B. UNE COORDINATION NÉCESSAIRE AU NIVEAU TECHNOLOGIQUE ET INSTITUTIONNEL POUR ASSURER LA MOBILITÉ COURANTE

Les questions de billettique et d'information multimodale sont certes au coeur de l'intermodalité .

Or, celle-ci nécessite une coordination , et si, sur le plan technique , cette coordination apparaît évidente, c'est surtout au niveau des acteurs institutionnels concernés, au premier rang desquels les AOT, qu'elle est aujourd'hui nécessaire.

1. Du point de vue technique : développer des référentiels communs pour assurer l'interopérabilité des systèmes

Aujourd'hui, les enjeux des transports publics locaux se concentrent sur l'information multimodale, la tarification intégrée et la billettique unique.

Dans les années à venir, il conviendra surtout de s'intéresser à l'interopérabilité des systèmes d'un territoire à l'autre , non seulement au sein d'un même département, mais également dans des périmètres plus vastes. L'interopérabilité des systèmes billettiques et d'information multimodale (SIM) est étroitement liée à la mise en oeuvre de l'intermodalité entre systèmes de transports collectifs et plus largement des systèmes de déplacement (incluant bicyclette, covoiturage, auto-partage...).

L'interopérabilité concerne donc à la fois la mise en réseau des SIM et des systèmes billettiques .

Or, il existe aujourd'hui plus de quatre cents AOT sur notre territoire et environ soixante-dix systèmes billettiques, pour la plupart, non interopérables . L'interopérabilité billettique reste donc largement circonscrite aux aires urbaines, avec quelques extensions partielles au niveau régional, de surcroit basée sur des solutions techniques spécifiques qui n'autorisent pas une interopérabilité plus large.

A l'heure actuelle, il n'est ainsi pas possible d'envisager l'interopérabilité des différents systèmes billettiques français , les enjeux financiers étant en effet très lourds en raison de l'obsolescence des systèmes et leur nécessaire remise à niveau. Toutefois, les applications NFC en cours de déploiement, sur téléphone mobile ou sur carte bancaire, reconnues par les différents réseaux, sont susceptibles de modifier la donne rapidement.

La mise en réseau des différents systèmes d'information multimodale régionaux semble, en revanche, plus facile à moyen terme. Celle-ci est déjà une réalité chez certains de nos voisins européens : au Royaume-Uni par exemple, ou encore en Allemagne grâce la mise en réseau des différents systèmes régionaux de chaque Land. En France, le déploiement du SISMO dans le département de l'Oise s'est ainsi opéré dans le respect d'une charte régionale 66 ( * ) qui sert de référentiel technique commun pour la mise en place par chacun, des outils d'interopérabilité billettique et informations voyageurs.

Le développement de référentiels communs est essentiel car ceux-ci rendent notamment possible la création de titres intermodaux avec répartition des recettes entre les AOT . Dans cette perspective, un groupe de travail présidé par le GART pour le compte de l'Agence française pour l'information multimodale et la billettique (AFIMB) travaille actuellement sur le sujet de l'opportunité de la mise en oeuvre de titres interopérables entre différents systèmes de transport collectif, utilisables par tous les types de billettique.

Toutefois, l'intervention du législateur en la matière pose question . Demander à la loi d'imposer l'interopérabilité des systèmes ne paraît pas une solution optimale. Il est préférable d'emprunter la voie de la normalisation en évitant une approche trop uniforme de ces sujets afin de tenir compte de la libre administration des collectivités territoriales et des spécificités propres aux régions, départements, agglomérations, les AOT poursuivant des objectifs non convergents sur des échelles de temps différentes.

Votre rapporteur estime que l'interopérabilité est donc autant une question technique qu'une question de gouvernance . C'est pourquoi il recommande de missionner une structure susceptible de prendre en charge les questions d'interopérabilité se posant au travers des projets des collectivités.

Cette « autorité de l'intermodalité » garantissant l'interopérabilité des systèmes (billettique et d'information multimodale) des différentes régions doit donc être envisagée à l'échelon national, celui-ci représentant le niveau pertinent dans ce domaine. En effet, la normalisation est une compétence qui doit relever de l'État dans une matière où les enjeux sont désormais mondialisés et nécessitent d'élaborer une « position française » lors des négociations dans les instances internationales. Or, aujourd'hui cette position n'existe pas.

Toutefois si c'est bien à l'État de garantir la cohérence d'ensemble par l'élaboration d'une norme commune, cette autorité devra y associer les AOT, les experts et les entreprises .

