C. LA PROTECTION DES DROITS DES FEMMES

1. Faire progresser les droits des femmes dans le monde

Le rapport de la commission sur l'égalité et la non-discrimination repose sur un constat simple : les femmes accomplissent les trois quarts du travail dans le monde mais la plupart ne bénéficient pas d'une rémunération. Elles ne possèdent que 2 % du patrimoine mondial. A l'inverse, deux tiers des personnes situées en dessous du seuil de pauvreté sont des femmes.

Parmi les huit objectifs du Millénaire pour le développement mis en avant par les Nations unies, trois concernent directement les femmes : la santé, l'absence de violences et l'accès à l'éducation et à l'autonomisation.

Si la mortalité maternelle a diminué sensiblement - de l'ordre de 34 % par rapport à 2000 - elle reste tributaire de la mise en place effective dans certains États de planning familiaux. La violence à l'égard des femmes n'est pas, de son côté, suffisamment combattue : 603 millions de femmes vivent ainsi dans des pays dépourvus de protection juridique contre la violence domestique. Au delà de la violence domestique, les Nations unies estiment que 2,5 millions de personnes sont victimes de la traite d'êtres humains dont 80 % de femmes et d'enfants.

Mme Michelle Bachelet, ancienne présidente de la République du Chili et désormais Secrétaire générale adjointe des Nations unies, directrice exécutive d'ONU Femmes, est venue corroborer ce constat, indiquant que son ambition première était de protéger les droits de femmes parfois menacés par la crise économique.

Mme Bernadette Bourzai (Corrèze - SOC) a tenu, dans son intervention, à dénoncer ces menaces :

« Le Conseil de l'Europe, comme d'autres organisations internationales, milite régulièrement pour le respect de l'égalité de genre. Nous pourrions croire que la cause est entendue, notamment au sein de nos démocraties. Il n'en est rien pourtant. Si les droits de l'Homme ont une valeur quasi sacrée sur notre continent, ils se réfèrent encore et toujours à un être abstrait et asexué. Ils ne prennent pas totalement en compte la spécificité de la condition féminine et c'est grâce à un travail de longue haleine que nous parvenons à affiner notre conception des valeurs fondamentales. À cet égard, je note qu'il a fallu attendre 2011 pour voir notre Organisation adopter la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.

Malheureusement, un tel retard s'explique sans doute par le fait que cette violence fait partie des moeurs : le premier rapport d'ONU Femmes souligne que dans 57 pays analysés, des études sur la criminalité montrent qu'en moyenne 10 % des femmes ont été victimes d'agressions sexuelles, même si 11 % seulement d'entre elles osent en faire état.

Au-delà du cadre conjugal ou des atteintes classiques aux personnes, la violence sexuelle est même devenue une véritable arme de guerre, utilisée parfois contre les populations civiles afin de transmettre délibérément le virus du sida, avec pour objectifs la contamination forcée, le déplacement de populations et la terreur de communautés entières.

Le combat en faveur du droit des femmes est d'autant plus difficile que les victoires enregistrées peuvent être rapidement remises en cause. Le droit à l'interruption volontaire de grossesse est à la fois le symbole du féminisme, mais aussi de la fragilité des acquis obtenus dans la lutte en faveur des droits des femmes à disposer de leur corps. Rappelons que deux États membres du Conseil de l'Europe ont été condamnés par la Cour européenne des droits de l'Homme en raison des irrégularités observées dans la mise en oeuvre de leur législation en la matière. On observe, par ailleurs, ici et là, des tentatives des gouvernements et des parlements de restreindre les conditions d'accès à l'avortement.

Puisque l'excellent rapport de notre collègue Lydie Err insiste sur la dimension mondiale du problème, je tiens également à rappeler qu'au cours du premier semestre 2011, pas moins de 80 lois ont été adoptées par les États américains en vue de durcir ces conditions.

