C. UNE COMPARAISON INTERNATIONALE PEU FAVORABLE

1. Les Etats-Unis : un modèle ?
a) Des conditions de mise sur le marché plus strictes, du moins en apparence

La réglementation américaine relative aux dispositifs médicaux est née en 1976, quinze ans avant la première directive communautaire. Elle s'est insérée parmi les missions de certification et de contrôle confiées par le législateur américain à la Food and Drug Administration (FDA), dont le périmètre d'intervention s'étend au quart des produits de consommation courante. Les dispositions relatives aux dispositifs implantables apparaissent plus contraignantes que le marquage CE, d'autant qu'elles sont plus anciennes : les dispositifs médicaux implantables ne sont en théorie autorisés qu'après des essais cliniques approfondis , destinés à démontrer non seulement la qualité de la fabrication et l'innocuité du produit mais aussi son efficacité.

Tout comme les directives européennes, la réglementation américaine distingue plusieurs classes de dispositifs médicaux selon le degré de risque qu'ils présentent. Ceux qui présentent le risque le plus élevé, sont en principe approuvés préalablement à leur mise sur le marché ( Premarket Approval - PMA ). Il s'agit d'un examen très poussé, fondé sur la démonstration de l'utilité du dispositif au terme d'essais cliniques réalisés par répartition aléatoire (« randomisés »). La procédure simplifiée - dite 510(k) - n'est censée s'appliquer qu'aux dispositifs moins risqués .

Classe de dispositifs

Procédure d'autorisation

Exigences cliniques

Type d'autorisation

Temps moyen d'obtention de l'autorisation

Exemples de dispositifs concernés

Classe I
(risque faible)

Exemption

Application des bonnes pratiques de fabrication (1) (emballage et étiquetage adéquats, enregistrement de l'établissement de production et du dispositif auprès de la FDA, production dans le cadre d'un système de qualité)

Présomption de conformité aux bonnes pratiques de fabrication

Entrée immédiate sur le marché

Pansements, abaisse-langue, scalpels

Classe II
(risque modéré)

Notification 510(k)

(à l'exception de certains dispositifs appartenant à la liste des produits exemptés)

En sus des exigences de bonnes pratiques de fabrication applicables aux dispositifs de classe I : contraintes spécifiques en matière d'étiquetage, de données précliniques justifiant le respect de normes d'efficacité obligatoires et éléments de surveillance après mise sur marché

Décharge ( clearance )

3 à 6 mois

Aiguilles chirurgicales, systèmes à rayons X, pompes

Essai pilote

Données précliniques


Dossier de demande d'autorisation de mise sur le marché soumis au CDRH (2) pour contrôle scientifique et clinique. Le CDRH détermine les paramètres d'évaluation clinique et transmet un avis à la FDA en vue de la décision d'autorisation

Autorisation de mise sur le marché

12 à 24 mois

Valves cardiaques, stimulateurs cérébraux, pacemakers

(1) Good manufacturing practices (GMP).

(2) Center for Devices and Radiological Health (Centre pour les dispositifs médicaux et la santé radiologique ; division de la FDA charge des dispositifs médicaux)

Source : David Gollaher, Simon Goodall, California Health Institute -
Boston Consulting Group, Competitiveness and regulation :
the FDA and the future of America's biomedical industry, février 2011

Deux considérations juridiques viennent néanmoins tempérer cette exigence :

- en application de la « clause du grand-père » les dispositifs médicaux présents sur le marché avant 1976 sont exemptés de toute autorisation car considérés comme remplissant les conditions nécessaires ;

- l'acceptation par la FDA de l'équivalence substantielle de dispositifs, à la demande de leurs fabricants, tend singulièrement à restreindre le champ du PMA . Dès lors que la démonstration de ce que le nouveau dispositif est « substantiellement équivalent » à un dispositif déjà commercialisé - le « predicate » - est accepté par la FDA, celui-ci peut être mis sur le marché au terme de la procédure 510(k), moins longue et beaucoup moins coûteuse 28 ( * ) . En cas de refus, le fabricant peut faire appel de cette décision auprès d'un « supervisor » .

On comprend mieux, dans ces conditions, pourquoi moins de 10 % des dispositifs médicaux sont mis sur le marché au terme de la procédure la plus contraignante, et pourquoi seulement 4 % des certifications selon la procédure 510(k) ont été accordées sur la base d'un dossier propre (et non par assimilation à un « predicate » ) au cours des cinq premiers mois de l'exercice budgétaire 2012 29 ( * ) ... L'apparition de défaillances postérieures démontre les conséquences de cette moindre exigence : la prothèse de hanche ASR XL Acetabular, fabriquée par DePuy et retirée en 2010, avait été approuvée selon la procédure 510(k). En outre, des observateurs se sont émus du fait que cette procédure permettait d'utiliser comme dispositifs de référence certains produits retirés du marché en raison de problèmes de fonctionnement ou d'absence de service rendu.

