II. ASSURER L'AVENIR DE LA CONNAISSANCE DU PASSÉ : LES PROPOSITIONS DU RAPPORT

A. SE DONNER LES MOYENS DE SES AMBITIONS

1. Le financement de l'archéologie préventive : la priorité d'une réforme de fond

Par une lettre de mission en date du 4 juin 2010, le Premier ministre a chargé l'Inspection générale des finances (IGF) d'une mission relative au financement de l'archéologie préventive. L'objectif était de faire le bilan de la redevance d'archéologie préventive (RAP) et d'élaborer des propositions alternatives visant à pérenniser le financement.

Les dysfonctionnements décrits plus haut en matière de mise en oeuvre de la politique publique sont liés à un niveau insuffisant du rendement de la redevance auquel s'ajoutent :


• un champ d'application complexe (séparation de son assiette entre les opérations de construction et les autres aménagements, 42 faits générateurs) ;


• l'existence de deux filières de liquidation : une « filière urbanisme » pour les travaux soumis à autorisation préalable en application du code de l'urbanisme, pour lesquels la liquidation est effectuée par les services départementaux de l'équipement (DDT) ; une « filière DRAC » pour les travaux donnant lieu à étude d'impact en application du code de l'environnement, la liquidation étant alors effectuée par les DRAC (directions régionales des affaires culturelles) ;


• des exonérations nombreuses et larges : logements sociaux, logements réalisés par des personnes physiques pour elles-mêmes, lotissements et zones d'aménagement concerté (ZAC) hormis les constructions effectuées sur ces zones lorsqu'elles portent sur une surface hors oeuvre nette (Shon) inférieure à 1 000 m² ;


• une inadéquation entre les moyens affectés par l'Inrap et les besoins réels de diagnostics ;


• des difficultés liées à la gestion du FNAP par l'Inrap ;


• une déconnexion entre le paiement de la taxe et la prescription, cette dernière pouvant s'appliquer à des opérations non soumises à la redevance.

Lors de son audition le 1 er juin 2011, le directeur de cabinet du ministre de la culture avait évoqué les pistes de réforme envisagées mais devant encore faire l'objet d'arbitrages interministériels :


• une modification de la redevance actuelle s'appuyant sur un simple aménagement technique de nature à améliorer le rendement de la RAP ;


• la création d'une nouvelle taxe sur les mutations de terrains à bâtir. Ce scénario reviendrait à ajouter une part étatique à un impôt confié aux collectivités territoriales ;


• l'orientation d'une partie de la future taxe d'aménagement vers l'archéologie. Cette hypothèse concernerait la « filière urbanisme », l'autre filière étant maintenue avec quelques simplifications.

C'est cette dernière hypothèse qui a retenu l'attention de vos rapporteurs. Elle aurait le mérite de s'inscrire dans une réforme globale de la fiscalité de l'urbanisme adoptée dans le cadre de la loi de finances rectificative n° 2010-1658 du 29 décembre 2010. La nouvelle « fiscalité de l'aménagement » repose sur une taxe d'aménagement et un versement pour sous-densité, avec un objectif de simplification, de meilleure lisibilité et de lutte contre l'étalement urbain. La taxe d'aménagement succède ainsi à la taxe locale d'équipement (TLE), en regroupant également une dizaine d'anciennes taxes et participations d'urbanisme.

Un tel adossement consisterait en un relèvement du taux de la taxe d'aménagement afin d'affecter cette part à l'archéologie préventive. Elle permettrait d'élargir l'assiette en rendant acceptable la participation pour les « nouveaux payeurs », c'est-à-dire ceux qui ne paient pas la RAP actuellement mais doivent en revanche s'acquitter de la TLE.

Proposition n° 1 : Soutenir une réforme de la RAP permettant d'assurer un financement pérenne de l'archéologie préventive et suffisamment important au regard des besoins en matière de recherche.