L'utilisation du contexte économique et budgétaire pour justifier ces tentatives n'est pas acceptable. Soyons clairs, aucune situation économique ne saurait justifier une atteinte au droit à l'avortement, sauf à considérer que les femmes ne sont in fine que des variables d'ajustement économique. De fait, considérer que le droit à l'avortement ne constitue pas un acquis est bien une porte ouverte à toutes les remises en cause : aujourd'hui les droits sexuels, demain les droits économiques et pourquoi pas les droits civiques ensuite. Je tiens également à souligner que le droit à l'avortement est aussi un enjeu de santé publique, n'en déplaise aux thuriféraires d'un ordre moral par essence dépassé.

Le Conseil de l'Europe doit jouer un rôle moteur dans ce combat en faveur du droit des femmes. Paraphrasant Louis Aragon, je conclurai par ces mots : la femme est l'avenir des droits de l'Homme ! »

Aux yeux de M. André Schneider (Bas Rhin - UMP) , de telles inégalités reposent encore sur des postulats archaïques :

« Je félicite chaleureusement la rapporteure Mme Lydie Err pour l'excellent rapport qu'elle a écrit sur la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes.

Il ne vous aura pas échappé que c'est un homme qui s'exprime sur ces questions et qui reste néanmoins un fervent partisan de la promotion d'une égalité réelle entre les hommes et les femmes.

Elisabeth Badinter, dans son ouvrage Qu'est-ce qu'une femme ? , montre que le débat philosophique qui avait animé Diderot et M me d'Epinay sur la nature de la femme à partir de la dissertation d'un obscur théologien est toujours d'actualité.

Si le philosophe et la romancière s'accordent pour ne pas différencier la nature de la femme de celle de l'homme dans ce qui pourrait apparaître comme les prémices d'un féminisme d'avant la lettre, la nature reste le prétexte explicatif, pour cet obscur théologien, pour justifier une réalité sociale se traduisant par une inégalité en droit entre les hommes et les femmes.

Ce qui pourrait apparaître donc comme une réalité d'un autre âge reste malheureusement largement toujours une explication répandue, celle d'une supposée nature inférieure des femmes.

Tant que cette explication perdurera, les politiques pour promouvoir l'égalité entre les sexes seront vaines !

Car c'est à la racine qu'il faut agir ! Extraire l'erreur de jugement qui consiste à penser que les différences physiques, aisément constatables, sauraient fonder une inégalité sociale.

Seules l'éducation et les politiques éducatives pourront combattre ces préjugés stupides !

Seules des campagnes d'information permettront de faire progresser les droits des femmes !

Seule la promotion de femmes à des postes visibles sera de nature à faire progresser le droit des femmes dans le monde ».

Le texte adopté par l'Assemblée incite les États membres du Conseil de l'Europe à renforcer les politiques de lutte contre les discriminations à l'égard des femmes. Un système mesurant l'impact économique des inégalités femmes-hommes devrait ainsi être mis en place. La participation à la vie politique des femmes et leur représentation devraient également être assurées.

Mme Arlette Grosskost (Haut-Rhin - UMP) , présidente de la délégation française, a tenu, dans son propos à souligner l'importance de l'accès des femmes aux fonctions électives :

« Je félicite chaleureusement la rapporteure, Mme Err, pour l'excellence de son rapport. Si je n'en approuve pas nécessairement toutes les conclusions, son économie d'ensemble me semble intéressante pour faire progresser les droits des femmes dans le monde.

J'apporterai néanmoins une réserve sur la problématique du genre. Le paragraphe 3 du rapport renferme une confusion qu'il me semble important de lever. La problématique du genre et celle de l'égalité homme-femme sont des problématiques qui se recoupent mais ne se rejoignent pas.

La notion de genre est à prendre en compte pour les questions relatives à la discrimination, mais non pour celles relatives à l'égalité homme-femme. Trop large, elle peut apporter une confusion, notamment dans les pays les moins avancés en termes de droit, ce qui serait préjudiciable à l'objectif du rapport : faire progresser les droits des femmes dans le monde.