Au nom de la perte de chance liée au retard observé dans l'autorisation des nouveaux dispositifs médicaux de classe III aux Etats-Unis par rapport à l'Union européenne, tant les industriels que les parlementaires qui se font l'écho de leurs préoccupations mettent en avant l'excessive lenteur de la FDA. A leurs yeux, la procédure PMA est trop tournée vers l'impératif d'assurer la sécurité des patients.

Mais la mise à disposition effective des dispositifs plus risqués traduit à la fois le temps mis à autoriser leur mise sur le marché et le délai nécessaire à l'acceptation de la prise en charge de leur remboursement. De l'avis unanime des interlocuteurs de la mission, ce délai est bien moindre aux Etats-Unis qu'en Europe, en particulier en France. Les nouveaux dispositifs seraient en définitive disponibles auprès des patients au terme d'une période de durée équivalente des deux côtés de l'Atlantique.

Les industriels plaident pour un juste équilibre entre impératifs de sécurité d'une part, et diffusion de l'innovation du service rendu aux patients, d'autre part. D'autres intervenants, notamment les associations de consommateurs, sont davantage sensibles aux préoccupations de sécurité et dénoncent la légèreté des règles actuelles : comment accepter qu'une prothèse de hanche puisse être considérée comme un produit présentant un risque modéré ?

L'existence d'une agence fédérale garantit une uniformité des mécanismes d'autorisation sur l'ensemble du territoire des Etats-Unis. Du point de vue américain, c'est la très grande hétérogénéité du système européen qui apparaît la plus frappante : le travail des organismes notifiés serait très inégal et se fonderait sur des procédures internes mal connues. Alliée à l'absence de véritable contrôle de ces organismes notifiés, la procédure européenne contribuerait à faire de l'Union européenne un champ d'expérimentation de la recherche américaine. Les industriels que la mission a rencontrés ont d'ailleurs confirmé une fuite de la recherche vers l'étranger, notamment vers l'Europe.

b) Des mécanismes de surveillance contraignants et bientôt renforcés

Le système de matériovigilance ( Medical Device Reporting ) fait peser une charge importante sur le fabricant. Il doit garantir la traçabilité de son produit, c'est-à-dire pouvoir retrouver la première personne échappant directement à son contrôle, soit le plus souvent le distributeur avec qui il entretient des relations contractuelles. Il doit également pouvoir suivre le dispositif médical jusque chez le patient ( « tracking » ). Le signalement des défauts de fonctionnement et événements indésirables graves voire mortels lui incombe, même si d'autres acteurs peuvent l'effectuer.

Schéma de déclaration des événements indésirables graves aux Etats-Unis

Fabricant

Action corrective

5 jours ouvrables

Déclarations volontaires

Mort, événement indésirable grave, mauvais fonctionnement

Etablissement
de santé

Mort, événement indésirable grave

10 jours ouvrables

Mort, événement indésirable grave, mauvais fonctionnement

30 jours calendaires

Importateur Distributeur

Mort, événement indésirable grave, mauvais fonctionnement

30 jours calendaires

FDA

Source : mission d'information du Sénat sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique

La section 522 du Federal Food, Drug and Cosmetics Act permet à la FDA d'exiger du fabricant la conduite d'études cliniques après mise sur le marché dès lors que le dispositif obéit à l'un des quatre critères suivants :

- sa défaillance pourrait avoir une conséquence importante en termes de santé du patient ;

- le dispositif est beaucoup utilisé en pédiatrie ;

- il est conçu pour être implanté pour plus d'un an ;

- il a une incidence vitale pour le patient.

Ce système va donc bien au-delà d'une simple surveillance passive. Il permet à la FDA de conduire des contrôles sur place inopinés ou non, sous réserve de respecter certains critères, liés par exemple à l'enregistrement de plaintes faisant suspecter un danger grave. Les inspections de routine ainsi que celles réalisées dans le cadre de la PMA ou d'un suivi de conformité après délivrance d'une lettre d'avertissement ( warning letter ) sont toutefois annoncées cinq jours à l'avance.