Depuis plusieurs années, l'Inrap estime que pour assumer correctement sa mission en matière de recherche, le budget correspondant devrait être de 10 à 11 millions d'euros dans une hypothèse d'objectif de budget global de l'archéologie préventive à atteindre de 120 à 130 millions d'euros, 35 millions d'euros correspondant aux besoins du FNAP pour fonctionner correctement.

Dans le cadre d'une réforme de la RAP visant à pérenniser le financement de l'archéologie préventive, vos rapporteurs souhaitent que cet objectif soit confirmé afin que les efforts en matière de recherche puissent être envisagés sur une base budgétaire plus confortable et pérenne.

Proposition n° 2 : « Sanctuariser » un budget compris entre 10 et 11 millions d'euros suffisant pour la mission de recherche de l'Inrap.

Vos rapporteurs regrettent qu'à l'occasion des « sauvetages budgétaires » de l'Inrap, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche n'ait pas contribué au même titre que le ministère de la culture au travers des redéploiements de crédits. Cet effort unilatéral peut laisser naître un doute quant à l'importance de la mission de l'Inrap et à son rôle dans le domaine de la recherche.

Certes, le soutien du MESR ne se situe pas au niveau des opérations de diagnostic ou de fouilles. En revanche, il est paradoxal que la mission d'exploitation scientifique de ces opérations et de diffusion de leurs résultats ne soit pas considérée comme une raison suffisante d'une plus grande implication de sa part.

Interrogé sur ce sujet, le MESR rappelle qu'il n'a pas vocation à financer l'Inrap mais à exercer une tutelle visant à :

- assurer le bon exercice par l'établissement de ses missions de diagnostic et de fouilles, ce qui suppose un haut niveau d'expertise scientifique. Le MESR évoque donc l'adoption d'une politique scientifique propre à l'Inrap, « à distinguer d'une politique de recherche » ;

- assurer que les résultats des recherches archéologiques préventives puissent être exploités dans les meilleures conditions par les chercheurs des universités et des organismes de recherche. « La tutelle du MESR permet donc d'articuler les recherches archéologiques préventives et la recherche scientifique proprement dite, ce qui suppose, le cas échéant, d'associer les agents de l'Inrap à ces recherches une fois leurs missions d'archéologie préventive achevées ».

Cette description du rôle de tutelle laisse transparaître une certaine distance à l'égard de l'établissement public. En outre, compte tenu de la structuration des équipes de recherche en UMR, c'est-à-dire selon une approche segmentée de l'archéologie préventive, l'articulation revendiquée par le MESR ne peut être optimale qu'à la condition d'être relayée par une instance transversale. C'est précisément le rôle du CNRA dont les limites de fonctionnement ont été soulignées en première partie. Il s'agit donc de reconsidérer le rôle du MESR à la lumière d'un projet de renouvellement de la gouvernance en matière de recherche archéologique, et donc du Conseil national. Une telle réforme pourrait être le préalable à une réflexion relative à un investissement renforcé du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Proposition n° 3 : Prévoir une plus grande implication du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, notamment à travers une gouvernance renouvelée du pilotage scientifique.

2. Pérenniser les instances scientifiques incontournables
a) Réformer le CNRA et affirmer sa mission de pilotage

Vos rapporteurs ont commenté, en première partie du présent rapport, certains aspects du fonctionnement du Conseil national qui mériteraient d'être améliorés. Plusieurs pistes de réforme peuvent être proposées :