Dès lors, celle-ci pourrait être envisagée sous la forme d'une agence sur le modèle d'une autorité administrative indépendante qui serait notamment chargée de mettre en place un cadre référentiel homogène et souple auquel les différents acteurs concernés auront intérêt à adhérer. Ses missions devraient regrouper à la fois celles de l'AFIMB 67 ( * ) et de la CNO3 (comité de normalisation des NTIC en matière de transport) 68 ( * ) . Elle serait également chargée de défendre les intérêts économiques français par l'élaboration d'une position commune sur ces sujets.

D'où la proposition suivante :

Proposition 1 : mettre en place une agence pour l'information multimodale et la billettique aux pouvoirs étendus, dotée d'un pouvoir de décision.

Votre délégation plaide donc pour une AFIMB aux pouvoirs étendus, qui ne soit plus seulement un simple service ministériel , mais une agence indépendante apte à intervenir auprès de tous les acteurs et dotée des moyens correspondant aux enjeux des systèmes de transports intelligents (ITS) dans les domaines de la billettique, du paiement et de l'information, qui en sont des aspects essentiels.

Face à une multiplicité de parties prenantes, il paraît, en effet, nécessaire de fédérer tous les acteurs du « pavillon français », de déterminer des démarches homogènes, de promouvoir des référentiels, des procédures, des bonnes pratiques qui servent les intérêts de tous les acteurs français, et en premier lieu ceux des voyageurs-citoyens-contribuables.

Il est indispensable de pallier les cloisonnements qui existent au travers de la multiplicité des systèmes d'information actuels et dont la compatibilité n'est pas assurée.

Il est également nécessaire de mettre en place des modèles de contractualisation, mais aussi de certification et de labellisation qui sous-tendent la diffusion de référentiels permettant l'interopérabilité.

Toutes ces actions ne peuvent être mises en oeuvre qu'à la condition qu'une agence nationale dispose de prérogatives élargies, légalement fondées .

Une telle agence devrait disposer d'une totale indépendance , à l'instar d'autres agences nationales du même type. Cette indépendance lui garantira un pouvoir de décision s'imposant à tous les acteurs. Sa création et son financement ne seront envisageables que par l'intervention du législateur. Il faudra, dès lors, fixer les objectifs assignés à cette agence : la mission d'analyser ce qui se passe effectivement dans les régions 69 ( * ) et formuler les recommandations puis prendre les décisions qui s'imposent afin d'assurer les conditions de l'interopérabilité des systèmes.

Le développement de référentiels techniques communs est un enjeu d'autant plus crucial pour notre pays que, dans ce domaine, il faut faire face à une concurrence internationale forte dans laquelle, déjà, des opérateurs étrangers détenant de l'information (Google et Apple par exemple, ou encore les opérateurs de téléphonie mobile) commencent à imposer leurs propres normes. Les enjeux ne sont donc plus seulement franco-français mais largement mondiaux si l'on pense aux incidences relatives au tourisme notamment.

Cette question de la mise en oeuvre de référentiels à l'échelon européen puis mondial est stratégique, car elle conditionnera l'interopérabilité des systèmes tant sur le plan de la billettique que sur le plan de l'information multimodale.

Au niveau européen par exemple, la directive européenne du 7 juillet 2010 70 ( * ) donne mandat à la Commission pour préparer des spécifications d'interopérabilité pour les systèmes qui seront déployés en Europe dans quatre domaines : information des voyageurs multimodaux ; informations liées à la sécurité routière ; appels d'urgence ; parcs de stationnement sécurisés pour les poids lourds. La Commission européenne poursuit par ailleurs ses études sur la billettique et travaille actuellement sur des scénarios de déploiement progressif de supports du type NFC.


* 66 Charte pour le développement de l'intermodalité des transports publics en Picardie, signée en mai 2009.

* 67 L'AFIMB (Agence française pour l'information multimodale et la billettique), est un service rattaché à la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) du ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement (MEDDTL). Elle a été créée en 2010 afin de promouvoir l'interopérabilité des systèmes et s'est dotée d'un comité d'orientation réunissant les acteurs du monde des transports : représentants des autorités organisatrices (GART, STIF), des opérateurs de transports (FNTV, UTP), des usagers (FNAUT), etc.

* 68 La CNO3, actuellement présidée par le GART, est l'instance légitime française qui intervient sur l'évolution des normes et solutions billettiques et sur les problématiques de l'information multimodale, dans le cadre d'enjeux mondialisés. Sous l'égide de l'AFNOR, elle est notamment chargée de la normalisation pour les questions de NTIC appliquées aux transports.

* 69 Auprès des syndicats mixtes de type SRU dont votre délégation propose la généralisation sur le territoire.

* 70 Directive 2010/40/UE du Parlement européen et du Conseil concernant le cadre pour le déploiement de systèmes de transport intelligents (ITS) dans le domaine du transport routier et d'interfaces avec d'autres modes de transport.

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