Les registres constituent l'autre modalité de surveillance après mise sur le marché. Les Etats-Unis ont acquis une certaine expérience en ce domaine. Intermacs ( Interagency Registry for Mechanically Assisted Circulatory Support ) est un registre des patients ayant reçu un système d'assistance circulatoire mécanique après un accident cardiaque 30 ( * ) . Il comporte un grand nombre de données par patient et est parfois présenté comme un modèle du genre. Les Etats-Unis ont d'ailleurs récemment proposé à tous les centres de transplantation cardiaque, au niveau international, de se joindre à cette banque de données, à travers le registre Imacs ( ISHLT Mechanically Assisted Circulatory Support ). Mais tous les registres ne peuvent atteindre ce niveau de détail, ne serait-ce qu'en raison du coût de leur mise en oeuvre. De plus, leur mise en place se heurte à la même difficulté qu'en Europe : en l'absence de standardisation, il est très difficile de collecter les données. Chaque fabricant, chaque spécialité médicale, chaque établissement de soins dispose de son propre système de référencement, sans lien entre eux.

Lier le remboursement des dispositifs médicaux à leur traçabilité constitue une voie intéressante. Mais l'expérience américaine incite à la prudence car les registres sous l'égide de Medicare , qui prend en charge tous les Américains de plus de soixante-cinq ans, sont l'exception. Le système d'assurance maladie, aussi puissant soit-il par le nombre des personnes couvertes, ne peut jouer le même rôle que celui qu'il tient en matière de médicament car les modalités de prise en charge de la dépense sont différentes. Comme en France, l'essentiel des dispositifs sont achetés par le praticien directement ; il se fait ensuite rembourser dans le cadre global qui correspond à l'acte médical accompli.

L'étude de grande ampleur relative aux implants mammaires (elle concerne près de cinquante-sept mille femmes engagées pour dix ans sur une base volontaire), actuellement menée par United BioSource Corporation, montre les difficultés et les limites de la tenue de registres. 1 026 sites sont concernés par cette étude, ce qui confirme la nécessité de l'exhaustivité. Prévue pour durer dix ans, cette étude n'en est qu'à sa troisième année mais moins des deux tiers des femmes ayant subi une augmentation mammaire et s'étant engagées dans ce suivi remplissent encore les données.


La réforme de la FDA : un pas supplémentaire sur la voie du contrôle
des dispositifs médicaux

Le 26 juin, le Congrès a adopté une loi visant notamment à renforcer la sécurité des patients dans le secteur des dispositifs médicaux, à la suite des récents scandales concernant des prothèses de hanche ou encore des défibrillateurs cardiaques. Les éléments les plus déterminants organisent une véritable réforme du système d'évaluation, de contrôle et de surveillance des dispositifs médicaux :

- la loi consacre le prolongement, pour la période 2013-2017, de taxes devant être acquittées par les fabricants de dispositifs médicaux ( « medical device user-fee » ), destinées à financer l'examen des demandes d'autorisation de commercialisation des dispositifs médicaux et à garantir leur sécurité et leur efficacité ;

- la FDA se voit confier la possibilité d'engager un processus plus rapide de reclassification des dispositifs médicaux, en fonction de l'évolution des techniques , en particulier en ce qui concerne les dispositifs présentant un degré élevé de vulnérabilité pour le patient afin de pouvoir renforcer, dans ce cas, les exigences d'évaluation et de contrôle applicables. Toute reclassification doit être justifiée sur la base d'informations, étayées sur le plan clinique, reçues par la FDA. Elle ne peut intervenir qu'après consultation de l'ensemble des parties prenantes, dont les fabricants. La reclassification peut également, en sens inverse, conduire à l'inscription d'un dispositif médical dans une catégorie présentant un risque plus modéré, ce qui devrait toutefois moins concerner les dispositifs jusqu'ici soumis à une demande d'autorisation de mise sur le marché ( « Premarket Approval » ) et pour laquelle les fabricants ont investi des sommes importantes en termes d'études cliniques préalables ;

- la loi a codifié une pratique de la FDA consistant à conditionner l'octroi d'une autorisation de mise sur le marché à la mise en place, par le fabricant, d'études de surveillance après mise sur le marché ( « postmarket study » ). En conséquence, des amendes pourront être infligées aux producteurs ne s'étant pas acquittés dans les délais de leurs obligations de suivi clinique des dispositifs après leur mise sur le marché ;

- les dispositifs médicaux sont désormais inclus dans la procédure « Sentinel Initiative » , outil de surveillance après mise sur le marché jusqu'ici essentiellement réservé aux médicaments. Toutes les informations concernant les événements indésirables sérieux liés à des dispositifs médicaux ont désormais vocation à nourrir le système d'identification et d'analyse des risques ;