1) Une structuration en sous-commissions pour une plus grande efficacité

Le principe de fonctionnement du CNRA est celui de la séance plénière, réunissant l'ensemble de ses membres. Deux remarques peuvent être formulées à ce stade. Tout d'abord, en application des articles 7 et 8 du décret n° 2007-823 du 11 mai 2007 relatif au Conseil national et aux commissions interrégionales de la recherche archéologique, le CNRA peut déléguer ses attributions relatives aux agréments à une délégation permanente, présidée par le vice-président du Conseil et 9 autres membres (6 membres élus pour deux ans, le directeur de l'architecture et du patrimoine au ministère de la culture, le directeur de la recherche au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche). D'après les procès-verbaux transmis à vos rapporteurs, le CNRA n'a pourtant pas utilisé cette possibilité, les questions d'agrément ayant été traitées en séance plénière, prenant ainsi une place trop importante selon les témoignages recueillis. En outre, force est de constater que les quelques thèmes de fond abordés et ayant permis au Conseil de faire réellement avancer la réflexion de l'ensemble de la communauté scientifique, ont été traités par des groupes de travail venant présenter leurs observations et propositions en séance plénière. Aussi, compte tenu des remarques formulées sur le fonctionnement du CNRA en première partie, vos rapporteurs estiment que le Conseil national pourrait être structuré de façon permanente en sous-commissions. Elles pourraient être dédiées aux questions suivantes :

- les agréments ;

- le pilotage et la coordination des acteurs de la recherche.

L'accent devrait être mis sur les échanges ou objectifs communs pouvant mobiliser tant les chercheurs des UMR, du CNRS, que l'Inrap ou d'autres acteurs contribuant à l'exploitation des données scientifiques). Parallèlement à la carte archéologique nationale pourrait se dessiner une carte de la recherche archéologique, permettant de mettre en évidence les besoins sur certains territoires, les rééquilibrages nécessaires sur d'autres, afin que recherche et prescription puissent se faire de manière coordonnée sur l'ensemble du territoire . Si l'on reprend les critiques du professeur Chapelot évoquées en introduction, un tel processus d'analyse permettrait peut-être de mettre en évidence le fait que les connaissances dans le domaine de l'archéologie médiévale sont déjà bien avancées par rapport à d'autres domaines auxquels il s'agit de donner désormais la priorité (ce que plusieurs acteurs ont indiqué à vos rapporteurs). Le MESR pourrait jouer un rôle prépondérant dans ce cadre ;

- l'évaluation de la politique de prescription sur le territoire et l'analyse des travaux des CIRA .

Une telle commission permettrait au MCC de mesurer les évolutions de la politique publique, les difficultés de mise en oeuvre, et les nécessaires efforts de cohérence entre territoires.

L'existence de sous-commissions ne remettrait pas en cause l'existence des séances plénières du CNRA qui garantissent évidemment une approche transversale des questions de recherche . Le CNRA doit continuer de mobiliser toutes les compétences pour aborder l'archéologie sous toutes ses facettes. La structuration en sous-commissions doit en revanche permettre de réagir plus vite, de préparer de façon collégiale les différents travaux du CNRA afin que les orientations et avis soient validés ou les débats tranchés en séance plénière. De ce nouveau mode de fonctionnement pourrait naître un meilleur équilibre entre tous les sujets, afin que les questions d'agrément ne constituent plus l'unique - ou presque - sujet d'archéologie préventive traité au sein du Conseil national. En outre, une évaluation de la politique de prescription offrirait une vision plus précise des objectifs de recherche visés par l'archéologie préventive car il permettrait de réfléchir au lien entre le choix de la prescription et les résultats attendus.

2) Une évaluation systématique des avis des CIRA et un retour de l'appréciation du CNRA

Comme cela vient d'être évoqué, cette évaluation pourrait s'inscrire dans les travaux d'une sous-commission dédiée. Il ne s'agirait en aucun cas de mettre en place une structure d'appel des décisions des CIRA mais plutôt d'analyser dans des délais raisonnables les avis, afin de dresser un bilan clair de l'archéologie préventive en France. En outre, cela permettrait d'orienter de façon coordonnée la politique de publication pour laquelle les CIRA se prononcent. Cela permettrait éventuellement de remédier aux incohérences ou insuffisances pointées par l'enquête 18 ( * ) de 2007 sur les revues d'archéologie du territoire national, réalisée par le CPDRA (Comité des publications et de la diffusion de la recherche archéologique) : saupoudrage des financements, niveau d'analyse et d'interprétation trop faible des résultats d'opérations préventives par rapport à l'archéologie programmée, inadéquation entre la localisation des études et l'implantation des équipes.