Aujourd'hui, l'égalité homme-femme n'est toujours pas une réalité. C'est un combat à part entière, que l'on doit mener comme tel, car le plafond de verre n'est pas une construction de sociologue, c'est une réalité vécue quotidiennement. Quelles solutions proposer pour mettre fin à une situation vécue comme discriminatoire et injuste ? Peut-on considérer la discrimination positive comme une solution envisageable ? Si je reste réservée quant à sa mise en place, en particulier dans le champ du politique, cela ne signifie en rien qu'elle ne puisse pas être une solution concevable.

Promouvoir l'accès des femmes aux fonctions électives est en effet une mesure essentielle. L'identification des jeunes filles à des modèles visibles est le meilleur moyen de leur faire prendre conscience que le destin des femmes ne se résume pas au mariage et à la maternité : la participation aux décisions publiques leur est également ouverte. Mme Bachelet en est l'exemple vivant !

C'est par la voie de l'identification que les femmes pourront se libérer des schémas de pensée ancestraux. C'est par la promotion de modèles auxquels elles pourront s'identifier que l'égalité deviendra une réalité. Si les lois sur la parité en politique ont offert aux femmes des perspectives qu'elles n'avaient pas auparavant, leur mise en oeuvre est souvent faussée. Combien de partis politiques offrent des circonscriptions gagnables aux femmes ? Combien de partis les mettent en position d'éligibilité réelle lorsqu'il s'agit d'un scrutin de liste ? Combien de femmes sont placées en position de cache-sexe pour donner l'illusion que la loi est véritablement respectée ?

La discrimination positive n'est pas une panacée lorsqu'elle est détournée de ses objectifs premiers. Aussi l'hypocrisie qui la sous-tend doit-elle être dénoncée lorsqu'il s'agit de faire véritablement progresser les droits des femmes dans le monde. »

La mise en place d'un statut juridique peut notamment apparaître comme une priorité au sein des jeunes démocraties arabes, comme l'a souligné M. Rudy Salles (Alpes-Martimes - NC) :

« Je tiens à saluer l'excellent rapport de Mme Lydie Err sur la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes.

Il est parfaitement inacceptable qu'au XXI e siècle les femmes n'aient pas des droits équivalents à ceux des hommes.

Les traditions familiales, les facteurs historiques, les conservatismes religieux en sont les premiers responsables, mais pas uniquement.

La volonté politique, intacte, permet l'émancipation des femmes de leur condition, je dirais, même, qu'elle est la condition première de celle-ci.

Je prendrai l'exemple de la Tunisie. En Tunisie, le statut de la femme est le statut le plus avancé dans les pays du Maghreb. Pas uniquement parce que les femmes ont un haut niveau de qualification professionnelle, accèdent aux études supérieures, s'émancipent des tutelles patriarcales et familiales.

Ce statut avancé est la conséquence des lois votées par le Président Bourguiba qui ont défini un cadre juridique émancipateur que les femmes ont pu, dès lors, faire leur.

Sans ce statut émancipateur la femme tunisienne serait encore une mineure juridique, semblable à ces consoeurs de nombreux pays méditerranéens.

Les femmes tunisiennes ont, par ailleurs, été les premières à participer à la révolution tunisienne.

C'est pourquoi l'émancipation des femmes ne se fera pas sans le recours à des lois définissant un statut juridique équivalent à celui de l'homme.

Nous devons, dès lors, nous montrer vigilants à ce que le vent de la démocratie qui a soufflé sur les pays arabes soit également porteur d'un « Printemps des femmes ».

Il faudra observer avec attention le nouveau statut des femmes car ce n'est pas uniquement de leur avenir qu'il s'agit mais également de celui de la démocratie.

Le statut juridique des femmes devrait d'ailleurs être un critère à part entière de l'avancée démocratique d'un pays. Critère à la fois pour déterminer que le principe d'égalité est bien respecté mais aussi pour étudier comment il est mis en oeuvre.

Il n'y a pas que les jeunes démocraties qui devraient être étudiées à l'aune de ce critère. »

Le texte insiste également sur les garanties à apporter au bon fonctionnement d'ONU Femmes et du Fonds des Nations unies pour la population.

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