- le suivi des procédures de retrait est considérablement renforcé . La loi exige la collecte d'informations permettant d'identifier les tendances en nombre et type de dispositifs retirés, les types de dispositifs au sein de chaque classe faisant le plus fréquemment l'objet de retraits et les causes des retraits. Des audits devront être conduits en vue de vérifier la mise en oeuvre effective des retraits ;

- les autorités fédérales sont autorisées à interrompre toute étude clinique susceptible de présenter des risques disproportionnés pour ses sujets, donnant ainsi au commanditaire de la recherche le temps nécessaire pour procéder à une réévaluation et à d'éventuels ajustements.

c) La transparence, instrument de régulation du système

Ce nouveau pas dans la surveillance devrait permettre de remédier aux faiblesses actuelles des règles relatives aux dispositifs médicaux. La transparence générale existant aux Etats-Unis contribue également à pallier la faiblesse des moyens à la disposition de la FDA pour effectuer des contrôles des mécanismes de suivi des dispositifs après leur implantation. La défaillance d'un dispositif médical peut être signalée par un patient mais aussi par un concurrent de son fabricant. Ces difficultés étant intégralement répertoriées sur le site de l'agence, un industriel peut utiliser ces signalements pour s'interroger sur les faiblesses potentielles de ses propres produits et leur apporter préventivement des améliorations. Une surveillance particulière du patient ou une modification du dispositif peuvent s'avérer plus appropriées que son explantation et son remplacement complet.

La question des conflits d'intérêts a également été résolue avec pragmatisme : partant du fait qu'un très petit nombre de professionnels sont spécialistes d'un dispositif spécifique et participent d'ailleurs souvent à son élaboration, les Etats-Unis ont rendu obligatoire la déclaration de ces liens ou conflits ( Sunshine Act ). Dès lors que ces liens sont connus, un spécialiste peut travailler avec qui bon lui semble, notamment dans les domaines dans lesquels tant praticiens que fabricants sont peu nombreux.


Le Sunshine Act : « la lumière du soleil comme le meilleur désinfectant
dans cet abcès qu'est l'imbrication entre médecine et industrie pharmaceutique »
31 ( * )

Disposition du Patient Protection and Affordable Care Act (loi sur la protection des patients et la garantie de soins abordables), le Physician Payment Sunshine Act ou Sunshine Act entend répondre à la question posée par un éditorial du New York Times en date du 20 janvier 2012, intitulé « Who Else is Paying the Doctor ? » (Qui d'autre paie le médecin ?). Il vise à garantir la transparence dans les relations d'intérêts entre médecins et producteurs de médicaments, de dispositifs médicaux ou de fournitures médicales, sachant qu'à l'heure actuelle, aux Etats-Unis, environ un quart des médecins perçoivent des versements de la part de l'industrie pharmaceutique ou des fabricants de dispositifs médicaux et les deux tiers acceptent des invitations à déjeuner.

Le Sunshine Act comporte deux volets : les fabricants ont l'obligation de déclarer auprès du ministère de la santé (Department of Health & Human Services) les paiements effectués à des médecins ; cette déclaration est rendue publique. S'il n'effectue pas la déclaration, le fabricant s'expose à de lourdes sanctions financières (jusqu'à un million de dollars en cas d'omission volontaire).

Les fabricants concernés doivent indiquer le nom et l'adresse du bénéficiaire ; le numéro d'identification de l'hôpital ou du praticien ainsi que sa spécialisation ; le montant du paiement ou autre transfert de valeur, ainsi que sa date et la nature précise du service fourni par le médecin et le produit qui fait l'objet d'une promotion par le médecin. Ils doivent également expliquer dans quel cadre cette somme a été versée (paiement d'une formation, invitation à un congrès...).

Sont également concernés par cette mesure tous les organismes appartenant à l'industrie et intervenant dans la production, la préparation, le développement, l'élaboration, la transformation, la commercialisation, la promotion, la vente ou la distribution de ces produits.

Le Sunshine Act est applicable depuis le 1 er janvier 2012 s'agissant des faits à déclarer. Les déclarations elles-mêmes ne seront obligatoires qu'à partir du 31 mars 2013.

Désormais , le Centers for Medicare and Medicaid Services (CMS) devra communiquer les informations tirées des déclarations d'intérêts via un site internet, qui, selon la loi, devra être interrogeable et compréhensible (« searchable and understandable ») , afin que le public puisse avoir connaissance des financements existant entre un médecin et un fabricant clairement identifié. Seront mentionnés, le nom du fabricant, le nom du bénéficiaire, l'adresse commerciale, le montant du paiement, la date à laquelle il a été fait au bénéficiaire et sous quelle forme.