3) Une transmission systématique des positions du CNRA

Les orientations scientifiques du CNRA doivent nourrir la réflexion des CIRA en vue d'une meilleure coordination de la mise en oeuvre de la politique de recherche archéologique. Par conséquent, il pourrait être utile, dans le cadre d'un CNRA réformé, de prévoir la transmission systématique, aux CIRA, de relevés de décisions ou de positions du Conseil national. Cette question de procédure pourrait avoir un effet d'entraînement positif instaurant un dialogue continu et irriguant de façon permanente la réflexion sur l'ensemble du territoire.

Proposition n° 4 : Renforcer la mission de pilotage de la recherche en réformant le CNRA pour un dialogue entre tous les acteurs de la recherche, une réflexion plus approfondie, une meilleure réactivité grâce à une organisation en sous-commissions et une évaluation permanente de la politique de prescription sur l'ensemble du territoire.

b) Donner aux CIRA les moyens de fonctionner correctement

Vos rapporteurs ont assisté aux travaux de la commission interrégionale de recherche archéologique du Centre-Nord, regroupant les régions Centre, Ile-de-France, Nord-Pas-de-Calais et Picardie, lors d'un déplacement effectué le 3 mai 2011 à Orléans. Ils ont pu apprécier l'investissement personnel et le sérieux des analyses établies par les différents membres de la commission ainsi que l'importance des échanges entre représentants du CNRS, de l'enseignement supérieur, de l'Inrap, du ministère de la culture, etc.

Les CIRA jouent un rôle clé car elles garantissent la légitimité scientifique et donc la crédibilité du régime de l'archéologie préventive . Elles sont la cheville ouvrière d'un système dont chaque étape vise à apprécier si l'état des connaissances de notre passé mérite que les opérations de terrain soient poursuivies, et si les rapports prévus par la réglementation sont suffisamment complets et pertinents. En effet, comme le prévoit l'article 17 du décret n° 2007-823 du 11 mai 2007 (récemment codifié à l'article R. 545-17 du code du patrimoine), la CIRA « procède à l'évaluation scientifique des opérations archéologiques et de leurs résultats. Elle examine pour chaque région le bilan de l'année écoulée et le programme de l'année à venir et formule toute proposition et tout avis sur l'ensemble de l'activité archéologique, y compris pour le développement des études et des publications ».

Compte tenu du nombre de dossiers à étudier et du temps nécessaire pour les préparer mais aussi pour les passer en revue collégialement, les membres des CIRA consacrent deux mois à temps plein à cette activité bénévole . Ils ne bénéficient pas de décharges d'heures dans leurs emplois respectifs et doivent notamment travailler très régulièrement le week-end afin de préparer les réunions se tenant en semaine.

Les témoignages recueillis sur le terrain montrent les limites du système actuel. La constitution des CIRA, par arrêté du préfet de la région dans laquelle la commission a son siège, est une tâche de plus en plus difficile tant cette responsabilité semble contraignante. Car en plus de requérir un investissement dans le temps très lourd, une telle nomination implique aujourd'hui de surcroît un investissement financier personnel. En effet, les membres des CIRA se voient appliquer des frais de remboursement de 60 euros, soit le taux maximal du remboursement des frais d'hébergement fixé pour les missions en métropole (article 1 er de l'arrêté du 3 juillet 2006 fixant les taux des indemnités de mission prévues à l'article 3 du décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'État). Un rapide tour d'horizon des tarifs hôteliers pratiqués dans les villes accueillant les réunions des 6 CIRA métropolitaines (Lyon, Orléans, Rennes, Dijon, Marseille, Bordeaux) suffit à mesurer le décalage entre ce taux de remboursement et les coûts réels supportés par ces bénévoles qui se voient contraints de payer « de leur poche » les différentiels.

