transféré vers Pôle emploi.

Mme Annie David . - Par ailleurs, vous avez mentionné certains retards et certaines réclamations. Nous ne savons pas s'ils sont dus à la fusion ou à la crise. Avez-vous des propositions à émettre pour tenter d'améliorer le fonctionnement de Pôle emploi, même si ce sujet relève davantage de Pôle emploi lui-même ? Enfin, en matière immobilière, vous nous avez parlé d'une convention de mise à disposition des biens et d'une renégociation des baux. Des ventes sont également en cours. Comment les opérations se concluront-elles réellement pour l'Unedic ? Vous vendez les locaux où vous logiez les Assedic par le passé et dont désormais vous n'avez plus besoin. Les vendrez-vous dans leur totalité ? En garderez-vous certains ? Et vendrez-vous nécessairement vos locaux à Pôle emploi ?

M. Alain Gournac . - Je souhaite prolonger la question du rapporteur sur la clarification de la gouvernance. Je m'interroge sur les effets que pourraient avoir les réunions que vous préconisez. Il est vrai que le ministre du travail, M. Xavier Bertrand, souhaite réunir la commission de suivi de la convention tripartite. Mais qu'en attendez-vous réellement ? Quel serait l'apport de ces réunions, alors que l'Etat cherche, selon vous, à se désengager ?

Par ailleurs, il était prévu initialement que chaque conseiller de Pôle emploi suive soixante demandeurs d'emploi. Actuellement, chaque conseiller suit entre 150 et 200 demandeurs d'emploi. Une réunion peut-elle être organisée pour réfléchir à la façon d'abaisser le nombre de demandeurs d'emploi par portefeuille ?

Enfin, vous étiez propriétaires de nombreux locaux. Devez-vous, à présent, vendre automatiquement vos locaux à Pôle emploi ? Vous nous avez également parlé de locations. Le montant des loyers a-t-il été fixé en fonction des prix du marché ?

M. Serge Dassault . - Je vous parlerai de financement. Je suis en effet rapporteur du budget de l'emploi au Sénat. Considérez-vous qu'un budget supplémentaire soit nécessaire pour assurer les missions de Pôle emploi ? Le Président de la République a indiqué récemment qu'il affecterait 500 millions d'euros supplémentaires à Pôle emploi. En avez-vous eu confirmation ? Comment les 500 millions d'euros seront-ils utilisés ? Pôle emploi embauchera-t-il par exemple du personnel ? Le Président a insisté sur le nécessaire suivi des demandeurs d'emploi pour leur trouver un poste. Il existe en outre une demande importante en matière de formation professionnelle. Je souhaite par conséquent obtenir de votre part quelques informations d'ordre financier.

M. Claude Jeannerot , président. - Je souhaite prolonger la question de ma collègue Annie David, qui me semble mériter une clarification. J'ai le sentiment en effet que nous avons besoin de vous entendre sur la question de la distinction entre le réseau des Assedic et l'Unedic. Pourquoi, plus fondamentalement, le choix de conserver l'Unedic a-t-il été opéré ? Nous aurions pu imaginer une fusion intégrant l'Unedic. Il doit en l'occurrence exister une série de raisons qui pourraient peut-être éclairer la question qui est posée.

M. Gaby Bonnand. - L'Unedic existe parce qu'une partie de la réglementation est issue de la négociation entre les partenaires sociaux. L'Unedic est aujourd'hui à l'assurance chômage ce que l'Arrco et l'Agirc sont aux retraites complémentaires. Historiquement, l'Unedic possédait son propre réseau de distribution constitué par les Assedic. Je rappelle que Monsieur Ortoli, dans un rapport daté de 1967, préconisait, plutôt que de créer l'ANPE, de confier le placement à notre réseau. Il ne remettait pas en cause l'Unedic mais souhaitait un opérateur unique. En tout état de cause, l'Unedic par le passé gérait à la fois le compromis passé entre organisations syndicales et organisations patronales concernant l'assurance chômage, réactualisé tous les trois ans, et son réseau d'indemnisation et de collecte. A présent, la loi précise que la fonction opérationnelle d'indemnisation est réalisée par Pôle emploi pour le compte de l'Unedic ; l'Acoss, quant à elle, assure le recouvrement pour le compte de l'Unedic. L'Unedic n'emploie plus que 110 personnes qui travaillent autour de quatre missions, une mission de réglementation, une mission de gestion financière, une mission d'évaluation de nos accords et une mission d'audit et de contrôle des processus qui permet de vérifier que les opérations réalisées par Pôle emploi sont équitables sur l'ensemble du territoire.