A partir de 2013 et avant le 1 er avril de chaque année, le Secrétaire à la Santé et aux Services Sociaux (Health & Human Services Secretary, équivalent américain du ministre de la santé ) devra transmettre au Congrès les informations communiquées durant l'année précédente, agrégées pour chaque fabricant, ainsi que toutes les mesures coercitives prises pour exercer cette obligation de déclaration.

*

Plusieurs Etats ou universités avaient décidé d'encadrer les flux financiers entre l'industrie pharmaceutique ou des dispositifs médicaux et les professionnels de santé avant l'adoption du Sunshine Act. En février 2009, la Harvard Medical School avait fixé à 20 000 dollars (16 000 euros environ) le plafond annuel des sommes reçues par ses professeurs et chercheurs au titre de leur activité de consultant ou dans le cadre du financement d'une recherche.

Dans le cadre très particulier de l'utilisation de dispositifs médicaux, la transparence doit aussi être entendue comme un vecteur d'éducation à la santé. Car, en ce domaine plus que dans d'autres, les patients attendent la perfection et ne comprennent pas qu'un dispositif puisse ne pas fonctionner dans leur cas, pour des raisons propres, par exemple d'ordre génétique. Définir les moyens d'alerter le public sur les risques potentiels présentés par un dispositif donné est d'autant plus difficile que peu de patients sont capables d'identifier le problème qu'ils rencontrent. Le caractère parfois vital de ces dispositifs impose de bien réfléchir au message transmis au public, surtout si leur explantation n'est pas la seule option possible mais que les défaillances constatées se traduisent simplement par un suivi plus régulier.

Le dernier élément d'équilibre du système réside dans les possibilités de mise en jeu de la responsabilité du fabricant. Les conditions de mise en oeuvre d'une procédure d'action de groupe ( « class action » ) sont néanmoins très difficiles à remplir . D'une manière générale, la conduite de ce type de procédure dans les domaines du médicament et des dispositifs médicaux semble le plus souvent vouée à l'échec en raison de la jurisprudence de la Cour suprême issue des décisions « Amchem » 31 ( * ) et « Ortiz » 32 ( * ) . Le fait que chaque organisme humain réagisse de manière spécifique aux effets d'un dispositif médical rend difficile la démonstration d'un intérêt commun à demander réparation de préjudices dont la nature peut varier selon les plaignants. La justice américaine considère généralement que les « litiges de masse » ( « mass torts » ) concernant des dispositifs médicaux, ne sont pas éligibles à ce type de procédure.

En tout état de cause, la mise en oeuvre d'une action de groupe supposerait la démonstration de la faute du fabricant (par exemple, la communication de données erronées ou l'absence de déclaration d'événements indésirables à la FDA), à l'inverse du médicament, pour lequel un simple défaut d'information suffit. Pour la Cour suprême, l'approbation du dispositif médical par la FDA vaut présomption de bon fonctionnement, ce qui restreint singulièrement les possibilités d'action pour les victimes.

En décembre 2011, dans le cadre de l'examen en première lecture du projet de loi visant à renforcer les droits, la protection et l'information des consommateurs, le Sénat a adopté le principe de la création d'une procédure d'action de groupe « à la française ». Compte tenu des strictes limites existant aux Etats-Unis en matière de responsabilité médicale, ce pays ne pourra pas être cité comme un modèle à suivre en ce domaine, comme sur plusieurs dispositions essentielles du fonctionnement du marché des dispositifs médicaux .


* 28 220 050 $ pour la procédure PMA et 4 049 $ pour le régime 510(k) (respectivement 55 013 $ et 2 024 $ pour les petites entreprises, c'est-à-dire réalisant moins de 100 millions de dollars de chiffre d'affaires) ; les dispositifs à usage pédiatrique exclusif sont exonérés.

* 29 Selon la déclaration de Jeffrey Shuren devant la commission de l'énergie et du commerce (sous-commission de la santé) de la Chambre des Représentants, « FDA user fees 2012 : How innovation helps patients and jobs ».

* 30 Intermacs distingue événements majeurs (mort, transplantation, guérison et changement de dispositif) et événements indésirables (mauvais fonctionnement du dispositif, infection, saignement, dysfonctionnement neurologique, problème respiratoire...). Il permet, entre autres, d'évaluer plus rapidement les nouveaux dispositifs.

* 1 Charles Grassley, sénateur de l'Iowa, un des deux principaux auteurs et promoteurs du Sunshine Act.

* 31 Amchem Products, Inc. v. Windsor, 521 U.S. 591 (1997).

* 32 Ortiz v. Fibreboard Corp., 527 U.S. 815 (1999).

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