Vos rapporteurs s'inquiètent de constater le manque de reconnaissance et de soutien de l'activité pourtant essentielle des membres des CIRA qui garantissent la légitimité scientifique de la politique d'archéologie préventive. Ils craignent que tous les passionnés ne s'essoufflent faute de moyens suffisants pour exercer dans des conditions acceptables cette activité bénévole .

Proposition n° 5 : Prévoir un mode de calcul de dédommagement des membres des CIRA à la hauteur de leur responsabilité.

3. Donner la priorité à la mutualisation
a) Mutualiser les bases de données : une urgence

L'Inrap et le MESR avaient indiqué à vos rapporteurs le souhait de voir l'établissement public répondre, avant le 12 septembre 2011, à l'appel à projets « équipements d'excellence » (EQUIPEX) s'inscrivant dans le programme « Investissements d'avenir » du Grand Emprunt national. En effet, sur les 35 milliards d'euros qui seront mobilisés, 21,9 milliards d'euros seront dédiés à l'enseignement supérieur et à la recherche.

Comme l'indique le site de l'appel à projets EQUIPEX, ce dernier vise à doter la France d'équipements scientifiques de taille intermédiaire (c'est-à-dire entre 1 et 20 millions d'euros) de qualité, qui pourront bénéficier à l'ensemble des domaines de recherche. L'utilisation d'équipements scientifiques régulièrement renouvelés, conformes aux standards internationaux, est en effet devenue dans la plupart des disciplines scientifiques une condition impérative de compétitivité au niveau international.

L'organisation du fonctionnement de l'équipement et de son accès, sa bonne articulation aux dispositifs existants, et le rôle structurant qu'il jouera pour la communauté scientifique concernée, ainsi que l'association de la recherche privée et ses retombées potentielles sont les critères pris en compte en complément de l'excellence et de l'ambition scientifique du projet. Les projets s'inscriront dans le cadre des priorités de la stratégie nationale de recherche et d'innovation.

Ce projet constitue une opportunité que l'Inrap doit saisir pour garantir une meilleure exploitation scientifique des travaux de l'archéologie préventive et faciliter la valorisation en offrant un accès plus performant aux bases de données existantes.

Proposition n° 6 : Encourager l'Inrap à répondre à l'appel à projets EQUIPEX afin que la mutualisation des bases de données puisse trouver un financement et devenir une priorité nationale en matière de recherche et d'innovation.

b) Mutualiser les efforts en matière de recherche

Vos rapporteurs ont été très attentifs à la question de l'utilisation du quota de jours-homme attribué à l'Inrap pour la recherche. Ils ont en particulier envisagé une clé de répartition différente des 17 000 j/h dont dispose aujourd'hui l'établissement public. En effet, le président de l'Association nationale des archéologues de collectivités territoriales (ANACT) comme celui du Syndicat national des archéologues professionnels, ont revendiqué un partage de ces jours au profit des opérateurs agréés, considérant que leurs contributions en matière de recherche dans le domaine de l'archéologie préventive était importante, de qualité, et méritaient ce soutien financier. La différence de traitement entre l'opérateur historique et les autres opérateurs a d'ailleurs été clairement abordée au cours de la réunion de la CIRA-Centre à laquelle vos rapporteurs ont assisté. En effet, dès que se pose la question d'une publication, celle du financement est immédiate. Un sentiment d'injustice était dès lors perceptible dans la mesure où cette question ne soulevait pas de difficulté pour les agents de l'Inrap alors qu'elle nécessitait de rechercher des financements avant de pouvoir valider l'option en ce qui concernait tout autre archéologue ou chercheur.

Vos rapporteurs ont souhaité creuser cette piste de partage en intégrant les contraintes suivantes :

- afin de ne pas fragiliser l'Inrap, un tel partage des jours-homme de recherche devrait se faire à l'occasion de l'augmentation du budget recherche découlant de la réforme de la RAP ;

- s'il paraît équitable de considérer une meilleure répartition du produit de la RAP en faveur de la recherche, il est en revanche primordial de veiller à ce que cela n'aboutisse pas à un phénomène d'éclatement supplémentaire des efforts de recherche. L'objectif de coordination et de mutualisation doit demeurer dans toute hypothèse de réforme.