M. Vincent Destival . - Les sommes gérées par l'Unedic s'élèvent à environ 30 milliards d'euros. Les coûts de gestion par l'Unedic de ces 30 milliards d'euros atteignent une trentaine de millions d'euros chaque année.

M. Gaby Bonnand . - Pourquoi la fusion n'a-t-elle pas prévu l'intégration de l'Unedic ? Il s'agit selon nous d'une reconnaissance de l'apport des partenaires sociaux dans la construction de la norme. En cas de fusion entre l'Unedic et Pôle emploi, la norme n'aurait plus été fixée par les partenaires sociaux. Le législateur aurait pu décider que la norme devienne totalement législative, mais cela aurait alors remis en cause les règles de notre démocratie sociale. Même si l'Unedic est une petite instance, elle est essentielle dans le fonctionnement démocratique de notre pays.

En ce qui concerne nos attentes vis-à-vis de la commission tripartite, il s'agit de faire en sorte que les partenaires sociaux ne participent pas à des réunions simplement pour acter des décisions prises ailleurs. Le budget de Pôle emploi voté par le conseil d'administration ne permet de maîtriser ni les dépenses, ni les ressources, ce qui pose une vraie difficulté.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Quelles sont les décisions qui pourraient se prendre au sein de la commission tripartite ?

M. Gaby Bonnand . - Je suis pour ma part intéressé par les décisions à prendre au sein de Pôle emploi. Il s'agit en l'occurrence des questions que nous avons évoquées, par exemple la question de l'offre de services. Travaillons par exemple à savoir si le suivi mensuel personnalisé doit être effectué à Castres comme il l'est à Nancy. Est-il possible de laisser des marges de manoeuvre pour affecter du personnel au plus près des demandeurs d'emploi dans une agence davantage que dans une autre ?

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Ces questions ne sont-elles pas discutées au sein du conseil d'administration.

M. Gaby Bonnand . - Elles ne le sont pas de manière satisfaisante.

M. Claude Jeannerot , président . - Vos propos confirment ceux tenus par les représentants des organisations syndicales et patronales qui siègent au conseil d'administration de Pôle emploi.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Mais un débat au sein d'une commission palliera-t-il le mauvais fonctionnement du conseil d'administration ?

M. Gaby Bonnand . - Je souhaite simplement que les deux financeurs que sont l'Unedic et l'Etat puissent réfléchir ensemble au budget et aux objectifs de Pôle emploi. Je vous cite un exemple : nous venons de prendre une décision au sein de Pôle emploi qui, de mon point de vue, n'est pas de son ressort ; il existait une prestation baptisée allocation de fin de formation (AFDEF), versée aux personnes en fin de droits, qui permettait de prolonger leur indemnisation jusqu'à la fin de leur formation ; l'Etat l'a supprimée ; nous avons créé une autre prestation, la rémunération de fin de formation (RFF), financée pour moitié par le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Pourquoi une telle décision se prend-elle au sein du conseil d'administration de Pôle emploi ?

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - La décision devrait relever du dialogue entre l'Etat et les partenaires sociaux.

M. Guy Bonnand . - Je considère que le dialogue social doit se tenir dans un lieu autre que le conseil d'administration de Pôle emploi. J'ajoute que l'Unedic ne siège pas, en tant que telle, au conseil d'administration de Pôle emploi. Seuls y sont représentés les partenaires sociaux. J'y siège personnellement en tant que représentant de mon organisation syndicale. L'Unedic doit pouvoir participer à la définition des orientations de Pôle emploi, grâce à la commission tripartite.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Vous affirmez qu'elle est tripartite mais vous excluez Pôle emploi. Vous maintenez l'ambigüité.

M. Gaby Bonnand . - L'opérateur peut être présent sans avoir cependant une fonction identique à celle des deux financeurs. Pôle emploi reste un opérateur : sa mission consiste à mettre en oeuvre les décisions prises par l'Etat, à exercer les missions que l'Unedic lui confie et à appliquer les décisions prises en commun pour accompagner les demandeurs d'emploi. Le conseil d'administration de Pôle emploi doit simplement jouer son rôle de conseil d'administration de l'opérateur.