Ces considérations ont ainsi amené vos rapporteurs à proposer une réforme consistant à allouer, sur le quota de l'Inrap, quelques jours-homme de recherche à des opérateurs agréés. Ce type de collaboration pourrait s'appuyer sur l'article L. 523-1 du code du patrimoine dont le dernier alinéa prévoit que « pour l'exécution de ses missions, l'établissement public peut s'associer, par voie de convention, à d'autres personnes morales dotées de services de recherche archéologique ». Ces conventions sont d'ailleurs déjà largement utilisées par l'Inrap pour des partenariats (la convention-cadre avec le CNRS en illustre la forme la plus approfondie) et rien n'interdit, puisque le code du patrimoine mentionne des « personnes morales », que d'autres conventions puissent naître avec les opérateurs même privés. La mention de l'existence d'un service de recherche archéologique est d'ailleurs une garantie contre les partenariats fragiles qui pourraient dépendre de trop petites structures. Ces conventions pourraient ainsi permettre d'envisager des projets scientifiques avec d'autres chercheurs issus de structures publiques (collectivités territoriales) ou privées sur la base d'une allocation équitable des jours-homme. L'Inrap aurait pour mission de piloter ces équipes polymorphes afin de garantir l'unité et la coordination indispensables.

La question de l'allocation de jours-homme nécessiterait évidemment une phase de validation des projets scientifiques qui pourraient être présentés par les services des collectivités ou par les opérateurs privés. La réflexion devra être affinée sur ce point avec les partenaires concernés, mais vos rapporteurs souhaitent formuler deux remarques à ce stade. Tout d'abord, compte tenu du rôle de coordination que jouerait l'Inrap, il paraît nécessaire que son conseil scientifique se prononce sur ces projets ou à tout le moins sur leur mise en oeuvre pratique. En revanche, compte tenu des tensions évoquées à plusieurs reprises dans le présent rapport, il paraîtrait indispensable d'associer le CNRA dans la procédure de sélection et de validation des projets. Non seulement cela permettrait de s'assurer d'une appréciation équitable des projets présentés, mais cela garantirait également une approche transversale de toutes les activités scientifiques archéologiques.

Vos rapporteurs estiment que, malgré de très probables réticences devant une telle proposition, ce mode de fonctionnement novateur pourra constituer une réforme-clé pour que les efforts de recherche ne soient plus dispersés comme aujourd'hui, pour que le dialogue de la communauté scientifique ne soit plus la grande victime de la concurrence prévalant dans le secteur des fouilles, et pour que la mission de service public scientifique confiée à l'Inrap puisse être menée selon une logique de respect et de reconnaissance de toutes les compétences qui font la richesse du monde de l'archéologie préventive.

Enfin cette nouvelle possibilité pourrait pallier les insuffisances soulignées par l'enquête de 2007 du CPDRA en matière d'archéologie préventive, avec un système similaire à celui des projets collectifs de recherche (PCR) existant dans le domaine de l'archéologie programmée. Ces projets sont jugés indispensables à la mise en commun des données disponibles sur un territoire ou un thème afin d'aboutir à leur synthèse. Environ 60 PCR sont validés par les CIRA chaque année.

Proposition n° 7 : Prévoir le développement de projets de recherche pilotés par l'Inrap qui intégreraient des personnels des services archéologiques territoriaux et des opérateurs privés agréés. Ces derniers pourraient alors bénéficier d'une allocation en jours-homme de recherche.


* 18 « Enquête sur les revues d'archéologie du territoire national », publiée par Direction de l'architecture et du patrimoine du ministère de la culture et de la communication, et menée par la CPRDA - Août 2007.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page