La convention tripartite fixe, par ailleurs, de nombreux objectifs relatifs aux moyens et aux méthodes mises en oeuvre. Les indicateurs qui en résultent donnent le sentiment que les personnes sur le terrain sont uniquement présentes pour « remplir des cases ». Dans les autres pays européens, les indicateurs sont plus orientés sur les résultats. Aujourd'hui, la négociation pour le renouvellement de la convention tripartite nous incite à réfléchir davantage à des indicateurs de résultats, plus ciblés, moins nombreux et qui puissent être évalués de façon plus certaine que les objectifs actuels.

M. Vincent Destival . - Je souhaite apporter d'abord une précision sur le GIE : il avait été mis en place lorsque nous travaillions sur la mise en commun d'un certain nombre d'actions entre l'ANPE et l'Unedic et servait à gérer les éléments communs concernant les systèmes d'information. Avant même la fusion, un travail de rapprochement et d'optimisation entre l'ANPE et l'Unedic avait donc été mis en oeuvre. Le GIE est à présent en cours de dissolution puisqu'il est intégré de fait à Pôle emploi.

En ce qui concerne l'immobilier, l'Unedic est propriétaire de l'ensemble des sites qui appartenaient auparavant aux Assedic. Quand les Assedic ont été dissoutes, leur patrimoine a été rapatrié vers l'Unedic. Quatre cents sites sont ainsi devenus la propriété de l'Unedic. Ce patrimoine, qui hébergeait les équipes des Assedic, est à présent loué à Pôle emploi pour permettre d'assurer la continuité de ses missions. Le montant des loyers a été négocié en 2009. Ensuite, Pôle emploi a mis en place une stratégie immobilière pour regrouper les équipes et a défini sa stratégie d'implantation. Pôle emploi libérera, par conséquent, un certain nombre de sites dans les mois et les années qui viennent pour s'implanter ailleurs. Dans le cadre de sa stratégie immobilière, Pôle emploi a cependant décidé de racheter à l'Unedic un certain nombre de sites : quatre vingts ont ainsi été rachetés l'année dernière. Il reste aujourd'hui environ 300 sites qui sont la propriété de l'Unedic. Une grande majorité d'entre eux sont loués à Pôle emploi et le resteront sans doute durablement. Néanmoins, l'Unedic n'a pas vocation à être un propriétaire immobilier tandis que, par ailleurs, elle affiche une dette d'environ 10 milliards d'euros. Le sujet des prochains mois consistera donc à valoriser ce patrimoine, dans des conditions qui permettent à Pôle emploi de continuer à assurer sa mission et qui nous permettent de réduire notre endettement.

M. Gaby Bonnand . - Pour répondre à M. Serge Dassault, j'indiquerai en outre qu'en raison de la confusion des instances, nous ne savons plus où sont prises les décisions, ce qui met chacun en porte-à-faux. Par exemple, les 50 000 contrats d'accompagnement vers l'emploi (CAE) supplémentaires qui ont été décidés et qui seront mis en place par Pôle emploi viendront compléter le budget voté initialement, qui était en diminution par rapport à 2010, 82 millions d'euros ayant été supprimés pour la gestion de l'allocation spécifique de solidarité (ASS) et 72 millions d'euros correspondant à l'absence de compensation du transfert des ex-psychologues de l'association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa).

Pour donner un autre exemple de la confusion des structures, quand l'ancien secrétaire d'Etat à l'emploi, M. Laurent Wauquiez, a lancé une grande enquête nationale sur la satisfaction des usagers de Pôle emploi, les administrateurs de Pôle emploi ont appris cette décision dans la presse ! C'est pourtant Pôle emploi qui a payé l'enquête, qui n'était pas prévue dans son budget. Nous devons veiller à ce que les responsabilités de chacun soient reconnues.

M. Claude Jeannerot , président . - Nous vous remercions, monsieur le président, pour la clarté de vos propos. Nous ne doutions pas de l'intérêt de cette audition, qui a permis de clarifier un certain nombre d'éléments. Merci également à M. Vincent Destival de vous avoir accompagné.

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